De la qualité de l’enseignement, il n’a pas été question!


Ainsi donc, une majorité de rechange s’est formée, en commission du Parlement de la Communauté française de Belgique (désolé, je conserve l’appellation officielle), pour rendre aux étudiant(e)s universitaires la possibilité de reporter, éventuellement jusqu’en fin de Masters, des cours dont ils (elles) n’auraient pas présenté l’examen au cours de leurs années de baccalauréat.

Je ne reviendrai pas sur les accusations politiciennes qui se sont échangées de gauche à droite, si ce n’est pour noter que la fièvre électorale s’est déjà emparée des partis associés, ou plutôt dissociés désormais, dans la majorité politique qui a constitué un gouvernement communautaire français.

Il y a toutefois des affirmations trompeuses qu’il appartient de démentir. Ainsi, quand Ecolo et le PS disent qu’ils n’avaient pas besoin du PTB pour faire passer cette réforme en commission, ils mentent par omission. Car en séance plénière, ils auront effectivement besoin des voix du parti populiste d’extrême-gauche pour faire passer cette réforme. Et qu’on le veuille ou non, ainsi que l’a démontré le journal qui, jadis, m’employait et ne me rémunérait pas assez à mon goût (expression humoristique et éculée), c’est bien le PTB qui avait été le premier à introduire une proposition de réforme du fameux «Décret Paysage», aiguillonné par la Fédération des Étudiants Francophones (FEF), dont les chiffres apocalyptiques sur le nombre d’étudiant(e)s qui risqu(ai)ent de perdre leur financement n’avaient aucune base sérieuse.

Ce qui est frappant, au cours de tout ce débat, c’est que la voix des autorités académiques a été ignorées, et surtout, qu’à aucun moment, le problème de la qualité de l’enseignement ne s’est posé!

À qui doit aller le bonnet d’âne dans cet épisode?

Et là, qu’on le veuille ou non, la situation de l’enseignement francophone est de plus en plus préoccupante, puisque, au fil des années, sa place se dégrade dans les classements internationaux, dont on peut contester les critères, mais qui fixent néanmoins un point de comparaison intéressant.

La réforme que la majorité de rechange au Parlement de la Communauté française se prépare à adopter ne va pas améliorer les choses. D’autant qu’elle succède à une série de mesure, comme l’interdiction du redoublement au niveau primaire, qui contribuent déjà à une forme de nivellement par le bas!

À tout le moins doit-on reconnaître chez le coprésident d’Ecolo, Jean-Marc Nollet, une forme de cohérence: quand il était jadis ministre de l’Enseignement fondamental, il s’était montré partisan acharné de l’interdiction des devoirs à domicile pour les chères petites têtes blondes…

Le résultat de tout cela: il y a plus de deux décennies, déjà, le recteur de l’université de Liège tirait la sonnette d’alarme, en signalant que, même dans les filières scientifiques, des étudiant(e)s ne comprenaient pas le contenu de questions d’examen, pourtant rédigées dans un français très clair.

Jadis, alors que l’obligation scolaire ne portait que jusqu’à 14 ans, l’honneur des institutrices et des instituteurs était de faire sortir du cycle primaire un maximum d’élèves capables de lire, d’écrire sans fautes, et de calculer correctement.

Naguère, des étudiant(e)s universitaires, bénéficiaires de bourses d’étude, ne pouvaient répéter une année qu’une seule fois, au risque de perdre ce soutien financier indispensable pour des familles d’origine modeste, ouvrière et paysanne. La réussite de ces étudiant(e)s a fait le bonheur de nombreux parents, heureux de voir que leurs rejetons auraient ainsi une vie plus aisée que la leur…

Le système précédant le décret paysage permettait aussi à des étudiant(e)s dont le parcours universitaires s’achevait au bout de deux ans, de passer par une haute école, et, à la sortie de ce cursus, d’éventuellement reprendre avec un succès un Master universitaire, fort(e)s de deux années de maturité supplémentaire.

Aujourd’hui, tout semble fait pour écarter toute difficulté du parcours des élèves, des ados et des étudiant(e)s. On craint déjà pour le prochain classement international de nos université!

Un coin limbourgeois dans le «canon flamand»


Quand il n’oublie pas la commune de Fourons, le Belang van Limburg joue le rôle de porte-parole de sa province. Et en vertu du principe selon lequel «qui aime bien châtie bien», il n’hésite pas à fustiger l’autorité flamande quand elle ne respecte pas, à ses yeux, la spécificité du Limbourg.

Nous avons déjà évoqué dans ce blog, la critique du «canon flamand», ce récit historique à visée nationaliste, voulu par le ministre-président flamand, Jan Jambon, et son ministre de l’Enseignement, Ben Weyts, lui aussi N-VA.

Des historiens flamands réputés ont fait part de leur désaccord avec cette manière d’écrire, ou de réécrire l’Histoire.

Le Belang van Limburg, lui, a dénoncé le fait que ce «canon flamand» résumait trop à ses yeux l’histoire du comté de Flandre, et un peu du duché de Brabant et du marquisat d’Anvers. Un peu à la manière dont Henri Pirenne, à la fin du XIXeme siècle, avait écrit l’histoire de… Belgique, négligeant la Wallonie. D’où le cri de Jules Destrée, dans sa Lettre au Roi, de 1912, «Ils nous ont volé notre histoire».

Le quotidien de Hasselt dénonçait le même oubli pour la province de Limbourg, dont il rappelait qu’à l’époque, les territoires qui le composent, essentiellement le comté de Looz, faisait partie de la principauté de Liège.

Le Belang van Limburg en remet une couche pour l’instant, en publiant une série d’été sur l’histoire du Limbourg.

Ce vendredi, il rappelait ainsi que Louis-Erasme Surlet de Chockier a été le premier chef d’État de la Belgique, avant le choix de Léopold Ier.

Surlet de Chockier est largement tombé dans l’oubli depuis lors. Sauf à Gingelom, une petite commune du sud de la province, non loin de Saint-Trond, dont il était châtelain, et où son buste décore toujours la Maison communale.

La série est sur le point de prendre fin. Elle enfonce un coin dans le «canon flamand». Elle rappelle surtout que les faits sont têtus. Et que vouloir les plier à une humeur politique du moment est une démarche condamnée d’avance.

Le recours de la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, contre le Liege Aiport: un coup dans l’eau!


Le recours de Zuhal Demir contre le développement du Liege Airport est contredit par un étude… commanditée par l’autorité flamande!

Que la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, soit dévorée d’ambitions est une chose bien connue depuis longtemps: on lui a prêté, à tort ou à raison, le projet de reprendre un jour la présidence de la N-VA à son éternel titulaire, Bart De Wever. Vrai ou faux, l’avenir nous le dira. Mais ce qui est clair, c’est que Zuhal Demir entend avoir toujours raison, comme l’a encore démontré son attitude dans le récent mélodrame sur les rejets d’azote par l’agriculture, qui a plongé le gouvernement flamand dans une crise profonde, il y a quelques semaines encore. Le CD&V, par le truchement du ministre flamand de l’Agriculture, Jo Brouns, en a profité pour se profiler comme le défenseur des agriculteurs flamands. Mais ce qui s’est passé depuis lors, de l’autre côté de la frontière avec les Pays-Bas, laisse craindre aux divers partis flamands qu’un «parti paysan» se présente aux électeurs, en 2024, avec le même succès qu’outre-Moerdijk.

Ce que Zuhal Demir n’avait probablement pas prévu, c’est que le Belang van Limburg, le quotidien de référence en province de Limbourg, lui vole dans les plumes ce dernier mercredi, en révélant qu’une étude, commanditée par l’autorité flamande sur les effets environnementaux de l’aéroport du Liege Airport révèle que… le développement futur de l’aéroport liégeois sera… positif pour la Flandre!

La ministre (limbourgeoise) de l’Environnement, les douze communes qui ont formé un recours au conseil d’État contre le feu vert donné par le gouvernement wallon à l’essor futur du Liege Airport ont désormais l’air malin!

L’étude démontre, sans grande surprise, que ce sont les voisins liégeois de l’aéroport principautaire qui subissent le plus de dommages de l’activité aéroportuaire, essentiellement nocturne. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il y a bien longtemps déjà, mais avec retard, le gouvernement wallon avait défini autour de l’aéroport un plan d’exposition au bruit, qui prévoyait diverses mesures d’accompagnement, dont l’insonorisation sonore des maisons les plus proches des pistes.

Pour l’instant, selon les cartes d’exposition au bruit publiées par le Belang van Limburg, le seuil maximal d’exposition au bruit pour les communes limbourgeoises se situe entre 45 et 50 décibels, soit, selon les normes internationales, celui qui va d’un restaurant tranquille à un bureau paisible.

Toujours selon cette carte, le dommage à 50 décibels se limite, en province de Limbourg, à «une petite partie de Tongres».

Mais l’étude se veut prospective: le développement de l’aéroport, tel qu’autorisé par le gouvernement wallon, autorise une croissance limitée du nombre de vols, d’ici à 2043, mais avec des normes de bruit plus strictes relatives aux avions eux-mêmes. Et alors, selon les projections de l’étude commandée par l’autorité flamande, il ne subsisterait en province de Limbourg que… 300 habitants exposés à un bruit supérieur à 45 décibels, soit celui d’un restaurant tranquille.

Le bruit des camions qui circulent au départ du Liege Airport a été également pris en compte: actuellement, 44 poids lourds circuleraient de nuit des Pays-Bas vers les hauteurs liégeois. «Mais là aussi, le dommage est plus sensible en région liégeoise» commente le quotidien limbourgeois.

En regard de ces normes environnementales, l’étude a aussi calculé les effets sociaux de l’aéroport de Liège sur l’économie limbourgeoise: elle les chiffre à 760 emplois bruts. Et pour les entreprises, des frais de transports moindres que si elle devait se tourner vers un autre pôle logistique. En termes financiers, cela représente de 16 à 27 millions d’euros pour 2021, mais ce chiffre «évoluera à la hausse d’ici à 2043» conclut le Belang van Limburg.

En face de ces éléments, Mark Vos, le bourgmestre de Riemst, une des communes qui a formulé un recours contre le feu vert wallon au développement du Liege Airport, a avoué au quotidien limbourgeois qu’il a allait étudier le rapport, commandé par l’autorité flamande, on le rappelle, et qu’il le transmettrait aux avocats de la commune.

Zuhal Demir, elle n’en a cure: elle persiste et signe. L’étude n’a pas été menée de façon suffisamment approfondie sur le territoire de la Région flamande, affirme-t-elle. La limitation du nombre de vols, décidée par l’autorité wallonne ne serait pas non plus correctement formulée. Zuhal Demir prétend toujours avoir raison, rappelons-le!

La position de la ministre flamingante est assez paradoxale: la N-VA dénonce les transferts, injustes à ses yeux, de la Flandre vers la Wallonie… mais elle n’a de cesse de mettre des bâtons dans les roues des projets de développement économique wallons. Pour pouvoir poursuivre son discours nationaliste, sans doute.

On ne sait si Zuhal Demir a suivi des humanités classiques. Si oui, elle devait s’y repencher. Si non, il serait urgent qu’elle s’y intéressse. Elle apprendrait que la Roche Tarpéienne est proche du Capitole. Que si «errare humanum est» (l’erreur est humaine), «perseverare diabolicum» (s’entêter dans l’erreur est diabolique). Et, pour paraphraser une expression latine célèbre, «Ius dementat quas vult perdere», Jupiter rend folles celles qu’il veut perdre. Toujours d’actualité!

Le Limbourg vent debout contre «Het Verhaal van Vlaanderen»


Est-ce la lettre d’un lecteur, évoquée dans l’article précédent de ce blog… ou la lecture de ce billet qui a suscité une réaction du Belang van Limburg? Toujours est-il que le quotidien limbourgeois est revenu, dans son édition de ce samedi, sur la saga historique de la Flandre, Het Verhaal van Vlaanderen. Pour en regretter l’absence du Limbourg. Et en dénoncer le centrage sur la Flandre-Occidentale et la Flandre-Orientale, qui formaient le cœur du comté de Flandre, mis en exergue par cette série, commanditée par le gouvernement flamand.

«On est bien d’accord, on ne peut pas tout raconter», s’indigne Frank Decat, un historien trudonnaire interrogé par le journal. «Mais tout cela n’est pas équilibré».

Et de préciser: «je n’ai ainsi rien entendu sur la ville romaine de Tongres (…) la seule ville qui existait à l’époque dans ce qui est aujourd’hui la Flandre. Rien non plus sur le Saint Empire romain (de la nation germanique) dont le Brabant et le Limbourg faisaient partie au Moyen Âge».

«C’est un retour de l’Histoire de la « Belgique à papa ». Appelez-la plutôt l’Histoire du comté de Flandre», assène l’historien trudonnaire.

L’homme connaît bien le passé de sa province. «À l’époque, il s’agissait du comté de Looz», rappelle-t-il. Avant de revenir sur le tour de passe-passe historique opéré en 1815, quand la Belgique et les Pays-Bas ont été réunis sous le sceptre de Guillaume Ier, qui voulait conserver le titre de duc de Limbourg. Celui d’un duché, incorporé, comme le comté de Looz, à la principauté de Liège, et dont le titulaire résidait «dans la petite ville de Limbourg, sur la Vesdre, dans ce qui est aujourd’hui la province de Liège. Le problème est qu’à part un village des Fourons, notre province actuelle n’a jamais fait partie de ce duché», relate Frank Dekat. De quoi souligner que… les Fourons ne sont pas limbourgeois?

Les présentateurs du Verhaal van Vlaanderen sont ainsi tombés dans le piège, en rappelant que le duc de Bourgogne, Philippe le Bon «a hérité des duchés du Brabant et du Limbourg», explique-t-il.

L’affirmation est justifiée sur le plan historique, se défendent les producteurs de la série. L’homme en convient. Mais il précise que cela peut créer la confusion chez les téléspectateurs actuels, qui pensent, à tort, que les provinces belge et néerlandaise du Limbourg faisaient partie de ce duché. La projection d’une carte de géographie d’époque aurait peut-être pu dissiper le malentendu…

Des historiens ont pourtant été associés à la conception de la série. «Exact», a confirmé Jelle Haemers, professeur à la KUL, l’université catholique flamande de Leuven. «Mais ils n’ont pas participé à la rédaction du scénario. Cela a été le travail de la maison de production. Les historiens ont du simplement répondre à des questions spécifiques».

Jan Dumolyn, qui enseigne à l’université de Gand, opine: «les critiques venues du Limbourg, dont on parle fort peu, sont justifiées. Il en va de même pour le Brabant d’ailleurs». L’historien gantois, comme nous l’avons fait dans notre précédent billet, renvoie à Henri Pirenne, dont l’histoire médiévale «s’est réduite à celle du comté de Flandre (…). Les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège» ont ainsi été réduites pratiquement à néant.

L’ennui, c’est que ce flop historique a un coût: 2,4 millions d’euros, financés par le gouvernement flamand!

«Et ce qui est regrettable, c’est que jusqu’à présent, on n’a considéré que ce qui s’est passé sur le territoire de la Flandre d’alors, pas sur ce qui est aujourd’hui la Flandre. Peut-être parce que les auteurs voulaient éviter toute forme d’anachronisme», a ajouté Jelle Haemers au Belang van Limburg.

Or, dans le cahier des charges de cette série, il est prévu qu’elle doit promouvoir l’identité de la Flandre. «Ce contre quoi les historiens ont protesté», rappelle l’historien de la KUL. «Et nous constatons aujourd’hui que cette vision sert surtout à diviser»...

La langue joue aussi un rôle, déplore Jelle Haemers: «dans les université flamandes, les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège ont beaucoup moins étudiées. Tandis qu’il en va tout autrement à l’université de Liège. Mais, là, il y a la barrière de la langue, même si les collègues liégeois prennent parfois la peine de faire traduire leurs recherches, ou tout au moins une partie d’entre elles». Un aveu tout de même étonnant dans le chef d’un professeur d’université, incapable, apparemment, de lire ou de se faire traduire des travaux scientifiques rédigés en français.

Le Belang van Limburg a donné aussi la parole aux réalisateurs du Verhaal van Vlaanderen.

«Notre propos était de présenter un récit clair. Là où c’était possible, nous avons nuancé. Jusqu’ici, nous nous sommes effectivement centrés sur Bruges, qui était alors la plus grande ville commerciale d’Europe de l’Ouest», plaident-ils.

«Il y a eu énormément de recherches avant cette série», poursuivent-ils, «et nous avons eu beaucoup trop de documentation. Il nous a fallu élaguer, élaguer et encore élaguer. Pour une série qui dure dix fois cinquante minutes, il faut faire des choix. Tout ce que nous disons est historiquement correct (…) Mais voyez le résultat: il y a maintenant un intérêt immense pour l’Histoire»...

Le problème, c’est que cet intérêt pour l’Histoire, dans certaines régions de Flandre, et notamment en province de Limbourg, suscite surtout une critique justifiée. Sur le fond, et donc sur la démarche.

Quand le «Belang van Limburg» reprend la «Lettre au Roi» de Jules Destrée de… 1912


Depuis quelques semaines, la VRT, aux ordres du gouvernement flamand, a entamé la diffusion d’une grande fresque historique retraçant l’Histoire de la Flandre. Une Histoire de Flandre qui ne convainc pas nombre d’historiens flamands. Et ne satisfait pas des téléspectateurs, notamment en province de Limbourg, où, sans le savoir sans doute, on reprend pratiquement les termes de la fameuse «Lettre au Roi» où le député wallon Jules Destrée, en 1912. Celle où il déclarait à Albert Ier, «laissez-moi Vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : il n’y a pas de Belges».

Het Verhaal van Vlaanderen a fait froncer les sourcils de plus d’un historien flamand rigoureux. D’abord parce que l’entreprise a été commanditée par des ministres nationalistes flamands de la N-VA, qui ont généreusement subsidié l’entreprise. Et on peut les soupçonner de ne pas vouloir un résultat contraire à leurs attentes.

La démarche historique, ou pseudo-historique, n’est par ailleurs pas neuve, et elle a montré ses limites dans le passé. Notamment à travers la monumentale Histoire de Belgique, établie par Henri Pirenne, à la fin du XIXe siècle, et dont le propos était que la Belgique pré-existait déjà avant son indépendance, proclamée en 1831. C’est de cette époque que date la référence à la fameuse phrase de Jules César, dans sa relation de la guerre des Gaules, «horum omnium, fortissimi sunt Belgae»; «de tous ces peuples de la Gaule, les Belges sont les plus courageux». En omettant opportunément la suite de la phrase du conquérant latin, «propterea quod a cultu ataque humanitate provinciæ longissime absunt», «principalement parce qu’ils sont les plus éloignés de la culture et le l’humanité de la province (romaine)».

C’est, près de 130 ans plus tard, la démarche qu’a voulu initier le gouvernement flamand, en imposant le «canon flamand» à sa chaîne publique, dont il a par ailleurs singulièrement réduit les moyens.

Dans cette perspective, il faut nécessairement tordre le cou aux faits historiques, à la fois pour ne pas allonger indéfiniment le récit, et aussi pour rendre plus solide la thèse sous-jacente.

Cela ne va pas sans mal. Ainsi, cette semaine, un lecteur du «Belang van Limburg» se plaignait-il. «La manière dont la Bataille des Éperons d’Or a été reconstituée a été bien réalisée et s’est révélée très instructive» a-t-il écrit au quotidien limbourgeois. «Mais ce qui me dérange», a-t-il ajouté, «c’est que depuis mon école secondaire, nous sommes, ici au Limbourg, obligés d’apprendre l’histoire de la Flandre-Occidentale et de la Flandre-Orientale, et que nous n’apprenons presque rien de notre propre histoire (…). Et je suis toujours aussi frustré. Est-ce qu’on parlera, dans de prochaines émissions, des traités de Londres (1839) et de Maastricht (1843), qui ont été tellement important pour le Limbourg? Le Limbourg qui est à nouveau traité par une marâtre.».

Et de conclure: «Je n’ai aucun problème avec le fait que cette série a été largement subsidiée. Sans de tels subsides, j’en ai bien peur, une telle série télévisée serait impossible à réaliser. Mais, par contre, j’aurais aussi aimé que ma propre histoire soit mise en image».

Ce que ce lecteur ne sait peut-être, ou pratiquement pas, c’est que dans son courrier au quotidien limbourgeois, il a en partie paraphrasé Jules Destrée. On croirait même relire le texte écrit en 1912 par le député wallon à l’adresse du roi Albert Ier.

«Ils nous ont pris notre passé», accusait Jules Destrée en 1912

«Ils nous ont pris notre passé. Nous les avons laissé écrire et enseigner l’histoire de Belgique, sans nous douter des conséquences que les traditions historiques pouvaient avoir dans le temps présent. Puisque la Belgique, c’était nous comme eux, qu’importait que son histoire, difficile à écrire, fût surtout celle des jours glorieux de la Flandre ? Aujourd’hui, nous commençons à apercevoir l’étendue du mal. Lorsque nous songeons au passé, ce sont les grands noms de Breydel, de Van Artevelde, de Marnix, de Anneessens qui se lèvent dans notre mémoire. Tous sont des Flamands ! Nous ignorons tout de notre passé wallon. C’est à peine si nous connaissons quelques faits relatifs aux comtes du Hainaut ou aux bourgmestres de Liége. Il semble vraiment que nous n’ayons rien à rappeler pour fortifier les énergies et susciter les enthousiasmes», écrivait notamment l’élu carolorégien.

«Des milliers et des milliers d’écoliers ont subi le même enseignement tendancieux. Je suis confus de mon ignorance quand je m’interroge sur le passé wallon. Des amis mieux informés m’assurent que notre grand Pirenne, malgré tant d’aperçus ingénieux, n’a pas su, sur ce point, se dégager de la traditionnelle glorification flamande et faire à la Wallonie la place qu’elle mérite. Il est assez frappant qu’à Liége, comme dans le Hainaut, on réclame maintenant des histoires régionales, dont on sent la nécessité», poursuivait Jules Destrée.

«Mais quelle que soit mon incompétence sur ces sujets controversés, un aspect significatif des dernières commémorations me paraît à noter. Il semble que le patriotisme rétrospectif des Flamands ne se plaise qu’à célébrer des massacres de Français. La bataille des Éperons d’or, si éloignée (1302 !) est devenue extraordinairement populaire parce qu’elle fut l’écrasement de la chevalerie française. Toute la Campine fut soulevée en 1898 pour le centenaire de la Guerre des paysans ; on exalta avec raison l’héroïsme de ces pauvres gens révoltés par amour de leur terre et de leur foi, mais dans tout cet élan, dans tous ces discours, on découvrait le sentiment mauvais de la haine de la France, la malédiction de l’étranger. Certains fanatiques flamingants, quand ils vous parlent d’histoire, semblent toujours regretter le temps où la mauvaise prononciation de Schild en vriend était punie de mort immédiate», commentait-il encore.
«Ils nous ont pris nos artistes. Le maître pathétique de Tournai, Roger de le Pasture, l’un des plus grands artistes du XVe siècle, est incorporé parmi les Flamands sous le nom de Vander Weyden. L’art flamand brille d’un éclat radieux. L’art wallon est ignoré», relevait également Jules Destrée.

Pour en revenir au courrier du lecteur du «Belang van Limburg», on ne se risquera pas à se demander quel cours d’histoire il a suivi en humanités ou du moins ce qu’il en a retenu. Car si sa connaissance de l’histoire du Limbourg se limite aux traités de Londres et de Maastricht, qui ont acté la scission des Limbourg belge et néerlandais, et aussi, ne l’oublions pas, la séparation de la province et du Grand-Duché de Luxembourg, le passé de sa province est bien plus ancien.

Et c’est là, sans doute, pourquoi Het verhaal van Vlaanderen ne va guère parler du passé du Limbourg. Car il devrait alors revenir sur la longue histoire de la principauté épiscopale de Liège, dont le Limbourg néerlandais et le Limbourg belge faisaient largement partie, au même titre que nombre d’autres terres wallonnes d’ailleurs.

Parmi les vingt-trois «Bonnes villes» de la principauté de Liège, douze étaient limbourgeoises pour onze répandues sur le territoire qui est devenu wallon aujourd’hui. Bree, Beringen, Bilzen, Borgloon (Looz), Hamont, Hasselt, Herk-de-Stad (Herk-la-Ville), Maaseik, Peer, Sint-Truiden (Saint-Trond), Stokkem, et Tongeren (Tongres) ont partagé leur passé avec Châtelet, Ciney, Couvin, Dinant, Fosses-la-Ville, Huy, Liège, Thuin, Verviers, Visé et Waremme. Elles y côtoyaient Bouillon et Maastricht, chacune sous statut particulier.

Difficile, on s’en doute, pour une histoire flamingante de la Flandre, de rappeler cette cohabitation qui a duré plusieurs siècles, sans que les différences linguistiques ne suscitent de conflit majeur, le latin ayant été longtemps la langue de gouvernement.

Au bout du compte, Het verhaal van Vlaanderen séduira sans doute la majorité des téléspectateurs flamands, mais en laissera un certain nombre, notamment en province de Limbourg, sur leur faim. Et d’ici à quelques années, sa démarche historique apparaîtra aussi vaine que ne l’est, aujourd’hui, celle de Henri Pirenne, chantre de la Belgique éternelle…

Zuhal Demir et Marine Le Pen: une même récupération politique qui heurte les principes de droit


Entre la droite extrême et l’extrême-droite, il y a parfois plus de similitudes que de différences, notamment en matière de justice, que des événements récents viennent de démontrer, en France comme en Région flamande.

En France, le meurtre, ou l’assassinat de la jeune Lola a provoqué une émotion et une indignation nationales parfaitement compréhensibles. Elle a aussi donné lieu à une récupération politique de la part du Rassemblement, ex-Front, National, dont la leader, Marine Le Pen, s’est répandue en critiques contre le gouvernement, parce qu’un ordre de quitter le territoire français, frappant la meurtrière présumée, de nationalité algérienne, n’avait pas été appliqué. Quelques jours auparavant, le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, qui, en matière de droit, en connaît nettement plus que l’ancienne candidate à la présidence de la République, elle-même pourtant avocate, avait expliqué qu’un ordre de quitter le territoire peut difficilement s’appliquer à des nationaux dont le pays refuse de les recevoir. Et c’est précisément le cas de l’Algérie. Comment dès lors appliquer cet ordre? En plaçant celles et ceux qui en font l’objet dans des zodiaques qu’on laissera indéfiniment flotter dans les eaux internationales au milieu de la Méditerranée?

Le ministre de la Justice français, dont la longue carrière au Barreau lui a valu le surnom d’«Acquittator» aurait pu aussi expliquer qu’appliquer un ordre de quitter le territoire n’a une efficacité que théorique, car souvent, celles et ceux qui en font l’objet, hors les cas où on les embarque de force dans des avions pour les ramener dans des pays où leurs droits fondamentaux, voire leur vie, sont menacés, reviennent souvent par la fenêtre, après avoir été expulsés par la porte…

Les obsèques de la jeune Lola se sont heureusement passées dans la dignité, après que sa famille, dans l’affliction que l’on devine, eut appelé à éviter toute récupération politique.

Cela n’a pas empêché Jordan Bardella, candidat à la présidence du Rassemblement National, revenir à la charge hier soir, accusant les autorités françaises de se coucher devant les autorités algériennes et citant notamment en exemple la phrase d’Emmanuel Macron, le président de la République, qui avait qualifié la colonisation de «crime contre l’Humanité» lors d’une visite à Alger. Phrase que l’homme politique a évidemment récusée: il est vrai que parmi les électeurs du RN dont il sollicitera les suffrages, se trouvent notamment des nostalgiques du régime de Vichy…

En Flandre, c’est la ministre de la Justice et de l’Application des lois, de l’Énergie, de l’Environnement et du Tourisme, Zuhal Demir (N-VA) qui s’est signalée par une réaction inappropriée à un jugement, quand elle a décidé de priver la KUL, l’université catholique flamande de Leuven, d’un subside de 1,3 million, pour la punir de sa «passivité» face au viol, en 2016, d’une étudiante par un professeur.

Une réaction intempestive qui obligera sans doute Zuhal Demir à rapidement rétropédaler

Première bizarrerie: l’octroi de ce subside, en matière d’Enseignement, ne relèverait-il pas plutôt de son collègue de parti et de gouvernement, Ben Weyts, vice-président du gouvernement flamand, et titulaire de ce département?

Si, au niveau européen, on s’efforce de mettre en cause le versement de subsides à des pays comme la Hongrie ou la Pologne, dont le comportement n’est pas conforme aux valeurs européennes communes, pareille pratique n’a pas cours en Belgique ni dans ses entités fédérées. Et la question qui se pose est à la fois de savoir si la KUL était habilitée à recevoir ce subside ou non, et surtout à quoi ce subside était destiné. S’il s’agissait de financer une recherche scientifique, l’attitude de Zuhal Demir est inexcusable!

D’autant qu’il est vite apparu que la ministre entre autres de la «Justice» (car la Justice, jusqu’à preuve du contraire, reste une matière fédérale) a réagi sans discernement. Car la KUL a bien précisé que si elle ne s’était pas manifestée jusqu’ici, c’était à la demande… des autorités judiciaires, saisies du dossier en 2018 après que… les autorités académiques eurent conseillé à l’étudiante et à sa famille de porter plainte. Les enquêteurs souhaitaient la discrétion, pour ne pas alerter le professeur visé par cette plainte. Et la victime elle-même, manifestement, ne souhaitait pas que son dossier devienne public.

Le jugement dans cette affaire est intervenu récemment, et dès lors qu’un jugement est public, la presse en a parlé. Le professeur visé a été sanctionné par l’université catholique flamande de Leuven. Et dans la foulée, Zuhal Demir s’est manifestée par une décision impulsive, qui visait peut-être avant tout à montrer qu’elle se préoccupe aussi de Justice, parmi ses nombreuses attributions.

La ministre limbourgeoise d’origine turque (qui, pour rappel, a un jour estimé qu’il y a trop de personnes d’origine étrangère en Flandre!) va devoir maintenant effectuer un forme de rétropédalage, pour avoir agi sans discernement.

Sur le fond, car le dossier est toujours susceptible d’appel, elle aurait d’autant plus faire preuve de retenue qu’un principe de droit fondamental, qu’elle en tant que ministre de la «Justice» et Marine Le Pen en tant qu’avocate ne peuvent ignorer, énonce qu’une personne accusée est présumée innocente aussi longtemps que sa culpabilité n’est pas prouvée.

À l’heure où les réseaux sociaux fourmillent d’accusations publiques, ce principe est quasi quotidiennement bafoué: son respect par les autorités judiciaires et par le pouvoir politique qui en a, en apparence du moins, la responsabilité, s’impose d’autant plus.

La régionalisation de la Justice figurera au nombre des revendications flamandes après les prochaines échéances électorales, Zuhal Demir l’a confirmé en ce début de semaine en listant déjà un cahier de revendication. Si la Justice est effectivement régionalisée, on plaint déjà nos compatriotes du Nord du pays si elle se voit confier cette attribution dans le futur: ils auront intérêt à s’accrocher à leurs droits fondamentaux!

Entre-temps, la ministre multi-casquettes N-VA a encore bien d’autres chats à fouetter. Notamment celui qu’elle a voulu imposer à la hussarde en matière agricole, en imposant une série de fermetures de fermes, afin d’atteindre les objectifs d’un plan de réduction des épandages d’azote qui hérisse toujours le monde agricole!

L’étrange mansuétude du PS à l’égard du bourgmestre de Sambreville tranche avec son intransigeance avec des élu(e)s verviétois(e)s


Ainsi donc, après s’être muré dans le silence, le président du parti socialiste, Paul Magnette, dont l’avis avait vainement été sollicité auparavant, a fait répondre, par son directeur de la communication, à Samuel Sinte et Guillaume Barkhuysen, mes anciens collègues du journal qui m’a employé pendant de nombreuses années mais ne m’a jamais assez rémunéré à mon goût (air connu), que «la décision de la Cour européenne des Droits de l’homme (relative au bourgmestre de Sambreville, Jean-Charles Luperto, Ndlr) n’est pas une surprise. Elle ne constitue pas un élément nouveau par rapport à ce qui a été décidé l’année dernière».

Pour rappel, la veille, mes anciens et excellents confrères avaient révélé qu’en décembre dernier, le recours que Jean-Charles Luperto avait adressé à la Cour de Strasbourg avait été déclaré «irrecevable». Et que dès lors, après l’échec de son pourvoi en Cassation, sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour outrage aux mœurs, prononcée par la Cour d’appel de Liège, le 29 septembre 2020, était devenue définitive… dans le plus grand secret. Car ni l’intéressé, ni son avocat, ce qu’on peut comprendre, n’avaient signalé l’échec de leur appel à la Cour européenne des Droits de l’homme; et le PS lui-même est resté dans l’apathie la plus totale.

Interrogé l’année dernière, le président du PS, Paul Magnette, avait expliqué que, dans l’attente de la décision de la Cour de Strasbourg, «personne, pas même parmi ses adversaires politiques locaux» n’avait réclamé la démission du bourgmestre de Sambreville, et qu’entre-temps, «les électeurs lui avaient renouvelé leur confiance, malgré son affaire».

Jean-Charles Luperto est condamné définitivement pour outrages aux mœurs mais, pour le PS, ses adversaires politiques ne demandent pas sa démission, et la population lui a renouvelé sa confiance. Pas de quoi s’émouvoir!

Une étrange mansuétude, dont n’avait pas fait preuve, dans le passé, le PS à l’égard de Stéphane Moreau, ancien bourgmestre d’Ans, et d’André Gilles, ancien député provincial: le premier avait démissionné du parti avant d’en être exclu, tandis que le second en avait été exclu, à la suite de leur gestion calamiteuse du dossier Nethys.

Emir Kir, bourgmestre PS de Saint-Josse, a fait l’objet d’une exclusion de trois ans, à la suite de la réception qu’il avait offerte à six maires turcs, deux membres d’un parti proche de la sinistre milice d’extrême-droite des «Loups Gris».

Benoît Hons, échevin à Neupré, a été exclu en janvier 2020 pour propos injurieux envers les gens du voyage proférés sur Facebook, notaient encore mes anciens collègues.

Quant à Alain Mathot, ancien bourgmestre de Seraing, il a démissionné du parti en mars dernier (avant d’en être exclu?), à la suite de sa condamnation pour faits de corruption.

Samuel Sinte et Guillaume Barkhuysen rappelaient aussi l’exclusion de l’ancien échevin de Charleroi Claude Despiegeleer par la commission de vigilance du PS, pour ses condamnations dans les affaires de «La Carolorégienne».

Paul Magnette utiliserait-il donc un instrument à deux poids deux mesures, qui vaut exclusion, spontanée ou forcée du Parti socialiste, à l’ensemble des mandataires condamnés, sauf pour…. Jean-Charles Luperto, bourgmestre de Sambreville?

On a connu le président du PS beaucoup plus vindicatif à Verviers, quand il s’est agi de sanctionner la bourgmestre, Muriel Targnion, et ses fidèles au sein du collège communal, qui avaient eu l’outrecuidance de vouloir écarter un président de CPAS, tout aussi socialiste qu’eux, qui se refusait à tout contrôle de l’exercice de sa fonction!

Le Boulevard de l’Empereur avait alors «fait pression» pour forcer certain(e)s des signataires de la motion de défiance à revenir sur leur parole, quelques jours après avoir approuvé l’initiative mayorale, et à mettre en place un bourgmestre alternatif, feu Jean-François Istasse, au prix d’une manœuvre dont l’illégalité avait ensuite été constatée par le Conseil d’État.

Paul Magnette avait alors fait frapper d’exclusion la bourgmestre de Verviers, et ceux qui étaient restés fidèles à leur signature, dont l’échevin des Finances, Alexandre Loffet, qui fait pour l’instant… fonction de bourgmestre, et devrait céder le témoin d’ici à quelques semaines. Sauf circonvolutions qui le feraient rentrer dans le giron du parti?

Ces exclusions, soit dit au passage, n’avaient pas respecté la procédure interne du parti socialiste, qui aurait dû d’abord faire examiner leur cas par sa Fédération verviétoise. En les envoyant directement vers la commission de discipline (par crainte d’une approbation de leur conduite au plan verviétois?), le président du PS les avait privés d’un droit de recours sans le moindre état d’âme.

Sa passivité devant le dossier de Jean-Charles Luperto n’en est que plus surprenante. Car la barque du bourgmestre de Sambreville est drôlement chargée.

L’homme, on l’a oublié, avait vu une possible carrière ministérielle avortée à la suite d’une «plaisanterie» de très mauvais goût qu’il avait mise sur pied le 21 juin 2007, en menaçant d’incendier la maison du bourgmestre de la commune voisine de Jemeppe-sur-Sambre, Joseph Daussogne.

En novembre 2014, des perquisitions sont menées à son bureau et à son domicile, dans le cadre d’une enquête pour faits de mœurs qui se seraient produits à l’été de la même année, dans les toilettes de la station-service d’autoroute de Spy, sur l’autoroute de Wallonie.

Ces faits verront la levée de l’immunité parlementaire de celui qui était à la fois député wallon et président du Parlement de la Communauté française. Et lui vaudront sa condamnation définitive, le 29 septembre 2020, après une série de manœuvres de retardement judiciaire, qui amèneront son dossier à la Cour d’appel de Liège.

Jean-Charles Luperto se défend toujours des faits d’exhibitionnisme qui lui ont valu sa condamnation. Sa défense a consisté à dire qu’il s’était rendu dans les toilettes de cette aire d’autoroute pour… des rencontres furtives à caractère sexuel!

On voit d’ici l’argument! Si tout être humain, fût-il mandataire politique, a droit à sa vie privée, et que son orientation sexuelle ne peut lui être portée à charge, pareil comportement relève à tout le moins de l’inconduite notoire qui pourrait, ou devrait, lui valoir de ne plus pouvoir exercer une fonction mayorale… qui comprend notamment des responsabilités en matière de police!

Le président du parti socialiste ne pourra pas s’abriter longtemps derrière une communication sibylline, pour justifier une passivité dont l’effet nourrira encore un peu plus le rejet de la politique. Et se révèle désastreuse pour la classe politique wallonne dans son ensemble.

Quand le vote extrême sanctionnera pareille dérive, il sera trop tard pour se lamenter!

Le lobby électrique accentue sa pression


Le problème des voitures de société qui ressurgit à chaque élection, notamment sous l’angle fiscal, va prendre une nouvelle forme dès 2026: dans cinq ans, seuls les véhicules de société électriques à 100% bénéficieront d’une exonération intégrale. Pour les véhicules hybrides, la déductibilité ne sera plus que de 50%.

Mobilité réduite

Pour certain(e)s d’entre eux (elles) qui vivent à distance respectable de leur lieu de travail, pourrait ainsi poser de sérieux problèmes de mobilité, si l’autonomie des véhicules électriques ne s’étend pas sérieusement d’ici à cinq ans. Et puis on oublie qu’un certain nombre d’entreprises ne disposent que d’un nombre limité d’emplacements de parking, voire de pas d’emplacement du tout. Alors, les salarié(e)s devront-ils (elles) s’équiper à leurs frais? L’enfer est, on le sait, souvent pavé des meilleures intentions…

Une prétendue démarche écologique

Surtout, une nouvelle fois, cette décision à l’emporte-pièce relève une nouvelle fois d’une prétendue démarche écologique déjà rappelée plus d’une fois sur ce blog

Comment faire face à la hausse notoire de la consommation d’électricité que ce diktat entraînera? La question n’est évidemment pas abordée!

L’exploitation, dans des conditions inhumaines (travail des enfants, absence de normes de sécurité, inexistence de protection sociale) des mines de métaux rares appelés à épuisement rapide? Pudiquement évitée…

L’impossibilité actuelle de recycler les batteries de véhicules électriques usagés ou accidentés? Passée par pertes et profits, tout simplement!

Quand la politique passe les problèmes sous silence, ils ressurgissent tôt ou tard avec plus d’acuité. Et l’objectif de réduction des gaz à effets de serre d’ici à 20250 n’en apparaît que plus utopique.

Échec et mat aux pontes verviétois et au président du PS francophone


Les dés sont donc tombés à Verviers: le député fédéral Malik Ben Achour ne ceindra pas une écharpe mayorale à laquelle, dit-on, il n’était pas fondamentalement attaché: l’homme-lige du président du PS, Paul Magnette, s’est non seulement révélé incapable de trouver une majorité parmi les dix des treize élu(e)s qui subsistaient au sein du groupe socialiste au conseil communal de la Cité lainière, pour réenclencher une procédure hasardeuse qui lui aurait permis de remplacer Muriel Targnion au fauteuil mayoral, mais en plus, il a réussi à provoquer une nouvelle scission au sein du parti, qui se décompose désormais en trois groupes: les «Indignés verviétois», à savoir la bourgmestre et l’échevin Alexandre Loffet, exclus du PS, et la conseillère Laurie Maréchal, qui en a démissionné; le «groupe Aydin», qui rassemble cinq élu(e)s fidèles au controversé président du CPAS, Hasan Aydin; et cinq «orthodoxes», dont Malik Ben Achour lui-même.

Dix mois après la première déflagration, qui avait vu la bourgmestre tenter d’éjecter de son poste un président du CPAS, devenu infréquentable aux diverses composantes de la majorité alors en place (PS-PR-Nouveau Verviers), et les réactions en cascade, téléguidées depuis le boulevard de l’Empereur, siège du PS francophone, que cette initiative avait provoquée, on en revient au point de départ: Muriel Targnion est plus que jamais en place; Hasan Aydin continue à présider le CPAS, et les autres partenaires de majorité, avec ou non le cdH de l’ancienne Cité lainière, vont devoir tenter de gouverner la ville jusqu’aux prochaines élections communales en 2024.

Qui porte la responsabilité de cet échec?

Malik Ben Achour et Muriel Targnion se rejettent déjà par médias interposés la responsabilité de cette mauvaise farce. Plus globalement, et même si le MR et le cdH verviétois ont été et sont toujours traversés par de profondes divergences internes, c’est au sein du Parti socialiste de Verviers, et de la fédération Wallonie-Bruxelles qu’il faut chercher la responsabilité de ce fiasco qui laisse stagner une ville en phase de paupérisation et dont le centre-ville prend depuis des années des allures de désert commercial.

Le problème, au départ, était à la fois simple et délicat pour le PS. Muriel Targnion s’était déconsidérée, à la présidence d’Enodia, l’intercommunale faîtière de Nethys, par sa défense aveugle de la gestion de la société par son ancien administrateur-délégué, Stéphane Moreau, désormais aux prises avec la Justice. Hasan Aydin, lui, s’était signalé par son manque de collégialité, par son dédain des règles administratives et de certains prescrits légaux – par exemple quand il avait mobilisé du personnel du CPAS au profit de ses permanences sociales et de celles de l’échevin Antoine Lukoki – et par sa misogynie affichée.

La logique aurait voulu que le parti les écarte tous deux, quand Muriel Targnion, soutenue au départ par une majorité du groupe socialiste encore uni au sein du conseil communal verviétois a pris l’initiative d’une motion de défiance à l’endroit du président du CPAS. C’est alors que les choses se sont emballées, avec, in fine, l’exclusion de la bourgmestre des rangs du parti; celle de l’échevin des Finances, Alexandre Loffet; le départ de la conseillère Laurie Marechal. Et la mise en œuvre d’une motion de défiance, battue ensuite en brèche par le Conseil d’État, qui a fait de l’ancien président du Parlement de la Communauté française, Jean-François Istasse, le bourgmestre verviétois le plus éphémère.

Toute cette procédure, mise au point ou à tout le moins approuvée par le président du PS, Paul Magnette, soutien indéfectible de Malik Ben Achour, s’est faite au mépris même des statuts du Parti socialiste: ni Muriel Targnion, ni Alexandre Loffet n’ont comparu devant l’instance qui aurait dû évaluer leur comportement, mais ils ont été directement attraits devant l’instance… d’appel. Sans que personne, au sein du parti, ni à Verviers, ni au niveau de la fédération, ni à Bruxelles ne s’émeuve de cette violation des droits de la défense.

Même liberté avec les statuts du PS, au niveau verviétois: les fidèles de la bourgmestre ont été débarqués du comité de l’Union Socialiste Communale (USC) et remplacés par une direction provisoire, conduite par le directeur général en congé de la ville, qui n’a pas été validée par une élection. Nécessité fait loi, disait-on. Le résultat est qu’aujourd’hui, on en revient au point de départ.

La stratégie de Paul Magnette visait de toute évidence à éviter, à Verviers, un nouveau cas «Emir Kir», avec le président du CPAS, Hasan Aydin, qui bénéficie d’un soutien ouvert de la communauté turque de Verviers, et au-delà, des organisations turques de Wallonie et de Bruxelles, ainsi qu’on avait pu le voir lors d’une manifestation houleuse précédant une réunion du conseil communal, en juin de l’année dernière.

«Plumer la poule sans la faire crier»

L’espoir de Paul Magnette était, selon une expression bien connue, de «plumer la poule sans la faire crier». En clair, de se débarrasser définitivement de Muriel Targnion avec la complicité active de Hasan Aydin, puis d’écarter ce dernier à la fois du mayorat qu’il pouvait revendiquer en tant que deuxième score de la liste, et de la présidence du CPAS. Ce fut l’épisode, cousu de câbles blancs, des candidatures pour un échevinat à rentrer récemment à l’USC, et que Hasan Aydin a éludé en rentrant un acte de candidature au… mayorat verviétois.

Tout ceci renvoie à d’autres responsabilités dans la déglingue du PS verviétois, et, par voie de conséquence, de la vie politique à Verviers. À commencer par celle de l’ancien bourgmestre Claude Desama, qui a pavé la voie à Muriel Targnion, pour faire barrage à Hasan Aydin, avant de la dézinguer, la jugeant indigne d’exercer sa succession.

C’est sous l’impulsion de Claude Desama, également que le PS verviétois, à l’instar de ce qu’il a fait à Bruxelles avec Emir Kir, est parti à la chasse au vote ethnique, au point qu’une jeune élue d’origine turque, Duygu Celik avait dénoncé un vote organisé dans les mosquées, après le scrutin de 2012. Cela lui avait valu un qualificatif très peu amène de Claude Desama, aussitôt démenti par celles et ceux qui avaient guidé le parcours de la jeune femme, aujourd’hui attachée au cabinet de la ministre wallonne, Christie Morreale, en sciences politiques à l’université de Liège.

L’épisode ne laissera pas des traces qu’au sein du parti socialiste verviétois: les instances de la fédération verviétoise sont en cours de renouvellement, puisque le président fédéral, Alexandre Loffet, a été défenestré du PS. La bourgmestre de Limbourg, Valérie Dejardin, et celle de Dison, Véronique Bonni, sont en lice pour la présidence, et l’une d’entre elles est notoirement farouchement hostile à la bourgmestre de Verviers. Ajoutons à cela que le député wallon theutois, André Frédéric, et l’échevin malmédien Ersel Kaynak ont été, avec le désormais ministre wallon Christophe Collignon, chargés d’une mission de médiation qui a fait long feu à Verviers, tandis que l’ancien ministre et bourgmestre de Dison, Yvan Ylieff; le député hervien et ancien secrétaire général de la FGTB, Marc Goblet; ou le député provincial, ancien bourgmestre de Welkenraedt et ancien président de la fédération verviétoise du PS, Claude Klenkenberg, dénonçaient les atteintes aux statuts qui ont émaillé le processus.

Il y a très longtemps, à l’époque où le PSB-BSP était encore uni au plan national, un de ses slogans de campagne était «fort et uni, sterk en eensgezind».

À Verviers, les adversaires du PS peuvent désormais paraphraser François Mauriac parlant de l’Allemagne, et dire qu’ils l’aiment tellement qu’ils sont heureux qu’il y en ait… trois.

En attendant, la ville de Verviers attend des initiatives politiques mobilisatrices…

Bart De Wever, satrape et talon d’Achille de la N-VA


La nouvelle n’a pas fait la «une» de la Presse quotidienne: Bart De Wever a été réélu ce week-end président de la N-VA, avec un score de 98,6% des suffrages, propre à faire se retourner Staline dans sa tombe, et à faire pâlir d’envie Kim Jong-un, le leader nord-coréen.

Le bourgmestre d’Anvers et ministre-président flamand ne risquait rien dans l’aventure, puisqu’il était le seul candidat en lice: personne ne pouvait donc lui faire de l’ombre.

Le seul obstacle qui aurait pu se mettre sur sa route était statutaire: les règles internes du parti nationaliste flamingant limitent en effet à deux le nombre de mandats présidentiels possibles. Sauf dérogation. Bart De Wever en a bénéficié pour la quatrième fois: aux commandes de sa formation depuis 2004, il y restera jusqu’en 2023… au moins. Car rien n’interdit de penser qu’alors, pour répondre aux vœux de ses affidés, le président de la N-VA ne se résignera pas à demander une dérogation supplémentaire, et repartir ainsi pour un, ou deux, ou trois, ou…. tours.

Et dire qu’en Afrique, on vilipende à juste titre les présidents qui contournent la limitation constitutionnelle du nombre de mandats, comme vient de le faire encore Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, ou comme l’ont notamment fait Paul Kagame au Rwanda et feu Pierre Nkurunziza au Burundi, Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville ou feu Robert Mugabe au Zimbabwe. Joseph Kabila, empêché de répéter l’opération au Congo-Kinshasa doit se dire qu’il aurait été mieux inspiré de présider la N-VA plutôt que notre ancienne colonie!

Plus sérieusement, la N-VA se rendrait déjà plus crédible si elle levait cette limitation du nombre de mandats dans ses statuts. Quand une dérogation est accordée, pareille limitation peut se concevoir. Mais quand elle est systématiquement contournée, la maintenir relève à la fois de l’hypocrisie et du ridicule.

La longévité de Bart De Wever à la tête du parti nationaliste flamingant témoigne d’abord de la qualité et de la durée de son engagement.

L’homme politique ventripotent du début du XXIeme siècle a d’abord fait preuve de sa grande volonté en s’imposant un apprentissage prononcé du français… même s’il répugne depuis longtemps à répondre en profondeur aux demandes des médias francophones. Il a manifesté la même endurance en suivant un régime strict qui a refait de lui une espèce de star en Flandre, image qu’il a cultivée ensuite en remportant un célèbre jeu télévisé sur la chaîne publique, pompeusement baptisé «De slimste mens ter wereld», «L’être humain le plus intelligent du monde».

Ce n’est pas faire injure à Bart De Wever de dire que pareil titre est usurpé. Mais dans le jardin extraordinaire de la politique belge, comme aurait dit feu Gaston Eyskens, il a fortement marqué son empreinte. D’abord en se jouant d’Yves Leterme, qui avait cru étouffer la N-VA dans son cartel avec le CD&V, dont Bart De Wever a tiré profit pour propulser son parti au sommet, et reléguer les démocrates-chrétiens flamands à un niveau dont ils ne se sont toujours pas remis.

Bart De Wever a ensuite réussi à phagocyter les voix du Vlaams Belang, dont les électeurs, racistes et autres, se sont lassés de voter pour un parti tenu à l’écart de toute coalition par un «cordon sanitaire» qui a tenu, envers et contre tout, depuis le «dimanche noir» du 24 novembre 1991.

Il a réussi enfin à propulser son parti au gouvernement fédéral, dans une improbable coalition avec un MR qui s’y est retrouvé comme seul parti francophone pendant une législature, et dont le président de la N-VA a tiré la prise au bon moment, pensait-il, pour ressortir le communautaire du frigo où il avait dû l’enfermer, et peser ainsi encore plus sur la politique fédérale et flamande.

Et c’est là que le bât a blessé. Car, contre toute attente, les élections du 26 mai 2019 ont vu pour la première fois depuis l’arrivée à sa tête de son «homme providentiel», la N-VA refluer, tandis que la Vlaams Belang opérait une remontée aussi spectaculaire qu’inquiétante et inattendue, sous la houlette d’un jeune président, gendre idéal de la Flandre, qui a compris comment utiliser les médias sociaux au bénéfice des ses thèses ultra-nationalistes et racistes.

Le scénario concocté par Bart De Wever, qui voyait Jan Jambon présider le gouvernement flamand, tandis que lui prendrait le gouvernail au 16 de la rue de la Loi, ne s’est pas concrétisé. Le bourgmestre d’Anvers, du coup, s’est rabattu sur le Vlaamse Regering, et a espéré pendant longtemps réimposer son parti au niveau fédéral. Les injures qu’il a proférées à l’égard de Paul Magnette, le président du PS, incontournable au niveau francophone, ont d’abord témoigné de son désarroi. Puis quand il a vu que d’autres partis flamands semblaient prêts à monter sans la N-VA dans une coalition fédérale, il s’est lancé dans une surenchère auprès de son alter ego de Charleroi, en concédant au PS des avancées dont certains socialistes ont eu la nostalgie, au moment de souscrire à la coalition Vivaldi.

N’est-ce que partie remise pour la N-VA? C’est ce qu’elle paraît croire, en ayant reconduit pour trois ans son leader maximo. Mais pareille dépendance est peut-être aussi le talon d’Achille du parti nationaliste flamingant. Car elle semble indiquer que sans Bart De Wever, elle sera condamnée au reflux. Tandis que, en dehors de ses rangs, l’image du «slimste mens ter wereld» commence sans doute à pâlir. Depuis 2004, la composition du corps électoral a singulièrement évolué, et pour de nombreux électeurs, Bart De Wever est désormais déjà un peu un homme politique du passé.

Chez les Romains anciens, une maxime le rappelait aux empereurs couronnés: la Roche Tarpéienne est proche du Capitole…