Ceux qui s’en prennent à Churchill devraient avoir honte


 

Image consternante, ce matin, sur les chaînes d’information continue: le socle d’une statue de Churchill à Londres doit être protégé, à la demande du maire Sadiq Khan, qu’on ne peut soupçonner de racisme, des tags qui le dénoncent dans le chef du grand homme, en attendant peut-être de demander le retrait de toutes ses statues de l’espace public.

Churchill raciste? Oui, il l’a été. Son jugement sur Gandhi, par exemple, qu’il voyait comme un paysan indien en guenilles montre que ce défenseur acharné du British Empire n’avait rien, mais absolument rien compris à la valeur du père de l’indépendance indienne et encore moins de la pertinence de la lutte non armée qu’il avait entamée à cette fin. Lui-même avait participé à des expéditions militaires en Inde au début du XXe siècle, après son expérience de la guerre des Boers dont le but n’était évidemment pas la libération de la population noire.

On peut encore charger la barque de Churchill en rappelant qu’au début des années 1930, il a eu une sympathie marquée pour le régime fasciste de Benito Mussolini, qu’il a par la suite traité à de multiples reprises de  » laquais » d’Adolf Hitler.

On peut donc en conclure qu’il ne défilerait pas aujourd’hui aux côtés de « gauchistes antiracistes » qui bousculent l’ordre établi et on rappellera que sa consommation quotidienne d’alcool défiait les lois de la diététique et de la santé.

Mais l’essentiel de Churchill n’est pas là. Il est dans sa prescience qu’Adolf Hitler, à peine arrivé au pouvoir, allait déclencher le conflit le plus meurtrier de l’Histoire. Il est dans son obstination à refuser tout accommodement avec une Allemagne nazie victorieuse en Europe, malgré des moments de doute évoqués dans le remarquable film « Les heures sombres » diffusé dernièrement en télévision. Il est dans sa volonté de poursuivre la lutte contre le nazisme alors que le Royaume-Uni était seul en lice pendant près d’un an et demi, et qu’à côté de lui, d’autres pensaient non sans lucidité qu’il serait plus raisonnable de sortir du conflit. Il est enfin dans sa conviction après la Seconde guerre mondiale que seule une Europe unie permettra d’éviter la répétition de tels malheurs.

Winston Churchill a puissamment aidé à sauver le monde libre dans lequel nous vivons. Oui, il avait été raciste auparavant; oui, il avait eu des sympathies pour le fascisme, mais il ne s’est pas arrêté là. Celles et ceux qui le vilipendent aujourd’hui pour cette partie de sa vie, en relisant une fois de plus avec les lunettes du présent une Histoire qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils ignorent, seraient peut-être bien inspirés de se dire que si Churchill avait accepté de composer avec Hitler, ils n’auraient pas le loisir aujourd’hui de défiler dans les rues. Sauf peut-être en rangs et au pas de l’oie?

Une étrange diversification bancaire


Le monde de la banque est en pleine transformation, et les bancassureurs cherchent des idées neuves pour assurer l’avenir de leurs institutions. Cette évolution n’est pas toujours favorable aux usagers: le nombre d’agences s’est singulièrement réduit dans notre pays, depuis quelques années. Et de plus en plus de communes se retrouvent privées d’un simple distributeur de billets. Le service au public s’en ressent, et plus d’un conseil communal s’en est inquiété. La banque de la Poste a souvent été approchée pour rétablir ce service. Et les grandes banques belges, interpellées, réfléchissent, dit-on, à une forme de coopérative qui gérerait des distributeurs à réimplanter là où le besoin s’en fait sentir. Reste à voir quand cette collaboration pourra se mettre en place.

La diversification annoncée ce mercredi par Marc Raisière est différente. Et elle a surpris à plus d’un titre: Belfius devient actionnaire et partenaire du site immobilier Immovlan, aux côtés de Roularta, le groupe éditeur notamment du Vif, de Sport Magazine, ou de Trends, et de Rossel, éditeur du Soir et des journaux du groupe Sud Presse, tous deux par ailleurs associés à l’Echo et au Tijd.

Elle a surpris d’abord par la manière dont ce partenariat a été annoncé. Pas par une conférence de presse, comme Belfius a l’habitude d’en organiser, mais par une interview à quatre mains, accordée par son CEO au Soir, au coeur d’une page qui y annonce le partenariat. Une interview sur un thème plutôt bateau : la solidité réafirmée du système bancaire belge.

Marc RaisièreMarc Raisière a choisi un autre canal pour dévoiler ce nouveau partenariat: il était l’invité, ce mercredi matin, de LN24, la seule chaîne d’information continue belge dont… Belfius est un des actionnaires. C’est là qu’il a affirmé l’ambition commune de Roularta et de Rossel d’une part, de Belfius de l’autre, de voir Immovlan tailler des croupières au leader du marché immobilier en Belgique: Immoweb est, lui, depuis plusieurs années propriété du géant allemand Axel Springer.

Ce nouveau partenariat de Belfius pose par ailleurs (double) question, à la fois sous l’angle du rôle sociétal d’une banque à 100% publique et puis sous celui des pratiques commerciales.

Car dans les perspectives tracées par Marc Raisière, il y a comme un parallélisme qui s’ébauche entre ce tout neuf partenariat immobilier et l’activité bancaire de Belfius en matière de prêts hypothécaires. On veut croire que l’une et l’autre ne seront pas intimement liées, car si un bonus était par exemple octroyé aux clients de la banque qui acquerraient un bien immobilier par le canal du site immobilier dont elle est actionnaire, on ne serait pas loin de la vente forcée, ou à tout le moins de la distorsion de concurrence.

Et puis Belfius est depuis le naufrage de Dexia une banque à 100% publique, comme son ancêtre, le Crédit Communal de Belgique, l’interlocuteur financier des pouvoirs locaux. La privatisation d’une partie de son capital a beau être envisagée depuis quelques années, Belfius reste publique et son arrimage à un groupe privé qui s’est essentiellement déployé en France depuis près de deux décennies a dès lors de quoi interpeller.

L’ambition affichée par Marc Raisière dans cette affaire pèche peut-être par excès d’optimisme: l’essor des GAFAM (Google, Amazone, Facebook, Microsoft) a porté un coup très sévère à la presse écrite, et notamment au secteur des « toutes boîtes » quels qu’ils soient. Au point que, pour certains observateurs avertis, il n’y aurait plus place que pour un seul « gratuit » en Belgique francophone. Pour tout qui les a connus il y a vingt ans, et notamment Vlan, la cure d’amaigrissement qu’ils ont connue depuis lors, notamment dans le secteur immobilier, est spectaculaire. Le partenariat, que la Fédération des notaires pourrait ‘apprécier moyennement n’en constitue pas forcément le remède.

Il pourrait avoir des conséquences économiques et sociales graves pour d’autres supports, confrontés au même déclin. Et peut-être aussi pour Vlan, dont les annonces immobilières sont désormais filialisées, ce qui ne simplifie pas les choses. Parmi les personnes dont l’emploi risque de disparaître, il y a sûrement aussi des clients de Belfius, qui risquent de diminuer le pourcentage des clients satisfaits proclamé par la banque.

Dernier souci: au fil des décennies, les prix de presse du Crédit Communal, puis Dexia, puis Belfius ont acquis leurs lettres de noblesse. Pour en avoir été acteur plusieurs années, je puis affirmer que l’indépendance des jurys a l’égard de la banque a toujours été absolue. Mais on connaît l’adage: la femme de César ne peut être soupçonnée. Il serait regrettable que des prix futurs décernés à des journalistes du Soir ou de Sud-Presse suscitent la moindre interrogation…