La liberté de la presse attendra en Turquie…


2013-06-20 12.23.29La chose qu’on concèdera à Kenan Özdemir, c’est que son ministre titulaire, Sadullah Ergin, l’avait envoyé au casse-pipe, en lui confiant la mission de venir s’exprimer, au nom du gouvernement turc, à la conférence «SpeakUp2», organisée par le commissaire européen à l’Élargissement, Štefan Füle, sur le thème de «La Liberté d’expression dans les Balkans Occidentaux et en Turquie»

BNNeLrACYAAw47fLe sous-secrétaire d’État à la Justice a donc, à la place du titulaire, dû subir la manifestation d’une série de participants à la conférence, parmi lesquels votre serviteur, qui se sont levés durant son exposé. Manière de rappeler le soulèvement citoyen pacifique brutalement réprimé, il y a quelques jours, sur la place Taksim à Istanbul.

Il faut dire par ailleurs que Kenan Özdemir n’avait pas grand chose à annoncer: il s’est cantonné dans la langue de bois, affirmant sans sourciller que, dans la foulée du «troisième paquet» de la législation, et dans l’attente du «quatrième» – dans le plus strict respect, a-t-il insisté, des critères du Conseil de l’Europe en la matière – de «nombreuses poursuites ont été abandonnées contre des journalistes» (sic). On suppose qu’il ne visait pas, là, les journalistes du site Odatv, dont le procès a repris discrètement cette semaine, et a vu la réincarcération de Yalcin Küçük, 76 ans. Ni du procès KCK, dont une nouvelle audience, le lendemain, s’est conclue par la remise en liberté provisoire de Selahattin Aslan et d’Ömer Çelik, mais où 22 journalistes restent néanmoins détenus. Si bien qu’à ce jour, 61 journalistes sont emprisonnés en Turquie, ce qui lui vaut un triste record européen et classe cette démocratie qui se veut exemplaire parmi les plus grands prédateurs de la liberté de la presse au monde…

2013-06-20 17.24.43Kenan Özdemir faisait peut-être allusion au  récent «toilettage» de la loi anti-terroriste qui ne vise plus désormais que «l’incitation directe à la violence» et plus simplement «l’incitation à la violence».

Il y a là une nuance, mais le sous-secrétaire d’État à la Justice turc s’est empressé de préciser que la législation continuerait à faire la distinction entre «la liberté d’expression et le crime de terrorisme». Un crime contre lequel la Turquie lutte sans discontinuer depuis 30 ans, a-t-il plaidé.

L’affaire est donc cousue de câble blanc: la criminalisation du travail des journalistes turcs continuera à passer par des inculpations pour «appartenance à» ou pour «propagande en faveur d’» une organisation terroriste: interrogé par mes soins, pour savoir si l’abrogation des articles 6 et 7 de la législation anti-terroriste, et des articles 220 et 314 du Code pénal était envisagée, Kenan Özdemir a très nettement répondu par la négative. Or la suppression de ces articles est réclamée par la Plate-forme turque pour la liberté d’expression. Et dans son rapport intermédiaire sur les progrès de la Turquie sur la route de l’adhésion à l’Union Européenne, la Commission Européenne soulignait en octobre dernier que la combinaison de ces articles «conduit à des abus: écrire un article ou prononcer un discours peuvent donner lieu à un procès et déboucher sur une longue peine de prison pour appartenance ou pour direction d’une organisation terroriste».

2013-06-20 18.11.37Les journalistes turcs n’en ont donc pas fini avec la répression. La manifestation silencieuse qui a accompagné la prise de parole du sous-secrétaire d’État à la Justice, était opportune. Štefan Füle n’en a que plus de mérite de continuer à se battre pour la liberté de la presse dans les Balkans Occidentaux et en Turquie. Il a publié le tableau de bord de la mise en œuvre des conclusions de la première conférence «SpeakUp» et a déjà balisé la réalisation des conclusions de la deuxième. Les journalistes européens, et leur Fédération, apprécient.

La répression aveugle a une nouvelle fois frappé en Turquie


Le Premier ministre turc, Recep Tayip Erdogan, est sans doute content de lui: l’ordre règne à nouveau en Turquie. Avec brutalité, sa police a évacué les manifestants qui occupaient depuis trois semaines la place Taksim, lieu traditionnel de contestation dans le centre d’Istanbul, et lui a pu parader devant la foule de partisans qu’il avait conviés à approuver sa politique de la main de fer dans un gant de fer. Pour prendre une comparaison que les Belges comprendront peut-être, son discours était de la trempe de celui proféré par Bart De Wever devant ses troupes, au soir de sa conquête de l’Hôtel de ville d’Anvers, mais à un exposant dix.

Le TGS, le syndicat turc des journalistes, a condamné dans les termes les plus fermes cette «attaque brutale contre des civils, y compris des femmes et des enfants, qui étaient paisiblement assis dans leurs tentes» sur la place. Pour le TGS, il y a là rien moins qu’un «crime contre l’humanité». Sans aller aussi loin, je parlerais plutôt d’une atteinte manifeste à la liberté de manifester, et la liberté d’expression, consacrées par la Convention européenne des Droits de l’homme. Une Convention que la Turquie, très régulièrement condamnée par la Cour européenne des Droits de l’homme de Strasbourg, a malheureusement coutume de violer. Notamment en ne respectant pas la liberté de la presse.

Recep Tayip Erdogan s’en est d’ailleurs une nouvelle fois pris à la presse, à l’occasion de ces manifestations. Il a notamment accusé les grands médias internationaux (en citant la BBC, CNN, et l’agence Reuters) de privilégier la couverture des manifestations, plutôt que les meetings de l’AKP, son propre parti. Il a annoncé ensuite des poursuites contre les médias étrangers qui avaient couvert les manifestations de ses opposants: la dénonciation du complot extérieur est une arme favorite des gouvernements autoritaires.

Et puis, des journalistes ont, à nouveau, été  ciblés. Dimanche, à Ankara, la police a empêché des caméramen de prendre des images des funérailles du manifestant Ethem Sarısülük, tué par les balles de plastique des policiers anti-émeutes. Dimanche toujours, à Istanbul, les policiers ont arrêté, sur la place Taksim, les journalistes Okan Altunkara (MC Tv), Ferhat Uludağlar et Gökhan Biçici (de l’agence de presse Doğan, qui réalisait des reportages télé pour plusieurs stations). Uğur Can, qui travaille pour la même agence, a, lui, été brièvement détenu, toujours dimanche. L’arrestation de Gökhan Biçici, notamment, s’est déroulée dans des conditions choquantes, que l’on peut découvrir sur ces images:

Plus inquiétant, le TGS signale que des médias turcs pro-gouvernementaux ont caché à leur public une partie des informations décrites ci-dessus. Le code de conduite de la Fédération Internationale des Journalistes, rappelle-t-il, postule, dans le chef des journalistes, le «respect de la vérité et du droit du public à la vérité». Il leur impose aussi de combattre «toute discrimination, basée sur la race, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions philosophiques ou politiques,  l’origine nationale ou sociale». L’autocensure, que les organisations internationales de défense des journalistes et des médias, annonçaient dès novembre 2011, dicterait-elle sa loi à une série de médias turcs?taksim22_0

Dans ce contexte, c’est dans l’indifférence la plus générale que, le 13 juin, après une nouvelle audience de l’interminable procès dit «Odatv», l’incarcération de Yalcin Küçük, 76 ans a été prolongée par le tribunal. Il est accusé, comme tant d’autres journalistes, d’appartenance à la nébuleuse «Ergenekon». La libération de deux autres journalistes, Selahattin Aslan and Ömer Çelik, le lendemain, dans le procès KCK, n’y change rien, la roue de la répression continue à tourner en Turquie. Une fois de plus, il faut se mobiliser pour y défendre la liberté de la presse!

Esclerosa y dividida la FIP es amenazada de implosion


El momento ha llegado de hacer el balance del congreso de la FIP en Dublin. Y para la Federación Internacional de los Periodistas, es muy preocupante. No me refiero aquí a la irregularidad de la elección para la Presidencia sino al desarrollo de esta reunión impecablemente organizada por la NUJ de Irlanda pero que resulto mas caótica que el Congreso de Cadiz en 2010.

P1010794Un chivo expiatorio fue entonces designado: el secretario general de la FIP, que por fijarse en puntos de procedería, contribuyo al bloqueo del debate. La nueva dirección elegida no tardo en licenciarle. Tres años después, Aidan White ya no esta aquí y la incapacidad de la FIP en organizar su secunda elección (en realidad, la primera porque en 2007, la posibilidad de reelegir Christopher Warren, candidato a un cuarto mandato (!) era casi nula, mientras este año, parece que el presidente en función pensaba comerse a su adversario de un bocado, pero se trago una espina!) ha retrasado de manera importante la tarea del Congreso.

Esta es la responsabilidad abrumadora de los precedentes Comités Ejecutivo y Administrativo de la FIP que han preparado el agenda de este Congreso de Dublin. En el futuro, el modo de funcionar de los congresos de la FIP, como de las asambleas generales de la FEP debe ser revisto: el modelo Anglosajón pertenece al pasado.

Es normal, por ejemplo, que el programa de trabajo 2013-2016 de la FIP haya sido adoptado en unos secundos, sin ningun debate, en un ruido increíble, en los ultimos momentos del Congreso, por una mayoria indeterminada, mientras las dificultades del recuento de los votos para el Comité Ejecutivo habían ya conducido a un retraso de la hora de clausura del Congreso?

François à la tribuneEs normal que una moción crucial por el porvenir de la FIP, presentada por once sindicados-miembros para determinar las estrategias futuras de la FIP, haya sido presentada en fin de la lista de las mociones? Es normal que apenas abierta la discusión, el vicepresidente de la FIP haya presentado una gran serie de enmiendas sin presentarlas de forma escrita a los participantes supuestos evaluarlas sobre la pantalla? En la confusión, el autor (francés) de las enmiendas se consulto unos minutos con los autores de la moción como si se tratase de un negocio a concluir sobre una mesa de un bar: salieron con un consenso ignorado por la asamblea pero aprobado por el Congreso! Cuales serian las criticas feroces de los periodistas si esto hubiera ocurido en una asamblea elegida, Parlamento nacional o el consejo municipal del barrio mas modesto?

La Federación Internacional de los Periodistas peca también por falta de coherencia. Afirma luchar para la igualdad de los generos, pero en interno, no la defiende mucho: en su nuevo Comité Ejecutivo, hay tres mujeres en frente a dieciocho hombres! Algunos hablaran probablemente de falta en coraje de las mujeres. Seria olvidar a algunas consignas sobre el voto que fueron dadas para “castigar” a sindicados y asociaciones que habían apoyado a mí candidatura (a pesar de las denegaciones formuladas). Esas consignas que acabaron por “eyectar” del  Comité Ejecutivo la candidada noruega a la vicepresidencia de la FIP. Recibió, en Dublin, un bonito regalo para agradecerla del trabajo que producio durante años para beneficio de los periodistas, mujeres y hombres, en el mundo entero!

tracts énergumène (1)Y por fin los daños de la elección irregular a la presidencia de la FIP. En su discurso de clausura, el Presidente (irregularmente) reelegido de la FIP (que « olvido » de saludar al suyo competidor) anuncio su intención de tomar contacto con los sindicados que abandonaron el Congreso. Evidentemente no ha entendido que, para muchos sindicados y asociaciones miembros de la FIP, este incidente fue la gota que rebalsó el vaso. No ha entendido que perdio de modo definitivo (si todavia ya no era el caso) la confianza de un gran numero de miembros de la Federación.

Ha vencido después de una campaña electoral poco gloriosa pero su victoria electoral es una victoria pírrica. No para el, desgraciadamente pero para la FIP. La satisfacción de su apetito para el poder, o el reconocimiento social conduce la Federación al bordo de la implosión.

Y siguen la ausencia de visibilidad, la opacidad financiera, y la falta de transparencia democrática que han sido denunciadas durante el debate electoral.

Podriamos corregir esta situación? Por ahora, nadie sabe como, sino acaso con la decision del Presidente de apartarse. Acaso la organización de un segundo voto, rehusado en Dublin por la NUJ, pudiera haber bajado la tensión. Pero nada indica que vamos siguiendo esta dirección. Y siguen asesinatos, detenciones, raptos o presiones sobre periodistas por el mundo entero. Algunas mociones adoptadas en Dublin tratan de todo esto. Pero la FIP se encuentra ahora debilitada para enfrentar estos retos

Sclerosed and divided the IFJ is on the brink of implosion


The moment has come to draw up a balance sheet after the IFJ Congress in Dublin, and its balance is very preoccupying for the International Federation of Journalists. By writing this, I don’t target by priority the irregularity which marked the election to its presidency, but the progress of the meeting, impeccably organized by the NUJ Ireland, but more chaotic than the Cadiz Congress in 2010.

P1010794Three years ago, a scapegoat was easy to find: by blocking some procedure points, the General Secretary had largely contributed to the paralysis of the debate. The new elected direction didn’t take much time after the Congress to fire him. Three years later, Aidan White is not there any more, and the IFJ incapacity to organize its second true election (and as a matter of a fact its first one as back in 2007, the outgoing President, Christopher Warren who sought a fourth mandate had practically no chance, while here the outgoing president meant to smash the challenger, but came a cropper) has considerably slowed down the assembly’s work. The outgoing Administrative and Executive Committees are largely responsible of this as they prepared the agenda for the Dublin Congress. And further, the organizational mode of the IFJ Congress, and also of the EFJ General and Annual Meetings should be revised: the Anglo-Saxon model has reached its limits.

Is it for instance normal that the IFJ working program for 2013-2016 was adopted in a few seconds, amid an incredible noise, without any debate, without any amendments, by an impossible to determine majority, in the very end of the Congress, while the difficulties to tell the poll’s results had already provoked a delay of the closure hour?

François à la tribuneIs it normal that a crucial motion, moved by eleven member-unions, designed to trace the IFJ future strategies, was placed in queue of the list? Its discussion was hardly open that the IFJ outgoing Vice-President took the floor to present on the screen a battery amendments no participant had received in written form! Then followed a private discussion type pub’s discussion between the French promoter of those amendments and the main motion’s mover, from where they came with a consensus the meeting wasn’t able to evaluate, which didn’t prevent the Congress to approve the amended motion. It’s not difficult to imagine how sharp the critics would be in the media, if an elected body behaved like this on essential documents, from the national Parliament to the municipal council of the smallest village!

Another IFJ’s sin is its lack of coherency. It puts it’s fighting for gender balance, but doesn’t defend it very much internally: in the new elected Executive Committee, three women will face eighteen man! Some will probably shameless blame women not to have been candidates! One mustn’t forget that voting instructions (which are of course denied) were given to “punish” member-unions which had supported my candidature, en their result was to exclude from the Executive Comittee the Norwegian candidate to its vice-presidency. Nice reward for the work she has done during years for journalists, men en women,in the world!

tracts énergumène (1)And then the consequences of the irregular presidential election. In his closure address (where he failed to mention his challenger), the irregularly reelected IFJ President announced he would take contact with the member-unions which had left the Congress: obviously, he must still understand that the irregularity was only the last cause of anger to these member-unions and that he definitely lost (if this weren’t yet the case) the confidence of many member-unions within the Federation. He was reelected after hardly a glowing campaign, but his electoral success has all aspects of a Pyrrhus’ victory. Not for him but unfortunately for the International Federation of Journalists itself. Because his appetite for power or acknowledgment brings it on the brink of implosion. While its lack of visibility, its financial opacity, and its failing democratic transparence which were evoked in the electoral debate will further last.

Is it possible to restore the situation? Right now, it’s very difficult to predict, unless the president makes a step aside or the second election which was refused in Dublin would be organized (but how?) without the NUJ pressure. It might help to slow down the pressure, but nothing indicates by this time that one of those solutions could be chosen. Meanwhile, in many countries in the world, journalists are assassinated, kidnapped, arrested or repressed. Some motions evoked their fate in Dublin. But from now on a heavily weakened IFJ has to face the challenges…

Sclérosée et divisée, la Fédération Internationale des Journalistes risque l’implosion


Le moment est venu de tirer le bilan du congrès de Dublin de la FIJ, et, pour la Fédération Internationale des Journalistes, il est très préoccupant. Je ne vise pas par là, prioritairement, l’irrégularité qui a marqué l’élection à sa présidence, mais bien le déroulement de la réunion, impeccablement organisée par la NUJ Irlande, mais encore plus chaotique que le congrès de Cadix, en 2010.

P1010794À l’époque, un bouc émissaire avait été tout désigné: le secrétaire général, qui, en se braquant sur certains points de procédure, avait largement contribué au blocage des débats, et la nouvelle direction mise en place à l’époque, n’a pas tardé à le licencier. Trois ans plus tard, Aidan White n’est plus là, et l’incapacité de la FIJ à organiser son deuxième véritable scrutin – mais en fait sa première vraie élection: en 2007, les chances du président sortant, Christopher Warren, qui sollicitait un quatrième mandat (!) étaient nulles ou quasi; ici, apparemment, le président sortant pensait ne faire qu’une bouchée de son opposant, et il est tombé sur un bec de gaz! – a ralenti considérablement les travaux de l’assemblée. Mais la responsabilité du comité administratif et du comité exécutif sortants, qui ont préparé l’ordre du jour du congrès de Dublin est écrasante. Et plus avant, c’est sans aucun doute le mode de fonctionnement de ces congrès de la FIJ, et, partant, des assemblées générales ou annuelles de la FEJ, qui devrait être revu: calqué sur le modèle anglo-saxon, il a fait long feu.

Est-il normal, ainsi, que le programme de travail  2013-2016 de la FIJ ait été adopté en quelques secondes, dans un brouhaha indescriptible, sans le moindre débat, sans le moindre amendement, et par une majorité impossible à déterminer, tout en fin de congrès, alors que les difficultés de dépouillement du scrutin avaient déjà provoqué un report de l’heure de clôture de la réunion?

François à la tribuneEst-il normal qu’une motion tout aussi cruciale, déposée par onze syndicats-membres, pour baliser les futures stratégies de la FIJ, ait été placée tout en fin de liste? Et sa discussion était à peine commencée qu’on a vu le vice-président sortant de la FIJ présenter à la tribune une batterie d’amendements, que les participants n’avaient pas reçu sous forme écrite, et qu’ils étaient censés évaluer à l’écran! Puis, dans une certaine confusion, le promoteur des amendements (français), et les initiateurs de la motion ont tenu un conciliabule de type table de bistrot, d’où ils sont sortis avec un consensus dont l’assemblée n’a pas été informée, ce qui ne l’a pas empêché d’approuver la motion dans son ensemble! On peut imaginer les critiques féroces qu’on retrouverait dans la presse, si une assemblée élue, d’un Parlement national au plus petit conseil municipal, procédait de la sorte sur des documents aussi essentiels que ceux-là!

Où la Fédération Internationale des Journalistes pèche aussi, c’est par son manque de cohérence. Ainsi, si elle affirme se battre pour l’égalité des genres, en interne, elle ne la défend guère: dans le nouveau comité exécutif élu, on ne retrouve plus que trois femmes face à dix-huit hommes! Et certains de mettre cela sans vergogne sur le compte du manque d’engagement des femmes! C’est un peu vite oublier que des consignes de vote, visant à «punir» les syndicats et associations-membres de journalistes de leur soutien à ma candidature, avaient été données (en dépit des dénégations qui nous sont faites sur ce point), qui ont eu pour résultat d’éjecter du  comité exécutif de la FIJ la candidate norvégienne à sa vice-présidence: belle récompense pour le travail qu’elle a mené pendant des années au bénéfice des journalistes, hommes et femmes, du monde entier!

tracts énergumène (1)Et puis il y a les dégâts provoqués par l’irrégularité du scrutin présidentiel. Dans son discours de clôture (où il a «oublié» de saluer son opposant) le président irrégulièrement réélu de la FIJ a annoncé son intention de reprendre contact avec les syndicats qui ont claqué la porte du congrès: il n’a manifestement pas compris que cette irrégularité n’était, pour nombre de syndicats et associations-membres de la FIJ que la goutte d’eau d’un tonneau déjà bien rempli, et qu’il a définitivement perdu, s’il ne l’avait déjà encore fait, la confiance d’un grand nombre de membres de la Fédération. Il aura obtenu sa réélection au terme d’une campagne peu reluisante, mais son succès électoral s’apparente à une victoire à la Pyrrhus. Pas pour lui, mais, malheureusement pour la Fédération Internationale des Journalistes elle-même. Car la satisfaction de son appétit de pouvoir et/ou de reconnaissance sociale conduit celle-ci au bord de l’implosion. Et l’absence de visibilité, l’opacité financière, le manque de transparence démocratique qui la caractérisent, et qui ont été dénoncées pendant le débat électoral, perdureront.

La situation peut-être elle rétablie? Pour l’instant, on voit mal comment. Un pas de côté du président, voire l’organisation, mais sous quelle forme, du deuxième scrutin refusé à Dublin, et sans la pression cette fois de la National Union of Journalists, permettraient, peut-être, de faire tomber la pression. Mais rien n’indique pour l’heure qu’on aille dans ce sens. Et pendant ce temps, dans de nombreux pays du monde, des journalistes sont assassinés, enlevés, détenus ou réprimés. Il en a été question dans des résolutions adoptées à Dublin. Mais c’est une FIJ bien affaiblie, désormais, qui doit faire face à ces défis.

Lecture de démocratie au congrès de la FIJ à Dublin


Les événements de jeudi ont résonné ce vendredi matin au congrès de la FIJ à Dublin. Des délégations, outrées par la manière dont le vote pour la présidence s’est déroulé, ont décidé de quitter le congrès: le DJV (Allemagne), a été rejoint par un syndicat canadien. Et, en son nom, Wolfgang Grebenhof a annoncé que la direction fédérale du syndicat réfléchirait plus avant à son adhésion à la Fédération Internationale des Journalistes. D’autres syndicats-membres, norvégien ou allemand, ont, eux, réclamé une révision des règles électorales, pour éviter pareil fiasco dans l’avenir.

BMJP1sYCQAIEn6mLa délégation belge, de son côté, a pris de la hauteur. Avec d’abord une déclaration à la tribune de Martine Simonis, la secrétaire nationale francophone de l’AGJPB, qui a motivé sa démission du Presidium qui dirige les travaux. Pas par une quelconque déception liée à ma non-élection à la présidence de la FIJ, mais parce que des principes démocratiques fondamentaux sont mis en cause.

Les applaudissements longs et nourris qui ont salué sa déclaration s’adressaient à une militante qui, depuis des années, joue un rôle-moteur dans les assemblées de journalistes, au niveau européen comme au niveau mondial. Mais ils marquaient surtout la réprobation d’un nombre important de délégués devant l’irrégularité constatée du vote de la veille.

La réplique de la secrétaire générale de la NUJ n’en est apparue que plus dérisoire: pensant toujours que la contestation portait sur l’élection étriquée du président nouvellement élu de la FIJ, elle a invoqué le vote démocratique du congrès qui, hier, avait décidé de valider le vote irrégulier. Oubliant que toute dictature bien organisée, il y a un Parlement qui approuve les lois parfois les plus iniques.

Le propos de Martine Simonis, prolongé par l’invite faite par Pol Deltour, son alter ego néerlandophone, à tirer les leçons de l’incident pour éviter que pareille pantalonnade se reproduise à l’avenir, se situait évidemment sur un tout autre plan. La différence qui a marqué, à l’applaudimètre, son intervention (lisible ci-dessous) et la réponse de la secrétaire générale de la NUJ montre que les congressistes avaient bien compris où se situaient les enjeux. Et qu’ils ont apprécié cette lecture sur la démocratie.

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Les journalistes plus indulgents pour eux-mêmes que pour le monde qui les entoure?


Une journée particulière s’achève: celle qui m’a vu affronter dans les urnes le président sortant de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), Jim Boumelha, qui était candidat à un cinquième mandat à la direction de la FIJ (deux mandats de trésorier, avant deux mandats de président), et qui m’a vu perdre l’élection d’une encolure: 178 voix contre 191. 13 suffrages d’écart, et au total, 369 votes exprimés… soit 5 de plus que le nombre de votes officiellement prévus.

Invité à me prononcer sur ce résultat, j’ai expliqué que je ne souhaitais pas un deuxième scrutin, malgré l’anomalie constatée: respectueux du verdict des urnes, je ne voulais pas apparaître comme le perdant qui le conteste, en dépit de l’irrégularité manifeste qui s’est produite. L’aurais-je emporté, par contre, que je n’aurais pas hésité un seul instant: pour éviter que mon succès soit entaché d’une «ombre», comme l’a dit Juha Rekkola, un des membres de la commission électorale, j’aurais demandé qu’on procède à une nouvelle élection. Que j’aurais sans doute gagnée par un écart plus important, parce que les électeurs, en général, apprécient ce geste élégant du vainqueur. Jim Boumelha n’a pas eu cette élégance: la crise couve à la FIJ, et il lui appartient désormais d’éteindre l’incendie qu’il a lui-même allumé.

Car, au-delà de l’anomalie constatée sur le scrutin, il me faut bien constater, et déplorer, que toute cette élection s’est déroulée dans un climat détestable.

Il y a eu tout d’abord les agressions verbales dont ont été victimes, de la part du président sortant, et candidat à sa propre réélection, les animateurs de ma «campagne», après un tweet peut-être maladroit, qui témoignait surtout du délicieux surréalisme belge, qui est un peu notre marque de fabrique.

Mais ce qui a dérangé surtout de nombreux participants à l’assemblée générale, c’est l’activisme, ce jeudi, des petites mains de la National Union of Journalists (NUJ), organisateurs du congrès de la FIJ à Dublin.

Je passe sur la campagne lancée, le matin même sur Twitter: Ricardo Gutiérrez et Mehmet Koksal se sont amusés à organiser un contrefeu, avec un amusement évident. photoMais était-il normal qu’en matinée, le comptoir d’accueil du congrès (de la FIJ, rappelons-le, pas de la NUJ) soit garni d’affiches à la gloire du président sortant, alors qu’aucun support n’invitait au soutien du candidat adverse? Qu’on ne me dise pas que ce dernier (moi en l’occurrence) aurait pu lui aussi garnir le comptoir d’affiches: le soutien logistique, sur place, était exclusivement réservé par la NUJ à son poulain.

Était-il bien logique que, dans le même temps, des employées de la NUJ distribuent à tous les arrivant(e)s des tracts vantant les mérites du président sortant? Interpellées par une participante, choquée par cet engagement unilatéral, une des militantes a répondu que ce soutien était naturel, puisque la NUJ s’engageait aux côtés de son candidat. Le seul problème est que la NUJ, organisatrice du Congrès, est l’hôte de toutes les associations participantes, dont la belge AGJPB, qui présentait elle aussi un candidat au scrutin. À tout le moins y avait-il là faute de goût…

Dans tout pays démocratique, ces violations du code électoral vaudraient mise en question, voire invalidation du scrutin. Cela n’a pas empêché le Congrès de la FIJ de valider le résultat de l’élection, à une très large majorité.

BMAA-cMCIAAypMPUn scrutin que j’ai préparé dans une certaine tension, en dépit des apparences, mais qui a néanmoins donné un résultat remarquable, puisque 13 voix seulement m’ont séparé du candidat qui a bénéficié d’une campagne publicitaire assez difficile à comprendre pour moi dans le chef de journalistes professionnels: certains participants à l’assemblée, parmi lesquels des confrères avec lesquels j’ai mené dans un passé récent nombre de combats communs, et dont je croyais que certains étaient devenus d’authentiques amis au fil du temps, se sont laissé photographier, portant un dépliant invitant, à nouveau, au vote en faveur du président sortant!BMEnExwCcAAcxRd

Tout cela, finalement, n’a pas vraiment été efficace, puisque à 13 voix près, l’élection, la première pour la présidence de la FIJ, au moins depuis 1998, s’est clôturée sur un score nul.

Reste la question de la campagne électorale complètement déséquilibrée, et surtout de l’irrégularité, je n’ai pas dit de la fraude, constatée du vote.

Témoins de pareille anomalie, dans le plus petit village du monde, tous les journalistes actuellement présents à Dublin auraient sans aucun doute dénoncé les faits. Le résultat du scrutin n’en a pas moins été confirmé, à une écrasante majorité, et les journalistes participants ont choisi pudiquement de fermer les yeux.

J’en dresse le constat sans amertume: à la différence, sans doute, de mon concurrent, je ne considère pas le titre de président de la FIJ comme un élément essentiel de mon existence. Mais pour l’avenir de la FIJ, il y a de sérieuses inquiétudes à nourrir. D’abord en raison de la difficulté qu’elle aura, désormais, à incriminer certains comportements politiques: son incapacité à organiser une simple élection démocratique est un échec assez consternant dans cette perspective.

Après le catastrophique congrès de Cadix, en 2010, la FIJ ne pouvait pas louper son congrès de Dublin cette année. La tache qui marque désormais la reconduction du président, Jim Boumelha, l’affaiblira  jusqu’à la fin de son cinquième mandat de trois ans. Sa voix est affaiblie jusqu’en 2016.

Mais il y a aussi plus grave: des syndicats et asssociations-membres, choqués par cette nouvelle dérive, menacent de se retirer de la FIJ, et partant, pour les européens, de la FEJ. C’est tout le mouvement syndical européen et mondial qui est atteint par le manque d’intelligence politique de son leader.

Le plus dramatique dans tout cela? C’est que la crédibilité journalistique, elle aussi, a reçu une grave blessure, ce jeudi, à Dublin. Il faudra longtemps avant que certain(e)s de mes consœurs et confrères puissent dénoncer des entourloupes électorales sans craindre de se voir opposer leur attitude dans une capitale irlandaise dont nous avons pu découvrir bien des charmes…

Un nouveau successeur de saint Lambert dans l’esprit de l’Église liégeoise


Désigné par Rome à la succession d’Aloys Jousten, démissionnaire depuis novembre 2012, Jean-Pierre Delville sera donc le nonante-deuxième évêque de Liège. Polyglotte (il parle le français, l’italien, le néerlandais, l’anglais et l’allemand, plus, on le suppose dans le chef de ce Liégeois «pur jus», le wallon), le futur successeur de saint Lambert, qui sera installé dans sa fonction épiscopale le 14 juillet prochain, connaît sûrement l’expression wallonne relative au «novê ramon» qui «heûve todî mi», entendez, le nouveau balai qui balaie toujours mieux que l’ancien.

Delville-51Il n’empêche: même si les règles de la bienséance interdisent en général de critiquer quelqu’un avant sa prise de fonction, il est assez inhabituel de voir tout le monde, au sein d’un diocèse, saluer la nomination d’un nouvel évêque, comme cela a été le cas ce vendredi, dès le dévoilement du nom de Jean-Pierre Delville.

Pour ce spécialiste de l’histoire de l’Église, le cadeau  pourrait être empoisonné: avec autant d’attentes placées en lui, il lui sera peut-être difficile de ne pas décevoir. Mais avec l’expérience du terreau liégeois que lui ont donné ses divers vicariats dans la Cité Ardente, et avec la hauteur de vues que lui ont assurée ses diverses formations, notamment romaines, il paraît bien de taille à relever le défi qui se pose à lui.

Ce qui a surtout été mentionné dans son parcours – et cela interpelle tout autant les non-croyants que les croyants – c’est son appartenance à la communauté Sant’ Egidio, dédiée au travail de rue, à la solidarité avec les plus pauvres, et, sur le plan spirituel, le dialogue entre religions et le règlement pacifique des conflits.

Voilà qui nous éloigne singulièrement des violents affrontements, des massacres et des assassinats liés pour l’instant aux religions en général, à la religion musulmane en particulier. Voilà aussi qui, au sein de l’Église belge, s’éloigne assez fort des conceptions beaucoup plus traditionnelles du primat de Belgique, André-Joseph Léonard.

Faut-il déjà y voir la «patte» du pape François? Avec cette nomination, il pourrait en tout cas mériter à Liège le surnom de «Påpe Tchantchès», dont je me demandais, au moment de sa nomination, s’il lui serait un jour attribué. Et, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Église, on comparera sans doute encore plus d’une fois ce choix, très différent de celui fait par Benoît XVI au moment de désigner le successeur de Godfried Danneels à la tête de l’Église de Belgique.

Mais il y a peut-être aussi un esprit spécifique qui souffle sur l’Église liégeoise, et dont Jean-Pierre Delville paraît, lui aussi animé. Je l’avais évoqué, en rapportant le message de solidarité avec les métallos  bientôt réduits au chômage, exprimé par Aloys Jousten, lors de l’annonce de la fermeture définitive de la phase à chaud de la sidérurgie principautaire. Dans un temps plus lointain, et combien plus dramatique, on se souviendra aussi, à l’été 1940, de la prise de position marquée de Louis-Joseph Kerkhofs en faveur des ministres belges exilés à Londres pour poursuivre le combat contre l’Allemagne nazie, alors que le primat de Belgique et la population belge plaçaient le roi Léopold III sur un piédestal, pour avoir capitulé face à la toute-puissante Wehrmacht.

«Fluminis impetus laetificat civitatem Dei», «l’élan du fleuve réjouit la cité de Dieu»: gravée sur les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy (autre fierté liégeoise), la devise du nouvel évêque renvoie autant à la Meuse qu’à l’eau du baptême. Et si cette désignation marquait un nouveau tournant pour l’Église belge?