Pas médiocre, un problème qui fait tomber un gouvernement!


Un signe guère rassurant pour moi, car il témoigne de mon vieillissement: tous les commentaires entendus et lus ces derniers jours sur le caractère «médiocre» du problème de la scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde me rappellent étrangement ce qu’on disait et écrivait il y a deux décennies, quand le gouvernement national, comme on disait à l’époque, trébuchait avec régularité sur le hérisson fouronnais. Là aussi, on parlait des préoccupations du bon peuple, qui étaient économiques, et sociales, et on se demandait si cela valait bien la peine de paralyser un pays pour des petits villages qui, regroupés, ne comptaient que quelque 4000 habitants.

La question n’est vraiment pas là: si le problème fait chuter un gouvernement, qu’on l’estime important ou non, c’est un problème qui doit être résolu. Faute de quoi, il reviendra, plus difficile encore à résoudre, et plus tôt qu’on ne le pense. Avec, à chaque fois, un radicalisme plus marqué côté flamand, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.

Faut-il s’enfermer dans un délai court, comme le réclame l’Open VLD? Je ne me prononcerai pas. Mais on peut tout de même objecter à celles et ceux qui disent qu’on ne peut résoudre ce problème en quelques jours qu’il est posé depuis fort longtemps. Et que depuis 2005, notamment, on sait qu’il reviendra sur la table. Alors, faut-il en déduire que les stratèges politiques n’ont pas réfléchi à la question depuis lors?

Jean-Luc Dehaene lui-même n’y est pas arrivé? Parce que personne ne veut tenter de comprendre les prémisses de ses partenaires de discussion, a-t-il dénoncé.

Alors, puisqu’il y a échoué, essayez-donc de secouer les ingrédients et de sortir une solution praticable d’ici à jeudi, en mélangeant les ingrédients suivants:

  • les communes de la périphérie bruxelloise sont incontestablement située en région flamande
  • celles et ceux qui vont s’y établir savent donc bien qu’ils vont vivre en Flandre. Une région fermée sur elle-même et a priori intolérante? C’est l’image qu’elle a en Europe, c’est vrai. Mais chez nos voisins, allemands comme français, l’apprentissage de la langue est la condition sine qua non d’intégration des nouveaux arrivants.
  • la convention-cadre de protection des minorités du Conseil de l’Europe a été ratifiée par la Belgique et ses différentes composantes, SAUF par la Flandre
  • la minorité flamande à Bruxelles bénéficie d’une protection exorbitante au regard de son poids réel. Sans rapport avec la protection globale dont bénéficient les francophones en Belgique avec la parité linguistique au gouvernement fédéral… compte non-tenu d’un Premier ministre qui est de moins en moins «asexué» linguistiquement.
  • Bruxelles est à l’étroit dans ses limites territoriales, mais la remise en cause de ces limites est politiquement irréaliste
  • les facilités linguistiques, «bétonnées» depuis 1988 et la solution (?) du problème fouronnais, n’ont cessé d’être rognées depuis lors.
  • la scission de BHV n’empêcherait nullement les francophones qui y vivent de voter pour des listes francophones. Aux communales, ils peuvent le faire, et aux élections régionales flamandes aussi. Elle permettrait aux francophones d’augmenter leur représentation au Parlement flamand, et diminuerait la représentativité des élus flamands au Parlement bruxellois. Ce qui remettait encore plus en question la représentativité exorbitante de cette minorité, dont question ci-dessus

Et deux éléments incongrus pour relancer la discussion?

  • envoyons des «taxi de la Senne» pour évacuer massivement tous les francophones qui vivent en périphérie flamande de Bruxelles: ces communes seront les premières punies, avec un effondrement de leurs rentrées fiscales et une baisse dramatique de la valeur des biens immobiliers!
  • profitons de cette discussion pour remettre la question fouronnaise à l’agenda des discussion: après tout, hors l’élection du CPAS lors du dernier scrutin communal, la population fouronnaise a systématiquement exprimé sa volonté majoritaire de faire retour à la province de Liège depuis 1963. Et le nombre de francophones y a décru au fil des décennies: ceux qui vivent à Fourons sont donc d’authentiques Fouronnais. Puisque la Flandre est obsédée d’homogénéité territoriale, elle devra bien admettre que cette «excroissance» en terre wallonne a quelque chose d’absurde…

Avouez que se non é vero… é bene trovato! 😉

Vérité en-deçà de l’Atlantique, mensonge par-delà


Hasard du calendrier: c’est au moment où, en Belgique, les instances parlementaires diverses se saisissent de propositions de loi relatives au voile islamique, au Québec, Gérard Bouchard, un souverainiste convaincu, qui a coprésidé une commission qui a donné naissance au concept des «accommodements raisonnables» pourfend la proposition de loi présentée par le Parti Québécois visant à interdire tout signe religieux distinctif dans la fonction publique. «Pareille loi vaudrait au Québec une mise à l’index dans le monde entier, parce qu’elle violerait les libertés fondamentales» explique-t-il en substance. Cela n’a pas empêché le gouvernement Charest de tenter de régler la question, en proscrivant au moins le voile intégral dans l’administration: la solution ne satisfait ni les tenants de la liberté de religion, ni ceux d’une laïcité affirmée au Québec.

Revenons aux propos de M. Bouchard: la Belgique et la Communauté Wallonie-Bruxelles sont-elles elles aussi menacées du pilori, si elles légifèrent dans le même sens?

Étrangement, les concepts semblent diamétralement opposés, de part et d’autre de l’Atlantique: ce sont précisément les «accommodements raisonnables» québécois qui sont dénoncés chez nous, comme conduisant tout droit au communautarisme. Et la législation envisagée s’inscrit à contre-courant de ces principes.

Qu’en tirer comme leçon? Que le problème est malaisé à résoudre, bien sûr: il y a à concilier à la fois le respect des libertés individuelles fondamentales, et la nécessaire adhésion à des valeurs démocratiques communes, qu’un certain port du voile imposé, ou certains types de voiles veulent nier. Et que ce qui était vrai jadis pour les Pyrénées l’est aujourd’hui pour l’Atlantique: vérité en-deçà, mensonge par-delà…

(photo François Brunelle)

Quand les partis flamands nous font la leçon


Comme l’écrit Luc Van der Kelen, aujourd’hui, dans le «Laatste Nieuws», en élisant contre toute attente Alexander De Croo à leur présidence, les membres de l’Open VLD ont pris «le risque du changement sans garantie de résultat».

Bien sûr, le fils de Herman De Croo bénéficiait de l’impact de son nom de famille, même si l’étiquette belgicaine accrochée à son père était peut-être lui autant un handicap qu’un avantage. Et il fallait donc oser élire, pour piloter le parti libéral flamand, un jeune trentenaire, doté d’une expérience politique très limitée, contre un adversaire, Marino Keulen, qui pouvait, lui se targuer d’une vingtaine d’années de politique active, dont les dernières comme ministre flamand des Affaires intérieures.

Alexander De Croo joue gros, car l’Open VLD reste sur plusieurs défaites électorales consécutives. Mais d’un autre côté, il ne pourra pas faire pire que son prédécesseur, Bart Somers. D’autres hommes d’affaires qui, comme lui, se sont lancés en politique avant lui (de Jean-Pierre Van Rossem à Roland Duchatelet) ont connu des fortunes diverses, mais qui ont toutes tourné au fiasco. Le citoyen de Brakel a sur eux l’avantage de connaître le milieu, par expérience familiale,  et de savoir donc où il met les pieds.

Cette élection a en tout cas été précédée d’un vaste débat interne à l’Open VLD. Avant le premier tour, Alexander De Croo, Marino Keulen, et la «troisième larronne», Gwendolyn Rutten, ont battu la campagne; puis, entre les deux tours, les deux finalistes ont également rencontré nombre de militants. Le virage opéré par l’Open VLD l’a été en toute connaissance de cause.

C’est l’occasion de constater le gouffre qui existe entre partis flamands et partis francophones. L’Open VLD n’est pas le seul à avoir changé de président; le sp.a l’a fait avant lui. Et les «Verts». Et le CD&V. Sans compter les fachos du Vlaams Belang, aujourd’hui secoués par des conflits internes, ce dont nul ne se plaindra.

Dans le même temps, à l’exception, relative, d’Ecolo, les présidents des partis francophones sont restés inamovibles. Elio Di Rupo se fait réélire de scrutin interne en scrutin interne, au mépris, parfois, des statuts du PS, en veillant à n’avoir pour adversaire que des opposants qu’il peut défaire facilement. Didier Reynders s’est fait replébisciter par le MR l’an dernier, ce qui ne l’a pas empêché d’être gravement contesté… mais d’être maintenu après l’échec électoral libéral de juin dernier. Olivier Maingain a étouffé toute opposition au sein du FDF. Et que dire de la comédie électorale que vient d’organiser le cdH, où Joëlle Milquet entendait bien rester en place, mais a feint de vouloir sortir pour pouvoir mieux différer son départ, au bénéfice de Benoît Lutgen, dont on a invoqué le manque d’expérience pour justifier l’opération. À la lumière de l’élection d’Alexander De Croo, l’argument fait encore plus rire!

Cette main-mise des président(e)s de partis francophones n’est pas vraiment rassurante, car en étouffant tout débat, c’est la sclérose de la vie politique qu’ils assurent. Peut-être, dans le même temps, les lieux de pouvoir se sont-ils déplacés des partis vers les exécutifs, côté flamand? Mais dans le fond, n’est-ce pas là le lieu naturel d’exercice du pouvoir? La «particratie» a été suffisamment décriée, pour qu’on ne salue pas ce retour vers un fonctionnement normal des institutions. Dommage que ce soit de l’autre côté de la frontière linguistique…

De Gaulle avait raison


Churchill et le général de Gaulle ont marqué l’Histoire: sans le Premier ministre britannique, qui sait  quelle issue aurait connue la Seconde guerre mondiale? Et sans l’appui sans réserve qu’il a apporté au général de Gaulle, que serait devenue la France?

L’énorme estime que les deux hommes se portaient ne les empêchait pas de se quereller parfois vigoureusement. Comme lorsque Churchill n’informa pas de Gaulle de l’approche du débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie. Lorsqu’ils se revirent, quelques jours plus tard, le général reprocha véhémentement à Churchill ce qu’il ressentait comme un manque de confiance. Et, rappelle-t-il dans ses Mémoires de guerre, Churchill lui répliqua que «Quand la Grande-Bretagne devra(it) choisir entre l’Europe et l’Atlantique, elle choisira toujours l’Atlantique».

Le général de Gaulle ne l’avait jamais oublié. Et quand la Grande-Bretagne, vingt-deux ans plus tard, sollicita son entrée dans le Marché commun, le grand Charles lui opposa son véto. Le Royaume Uni dut attendre quelques années, et la sortie de scène de De Gaulle, pour devenir membre à part entière de la Communauté Économique Européenne, puis, plus tard, de l’Union Européenne.

Membre à part entière? Les vetos opposés aux candidatures de Jean-Luc Dehaene puis de Guy Verhofstadt, dans leur course à la présidence de la Commission Européenne, au motif qu’ils étaient trop fédéralistes nous reviennent à l’esprit, aujourd’hui que Herman Van Rompuy, à son tour, risque de se heurter à un rejet britannique… au motif qu’il n’a pas assez d’envergure. Et oui, la Grande-Bretagne est «un pied dedans, un pied dehors», comme me le disait aujourd’hui un ancien confrère british.  On l’a bien vu que, sous Margareth Thatcher, elle a réclamé «(her) money back». On l’a vu sous Tony Blair, quand, contre le «noyau dur européen», groupé autour de la France, de la Belgique et de l’Allemagne, le Royaume Uni a choisi d’accompagner les États-Unis dans leur expédition meurtrière en Irak.

On ne peut qu’en conclure que le général de Gaulle, décidément, avait vu clair. Et qu’il serait grand temps de mettre au point un mécanisme de sortie de l’Union Européenne. Pour dire en toute amitié à nos amis britanniques qu’aussi longtemps qu’ils ne préféreront pas résolument l’Europe à l’Atlantique, leur place sera plutôt sur son perron que dans ses salons.

Ces murs qui subsistent ou s’érigent


Berlin, où je suis passé en début de semaine, vivra donc ce lundi une grande journée festive, pour rappeler la chute du Mur, le 9 novembre 1989. L’événement a transformé la vie de millions d’Allemands, dont certains, que j’ai rencontrés, se rappellent ce jour avec beaucoup d’émotion. Pour la plupart, le changement s’est fait en bien, même si les «Ostalgiques» sont encore nombreux. Ils ne souhaitent pas retourner à l’ordre ancien, mais ils ne veulent pas non plus oublier leur passé, et on peut les comprendre.15857619La chute du Mur annonçait la transformation que le monde a subie, il y a une vingtaine d’années. Transformation positive? Globalement, sans doute, même si on ne peut pas passer l’éponge sur tout. L’Union Européenne en a profité pour s’élargir à l’Est,  ce qui est une bonne chose; mais elle n’a toujours pas trouvé une structure qui lui permette de fonctionner efficacement à Vingt-sept aujourd’hui, plus encore peut-être demain. Le traité de Lisbonne lui permettra-t-il de rebondir? Difficile à dire. Mais il en sera abondamment question, la semaine prochaine, avec la désignation du président du Conseil européen, dont le nom devrait être connu avant samedi prochain. Herman Van Rompuy sera-t-il l’élu? Le nom du Premier ministre belge est dans toutes les bouches pour l’instant, et la voie semble toute tracée pour lui. Il a la discrétion voulue – certains parlent de son manque de charisme – et la manière dont il a «pacifié» la Belgique impressionne, dit-on…

Ah bon? Herman Van Rompuy a pacifié la Belgique? Depuis son arrivée au 16 rue de la Loi, les problèmes communautaires ont été mis au frigo, c’est vrai. Ils ne sont pas résolus pour la cause, et les récentes manifestations flamingantes à Eupen, pour dissuader le Parlement germanophone de lancer une procédure en conflits d’intérêts sur le projet de scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde en portent témoignage. Au fait, un départ à l’Europe permettrait au Premier ministre d’échapper à une contradiction, car il est lui-même signataire de la proposition flamande de scission, votée au Parlement majorité flamande contre minorité francophone, et qui est à l’origine des procédures de conflit d’intérêt en cascade. Difficile dès lors pour lui de piloter une négociation sur le sujet…

Passons sur le dilemme épouvantable que poserait le départ de Herman Van Rompuy pour son prédécesseur (et successeur?) Yves Leterme: on verra d’ici à quelques jours si la question se pose. Constatons tout de même qu’alors qu’il fêtera à Berlin, ce lundi, l’anniversaire de la chute du Mur, le Premier ministre a contribué à renforcer le mur d’incompréhension qui existe, en périphérie bruxelloise et par ricochet à Fourons, entre Flamands et francophones? Non que ces derniers, en périphérie, soient sans responsabilités en la matière, faut-il le préciser. Ce mur pourrait tomber, en Belgique, si la Flandre se résolvait à adopter, enfin, la convention-cadre sur la protection des minorités, comme le lui demande le Conseil de l’Europe, mais on sait que le gouvernement Peeters a explicitement déclaré qu’il n’en ferait rien…

Ce mur d’incompréhension n’est pas le seul, loin de là, qui subsiste, 20 ans après la chute du Mur: Chypre reste divisée; un rideau de fer sépare les États-Unis du Mexique; la barrière entre les deux Corée est infranchissable; et Israël construit une muraille le long de sa frontière avec l’embryon d’État palestinien. Israël dont il ne fait pas bon critiquer la politique, sous peine de se voir taxer d’antisémitisme: André Flahaut, l’ancien ministre de la Défense nationale, l’a appris à ses dépens; il a contre-attaqué avec succès sur le plan judiciaire. Au moins, cette fois, le terrorisme (intellectuel en l’occurrence) ne l’a pas emporté….

 

 

Dérapage fouronnais


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L’Action fouronnaise ironise: le bourgmestre de Fourons, Huub Broers (Voerbelangen, CD&V) serait-il gagné à la revendication des francophones de Fourons d’un statut birégional pour leur commune, à défaut du retour à Liège qu’ils ont en vain réclamé démocratiquement pendant 40 ans? La convocation qu’ils ont reçue, en néerlandais, indique en effet clairement qu’ils pourraient élire 6 députés wallons, en plus de 8 députés européens francophones, s’ils choisissent d’aller voter à Aubel, le 7 juin prochain.

Il n’en est évidemment rien, et cette élection au Parlement wallon n’est pas ouverte aux électeurs fouronnais. Le document est entaché d’une erreur manifeste. On imagine tout de même l’embarras d’un président de bureau, si, sur foi de ce document, un Fouronnais réclamait un bulletin de vote pour le Parlement wallon, à Aubel, le 7 juin prochain? Et on se demande quel lapin juridique une chambre flamande du Conseil d’État devrait trouver pour démontrer que la convocation est correcte, mais que l’élection de parlementaires wallons n’est pas possible, au cas où un citoyen fouronnais voudrait l’interroger à ce propos?

Que conclure de cet épisode? Que l’erreur est humaine sans doute, même si pareil document aurait dû faire l’objet d’une particulière attention. Qu’elle n’en est pas moins surprenante, puisque cela fait 21 ans, maintenant, que les Fouronnais francophones ont le droit d’aller voter à Aubel (sauf pour les élections communales bien sûr) et que ce n’est pas la première fois qu’une élection est organisée depuis que Voerbelangen est arrivé au pouvoir à Fourons. Et que notre complexité institutionnelle est telle que même un de ses plus fins connaisseurs au plan local y a perdu son… plattdütsch?