Bernard Pivot est mort et ce n’est pas… une carabistouille


Toutes les télévisions francophones rendent hommage à Bernard Pivot, et à juste titre. Le créateur de l’inoubliable émission «Apostrophes», de «Bouillon de Culture», qui a ensuite popularisé la dictée, aujourd’hui décriée dans notre enseignement, a bien mérité tous ces hommages.

Bernard Pivot connaissait le français parlé en Belgique

La Belgique francophone, et plus spécifiquement la Wallonie, lui doit aussi la sauvegarde d’un des «100 mots à sauver» sur lesquels cet amoureux de la langue française (et aussi du vin, auquel il a consacré un «Dictionnaire amoureux») réclamait l’attention, il y a vingt ans déjà.

L’un de ces mots était… «carabistouille», dont Bernard Pivot écrivait à l’époque: «les carabistouilles -ah, quel mot comique et truculent, original et farceur!- viennent de Belgique. Ce sont des fariboles, des bêtises, des propos anodins et un peu trompeurs. Ce mot est sir rarement employé qu’il ne figure ni dans le Grand, ni dans le Petit Robert. Absent du Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, il est heureusement présebt, au pluriel, dans le Petit Larousse. Par pitié, qu’on l’y laisse!»

Par la suite, et c’est heureux, le mot «carabistouille» sera aussi adopté par le Petit Robert, auquel Bernard Pivot n’était pas étranger.

Il n’en poursuivra pas moins sa défense vigoureuse de la langue, vitupérant notamment contre le «best of» qui doit être avantageusement remplacé par «florilège», et se lançant dans un ouvrage ultérieur dans la défense de… «100 expressions à sauver».

Entre-temps, le Dictionnaire de l’Académie française ignore toujours le mot «carabistouille». Et continue à définir le wallon comme le «dialecte français que l’on parle dans la Belgique méridionale»! Quai Conti, on ne connaît sans doute pas feu Julos Beaucarne, le barde wallon, qui décrivait le wallon comme «le latin venu à pied du fond des âges». Dommage que Bernard Pivot n’en ait pas eu connaissance!

Pourquoi en faire autant sur le sacre de Charles III?


Le monde va s’arrêter, ce samedi, pour visionner le couronnement du roi du Royaume-Uni, Charles III. Le monde et en tout cas la Belgique, puisque la chaîne publique a d’ores et déjà annoncé que son journal télévisé de la mi-journée sera décalé de deux heures et demie, pour se dérouler en milieu d’après-midi!

Et tout ça pour quoi? Pour une cérémonie protocolaire et fastueuse qui ne nous concerne absolument pas, et qui, surtout, relève d’un autre temps, voire de temps anciens. Sans compter que les sommes dépensées pour ce couronnement, le plus cher de tous les temps, apparaissent singulièrement indécentes dans le contexte de crise internationale qui frappe le monde entier en général, et le Royaume-Uni en particulier.

La monarchie, en soi, apparaît de nos jours comme une forme de régime politique de plus en plus incongrue: la démocratie ne peut se satisfaire d’une transmission du pouvoir par simple hérédité, indépendante des qualités ou des défauts de la personne appelée à exercer la fonction suprême de chef(fe) de l’État, aussi symbolique soit-elle.

Ces défauts, quand ils existent, sont d’ailleurs rarement détaillés. Ils sont toujours noyés sous un torrent de propos sirupeux, largement répandus, et dont, cette semaine, on a déjà eu un aperçu notamment sur VivaCité où sévit un ersatz du défunt Léon Zitrone. On pensait pourtant que ce dernier était inégalable dans le genre. Et non, il est toujours possible de faire pire!

Pourtant, un certain nombre de pays européens ont conservé une forme monarchique. Alors que d’autres, républicains en principe, ont plutôt une forme de monarchie élective, aux pouvoirs nettement plus étendus que ceux des monarchies traditionnelles: il n’est nul besoin de voyager très loin pour en trouver une.

Cela n’efface pourtant pas les défauts inhérents à la forme monarchique du pouvoir. Car rares sont les monarchies à échapper aux critiques fondées. Comme celles qui visent l’ex-roi d’Espagne, Juan-Carlos, un temps célébré pour avoir sauvé une démocratie chancelante dans son pays, aujourd’hui exilé en Arabie Saoudite pour oublier ses turpitudes privées et échapper à d’éventuelles poursuites financières. On se souvient aussi de la condamnation du beau-frère (roturier) du roi actuel, Felipe, pour corruption.

En Norvège, c’est une princesse, Märtha-Louise, la sœur aînée du roi actuel, qui s’est entichée d’un pseudo-shaman états-unien, avant d’émigrer Outre-Atlantique avec ses enfants. Au Danemark, il était patent que le défunt prince consort d’origine française a connu une triste fin de vie, tant son existence lui était devenue insupportable. Et si, aux Pays-Bas, la famille royale semble plus ou moins vivre dans une certaine normalité, dans la mesure où celles et ceux qui ne sont pas appelés à régner trouvent normal de travailler, chez nous, les dernières révélations sur l’enfance et l’adolescence du prince Laurent ont rappelé, après l’épisode de Delphine de Saxe-Cobourg, ex-Boël, combien les relations au sein de la famille royale n’ont rien d’idyllique

Un couronnement d’un autre âge pour Charles III

Retour au Royaume-Uni d’où partiront ce samedi des tonnes de lieux communs: entre les fils de Charles III, la rupture est consommée. L’absence de l’épouse et des enfants de Harry (dont l’aîné fête son anniversaire ce samedi même) le démontrera de manière éclatante. On imagine qu’elle ne sera qu’à peine évoquée. Tandis que des couronnes de lauriers seront tressées autour de la « reine consort », jadis vilipendée…

On ne parle pas non plus d’Andrew, un des frères cadets de Charles III, qui n’a évité un procès pour viol de mineure aux États-Unis qu’au prix d’un coûteux accord financier. Il a été exclu de toute fonction officielle, à la suite de cet épisode fort peu glorieux. Mais il sera quand même de la fête…

Reste la question qui interroge ; pourquoi le monde entier s’arrêtera-t-il ce samedi? Pourquoi la chaîne publique belge reportera-t-elle son journal de la mi-journée de quelque deux heures et demie, quoi qu’il se passe chez nous ou dans le monde ? Parce que nous serions tous des Britanniques? Allons donc, c’était peut-être vrai en 1953, dans l’immédiat après-guerre, au moment du couronnement d’Elizabeth II.

Aujourd’hui, après le Brexit, avec des Écossais qui continuent à rêver d’indépendance, ce n’est plus du tout le cas. La course à l’audimat ne peut tout justifier!

Le Limbourg vent debout contre «Het Verhaal van Vlaanderen»


Est-ce la lettre d’un lecteur, évoquée dans l’article précédent de ce blog… ou la lecture de ce billet qui a suscité une réaction du Belang van Limburg? Toujours est-il que le quotidien limbourgeois est revenu, dans son édition de ce samedi, sur la saga historique de la Flandre, Het Verhaal van Vlaanderen. Pour en regretter l’absence du Limbourg. Et en dénoncer le centrage sur la Flandre-Occidentale et la Flandre-Orientale, qui formaient le cœur du comté de Flandre, mis en exergue par cette série, commanditée par le gouvernement flamand.

«On est bien d’accord, on ne peut pas tout raconter», s’indigne Frank Decat, un historien trudonnaire interrogé par le journal. «Mais tout cela n’est pas équilibré».

Et de préciser: «je n’ai ainsi rien entendu sur la ville romaine de Tongres (…) la seule ville qui existait à l’époque dans ce qui est aujourd’hui la Flandre. Rien non plus sur le Saint Empire romain (de la nation germanique) dont le Brabant et le Limbourg faisaient partie au Moyen Âge».

«C’est un retour de l’Histoire de la « Belgique à papa ». Appelez-la plutôt l’Histoire du comté de Flandre», assène l’historien trudonnaire.

L’homme connaît bien le passé de sa province. «À l’époque, il s’agissait du comté de Looz», rappelle-t-il. Avant de revenir sur le tour de passe-passe historique opéré en 1815, quand la Belgique et les Pays-Bas ont été réunis sous le sceptre de Guillaume Ier, qui voulait conserver le titre de duc de Limbourg. Celui d’un duché, incorporé, comme le comté de Looz, à la principauté de Liège, et dont le titulaire résidait «dans la petite ville de Limbourg, sur la Vesdre, dans ce qui est aujourd’hui la province de Liège. Le problème est qu’à part un village des Fourons, notre province actuelle n’a jamais fait partie de ce duché», relate Frank Dekat. De quoi souligner que… les Fourons ne sont pas limbourgeois?

Les présentateurs du Verhaal van Vlaanderen sont ainsi tombés dans le piège, en rappelant que le duc de Bourgogne, Philippe le Bon «a hérité des duchés du Brabant et du Limbourg», explique-t-il.

L’affirmation est justifiée sur le plan historique, se défendent les producteurs de la série. L’homme en convient. Mais il précise que cela peut créer la confusion chez les téléspectateurs actuels, qui pensent, à tort, que les provinces belge et néerlandaise du Limbourg faisaient partie de ce duché. La projection d’une carte de géographie d’époque aurait peut-être pu dissiper le malentendu…

Des historiens ont pourtant été associés à la conception de la série. «Exact», a confirmé Jelle Haemers, professeur à la KUL, l’université catholique flamande de Leuven. «Mais ils n’ont pas participé à la rédaction du scénario. Cela a été le travail de la maison de production. Les historiens ont du simplement répondre à des questions spécifiques».

Jan Dumolyn, qui enseigne à l’université de Gand, opine: «les critiques venues du Limbourg, dont on parle fort peu, sont justifiées. Il en va de même pour le Brabant d’ailleurs». L’historien gantois, comme nous l’avons fait dans notre précédent billet, renvoie à Henri Pirenne, dont l’histoire médiévale «s’est réduite à celle du comté de Flandre (…). Les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège» ont ainsi été réduites pratiquement à néant.

L’ennui, c’est que ce flop historique a un coût: 2,4 millions d’euros, financés par le gouvernement flamand!

«Et ce qui est regrettable, c’est que jusqu’à présent, on n’a considéré que ce qui s’est passé sur le territoire de la Flandre d’alors, pas sur ce qui est aujourd’hui la Flandre. Peut-être parce que les auteurs voulaient éviter toute forme d’anachronisme», a ajouté Jelle Haemers au Belang van Limburg.

Or, dans le cahier des charges de cette série, il est prévu qu’elle doit promouvoir l’identité de la Flandre. «Ce contre quoi les historiens ont protesté», rappelle l’historien de la KUL. «Et nous constatons aujourd’hui que cette vision sert surtout à diviser»...

La langue joue aussi un rôle, déplore Jelle Haemers: «dans les université flamandes, les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège ont beaucoup moins étudiées. Tandis qu’il en va tout autrement à l’université de Liège. Mais, là, il y a la barrière de la langue, même si les collègues liégeois prennent parfois la peine de faire traduire leurs recherches, ou tout au moins une partie d’entre elles». Un aveu tout de même étonnant dans le chef d’un professeur d’université, incapable, apparemment, de lire ou de se faire traduire des travaux scientifiques rédigés en français.

Le Belang van Limburg a donné aussi la parole aux réalisateurs du Verhaal van Vlaanderen.

«Notre propos était de présenter un récit clair. Là où c’était possible, nous avons nuancé. Jusqu’ici, nous nous sommes effectivement centrés sur Bruges, qui était alors la plus grande ville commerciale d’Europe de l’Ouest», plaident-ils.

«Il y a eu énormément de recherches avant cette série», poursuivent-ils, «et nous avons eu beaucoup trop de documentation. Il nous a fallu élaguer, élaguer et encore élaguer. Pour une série qui dure dix fois cinquante minutes, il faut faire des choix. Tout ce que nous disons est historiquement correct (…) Mais voyez le résultat: il y a maintenant un intérêt immense pour l’Histoire»...

Le problème, c’est que cet intérêt pour l’Histoire, dans certaines régions de Flandre, et notamment en province de Limbourg, suscite surtout une critique justifiée. Sur le fond, et donc sur la démarche.

Quand le «Belang van Limburg» reprend la «Lettre au Roi» de Jules Destrée de… 1912


Depuis quelques semaines, la VRT, aux ordres du gouvernement flamand, a entamé la diffusion d’une grande fresque historique retraçant l’Histoire de la Flandre. Une Histoire de Flandre qui ne convainc pas nombre d’historiens flamands. Et ne satisfait pas des téléspectateurs, notamment en province de Limbourg, où, sans le savoir sans doute, on reprend pratiquement les termes de la fameuse «Lettre au Roi» où le député wallon Jules Destrée, en 1912. Celle où il déclarait à Albert Ier, «laissez-moi Vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : il n’y a pas de Belges».

Het Verhaal van Vlaanderen a fait froncer les sourcils de plus d’un historien flamand rigoureux. D’abord parce que l’entreprise a été commanditée par des ministres nationalistes flamands de la N-VA, qui ont généreusement subsidié l’entreprise. Et on peut les soupçonner de ne pas vouloir un résultat contraire à leurs attentes.

La démarche historique, ou pseudo-historique, n’est par ailleurs pas neuve, et elle a montré ses limites dans le passé. Notamment à travers la monumentale Histoire de Belgique, établie par Henri Pirenne, à la fin du XIXe siècle, et dont le propos était que la Belgique pré-existait déjà avant son indépendance, proclamée en 1831. C’est de cette époque que date la référence à la fameuse phrase de Jules César, dans sa relation de la guerre des Gaules, «horum omnium, fortissimi sunt Belgae»; «de tous ces peuples de la Gaule, les Belges sont les plus courageux». En omettant opportunément la suite de la phrase du conquérant latin, «propterea quod a cultu ataque humanitate provinciæ longissime absunt», «principalement parce qu’ils sont les plus éloignés de la culture et le l’humanité de la province (romaine)».

C’est, près de 130 ans plus tard, la démarche qu’a voulu initier le gouvernement flamand, en imposant le «canon flamand» à sa chaîne publique, dont il a par ailleurs singulièrement réduit les moyens.

Dans cette perspective, il faut nécessairement tordre le cou aux faits historiques, à la fois pour ne pas allonger indéfiniment le récit, et aussi pour rendre plus solide la thèse sous-jacente.

Cela ne va pas sans mal. Ainsi, cette semaine, un lecteur du «Belang van Limburg» se plaignait-il. «La manière dont la Bataille des Éperons d’Or a été reconstituée a été bien réalisée et s’est révélée très instructive» a-t-il écrit au quotidien limbourgeois. «Mais ce qui me dérange», a-t-il ajouté, «c’est que depuis mon école secondaire, nous sommes, ici au Limbourg, obligés d’apprendre l’histoire de la Flandre-Occidentale et de la Flandre-Orientale, et que nous n’apprenons presque rien de notre propre histoire (…). Et je suis toujours aussi frustré. Est-ce qu’on parlera, dans de prochaines émissions, des traités de Londres (1839) et de Maastricht (1843), qui ont été tellement important pour le Limbourg? Le Limbourg qui est à nouveau traité par une marâtre.».

Et de conclure: «Je n’ai aucun problème avec le fait que cette série a été largement subsidiée. Sans de tels subsides, j’en ai bien peur, une telle série télévisée serait impossible à réaliser. Mais, par contre, j’aurais aussi aimé que ma propre histoire soit mise en image».

Ce que ce lecteur ne sait peut-être, ou pratiquement pas, c’est que dans son courrier au quotidien limbourgeois, il a en partie paraphrasé Jules Destrée. On croirait même relire le texte écrit en 1912 par le député wallon à l’adresse du roi Albert Ier.

«Ils nous ont pris notre passé», accusait Jules Destrée en 1912

«Ils nous ont pris notre passé. Nous les avons laissé écrire et enseigner l’histoire de Belgique, sans nous douter des conséquences que les traditions historiques pouvaient avoir dans le temps présent. Puisque la Belgique, c’était nous comme eux, qu’importait que son histoire, difficile à écrire, fût surtout celle des jours glorieux de la Flandre ? Aujourd’hui, nous commençons à apercevoir l’étendue du mal. Lorsque nous songeons au passé, ce sont les grands noms de Breydel, de Van Artevelde, de Marnix, de Anneessens qui se lèvent dans notre mémoire. Tous sont des Flamands ! Nous ignorons tout de notre passé wallon. C’est à peine si nous connaissons quelques faits relatifs aux comtes du Hainaut ou aux bourgmestres de Liége. Il semble vraiment que nous n’ayons rien à rappeler pour fortifier les énergies et susciter les enthousiasmes», écrivait notamment l’élu carolorégien.

«Des milliers et des milliers d’écoliers ont subi le même enseignement tendancieux. Je suis confus de mon ignorance quand je m’interroge sur le passé wallon. Des amis mieux informés m’assurent que notre grand Pirenne, malgré tant d’aperçus ingénieux, n’a pas su, sur ce point, se dégager de la traditionnelle glorification flamande et faire à la Wallonie la place qu’elle mérite. Il est assez frappant qu’à Liége, comme dans le Hainaut, on réclame maintenant des histoires régionales, dont on sent la nécessité», poursuivait Jules Destrée.

«Mais quelle que soit mon incompétence sur ces sujets controversés, un aspect significatif des dernières commémorations me paraît à noter. Il semble que le patriotisme rétrospectif des Flamands ne se plaise qu’à célébrer des massacres de Français. La bataille des Éperons d’or, si éloignée (1302 !) est devenue extraordinairement populaire parce qu’elle fut l’écrasement de la chevalerie française. Toute la Campine fut soulevée en 1898 pour le centenaire de la Guerre des paysans ; on exalta avec raison l’héroïsme de ces pauvres gens révoltés par amour de leur terre et de leur foi, mais dans tout cet élan, dans tous ces discours, on découvrait le sentiment mauvais de la haine de la France, la malédiction de l’étranger. Certains fanatiques flamingants, quand ils vous parlent d’histoire, semblent toujours regretter le temps où la mauvaise prononciation de Schild en vriend était punie de mort immédiate», commentait-il encore.
«Ils nous ont pris nos artistes. Le maître pathétique de Tournai, Roger de le Pasture, l’un des plus grands artistes du XVe siècle, est incorporé parmi les Flamands sous le nom de Vander Weyden. L’art flamand brille d’un éclat radieux. L’art wallon est ignoré», relevait également Jules Destrée.

Pour en revenir au courrier du lecteur du «Belang van Limburg», on ne se risquera pas à se demander quel cours d’histoire il a suivi en humanités ou du moins ce qu’il en a retenu. Car si sa connaissance de l’histoire du Limbourg se limite aux traités de Londres et de Maastricht, qui ont acté la scission des Limbourg belge et néerlandais, et aussi, ne l’oublions pas, la séparation de la province et du Grand-Duché de Luxembourg, le passé de sa province est bien plus ancien.

Et c’est là, sans doute, pourquoi Het verhaal van Vlaanderen ne va guère parler du passé du Limbourg. Car il devrait alors revenir sur la longue histoire de la principauté épiscopale de Liège, dont le Limbourg néerlandais et le Limbourg belge faisaient largement partie, au même titre que nombre d’autres terres wallonnes d’ailleurs.

Parmi les vingt-trois «Bonnes villes» de la principauté de Liège, douze étaient limbourgeoises pour onze répandues sur le territoire qui est devenu wallon aujourd’hui. Bree, Beringen, Bilzen, Borgloon (Looz), Hamont, Hasselt, Herk-de-Stad (Herk-la-Ville), Maaseik, Peer, Sint-Truiden (Saint-Trond), Stokkem, et Tongeren (Tongres) ont partagé leur passé avec Châtelet, Ciney, Couvin, Dinant, Fosses-la-Ville, Huy, Liège, Thuin, Verviers, Visé et Waremme. Elles y côtoyaient Bouillon et Maastricht, chacune sous statut particulier.

Difficile, on s’en doute, pour une histoire flamingante de la Flandre, de rappeler cette cohabitation qui a duré plusieurs siècles, sans que les différences linguistiques ne suscitent de conflit majeur, le latin ayant été longtemps la langue de gouvernement.

Au bout du compte, Het verhaal van Vlaanderen séduira sans doute la majorité des téléspectateurs flamands, mais en laissera un certain nombre, notamment en province de Limbourg, sur leur faim. Et d’ici à quelques années, sa démarche historique apparaîtra aussi vaine que ne l’est, aujourd’hui, celle de Henri Pirenne, chantre de la Belgique éternelle…

Le PSG et le Bayern sacrés sans gloire le même jour


Les «ultras» du PSG sont sortis du Parc des Princes pour fêter leur titre, tout en critiquant leurs joueurs et les dirigeants du club

Deux championnats européens de football ont connu leur épilogue le même jour, ce samedi: en Allemagne, le Bayern de Munich, en disposant de son dernier rival, le Borussia Dortmund (3-1) a assuré son trente-deuxième titre, et son dixième sacre d’affilée, tandis qu’au Parc des Princes, à Paris, le Paris Saint-Germain conquérait son dixième titre, égalant ainsi le record établi en 1981 par l’AS Saint-Étienne, l’équipe mythique des «Verts».

Si les supporters bavarois ont fêté l’événement dans l’«Allianz Arena» – rebaptisée en Allemagne «Arroganz Arena» par toutes celles et tous deux qu’insupporte cette domination sans partage du club munichois – à Paris, c’est par un petit nul médiocre contre le RC Lens que les protégés de Maurizio Pocchetino se sont mis à l’abri de tout retour d’un adversaire. Et au moment du but égalisateur des Nordistes, les «ultras» du PSG avaient déjà déserté le stade, pour aller saluer le sacre en-dehors du Parc des Princes. Une manière pour eux d’exprimer leur mécontentement tant à l’égard des joueurs que de la direction qatarie du club de la capitale française.

Un de leurs attaquants vedettes (???), Neymar, les a critiqués pour leur réaction. Et pourtant, même si les membres des clubs «ultras» des différents clubs de la planète foot ne brillent pas nécessairement par leur intelligence, on doit dire que, là, une fois de plus, la vox populi a eu raison.

D’abord parce que fêter un titre après un petit match nul contre une formation montant de Ligue II, même si elle reste sur une remarquable saison, n’a rien de très glorieux. Surtout pour un club aux moyens tellement disproportionnés face à la concurrence, que, hors accident l’une ou l’autre année, comme l’AS Monaco en 2017 ou le LOSC (Lille), l’an dernier, personne, en France, ne peut plus rêver du titre.

Champions d’Allemagne, oui, mais balayés en Ligue des Champions

Et puis parce que le Paris Saint-Germain avait construit une équipe pour, pensaient ses dirigeants, enfin décrocher la Ligue des Champions. Et les supporters, dont les «ultras» y croyaient. Et patatras, une fois de plus, le rêve parisien s’est fracassé en huitièmes de finale de l’épreuve, à la faveur de la remontada du Real Madrid au stade Santiago Bernabeu.

Unay Emery, viré à Paris, victorieux à Villareal

Les sympathisants du Bayern feraient bien d’y réfléchir en Bavière. Car si leurs favoris ont à nouveau écrasé la concurrence pour coiffer les lauriers pour la dixième fois d’affilée, là aussi, ils n’ont aucun mérite, puisque les moyens du club sont nettement supérieurs à ceux de tous leurs concurrents. Mais là aussi, la Ligue des Champions s’est conclue sur un flop, avec une élimination sans gloire, à Munich même, face aux Espagnols de Villareal, entraînés par Unay Emery, un ancien entraîneur du PSG, limogé il y a quelques années pour… n’avoir pas remporté la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Ces éliminations précoces de deux clubs qui règnent sans partage sur leur compétition nationale n’est peut-être par le fruit du hasard. Car à force de disputer chez eux des rencontres qu’ils finissent toujours par l’emporter, sans devoir nécessairement forcer leur talent, leurs joueurs finissent forcément par «coincer» lorsqu’ils doivent aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, lors de confrontations avec des adversaires de haut niveau.

Il y a des exceptions, bien sûr. Comme quand le Bayern de Munich a battu… le PSG en finale de la Ligue des Champions. Mais globalement, c’est l’émulation qui amène dans le dernier carré des compétitions européennes des clubs qui, dans leur championnat national, font face à la plus rude concurrence.

En tout cas, cette année, la compétition continentale se résume à des duels hispano-britanniques. Car tant en Espagne qu’au Royaume-Uni, le championnat national continue à faire l’objet d’une lutte acharnée. Entre clubs hyper-friqués, là aussi. Car l’argent, qu’ils viennent des oligarques russes ou des pétromonarchies, se porte toujours là où il peut rapporter le plus.

Chelsea subit les sanctions infligées à Roman Abramovitch et aux autres oligarques russes

À la longue, le modèle va forcément s’user et la bulle risque d’éclater. Car quel intérêt représente encore une compétition nationale dont le vainqueur est déjà connu au coup d’envoi?

Tôt ou tard, les télévisions vont se détourner de ces compétitions dévaluées. Et la manne financière se réduira, précipitant peut-être sans les abîmes certains des clubs-stars de notre époque. Peut-être pas en Allemagne, où le règlement impose une présence majoritaire de propriétaires allemands dans les clubs. Mais les problèmes qui attendent Chelsea, par exemple, dont le propriétaire actuel, Roman Abramovitch, subit les sanctions mondiales qui frappent les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont là pour montrer la base mouvante sur laquelle ces clubs reposent.

Thomas Tuchel, viré au PSG, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea…

Chelsea qui, soit dit au passage, a remporté la Ligue des Champions l’an dernier sous la conduite de Thomas Tuchel, un entraîneur viré par le PSG parce qu’il n’avait pas réussi à lui faire conquérir la coupe aux longues oreilles…

Cette dérive illustre parfaitement la déchéance d’un football gangrené par le fric, comme l’ont démontré les enquêtes réalisées en Belgique dans des dossiers de corruption et de fraude fiscale à grande échelle, décelés dans le monde du football professionnel. Ou les procès à venir qui attendent, en Suisse, Sepp Blatter, ancien président de la FIFA et Michel Platini, ex-président de l’UEFA, qui tous deux, bénéficient de la présomption d’innocence, mais qui n’en devront pas moins s’expliquer sur des transferts d’argent suspects.

On attend, maintenant que la Justice fasse son œuvre à tous les niveaux, ce qui est loin d’être gagné d’avance, tant les dossiers financiers sont complexes à dénouer, et tant les magistrats spécialisés sont peu nombreux dans les divers pays européens.

Certes, l’argent domine le football depuis longtemps. Au début des années 1960, le Real Madrid, avec l’appui du pouvoir franquiste, dominait le football espagnol et le football européen. Et la tendance à idéaliser le passé ne date pas d’hier: comme disaient déjà les Romains, la République n’était jamais aussi belle que sous l’Empire.

Il n’empêche, les écarts, à l’époque, n’étaient pas aussi flagrants qu’aujourd’hui. Et les clubs se succédaient à la tête du football européen: après le Real, il y eut l’Ajax Amsterdam magique du début des années 1970, avec… une quasi-exclusivité de joueurs néerlandais de grand talent (Johan Cruyff; Ruud Krol, Johan Neeskens, Arie Haan, etc.). Puis le Bayern de Munich qui alignait presque exclusivement des joueurs bavarois (Sepp Mayer; Franz Beckenbauer; Georg Schwarzenbeck; Paul Breitner; Gerd Müller etc..).

Les «Verts» ont marqué leur décennie

L’AS Saint-Étienne, qui a échoué d’un rien dans la conquête de la coupe d’Europe des clubs champions, a fait alors chanter «Allez les Verts» par toute l’Europe. Et si cette équipe mythique, entraînée par Robert Herbin alignait Curkovic dans le but, et Piazza en arrière central, elle y ajoutait les Gérard Janvion, Jean-Michel Larqué, Dominique Rocheteau («L’ange vert»), et autres Hervé et Patrick Revelli, le goléador à la moustache gauloise.

Conduite par Guy Roux, l’AJ Auxerre a fait la nique aux grosses cylindrées françaises

Et, de temps à autre, des petits Poucet venaient bousculer les hiérarchies les mieux établies.

En France, l’AJ Auxerre, en 1996, sous la conduite de son mentor bourguignon, Guy Roux, coiffait les lauriers, à la surprise générale.

Chez nous, on se souvient de l’élimination, en 1983, du Paris Saint-Germain par un Waterschei THOR qui allait peu après être la victime principale de l’affaire de corruption entourant le match entre le Standard de Liège de Roger Petit et de Raymond Goethals, face à la même équipe limbourgeoise. Ou, en 1972, celle du grand Leeds par le Lierse, net vainqueur, à Elland Road (0-4) face à… l’équipe réserve du club anglais, trop confiant après sa victoire à l’aller à la chaussée du Lisp.

On se rappelle aussi l’élimination, en 1979, du grand Inter de Milan par le SK Beveren, en quarts de finale de la coupe des vainqueurs de coupe: arrivant sur place, les joueurs italiens avaient cru que le Freethiel, où il allaient connaître leur Bérézina, était le… stade d’entraînement de leur adversaire. Au tour suivant, en demi-finales, les coéquipiers du jeune Jean-Marie Pfaff ne pourront rien face au FC Barcelone, futur vainqueur de l’épreuve.

On n’oubliera pas la finale de la coupe des vainqueurs de coupe, perdue en 1981 par le Standard de Liège au Camp Nou, face à… Barcelone, dans des circonstances qui suscitent toujours la controverse. Ni la victoire du Club Brugeois contre Liverpool, en finale de la coupe de l’UEFA en 1976, puis sa défaite, en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, contre le même club, en 1978. Et les victoires du Sporting d’Anderlecht en finales de la coupe des coupes, en 1975, face à West Ham, et en 1978, devant l’Austria de Vienne, et de la coupe de l’UEFA, en 1983, face à Benfica.

Aujourd’hui, plus aucun club belge ne peut envisager une victoire européenne. Ni aucun club néerlandais, polonais, tchèque, slovaque, autrichien, suisse, croate, serbe, suédois, norvégien etc…. Tout est prévu pour empêcher un petit Poucet de venir perturber l’harmonieuse distribution de pognon entre les principaux clubs continentaux.

Au fait, oui, la République footballistique apparaît bien belle, sous l’Empire…

Les journalistes sportifs sous garde rapprochée ?


Une enquête qui a fait beaucoup jaser

Le documentaire « Le milieu du terrain » a rappelé les « affaires » en cours au niveau du football professionnel belge (et auxquelles l’inculpation de l’agent de joueurs Primi Zahavi a ajouté un chapitre sulfureux ce vendredi) et il a permis d’en soupçonner d’autres, comme la falsification apparente de la fin de championnat 2013-2014, qui a vu le Sporting d’Anderlecht coiffer in extremis le Standard de Liège sur la ligne d’arrivée, ou la manière étrange dont le RC Genk a arbitré un sprint final entre le même Sporting et le Club Brugeois. Au point que Michel Preud’Homme, alors entraîneur des Blauw en Zwart n’avait pas adopté son ton habituel de Calimero, après la défaite fatale de son équipe au stade de Genk, mais maniait une ironie féroce en disant qu’il demanderait à Emilio Ferrera, qui coachait l’équipe limbourgeois, sa recette pour ressusciter une équipe fantomatique face aux Mauves, huit jours plus tôt, et leur faire célébrer comme un succès majeur une victoire qui ne les décollait pas de la sixième et dernière place des playoffs.

Mais ce qui a été le plus frappant, dans les interviews de mise sur orbite de l’émission, ou dans celles qui ont suivi, c’est cet aveu de Thierry Luthers, auteur du documentaire avec Patrick Remacle, que la proximité de sa retraite avait sans doute facilité sa démarche. « Il y a dix ans, je ne l’aurais sans doute pas faite. Ou alors, j’aurais ensuite abandonné le sport » a-t-il précisé.

La question se pose donc: des journalistes sportifs, notamment en télévision, ne sont-ils pas en mesure de sortir d’un rôle de faire-valoir pour creuser des coulisses pas toujours ragoûtantes du sport en général et du football en particulier, dont ils et elles sont en charge?

Le journaliste de locale que j’ai été en début de carrière se souvient de cet ouvrage intitulé « Le journaliste local en liberté surveillée » qui décrivait les pressions exercées sur les journalistes locaux par toutes celles et tous ceux, détentrices et détenteurs d’un pouvoir politique, économique, syndical, policier ou autre, ou tout simplement par des acteurs de l’actualité locale, d’exercer des pressions ou des représailles contre celles et ceux qui parlent d’elles et d’eux, et les croisent tous les jours dans la rue.

Mais la question doit désormais être posée : les journalistes sportives et sportifs ne travaillent-ils et elles pas, eux, sous garde rapprochée permanente?

Ne pas mordre la main…

Première difficulté, qui frappe essentiellement les journalistes sportifs de télévision : la commercialisation du sport professionnel fait que les grandes compétitions font l’objet de mises aux enchères de plus en plus élevées pour les chaînes.

Des rencontres au déroulement… insolite

Difficile, dans ces conditions, pour les journalistes qui travaillent pour ces chaînes, de s’appesantir sur les à-côtés peu ragoûtants voire illégaux de ces compétitions, voire même de souligner la médiocrité du spectacle ainsi proposé : la sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit?´La limite a sans doute été atteinte lors de ces rencontres suspectes évoquées ci-dessus quand les journalistes sur antenne s’étonnaient de la facilité une équipe empilait des buts, ou sur l’aveuglement d’un arbitre qui semblait frappé de cécité devant des coups de réparation évidents…

Ces journalistes sportif(ve)s sont d’autant plus mal armé(e)s qu’ils (elles) ne sont pas soutenu(e)s en interne: il y a de nombreuses années, quand s’était instaurée la pratique d’interviewer des entraîneurs ou des joueurs de football devant des panneaux couverts de publicités pour les « parrains » des divers championnats, des cameramen avaient réagi en cadrant leur image sur le visage de la personne interviewée. Le rappel à l’ordre leur a rapidement été signifié par… leur propre hiérarchie. Il n’y a plus jamais eu personne pour regimber…

Un chauvinisme de mauvais aloi

Le sport est (aussi) affaire de passions. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler la foule acclamant les Diables Rouges au retour de Russie,ou, pour les plus anciens, celle qui fêtait leurs prédécesseurs revenant du Mexique en 1986, ou qui s’enthousiasmaient pour les exploits d’Eddy Merckx sur les routes du Tour de France.

L’exercice, pour les journalistes sportif(ve)s tient alors, où devrait tenir de l’équilibrisme: montrer à leur public qu’ils participent à cette émotion collective, tout en gardant suffisamment de recul pour ne pas y céder et garder les deux yeux bien ouverts.

Là aussi, certain(e)s oublient très vite leur devoir critique de journalistes. Lors du Mondial en Afrique du Sud, j’avais épinglé sur ce blog l’attitude des journalistes de la télé publique espagnole qui avaient commenté la finale victorieuse de l’Espagne revêtus du maillot de la Roja. Et parmi ces « journalistes » figurait la compagne de l’époque (qui l’est peut-être toujours par ailleurs) du gardien espagnol, Iker Casillas. Le baiser qu’ils avaient échangé devant les caméras avant qu’elle l’interviewe avait tué la crédibilité journalistique, avais-je écrit à l’époque.

La défaite historique du Brésil contre l’Allemagne avait laissé des traces à Rio de Janeiro….

Sans aller dans de tels excès, notre presse sportive d’héroïsme tombe un peu dans les mêmes travers quand un commentateur parle de « nos Diables rouges » parlant des joueurs de l’équipe nationale de football. J’ai déjà évoqué la sobriété, en recul elle aussi, des journalistes de la télé publique allemande qui, en pleine victoire historique contre le Brésil en 2016 (1-7), se montraient pour leur part heureux de ce résultat historique, mais s’interrogeaient déjà encours de match sur l’ampleur tout à fait extravagante du score.

Les journalistes télés ne sont pas seuls à céder à ce travers: un chef de service sportif se serait plaint, il y a un certain temps, d’un journaliste qui n’était pas suffisamment « supporter » dans le suivi d’un club….

Autre situation particulièrement délicate pour certain(e)s journalistes sportif(ve)s, les « pantouflages » avec des clubs sportifs, par exemple sous forme de participation voire de prise en charge de leur bulletin ou magazine: de quelle autonomie bénéficient-ils (elles) encore à l’égard de ces clubs?

Un journalisme déprécié

À leur décharge, les journalistes sportif(ve)s ne se sentent pas toujours soutenu(e)s à l’intérieur de leurs rédactions : combien de rédactrices et de rédacteurs en chef ou de responsables de rédaction ne sont-ils (elles) pas totalement ignorant(e)s du contenu des pages sportives de leur publication?

Étonnez-vous après cela que les rédactions sportives constituent des espèces d’États dans l’État, qui fonctionnent de manière quasi-autonome?

Des directions de médias elles-mêmes ont une vision singulièrement tronquée de l’information sportive qu’elles considèrent de manière aseptisée, comme une pure information de délassement, qui requiert dès lors plus une animation qu’une véritable couverture journalistique. Comme si le sport, et notamment le sport professionnel, et en particulier les grandes compétitions internationales, n’avaient pas des aspects éminemment politiques, économiques, judiciaires ou sanitaires ?

Faut-il rappeler que la reconnaissance de la Chine populaire par les États-Unis, il y a un demi-siècle, a été amorcée par… un match de tennis de table entre pongistes des deux pays. Et que dire de l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, dont on sait dans quelles conditions elles se sont déroulées, et qui bouleversera le football mondial, jusque dans ses sphères les plus populaires, parce qu’il se déroulera exceptionnellement en janvier et en février?

Uniformisation

Les journalistes sportif(ve)s donnent, il est vrai, parfois eux-mêmes et elles-mêmes les verges pour se faire battre. En concédant par exemple que des enquêtes dans les coulisses d’un sport comme « Le milieu du football » sont nécessaires, mais… qu’elles n’enlèvent rien à leur amour du sport, comme si un sport parfaitement vierge de toute dérive était toujours la règle, et les magouilles l’exception!

Il leur arrive aussi souvent de… se refuser à aller visiter ces coulisses, préférant laisser à des collègues spécialisés en judiciaire, économie, ou politique le privilège de s’y aventurer. Histoire de ne pas se retrouver en marge de dirigeants qui leur distillent périodiquement une information orientée et qui s’y entendent pour créer une solidarité factice? Au prologue de « l’affaire Bosman » qui allait mettre par terre l’organisation du football européen sans la remplacer par un système moins critiquable, le président du RFC Liégeois de l’époque croyait mettre les journalistes qui suivaient son club dans sa poche en faisant appel à leur attachement au sport, avant d’annoncer qu’à la surprise générale, Jean-Marc Bosman s’adressait à la Justice pour forcer un transfert qui lui était refusé

Où les journalistes sportif(ve)s subissent par contre une évolution qui procède de la dépréciation de l’information sportive évoquée ci-dessus, c’est quand ils et elles vivent la fusion d’équipes et de pages dont le résultat, à terme, sera que dans toute la presse quotidienne belge francophone, il risque de n’y avoir plus que deux versions de l’information sportive. Un peu comme, dans la défunte Union soviétique, la « Pravda » (« La Vérité ») et les « Izvestia » (« Les Nouvelles ») tentaient de faire croire à un véritable pluralisme de l’information…

Un Euro mitigé… qui s’annonce pire encore


Le rideau est tombé ce dimanche sur l’Euro et le sacre tardif de l’Italie, à la loterie des tirs au but, a suscité des commentaires dithyrambiques des pseudo-spécialistes, qui auraient adressé… les mêmes compliments à l’équipe anglaise, si d’aventure la pièce était tombée de l’autre côté.

Il convient de rendre hommage au travail de reconstruction de la Squadra Azzura entamé il y a trois ans par son entraîneur, Roberto Mancini, et constater qu’au cours de la phase éliminatoire, l’Italie a proposé le football le plus attractif, aux antipodes, disait-on alors, de la manière traditionnelle de jouer des Azzuri.

Mais il faut se souvenir aussi qu’elle a sué ensuite sang et eau pour émerger face à l’Autriche; qu’elle a éliminé méritoirement la Belgique privée de son meilleur joueur et où deux de ses trois médians étaient boiteux; qu’elle a été balayée par une équipe espagnole où Oyarzabal doit toujours voir dans ses cauchemars le coup de tête inratable qu’il a loupé à un moment décisif, et qu’en finale, elle n’a pratiquement pas franchi le milieu de terrain avant la pause, atteinte après avoir échappé à un coup de réparation évident qui aurait pu lui donner le coup de grâce.

L’instant décisif: l’Angleterre va louper son troisième tir au but!

En face, l’Angleterre a séduit également lors de son parcours vers la finale, mais, comme face à la Croatie en 2018 et devant l’Italie ce dimanche, elle a loupé la dernière marche. Et, après le repos, quoique menant au score, elle a été incapable de répliquer au changement tactique opéré par son adversaire, et elle a à son tour été effacée du terrain. On relèvera aussi qu’elle a pratiquement joué tous ses matches à Wembley, ce qui lui a conféré un avantage incontestable sur ses adversaires, dont elle a été incapable de profiter jusqu’au bout.

On ne peut donc parler de grande finale en l’occurrence, et on doit remarquer que les attaquants ou joueurs offensifs alignés des deux côtés ont été incapables de marquer le moindre but. Que le défenseur italien Leonardo Bonucci ait été proclamé homme du match est d’ailleurs plus qu’éloquent…

Cet Euro a été aussi marqué par l’usage intensif de la vidéo-assistance. Avec succès, quand les décisions arbitrales ont été rapidement confirmées ou infirmées. De manière moins heureuse quand des buts ont été annulés pour des hors-jeux de quelques millimètres : pour le Mondial au Qatar, il sera urgent de revoir les directives, afin de rendre une priorité aux attaquants, et en revenir à l’esprit de cette règle du hors-jeu.

La demi-finale entre l’Angleterre et le Danemark et la finale entre l’Angleterre et l’Italie a toutefois consacré la faillite de ce système, avec le coup de réparation indûment accordé à Sterling contre le Danemark, et celui, bien plus clair, qui lui a été dénié ce dimanche.

Si une forme de sanction de l’attaquant anglais a été ainsi pratiquée, elle est détestable. Sinon, il faudra tout de même une explication publique à ces fiascos.

Le bilan belge est décevant : écrasés par le Danemark en première période, malmenés par les Portugais en seconde mi-temps, largement dominés par les Italiens, les Diables Rouges peuvent bien sûr invoquer les blessures d’Eden Hazard et de De Bruyne, ou le manque de rythme de Witsel pour masquer leur échec.

Mais les lacunes défensives observées chez des joueurs sur le déclin; l’absence de jeunes, hors Doku, dans le noyau, là où l’Angleterre, l’Italie, ou l’Espagne n’ont pas hésité à titulariser de tout jeunes joueurs; un jeu par trop prévisible pour l’adversaire, et un esprit d’équipe qui a paru faire défaut face au mental collectif sans faille des Azzuri ont pavé la voie vers l’élimination.

Cette génération dorée nous offrira sans doute encore des moments de grâce. Mais pour un grand succès international, la chance, manifestement, est passée…

Se rassurer en se remémorant l’élimination précoce de la France ou de l’Allemagne n’aurait aucun sens: au Qatar, l’an prochain, elles reviendront plus fortes.

Se réfugier derrière le fait que la Belgique n’a été vaincue que par le futur champion d’Europe est puéril : c’est pourtant ce qu’on a entendu sur la Une ce dimanche..

L’art est difficile et la critique aisée. Mais avoir entendu au cours du parcours des Diables que les frères Hazard jouaient pour la seizième fois ensemble lors d’une rencontre et pour la dix-septième lors du match suivant où qu’ils combinaient « comme à Tubize » était assez vain. Entendre différents joueurs qualifiés d’ « aspirateur à ballons » au cours de rencontres successives est devenu lassant. Considérer que les joueurs anglais allaient « donner leur corps pour l’Angleterre » avait des relents impériaux surannés. Quant aux considérations sur l’avantage qu’aurait eu l’équipe de Graeme Southgate sur celle de Roberto Mancini parce que cette dernière avait déjà dû disputer deux rencontres avec prolongations pour une seule à son adversaire, on a fait la charité à leur auteur de les oublier au moment du dernier coup de réparation loupé par les Anglais.

On espère que d’ici au Mondial du Qatar, la vision de rencontres retransmises par la BBC ou par la télé allemande aidera les commentateurs attitrés à trouver une forme de sobriété. Ou alors qu’un «vieux de la vieille» liégeois qui, lui, commente toujours avec un regard décalé qui accroche, se verra donner plus d’espace

Retour à la compétition : après deux Euro à 24 équipes, l’UEFA songe à un Euro à… 32 équipes, soit le double du nombre de participants entre 1992 et 2016.

Le but de la manœuvre est clair: multiplier les rencontres télévisées et générer encore plus de fric.

En pratique, cela va surcharger encore un peu plus un calendrier international déjà saturé : les déchirures de tendons d’Achille ou de ligaments, croisés ou non, vont devenir légions.

Quant à l’intérêt d’une compétition qui qualifiera 32 équipes sur 55, il se rapproche du pourcentage de risques pour une formation moyenne de se faire éliminer.

Après un Mondial qatari qui fleure la corruption et l’exploitation des êtres humains et qui désorganisera les championnats nationaux jusqu’au niveau le plus modeste dans le monde entier, le football européen se tirera une nouvelle balle dans le pied. Tant va la cruche à l’eau…

« Pauvres » têtes couronnées


C’est avec circonspection que j’ai abordé le double documentaire diffusé vendredi dernier par La Une sur les monarchies face à Hitler et, avant cela, sur leur rôle dans le déclenchement de la Première guerre mondiale.

À l’arrivée, j’en ai retiré plutôt un sentiment mitigé. La première partie dépeignait en effet assez bien comment le cousinage monarchique établi par la reine Victoria d’Angleterre a échoué à empêcher la guerre entre les puissances européennes. Et les conséquences de ce qu’on a qualifié de suicide de l’Europe à la fois pour les États d’avant-guerre, et pour les familles impériales ou royales qui y avaient régné étaient assez correctement rapportées, malgré, çà et là, une généralisation du propos Il aurait par exemple pu être utile d’expliquer que les pays vainqueurs ont tenté en vain de traduire l’ex-Kaiser Guillaume II réfugié aux Pays-Bas, devant un tribunal international qui eût préfiguré celui de Nuremberg. Et que le ci-devant empereur allemand, et non d’Allemagne, a obtenu la restitution de ses biens familiaux et d’une indemnisation considérable de la république de Weimar, qui n’a pas été un État à la dérive tout au long de sa courte existence. Le lien entre l’anticommunisme des familles régnantes et leur sympathie a tout le moins pour le fascisme italien était par contre bien décrit.

La deuxième partie, relative aux monarchies face à Hitler, s’est par contre résumée à un long plaidoyer pro domo de membres de familles royales pour expliquer et excuser l’attitude de leurs parent, grand-parent ou aïeul face à Hitler et Mussolini.

Seule exception, la famille royale britannique, dont aucun membre ne s’exprimait. Les remous provoqués par l’abdication d’Édouard VIII, dont les sympathies nazies étaient expliquées de manière un peu courte par le traitement de faveur réservé par Hitler à son épouse, Wallis-Simpson, ont été bien expliqués. Comme la popularité que son attitude pendant le Blitz a value au couple royal de George VI et Elizabeth

La fatale attraction de Victor-Emmanuel III pour Mussolini a elle aussi bien décrite, mais faire de son fils Umberto II un « résistant » potentiel était pour le moins abusif. L’opposition au nazisme de son épouse à l’époque était par contre bien soulignée. On aurait pu rappeler qu’Adolf Hitler avait qualifié Marie-José de Belgique de « seul homme à la cour d’Italie »

Sur le cas de Léopold III, dont la « défense » était prise en charge par la plus jeune de ses filles, Esmeralda, le dossier est resté par contre fort lacunaire .

Le retour à la politique de neutralité en 1936? Pas un mot sur la pression du Mouvement flamand sous le slogan « Los van Frankrijk ».

L’offre de médiation de la Belgique et des Pays-Bas, le 7 novembre 1939? Ignorée: quelques mois plus tard, les destins de Léopold III et de Wilhelmine prendront des directions opposées…

Rien non plus sur l’impossibilité de régner constatée par les parlementaires belges à Limoges, le 31 mai 1940.

Le dégât sur l’image de Léopold provoqué par son remariage en décembre 1941 évoqué et qualifié d’erreur par sa plus jeune fille? Pas un mot sur la grossesse de Lilian Baels et la nécessité de sauver les apparences.

L’entrevue de Berchtesgaden uniquement pour parler des prisonniers de guerre et dont Hitler aurait conclu que Léopold III était intraitable, à en croire Esmeralda de Belgique? L’entretien a eu aussi un côté,et politique, complètement éludé.

Le Testament politique de 1944, où Léopold III se permettait d’exiger de nos libérateurs qu’ils… respectent l’indépendance de la Belgique et déclarait nuls les traités d’alliance conclus par le gouvernement belge de Londres? Ignoré. La lecture de ce document avait fait dire de Léopold III à Churchill qu’il était « comme les Bourbon: il n’a rien compris et rien retenu ».

Pas un mot, non plus, sur le régent, Charles, qui a « sauvé le brol » comme il l’a dit lui-même. Et enfin l’omission finale: si Léopold III a effectivement obtenu une majorité en sa faveur à la consultation populaire de 1950. Esmeralda de Belgique a simplement omis qu’en Wallonie, la majorité lui était opposée…

Bien sûr, le documentaire abordait l’ensemble des monarchies et pas la Question royale en Belgique. Résumer le cas de Léopold III aurait alors exigé plus d’objectivité. Et l’analyse d’un(e) historien(ne) aurait été préférable au plaidoyer ampoulé et incomplet d’une fille pour son père…

Un rapprochement, enfin a été cruel. Michel de Grèce évoquait le cas de son oncle, le tsar de Bulgarie, qui avait choisi l’alliance de son pays avec l’Allemagne nazie plutôt que l’invasion par la Wehrmacht. Et s’interrogeait: son choix n’était-il pas celui de la prudence? Deux jours plus tard, France 5 rediffusait en hommage une interview de Daniel Cordier, l’avant-dernier Compagnon de la Libération, décédé la semaine passée à l’âge de 100 ans. L’ancien secrétaire de Jean Moulin y expliquait les risques pris pour fédérer la Résistance française et lutter contre l’occupant,juste avant l’arrestation et la mort de celui qu’il ne connaissait que comme Rex. C’est notamment grâce à ces gens imprudents de cette trempe que le nazisme,finalement, a été abattu.

Taire une info, non, mais la cadrer…


Aucune information ne doit être tue, tout est dans la manière dont elle est traitée. La réflexion m’est venue ce dimanche, en début de soirée, après la vision du journal télévisé de RTL-TVI, à 19 heures, où l’agression d’une policière bruxelloise à laquelle son agresseur avait tenté de voler son arme a occupé au total près de huit minutes et demie d’antenne. Avec d’abord l’interview de la policière, heureusement sortie indemne de l’incident, qui s’est plainte de n’être pas reconnue comme victime après la remise en liberté de son agresseur; puis le commentaire de Luc Hennart, président honoraire du tribunal de première instance de Bruxelles, habitué des plateaux de télévision, qui s’est exprimé pendant près de cinq minutes sans intervention du présentateur du JTL. Et au sortir, l’impression désagréable que cette séquence n’aura fait qu’ajouter à un sentiment ambiant d’insécurité, susceptible de nourrir le vote populiste.

Reprenons les choses dans l’ordre: le choix du sujet d’abord. La politique rédactionnelle de RTL-TVI, qui met volontiers l’accent sur le fait divers, est régulièrement pointée du doigt. La critique est malvenue: un choix rédactionnel relève de la liberté éditoriale. Et personne n’est obligé d’y adhérer, en regardant ses journaux télévisés, ou ses émissions. Comme personne n’est obligé d’acheter ou de lire les quotidiens qui s’inscrivent dans la même veine éditoriale.

L’interview de la policière était très professionnellement menée, et son propos était mesuré. Elle racontait sobrement l’agression dont elle a fait l’objet, et la manière dont elle a pu maîtriser son agresseur. Et elle se plaignait de ne pas être reconnue comme la victime par la Justice par son agresseur, remis en liberté malgré un ordre de quitter le territoire. Sans, là, que l’interviewer lui objecte que la remise en liberté ne signifie pas l’impunité.

C’est ce que Luc Hennart, ensuite a expliqué en une phrase, qui « cadrait » parfaitement l’interview de la policière. Cette, a-t-il relevé très justement, aurait dû en être consciente, étant elle-même auxiliaire de justice.

Il aurait pu, voire dû en rester là. Car le reste de son intervention, qui évoquait notamment l’envoi sur le terrain de jeunes policiers insuffisamment formés et insistait l’inopportunité de répondre à la violence de manifestants ou de citoyens récalcitrants par une violence plus grande encore tombait complètement à plat.

La policière en question affichait vingt-cinq années d’ancienneté. Son agresseur avait proféré à son égard une menace de mort caractérisée: « Je vais t’égorger! ». Dans le contexte actuel, on n’oserait plus qualifier cette apostrophe de rodomontade. Il a tenté de lui dérober son arme. Et, frappé d’un ordre de quitter le territoire, il n’a pas été maintenu en détention: naguère, notre pays a été moins regardant pour enfermer des enfants de migrants dans des centres fermés, ce qui lui a valu une condamnation humiliante devant la cour européenne des droits de l’Homme.

La prestation de Luc Hennart n’a fait que renforcer l’image, erronée, d’une justice déconnectée de la réalité de terrain, et qui ne parvient pas à donner une réponse appropriée à l’insécurité ambiante.

Il en porte une part de responsabilité: quand un expert est invité à commenter un dossier sur un plateau de télévision, le moins que l’on puisse en attendre, c’est qu’il ne se contente pas d’un discours général, mais qu’il entre dans les détails du dossier.

La responsabilité du journaliste est de l’avoir laissé dérouler son discours formaté, sans l’interrompre pour le confronter à la contradiction qu’il portait.

Le propos, ici, n’est pas de lui jeter la pierre, mais de cibler la réponse à la crise de la presse, tous médias confondus, et, s’agissant de RTL TVI, au recul de ses recettes publicitaires: partout, on a taillé dans les effectifs, en poussant au départ les journalistes les plus expérimenté(e)s, qui coûtent le plus cher, mais qui ont aussi le plus d’expérience, au motif qu’une rédaction « coûte cher et ne rapporte rien ». Ou, en télévision, en « placardisant » celles et ceux qu’ils n’ont pu éliminer dans le cadre des derniers plans sociaux. Sur pareil dossier, pourtant, il reste toujours dans la chaîne privée l’un(e) ou l’autre interviewer(euse) qui n’aurait pas écouté l’ancien magistrat dérouler son intervention, à la manière d’un étudiant qui écoute l’exposé d’un prof d’unif », mais qui l’aurait interrompu, sans tomber nécessairement dans les excès du genre, pour le ramener sur les rails.

L’adage le dit: l’art est difficile et la critique aisée. Dans le même temps, la couverture de l’élection présidentielle américaine a permis de voir, sur CNN, un journaliste aux cheveux blancs sur le front, tout au long du dépouillement. Et quand le président sortant, Donald Trump, s’est mis à déraper gravement dans un de ses commentaires, certaines chaînes lui carrément refusé l’antenne. Le procédé, là aussi, est discutable. Mais au moins les chaînes se sont-elles expliquées. De là à dire qu’elles ont convaincu…

Permis de diffamer?


Les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19 suscitent, à juste titre, de nombreuses questions. Celles qui ont été mises en place récemment sont d’autant plus difficiles à supporter qu’elles sont survenues en pleine période de canicule, et qu’elles ont succédé à une période où le retour à une vie normale semblait s’amorcer. Le rejet de la visière, beaucoup plus supportable en période de grandes chaleurs, m’est notamment apparu assez absurde, dès lors que j’avais pu en mesurer l’efficacité depuis le début de la pandémie.

La manière dont les chiffres sont présentés dans notre pays a particulièrement suscité de nombreuses interrogations. Utiliser des pourcentages pour décrire l’augmentation du nombre de cas, d’hospitalisations, de patients en réanimation, ou de décès est apparu singulièrement incongru, dès lors qu’on reste très loin des données constatées il y a quelques mois.

Parmi ces critiques, il est en est de fondées, qui ont été suivies d’effets: c’est le cas de la remarque de l’ancien recteur de l’université de Liège, Bernard Rentier, qui a requis, et obtenu, que l’augmentation du nombre de cas constatés soit mise en relation avec le nombre de tests pratiqués. Et la statistique, là, est nettement moins anxiogène.

À titre personnel, je pense qu’il serait de l’intérêt général d’étendre la démarche. En se rappelant que crier au loup en permanence n’est pas productif, puisque dès que le loup se présente, plus personne ne prend garde.

Mais à l’inverse, les plaidoyers contre le port du masque obligatoire au nom de la liberté individuelle ne peuvent être reçus. Une contamination n’est pas définition pas uniquement individuelle: l’individu porteur devient vecteur de transmission dans son entourage, éventuellement vers des personnes plus vulnérables. S’opposerait-on, dans la même logique, à l’obligation de rouler à droite, au nom de la liberté individuelle?

Le débat pourrait, ou devrait se dérouler de manière courtoise. Argument contre argument. L’exemple du Pr Bernard Rentier, cité plus haut, en est un exemple. On peut aussi citer l’astrophysicien Aurélien Barreau, dont la mise au point (https://www.facebook.com/trentemillejours/posts/584597305588737) est solidement argumentée.

Par contre, les théories complotistes ne trouvent aucune grâce à mes yeux. Et à ce titre, une séquence du JT de la RTBF, ce dimanche à 13 heures, me pose grave question. Elle était consacrée à la manifestation de quelques centaines de personnes opposées au port obligatoire du masque, devant la Bourse de Bruxelles.

Cette manifestation, aussi peu représentative soit-elle, devait être couverte. Malgré le nombre très restreints de participant(e)s. Parce qu’elle faisait écho à d’autres manifestations, dans d’autres pays d’Europe, dont la plus importante a eu lieu à Berlin, il y a peu.

Donner la parole aux manifestant(e)s était une chose, leur laisser raconter n’importe quoi, et notamment diffamer publiquement des personnes en est une autre. Une intervenante ( voir son intervention entre 2’33 » et 2’50 » sur https://www.rtbf.be/auvio/detail_jt-13h?id=2669225) a ainsi développé une thèse ubuesque mettant en cause les grandes firmes pharmaceutiques, qui orchestreraient toute la campagne sur la pandémie afin de réaliser de plantureux bénéfices au moment où un vaccin sera prêt. Et qui stipendieraient entre-temps des experts pour porter le message en télévision. Et cette dame d’accuser publiquement les Prs Marc Van Ranst et Yves Van Laethem de percevoir «des petites enveloppes des lobbies pharmaceutiques». Avant de conclure d’un ton péremptoire «ça, tout le monde l’a vérifié, ici en tout cas. On est au courant!».

Ah bon, des virologue véreux? Et l’intervenante en avait la preuve? On s’attendait à une relance sur le sujet, à l’administration de cette preuve. Rien n’est venu: le reportage a glissé comme si rien n’était. Un peu mal à l’aise, sans doute, le présentateur du JT, Laurent Mathie, a conclu (3’50 ») «On laissera à chacun la responsabilité de ses propos»

C’est un peu court. La reproduction de pareilles accusations dans un média écrit vaudrait à l’auteur(e) de l’article une plainte en diffamation, en même temps que celle visant les personnes qui profèrent des accusations aussi graves.

Les règles diffèrent-elles en télévision? Je n’en suis pas sûr. La RTBF a en tout cas réagi en supprimant ces propos diffamatoires de la séquence, reprise au JT de 19h30, consacrée à cette manifestation. Au risque de se faire accuser de censure, comme les médias «mainstream» qui se rendraient complice de cette mystification: le phénomène s’était déjà manifesté lors de la récente crise des «gilets jaunes»…

Peut-être cela nécessiterait-il un recadrage des jeunes et des futur(e)s journalistes? Pour leur rappeler que le métier n’est pas simplement de tendre le micro, mais de mettre en perspective. De réagir à ce qui est dit. Et donc de ne pas publier des pseudo-informations… impubliables.