Applaudir les infirmières ne suffit pas…


Proclamer une «journée internationale des infirmières» ne suffit pas. Les applaudir comme elles l’ont été lors… de la première vague du Covid, l’année dernière, n’a pas duré. Aujourd’hui, les établissements de soin sont en manque de personnel infirmier. Et le phénomène n’est pas national: au Québec, la quête à l’étranger d’infirmier et d’infirmières ne fait que croître: de quelques centaines il y a un an ou deux, on en est à quatre mille pour cette année 2021. Avec, là comme chez nous et plus encore en France, une désertification hospitalière marquée dans certaines régions.

En Belgique, on fait de la corde raide pour l’instant. Car le métier n’exerce plus autant d’attrait qu’il y a une dizaine, une vingtaine ou une trentaine d’années.

Les causes? La pénibilité de la fonction, sans aucun doute, à la fois en matière de service et d’horaires à assurer de manière constante. Un manque de considération global, peut-être, malgré l’embellie qui s’était marquée lors de la première vague de la pandémie.

La question des rémunérations, elle, a été abordée avec l’introduction d’un nouveau modèle salarial, qui se traduit par une classification assez détaillée des fonctions, auxquelles des barèmes sont attribués.

Le but, globalement, était de revaloriser la fonction hospitalière, même si la suppression des primes pour spécialisations et expertises, maintenues pour le personnel en place, mais désormais intégrées au mécanisme barémique, ne s’est pas fait sans heurts.

Toujours est-il que la question du recrutement se posera tôt ou tard avec plus d’acuité, car à mesure que des infirmiers et infirmières s’en iront, soit vers d’autres horizons, soit à la retraite, il deviendra de plus en plus difficile, voire impossible de les remplacer.

Dans certains hôpitaux, on en est d’ailleurs déjà au recrutement d’infirmières et d’infirmiers étrangers pour remplir les cadres. Et leur intégration ne se fait pas toujours sans mal, non en raison d’un défaut de formation, mais parce que les pratiques ne sont pas nécessairement les mêmes dans les pays d’où ils et elles proviennent, et celles qui sont en vigueur dans nos pays.

À plus long terme, on peut imaginer que ce recrutement à l’étranger ne fera que s’intensifier… ce qui peut poser un problème de couverture dans les pays concernés.

Il s’en trouvera peut-être, alors, pour se plaindre d’une «invasion» et dénoncer l’occupation par des étranger(e)s d’emplois «destinés aux Belges». Nous ne sommes pas à l’abri, en effet, d’une «Zemmourisation» des esprits.

Ce serait peut-être le moment de rediffuser le sketch de Fernand Raynaud sur le Franchouillard qui «n’aime pas les étrangers parce qu’ils mangent le pain des Français». Et qui parvient à obtenir le départ du seul étranger établi dans un village où on ne mange désormais plus de pain… puisque cet étranger était boulanger.

Les journalistes sportifs sous garde rapprochée ?


Une enquête qui a fait beaucoup jaser

Le documentaire « Le milieu du terrain » a rappelé les « affaires » en cours au niveau du football professionnel belge (et auxquelles l’inculpation de l’agent de joueurs Primi Zahavi a ajouté un chapitre sulfureux ce vendredi) et il a permis d’en soupçonner d’autres, comme la falsification apparente de la fin de championnat 2013-2014, qui a vu le Sporting d’Anderlecht coiffer in extremis le Standard de Liège sur la ligne d’arrivée, ou la manière étrange dont le RC Genk a arbitré un sprint final entre le même Sporting et le Club Brugeois. Au point que Michel Preud’Homme, alors entraîneur des Blauw en Zwart n’avait pas adopté son ton habituel de Calimero, après la défaite fatale de son équipe au stade de Genk, mais maniait une ironie féroce en disant qu’il demanderait à Emilio Ferrera, qui coachait l’équipe limbourgeois, sa recette pour ressusciter une équipe fantomatique face aux Mauves, huit jours plus tôt, et leur faire célébrer comme un succès majeur une victoire qui ne les décollait pas de la sixième et dernière place des playoffs.

Mais ce qui a été le plus frappant, dans les interviews de mise sur orbite de l’émission, ou dans celles qui ont suivi, c’est cet aveu de Thierry Luthers, auteur du documentaire avec Patrick Remacle, que la proximité de sa retraite avait sans doute facilité sa démarche. « Il y a dix ans, je ne l’aurais sans doute pas faite. Ou alors, j’aurais ensuite abandonné le sport » a-t-il précisé.

La question se pose donc: des journalistes sportifs, notamment en télévision, ne sont-ils pas en mesure de sortir d’un rôle de faire-valoir pour creuser des coulisses pas toujours ragoûtantes du sport en général et du football en particulier, dont ils et elles sont en charge?

Le journaliste de locale que j’ai été en début de carrière se souvient de cet ouvrage intitulé « Le journaliste local en liberté surveillée » qui décrivait les pressions exercées sur les journalistes locaux par toutes celles et tous ceux, détentrices et détenteurs d’un pouvoir politique, économique, syndical, policier ou autre, ou tout simplement par des acteurs de l’actualité locale, d’exercer des pressions ou des représailles contre celles et ceux qui parlent d’elles et d’eux, et les croisent tous les jours dans la rue.

Mais la question doit désormais être posée : les journalistes sportives et sportifs ne travaillent-ils et elles pas, eux, sous garde rapprochée permanente?

Ne pas mordre la main…

Première difficulté, qui frappe essentiellement les journalistes sportifs de télévision : la commercialisation du sport professionnel fait que les grandes compétitions font l’objet de mises aux enchères de plus en plus élevées pour les chaînes.

Des rencontres au déroulement… insolite

Difficile, dans ces conditions, pour les journalistes qui travaillent pour ces chaînes, de s’appesantir sur les à-côtés peu ragoûtants voire illégaux de ces compétitions, voire même de souligner la médiocrité du spectacle ainsi proposé : la sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit?´La limite a sans doute été atteinte lors de ces rencontres suspectes évoquées ci-dessus quand les journalistes sur antenne s’étonnaient de la facilité une équipe empilait des buts, ou sur l’aveuglement d’un arbitre qui semblait frappé de cécité devant des coups de réparation évidents…

Ces journalistes sportif(ve)s sont d’autant plus mal armé(e)s qu’ils (elles) ne sont pas soutenu(e)s en interne: il y a de nombreuses années, quand s’était instaurée la pratique d’interviewer des entraîneurs ou des joueurs de football devant des panneaux couverts de publicités pour les « parrains » des divers championnats, des cameramen avaient réagi en cadrant leur image sur le visage de la personne interviewée. Le rappel à l’ordre leur a rapidement été signifié par… leur propre hiérarchie. Il n’y a plus jamais eu personne pour regimber…

Un chauvinisme de mauvais aloi

Le sport est (aussi) affaire de passions. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler la foule acclamant les Diables Rouges au retour de Russie,ou, pour les plus anciens, celle qui fêtait leurs prédécesseurs revenant du Mexique en 1986, ou qui s’enthousiasmaient pour les exploits d’Eddy Merckx sur les routes du Tour de France.

L’exercice, pour les journalistes sportif(ve)s tient alors, où devrait tenir de l’équilibrisme: montrer à leur public qu’ils participent à cette émotion collective, tout en gardant suffisamment de recul pour ne pas y céder et garder les deux yeux bien ouverts.

Là aussi, certain(e)s oublient très vite leur devoir critique de journalistes. Lors du Mondial en Afrique du Sud, j’avais épinglé sur ce blog l’attitude des journalistes de la télé publique espagnole qui avaient commenté la finale victorieuse de l’Espagne revêtus du maillot de la Roja. Et parmi ces « journalistes » figurait la compagne de l’époque (qui l’est peut-être toujours par ailleurs) du gardien espagnol, Iker Casillas. Le baiser qu’ils avaient échangé devant les caméras avant qu’elle l’interviewe avait tué la crédibilité journalistique, avais-je écrit à l’époque.

La défaite historique du Brésil contre l’Allemagne avait laissé des traces à Rio de Janeiro….

Sans aller dans de tels excès, notre presse sportive d’héroïsme tombe un peu dans les mêmes travers quand un commentateur parle de « nos Diables rouges » parlant des joueurs de l’équipe nationale de football. J’ai déjà évoqué la sobriété, en recul elle aussi, des journalistes de la télé publique allemande qui, en pleine victoire historique contre le Brésil en 2016 (1-7), se montraient pour leur part heureux de ce résultat historique, mais s’interrogeaient déjà encours de match sur l’ampleur tout à fait extravagante du score.

Les journalistes télés ne sont pas seuls à céder à ce travers: un chef de service sportif se serait plaint, il y a un certain temps, d’un journaliste qui n’était pas suffisamment « supporter » dans le suivi d’un club….

Autre situation particulièrement délicate pour certain(e)s journalistes sportif(ve)s, les « pantouflages » avec des clubs sportifs, par exemple sous forme de participation voire de prise en charge de leur bulletin ou magazine: de quelle autonomie bénéficient-ils (elles) encore à l’égard de ces clubs?

Un journalisme déprécié

À leur décharge, les journalistes sportif(ve)s ne se sentent pas toujours soutenu(e)s à l’intérieur de leurs rédactions : combien de rédactrices et de rédacteurs en chef ou de responsables de rédaction ne sont-ils (elles) pas totalement ignorant(e)s du contenu des pages sportives de leur publication?

Étonnez-vous après cela que les rédactions sportives constituent des espèces d’États dans l’État, qui fonctionnent de manière quasi-autonome?

Des directions de médias elles-mêmes ont une vision singulièrement tronquée de l’information sportive qu’elles considèrent de manière aseptisée, comme une pure information de délassement, qui requiert dès lors plus une animation qu’une véritable couverture journalistique. Comme si le sport, et notamment le sport professionnel, et en particulier les grandes compétitions internationales, n’avaient pas des aspects éminemment politiques, économiques, judiciaires ou sanitaires ?

Faut-il rappeler que la reconnaissance de la Chine populaire par les États-Unis, il y a un demi-siècle, a été amorcée par… un match de tennis de table entre pongistes des deux pays. Et que dire de l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, dont on sait dans quelles conditions elles se sont déroulées, et qui bouleversera le football mondial, jusque dans ses sphères les plus populaires, parce qu’il se déroulera exceptionnellement en janvier et en février?

Uniformisation

Les journalistes sportif(ve)s donnent, il est vrai, parfois eux-mêmes et elles-mêmes les verges pour se faire battre. En concédant par exemple que des enquêtes dans les coulisses d’un sport comme « Le milieu du football » sont nécessaires, mais… qu’elles n’enlèvent rien à leur amour du sport, comme si un sport parfaitement vierge de toute dérive était toujours la règle, et les magouilles l’exception!

Il leur arrive aussi souvent de… se refuser à aller visiter ces coulisses, préférant laisser à des collègues spécialisés en judiciaire, économie, ou politique le privilège de s’y aventurer. Histoire de ne pas se retrouver en marge de dirigeants qui leur distillent périodiquement une information orientée et qui s’y entendent pour créer une solidarité factice? Au prologue de « l’affaire Bosman » qui allait mettre par terre l’organisation du football européen sans la remplacer par un système moins critiquable, le président du RFC Liégeois de l’époque croyait mettre les journalistes qui suivaient son club dans sa poche en faisant appel à leur attachement au sport, avant d’annoncer qu’à la surprise générale, Jean-Marc Bosman s’adressait à la Justice pour forcer un transfert qui lui était refusé

Où les journalistes sportif(ve)s subissent par contre une évolution qui procède de la dépréciation de l’information sportive évoquée ci-dessus, c’est quand ils et elles vivent la fusion d’équipes et de pages dont le résultat, à terme, sera que dans toute la presse quotidienne belge francophone, il risque de n’y avoir plus que deux versions de l’information sportive. Un peu comme, dans la défunte Union soviétique, la « Pravda » (« La Vérité ») et les « Izvestia » (« Les Nouvelles ») tentaient de faire croire à un véritable pluralisme de l’information…