La «Thatchereke» flamande joue cavalière seule…


On croyait le gouvernement flamand sorti de l’impasse sur les rejets d’azote imputés à l’agriculture, grâce à l’accord arraché aux forceps il y a quelques semaines, cela ne pouvait suffire à la ministre flamande de l’Environnement: Zuhal Demir (N-VA) a convoqué en fin de semaine dernière une conférence de presse où les questions des journalistes étaient interdites (!), et où elle a annoncé des directives ministérielles qui ignorent les dérogations forgées pour les agriculteurs flamands qu’elle avait pourtant concédées.

La ministre flamingante limbourgeoise a évidemment suscité la colère de son collègue de l’Agriculture, Jo Brouns (CD&V), qu’on accuse d’ignorer, dans la défense du secteur agricole, qu’il est aussi ministre de l’Économie, de l’Économie sociale, de l’Innovation, et du Travail. Mais elle a aussi provoqué l’étonnement du vice-ministre-président libéral, Bart Somers, qui s’est efforcé, mais en vain jusqu’à présent, de ramener l’église au milieu du village.

Dans ce bras-de-fer limbourgeois entre deux de ses ministres, le ministre-président, Jan Jambon, est resté étrangement silencieux jusqu’à ce que, en réponse à des interpellation au Vlaams Parlement, il annonce que le projet de décret, résultant de l’accord forgé il y a quelques semaines, est toujours à l’étude. Mais qu’il n’est pas encore concrétisé… parce qu’aucune société ne s’est présentée pour mener l’étude d’impact de l’agriculture préalable.

L’excuse est grosse et est mal passée. Et Zuhal Demir n’est pas sortie indemne de l’aventure. Car les commentateurs n’ont pas manqué de souligner qu’une directive ministérielle n’a pas force de loi, et ne va pas apporter la clarification attendue par les agriculteurs flamands. «C’est tout juste un peu plus que rien» a décoché une analyste, dans l’émission de débat de la deuxième chaîne flamande, Ter Zake.

Celle qui se dit la «Thatcher flamande» reste loin de son modèle!

Rik van Cauwelaert, vétéran de la presse politique flamande, n’a pas été tendre non plus pour celle qui aime se comparer à Margaret Thatcher, mais n’a pas l’envergure de la défunte Première ministre britannique. «Quand on veut passer en force, il faut être sûr de réussir», a-t-il rappelé. Zuhal Demir est loin du compte.

Surtout, le commentateur a relevé que l’ambitieuse ministre cible l’agriculture… mais néglige le secteur industriel, et notamment le secteur chimique, qui, autour d’Anvers, rejette énormément d’azote dans l’atmosphère…

«En Frise, la diminution du nombre de vaches s’est accompagnée d’une augmentation des rejets d’azote» a-t-il signalé. Et on sait que chez nos voisins néerlandais, la rébellion agricole a donné lieu à la création d’un parti agrarien, dont le succès aux élections locales a fait éclater la coalition gouvernementale, et emporté le Premier ministre, Mark Rutte, au pouvoir depuis quatorze ans, qui ne se représentera plus.

Pas de cela en Flandre: le gouvernement flamand ne peut être renversé que si une coalition différente peut prendre sa place (c’est le cas en Wallonie aussi), et l’équipe Jambon restera en place jusqu’à l’an prochain.

Ce gouvernement, notait Yves Lambrix, dans son éditorial du jour dans le Belang van Limburg, s’est surtout illustré par son «incapacité à régler le problème de la prime enfance et des centres d’accueil; de combler le retard dans la construction de logements sociaux; de faire évaluer le paquebot de l’enseignement dans une autre direction; ou de concrétiser son plan de relance intitulé « Résilience flamande »…».

«Pour masquer leur impuissance, les excellences N-VA tirent à boulets rouges sur le gouvernement fédéral Vivaldi. Qui lui aussi échoue dans ses grandes réformes. Mais on peut en dire autant de Jambon I. Ce dernier a dégradé le « ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux », et « plus de compétences pour la Flandre » en « tubes » usés. Non, ce gouvernement flamand n’est en rien meilleur que le gouvernement fédéral», conclut Yves Hendrix.

Nous n’aurions pu mieux dire!

Le recours de la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, contre le Liege Aiport: un coup dans l’eau!


Le recours de Zuhal Demir contre le développement du Liege Airport est contredit par un étude… commanditée par l’autorité flamande!

Que la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, soit dévorée d’ambitions est une chose bien connue depuis longtemps: on lui a prêté, à tort ou à raison, le projet de reprendre un jour la présidence de la N-VA à son éternel titulaire, Bart De Wever. Vrai ou faux, l’avenir nous le dira. Mais ce qui est clair, c’est que Zuhal Demir entend avoir toujours raison, comme l’a encore démontré son attitude dans le récent mélodrame sur les rejets d’azote par l’agriculture, qui a plongé le gouvernement flamand dans une crise profonde, il y a quelques semaines encore. Le CD&V, par le truchement du ministre flamand de l’Agriculture, Jo Brouns, en a profité pour se profiler comme le défenseur des agriculteurs flamands. Mais ce qui s’est passé depuis lors, de l’autre côté de la frontière avec les Pays-Bas, laisse craindre aux divers partis flamands qu’un «parti paysan» se présente aux électeurs, en 2024, avec le même succès qu’outre-Moerdijk.

Ce que Zuhal Demir n’avait probablement pas prévu, c’est que le Belang van Limburg, le quotidien de référence en province de Limbourg, lui vole dans les plumes ce dernier mercredi, en révélant qu’une étude, commanditée par l’autorité flamande sur les effets environnementaux de l’aéroport du Liege Airport révèle que… le développement futur de l’aéroport liégeois sera… positif pour la Flandre!

La ministre (limbourgeoise) de l’Environnement, les douze communes qui ont formé un recours au conseil d’État contre le feu vert donné par le gouvernement wallon à l’essor futur du Liege Airport ont désormais l’air malin!

L’étude démontre, sans grande surprise, que ce sont les voisins liégeois de l’aéroport principautaire qui subissent le plus de dommages de l’activité aéroportuaire, essentiellement nocturne. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il y a bien longtemps déjà, mais avec retard, le gouvernement wallon avait défini autour de l’aéroport un plan d’exposition au bruit, qui prévoyait diverses mesures d’accompagnement, dont l’insonorisation sonore des maisons les plus proches des pistes.

Pour l’instant, selon les cartes d’exposition au bruit publiées par le Belang van Limburg, le seuil maximal d’exposition au bruit pour les communes limbourgeoises se situe entre 45 et 50 décibels, soit, selon les normes internationales, celui qui va d’un restaurant tranquille à un bureau paisible.

Toujours selon cette carte, le dommage à 50 décibels se limite, en province de Limbourg, à «une petite partie de Tongres».

Mais l’étude se veut prospective: le développement de l’aéroport, tel qu’autorisé par le gouvernement wallon, autorise une croissance limitée du nombre de vols, d’ici à 2043, mais avec des normes de bruit plus strictes relatives aux avions eux-mêmes. Et alors, selon les projections de l’étude commandée par l’autorité flamande, il ne subsisterait en province de Limbourg que… 300 habitants exposés à un bruit supérieur à 45 décibels, soit celui d’un restaurant tranquille.

Le bruit des camions qui circulent au départ du Liege Airport a été également pris en compte: actuellement, 44 poids lourds circuleraient de nuit des Pays-Bas vers les hauteurs liégeois. «Mais là aussi, le dommage est plus sensible en région liégeoise» commente le quotidien limbourgeois.

En regard de ces normes environnementales, l’étude a aussi calculé les effets sociaux de l’aéroport de Liège sur l’économie limbourgeoise: elle les chiffre à 760 emplois bruts. Et pour les entreprises, des frais de transports moindres que si elle devait se tourner vers un autre pôle logistique. En termes financiers, cela représente de 16 à 27 millions d’euros pour 2021, mais ce chiffre «évoluera à la hausse d’ici à 2043» conclut le Belang van Limburg.

En face de ces éléments, Mark Vos, le bourgmestre de Riemst, une des communes qui a formulé un recours contre le feu vert wallon au développement du Liege Airport, a avoué au quotidien limbourgeois qu’il a allait étudier le rapport, commandé par l’autorité flamande, on le rappelle, et qu’il le transmettrait aux avocats de la commune.

Zuhal Demir, elle n’en a cure: elle persiste et signe. L’étude n’a pas été menée de façon suffisamment approfondie sur le territoire de la Région flamande, affirme-t-elle. La limitation du nombre de vols, décidée par l’autorité wallonne ne serait pas non plus correctement formulée. Zuhal Demir prétend toujours avoir raison, rappelons-le!

La position de la ministre flamingante est assez paradoxale: la N-VA dénonce les transferts, injustes à ses yeux, de la Flandre vers la Wallonie… mais elle n’a de cesse de mettre des bâtons dans les roues des projets de développement économique wallons. Pour pouvoir poursuivre son discours nationaliste, sans doute.

On ne sait si Zuhal Demir a suivi des humanités classiques. Si oui, elle devait s’y repencher. Si non, il serait urgent qu’elle s’y intéressse. Elle apprendrait que la Roche Tarpéienne est proche du Capitole. Que si «errare humanum est» (l’erreur est humaine), «perseverare diabolicum» (s’entêter dans l’erreur est diabolique). Et, pour paraphraser une expression latine célèbre, «Ius dementat quas vult perdere», Jupiter rend folles celles qu’il veut perdre. Toujours d’actualité!

Au nord comme au sud de la frontière linguistique, les mêmes maux frappent les politiques


Après l’affaire Nethys, l’affaire du greffier du Parlement wallon: il semble bien difficile de moraliser la vie politique en Wallonie. En Wallonie uniquement? Un peu au-delà de la frontière linguistique, les «affaires» se succèdent à Saint-Trond, où le dernier épisode en date a vu Jelle Engelbosch, une des figures de proue de la N-VA locale et limbourgeoise, annoncer son retrait de la politique. L’homme, l’année passée, avait été proposé par son parti au poste de bourgmestre de la cité fruitière, en remplacement de Veerle Heeren (CD&V), obligée de démissionner après plusieurs affaires embarrassantes. En Flandre aussi, la Roche Tarpéienne est décidément fort près du Capitole.

Veerle Heeren s’était arrogé une priorité vaccinale avant d’accorder un prêt illégal à un de ses prédécesseurs

Les première péripéties des «affaires Heeren» avaient transpiré quelque peu de ce côté de la frontière linguistique. Parce qu’elles touchaient à la pandémie de coronavirus. Celle qui était alors la bourgmestre trudonnaire s’était accordé, à elle et à son entourage, une priorité vaccinale qui n’avait pas lieu d’être. Lorsque ces faits avaient été rendus publics, une suspension de six mois de sa fonction mayorale lui avaient été imposée. Au passage, l’épisode l’avait privée d’une promotion dans les Ordres nationaux, que son passé de parlementaire lui aurait en principe automatiquement value.

Le souci pour Veerle Heeren, c’est qu’à peine rentrée en fonction, elle était convaincue d’avoir accordé un prêt illégal de 65000 euros à un de ses prédécesseurs, le fantasque Jef Cleeren (CD&V) lui aussi, dont on se souvient qu’il avait présidé le club de football local alors qu’il occupait l’Hôtel de ville de la cité hesbignonne.

Cette fois, c’en était trop: Veerle Heeren a dû démissionner de son poste, et parmi les candidats à sa succession figurait Jelle Engelbosch. C’est néanmoins une autre CD&V, Inge Kempeneers, qui a hérité de l’écharpe mayorale.

Encore heureux, finalement, que cette étoile montante de la N-VA, qui avait recueilli, en 2014, pas moins de 15000 voix de préférence sur la liste N-VA pour le Parlement flamand, n’ait pas accédé au poste de bourgmestre. Sans quoi, Saint-Trond se serait à nouveau retrouvée sans mayeur en ce printemps 2023.

Après son passage au Vlaams Parlement, Jelle Engelbosch était revenu sur la scène trudonnaire en 2019, pour y occuper le poste d’échevin d’Aménagement du territoire. Ce qui n’était pas précisément compatible avec son métier d’agent immobilier, selon l’opposition trudonnaire. Comme l’expliquait le Belang van Limburg, ce jeudi, il mettra fin à cette activité… deux ans plus tard.

Conflits d’intérêts, activités commerciale incompatibles avec sa fonction scabinale, utilisation d’informations à des fins privées: la barque de Jelle Engebosch s’est sérieusement chargée au fil des mois

Entre-temps, dans le village de Velm, qui fait partie de la ville de Saint-Trond, des agriculteurs avaient remarqué qu’une parcelle lui avait été vendue au prix de 90000 euros par la fabrique d’église locale. Une parcelle située en zone d’extension d’habitat! En conseil communal, l’homme expliquera qu’il s’agissait d’une extension de son jardin, et qu’il avait l’intention d’y faire paître des chèvres. Mais l’opposition, essentiellement socialiste, parlera de conflit d’intérêts, de fautes de procédure et de délit d’initié, rappelait le Belang van Limburg.

L’affaire qui lui a été politiquement fatale, rapporte le quotidien limbourgeois, portait sur une fermette, que le couple qui l’occupait ne pouvait plus modifier, en raison de difficultés financières. Ils devaient notamment des milliers d’impôts en matière d’immeubles inoccupés.

L’échevin trudonnaire rachète alors le bien, pour 30000 euros, alors qu’une estimation menée par un audit public en fixera plus tard la valeur à 144000 euros!

Il ne peut en principe rien en faire, dans la mesure où la démolition du bâtiment est interdite par la ville, dans le cadre de la préservation du paysage rural. Mais trois ans plus tard, cette disposition est prescrite, et l’homme peut alors disposer du terrain, et il fait disparaître la fermette.

Un audit se saisira du dossier en 2022, ce qui n’empêchera pas Jelle Engelbosch, quelques mois plus tard, d’être candidat au fauteuil mayoral. «Ce que je n’aurais pas accepté si je n’étais pas certain de mon innocence» dira-t-il alors.

Le rapport final des auditeurs a conclu au conflit d’intérêts, à l’exercice d’activité lucratives incompatibles avec sa fonction scabinale, et de l’utilisation d’informations à son profit personnel. Le Belang van Limburg signalait, en conclusion de son article, que le parquet mène par surcroît une enquête pour faux en écriture: Jelle Engelbosch a beau avoir pris ses distances avec la politique, il n’en a pas forcément fini avec les ennuis.

«Ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux» proclamait, il y a une vingtaine d’années, le ministre-président flamand Luk Vanden Brande (CD&V). En la matière, on dirait qu’ils font aussi pire que les autres!

Le Limbourg vent debout contre «Het Verhaal van Vlaanderen»


Est-ce la lettre d’un lecteur, évoquée dans l’article précédent de ce blog… ou la lecture de ce billet qui a suscité une réaction du Belang van Limburg? Toujours est-il que le quotidien limbourgeois est revenu, dans son édition de ce samedi, sur la saga historique de la Flandre, Het Verhaal van Vlaanderen. Pour en regretter l’absence du Limbourg. Et en dénoncer le centrage sur la Flandre-Occidentale et la Flandre-Orientale, qui formaient le cœur du comté de Flandre, mis en exergue par cette série, commanditée par le gouvernement flamand.

«On est bien d’accord, on ne peut pas tout raconter», s’indigne Frank Decat, un historien trudonnaire interrogé par le journal. «Mais tout cela n’est pas équilibré».

Et de préciser: «je n’ai ainsi rien entendu sur la ville romaine de Tongres (…) la seule ville qui existait à l’époque dans ce qui est aujourd’hui la Flandre. Rien non plus sur le Saint Empire romain (de la nation germanique) dont le Brabant et le Limbourg faisaient partie au Moyen Âge».

«C’est un retour de l’Histoire de la « Belgique à papa ». Appelez-la plutôt l’Histoire du comté de Flandre», assène l’historien trudonnaire.

L’homme connaît bien le passé de sa province. «À l’époque, il s’agissait du comté de Looz», rappelle-t-il. Avant de revenir sur le tour de passe-passe historique opéré en 1815, quand la Belgique et les Pays-Bas ont été réunis sous le sceptre de Guillaume Ier, qui voulait conserver le titre de duc de Limbourg. Celui d’un duché, incorporé, comme le comté de Looz, à la principauté de Liège, et dont le titulaire résidait «dans la petite ville de Limbourg, sur la Vesdre, dans ce qui est aujourd’hui la province de Liège. Le problème est qu’à part un village des Fourons, notre province actuelle n’a jamais fait partie de ce duché», relate Frank Dekat. De quoi souligner que… les Fourons ne sont pas limbourgeois?

Les présentateurs du Verhaal van Vlaanderen sont ainsi tombés dans le piège, en rappelant que le duc de Bourgogne, Philippe le Bon «a hérité des duchés du Brabant et du Limbourg», explique-t-il.

L’affirmation est justifiée sur le plan historique, se défendent les producteurs de la série. L’homme en convient. Mais il précise que cela peut créer la confusion chez les téléspectateurs actuels, qui pensent, à tort, que les provinces belge et néerlandaise du Limbourg faisaient partie de ce duché. La projection d’une carte de géographie d’époque aurait peut-être pu dissiper le malentendu…

Des historiens ont pourtant été associés à la conception de la série. «Exact», a confirmé Jelle Haemers, professeur à la KUL, l’université catholique flamande de Leuven. «Mais ils n’ont pas participé à la rédaction du scénario. Cela a été le travail de la maison de production. Les historiens ont du simplement répondre à des questions spécifiques».

Jan Dumolyn, qui enseigne à l’université de Gand, opine: «les critiques venues du Limbourg, dont on parle fort peu, sont justifiées. Il en va de même pour le Brabant d’ailleurs». L’historien gantois, comme nous l’avons fait dans notre précédent billet, renvoie à Henri Pirenne, dont l’histoire médiévale «s’est réduite à celle du comté de Flandre (…). Les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège» ont ainsi été réduites pratiquement à néant.

L’ennui, c’est que ce flop historique a un coût: 2,4 millions d’euros, financés par le gouvernement flamand!

«Et ce qui est regrettable, c’est que jusqu’à présent, on n’a considéré que ce qui s’est passé sur le territoire de la Flandre d’alors, pas sur ce qui est aujourd’hui la Flandre. Peut-être parce que les auteurs voulaient éviter toute forme d’anachronisme», a ajouté Jelle Haemers au Belang van Limburg.

Or, dans le cahier des charges de cette série, il est prévu qu’elle doit promouvoir l’identité de la Flandre. «Ce contre quoi les historiens ont protesté», rappelle l’historien de la KUL. «Et nous constatons aujourd’hui que cette vision sert surtout à diviser»...

La langue joue aussi un rôle, déplore Jelle Haemers: «dans les université flamandes, les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège ont beaucoup moins étudiées. Tandis qu’il en va tout autrement à l’université de Liège. Mais, là, il y a la barrière de la langue, même si les collègues liégeois prennent parfois la peine de faire traduire leurs recherches, ou tout au moins une partie d’entre elles». Un aveu tout de même étonnant dans le chef d’un professeur d’université, incapable, apparemment, de lire ou de se faire traduire des travaux scientifiques rédigés en français.

Le Belang van Limburg a donné aussi la parole aux réalisateurs du Verhaal van Vlaanderen.

«Notre propos était de présenter un récit clair. Là où c’était possible, nous avons nuancé. Jusqu’ici, nous nous sommes effectivement centrés sur Bruges, qui était alors la plus grande ville commerciale d’Europe de l’Ouest», plaident-ils.

«Il y a eu énormément de recherches avant cette série», poursuivent-ils, «et nous avons eu beaucoup trop de documentation. Il nous a fallu élaguer, élaguer et encore élaguer. Pour une série qui dure dix fois cinquante minutes, il faut faire des choix. Tout ce que nous disons est historiquement correct (…) Mais voyez le résultat: il y a maintenant un intérêt immense pour l’Histoire»...

Le problème, c’est que cet intérêt pour l’Histoire, dans certaines régions de Flandre, et notamment en province de Limbourg, suscite surtout une critique justifiée. Sur le fond, et donc sur la démarche.

Quand le «Belang van Limburg» reprend la «Lettre au Roi» de Jules Destrée de… 1912


Depuis quelques semaines, la VRT, aux ordres du gouvernement flamand, a entamé la diffusion d’une grande fresque historique retraçant l’Histoire de la Flandre. Une Histoire de Flandre qui ne convainc pas nombre d’historiens flamands. Et ne satisfait pas des téléspectateurs, notamment en province de Limbourg, où, sans le savoir sans doute, on reprend pratiquement les termes de la fameuse «Lettre au Roi» où le député wallon Jules Destrée, en 1912. Celle où il déclarait à Albert Ier, «laissez-moi Vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : il n’y a pas de Belges».

Het Verhaal van Vlaanderen a fait froncer les sourcils de plus d’un historien flamand rigoureux. D’abord parce que l’entreprise a été commanditée par des ministres nationalistes flamands de la N-VA, qui ont généreusement subsidié l’entreprise. Et on peut les soupçonner de ne pas vouloir un résultat contraire à leurs attentes.

La démarche historique, ou pseudo-historique, n’est par ailleurs pas neuve, et elle a montré ses limites dans le passé. Notamment à travers la monumentale Histoire de Belgique, établie par Henri Pirenne, à la fin du XIXe siècle, et dont le propos était que la Belgique pré-existait déjà avant son indépendance, proclamée en 1831. C’est de cette époque que date la référence à la fameuse phrase de Jules César, dans sa relation de la guerre des Gaules, «horum omnium, fortissimi sunt Belgae»; «de tous ces peuples de la Gaule, les Belges sont les plus courageux». En omettant opportunément la suite de la phrase du conquérant latin, «propterea quod a cultu ataque humanitate provinciæ longissime absunt», «principalement parce qu’ils sont les plus éloignés de la culture et le l’humanité de la province (romaine)».

C’est, près de 130 ans plus tard, la démarche qu’a voulu initier le gouvernement flamand, en imposant le «canon flamand» à sa chaîne publique, dont il a par ailleurs singulièrement réduit les moyens.

Dans cette perspective, il faut nécessairement tordre le cou aux faits historiques, à la fois pour ne pas allonger indéfiniment le récit, et aussi pour rendre plus solide la thèse sous-jacente.

Cela ne va pas sans mal. Ainsi, cette semaine, un lecteur du «Belang van Limburg» se plaignait-il. «La manière dont la Bataille des Éperons d’Or a été reconstituée a été bien réalisée et s’est révélée très instructive» a-t-il écrit au quotidien limbourgeois. «Mais ce qui me dérange», a-t-il ajouté, «c’est que depuis mon école secondaire, nous sommes, ici au Limbourg, obligés d’apprendre l’histoire de la Flandre-Occidentale et de la Flandre-Orientale, et que nous n’apprenons presque rien de notre propre histoire (…). Et je suis toujours aussi frustré. Est-ce qu’on parlera, dans de prochaines émissions, des traités de Londres (1839) et de Maastricht (1843), qui ont été tellement important pour le Limbourg? Le Limbourg qui est à nouveau traité par une marâtre.».

Et de conclure: «Je n’ai aucun problème avec le fait que cette série a été largement subsidiée. Sans de tels subsides, j’en ai bien peur, une telle série télévisée serait impossible à réaliser. Mais, par contre, j’aurais aussi aimé que ma propre histoire soit mise en image».

Ce que ce lecteur ne sait peut-être, ou pratiquement pas, c’est que dans son courrier au quotidien limbourgeois, il a en partie paraphrasé Jules Destrée. On croirait même relire le texte écrit en 1912 par le député wallon à l’adresse du roi Albert Ier.

«Ils nous ont pris notre passé», accusait Jules Destrée en 1912

«Ils nous ont pris notre passé. Nous les avons laissé écrire et enseigner l’histoire de Belgique, sans nous douter des conséquences que les traditions historiques pouvaient avoir dans le temps présent. Puisque la Belgique, c’était nous comme eux, qu’importait que son histoire, difficile à écrire, fût surtout celle des jours glorieux de la Flandre ? Aujourd’hui, nous commençons à apercevoir l’étendue du mal. Lorsque nous songeons au passé, ce sont les grands noms de Breydel, de Van Artevelde, de Marnix, de Anneessens qui se lèvent dans notre mémoire. Tous sont des Flamands ! Nous ignorons tout de notre passé wallon. C’est à peine si nous connaissons quelques faits relatifs aux comtes du Hainaut ou aux bourgmestres de Liége. Il semble vraiment que nous n’ayons rien à rappeler pour fortifier les énergies et susciter les enthousiasmes», écrivait notamment l’élu carolorégien.

«Des milliers et des milliers d’écoliers ont subi le même enseignement tendancieux. Je suis confus de mon ignorance quand je m’interroge sur le passé wallon. Des amis mieux informés m’assurent que notre grand Pirenne, malgré tant d’aperçus ingénieux, n’a pas su, sur ce point, se dégager de la traditionnelle glorification flamande et faire à la Wallonie la place qu’elle mérite. Il est assez frappant qu’à Liége, comme dans le Hainaut, on réclame maintenant des histoires régionales, dont on sent la nécessité», poursuivait Jules Destrée.

«Mais quelle que soit mon incompétence sur ces sujets controversés, un aspect significatif des dernières commémorations me paraît à noter. Il semble que le patriotisme rétrospectif des Flamands ne se plaise qu’à célébrer des massacres de Français. La bataille des Éperons d’or, si éloignée (1302 !) est devenue extraordinairement populaire parce qu’elle fut l’écrasement de la chevalerie française. Toute la Campine fut soulevée en 1898 pour le centenaire de la Guerre des paysans ; on exalta avec raison l’héroïsme de ces pauvres gens révoltés par amour de leur terre et de leur foi, mais dans tout cet élan, dans tous ces discours, on découvrait le sentiment mauvais de la haine de la France, la malédiction de l’étranger. Certains fanatiques flamingants, quand ils vous parlent d’histoire, semblent toujours regretter le temps où la mauvaise prononciation de Schild en vriend était punie de mort immédiate», commentait-il encore.
«Ils nous ont pris nos artistes. Le maître pathétique de Tournai, Roger de le Pasture, l’un des plus grands artistes du XVe siècle, est incorporé parmi les Flamands sous le nom de Vander Weyden. L’art flamand brille d’un éclat radieux. L’art wallon est ignoré», relevait également Jules Destrée.

Pour en revenir au courrier du lecteur du «Belang van Limburg», on ne se risquera pas à se demander quel cours d’histoire il a suivi en humanités ou du moins ce qu’il en a retenu. Car si sa connaissance de l’histoire du Limbourg se limite aux traités de Londres et de Maastricht, qui ont acté la scission des Limbourg belge et néerlandais, et aussi, ne l’oublions pas, la séparation de la province et du Grand-Duché de Luxembourg, le passé de sa province est bien plus ancien.

Et c’est là, sans doute, pourquoi Het verhaal van Vlaanderen ne va guère parler du passé du Limbourg. Car il devrait alors revenir sur la longue histoire de la principauté épiscopale de Liège, dont le Limbourg néerlandais et le Limbourg belge faisaient largement partie, au même titre que nombre d’autres terres wallonnes d’ailleurs.

Parmi les vingt-trois «Bonnes villes» de la principauté de Liège, douze étaient limbourgeoises pour onze répandues sur le territoire qui est devenu wallon aujourd’hui. Bree, Beringen, Bilzen, Borgloon (Looz), Hamont, Hasselt, Herk-de-Stad (Herk-la-Ville), Maaseik, Peer, Sint-Truiden (Saint-Trond), Stokkem, et Tongeren (Tongres) ont partagé leur passé avec Châtelet, Ciney, Couvin, Dinant, Fosses-la-Ville, Huy, Liège, Thuin, Verviers, Visé et Waremme. Elles y côtoyaient Bouillon et Maastricht, chacune sous statut particulier.

Difficile, on s’en doute, pour une histoire flamingante de la Flandre, de rappeler cette cohabitation qui a duré plusieurs siècles, sans que les différences linguistiques ne suscitent de conflit majeur, le latin ayant été longtemps la langue de gouvernement.

Au bout du compte, Het verhaal van Vlaanderen séduira sans doute la majorité des téléspectateurs flamands, mais en laissera un certain nombre, notamment en province de Limbourg, sur leur faim. Et d’ici à quelques années, sa démarche historique apparaîtra aussi vaine que ne l’est, aujourd’hui, celle de Henri Pirenne, chantre de la Belgique éternelle…

Zuhal Demir et Marine Le Pen: une même récupération politique qui heurte les principes de droit


Entre la droite extrême et l’extrême-droite, il y a parfois plus de similitudes que de différences, notamment en matière de justice, que des événements récents viennent de démontrer, en France comme en Région flamande.

En France, le meurtre, ou l’assassinat de la jeune Lola a provoqué une émotion et une indignation nationales parfaitement compréhensibles. Elle a aussi donné lieu à une récupération politique de la part du Rassemblement, ex-Front, National, dont la leader, Marine Le Pen, s’est répandue en critiques contre le gouvernement, parce qu’un ordre de quitter le territoire français, frappant la meurtrière présumée, de nationalité algérienne, n’avait pas été appliqué. Quelques jours auparavant, le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, qui, en matière de droit, en connaît nettement plus que l’ancienne candidate à la présidence de la République, elle-même pourtant avocate, avait expliqué qu’un ordre de quitter le territoire peut difficilement s’appliquer à des nationaux dont le pays refuse de les recevoir. Et c’est précisément le cas de l’Algérie. Comment dès lors appliquer cet ordre? En plaçant celles et ceux qui en font l’objet dans des zodiaques qu’on laissera indéfiniment flotter dans les eaux internationales au milieu de la Méditerranée?

Le ministre de la Justice français, dont la longue carrière au Barreau lui a valu le surnom d’«Acquittator» aurait pu aussi expliquer qu’appliquer un ordre de quitter le territoire n’a une efficacité que théorique, car souvent, celles et ceux qui en font l’objet, hors les cas où on les embarque de force dans des avions pour les ramener dans des pays où leurs droits fondamentaux, voire leur vie, sont menacés, reviennent souvent par la fenêtre, après avoir été expulsés par la porte…

Les obsèques de la jeune Lola se sont heureusement passées dans la dignité, après que sa famille, dans l’affliction que l’on devine, eut appelé à éviter toute récupération politique.

Cela n’a pas empêché Jordan Bardella, candidat à la présidence du Rassemblement National, revenir à la charge hier soir, accusant les autorités françaises de se coucher devant les autorités algériennes et citant notamment en exemple la phrase d’Emmanuel Macron, le président de la République, qui avait qualifié la colonisation de «crime contre l’Humanité» lors d’une visite à Alger. Phrase que l’homme politique a évidemment récusée: il est vrai que parmi les électeurs du RN dont il sollicitera les suffrages, se trouvent notamment des nostalgiques du régime de Vichy…

En Flandre, c’est la ministre de la Justice et de l’Application des lois, de l’Énergie, de l’Environnement et du Tourisme, Zuhal Demir (N-VA) qui s’est signalée par une réaction inappropriée à un jugement, quand elle a décidé de priver la KUL, l’université catholique flamande de Leuven, d’un subside de 1,3 million, pour la punir de sa «passivité» face au viol, en 2016, d’une étudiante par un professeur.

Une réaction intempestive qui obligera sans doute Zuhal Demir à rapidement rétropédaler

Première bizarrerie: l’octroi de ce subside, en matière d’Enseignement, ne relèverait-il pas plutôt de son collègue de parti et de gouvernement, Ben Weyts, vice-président du gouvernement flamand, et titulaire de ce département?

Si, au niveau européen, on s’efforce de mettre en cause le versement de subsides à des pays comme la Hongrie ou la Pologne, dont le comportement n’est pas conforme aux valeurs européennes communes, pareille pratique n’a pas cours en Belgique ni dans ses entités fédérées. Et la question qui se pose est à la fois de savoir si la KUL était habilitée à recevoir ce subside ou non, et surtout à quoi ce subside était destiné. S’il s’agissait de financer une recherche scientifique, l’attitude de Zuhal Demir est inexcusable!

D’autant qu’il est vite apparu que la ministre entre autres de la «Justice» (car la Justice, jusqu’à preuve du contraire, reste une matière fédérale) a réagi sans discernement. Car la KUL a bien précisé que si elle ne s’était pas manifestée jusqu’ici, c’était à la demande… des autorités judiciaires, saisies du dossier en 2018 après que… les autorités académiques eurent conseillé à l’étudiante et à sa famille de porter plainte. Les enquêteurs souhaitaient la discrétion, pour ne pas alerter le professeur visé par cette plainte. Et la victime elle-même, manifestement, ne souhaitait pas que son dossier devienne public.

Le jugement dans cette affaire est intervenu récemment, et dès lors qu’un jugement est public, la presse en a parlé. Le professeur visé a été sanctionné par l’université catholique flamande de Leuven. Et dans la foulée, Zuhal Demir s’est manifestée par une décision impulsive, qui visait peut-être avant tout à montrer qu’elle se préoccupe aussi de Justice, parmi ses nombreuses attributions.

La ministre limbourgeoise d’origine turque (qui, pour rappel, a un jour estimé qu’il y a trop de personnes d’origine étrangère en Flandre!) va devoir maintenant effectuer un forme de rétropédalage, pour avoir agi sans discernement.

Sur le fond, car le dossier est toujours susceptible d’appel, elle aurait d’autant plus faire preuve de retenue qu’un principe de droit fondamental, qu’elle en tant que ministre de la «Justice» et Marine Le Pen en tant qu’avocate ne peuvent ignorer, énonce qu’une personne accusée est présumée innocente aussi longtemps que sa culpabilité n’est pas prouvée.

À l’heure où les réseaux sociaux fourmillent d’accusations publiques, ce principe est quasi quotidiennement bafoué: son respect par les autorités judiciaires et par le pouvoir politique qui en a, en apparence du moins, la responsabilité, s’impose d’autant plus.

La régionalisation de la Justice figurera au nombre des revendications flamandes après les prochaines échéances électorales, Zuhal Demir l’a confirmé en ce début de semaine en listant déjà un cahier de revendication. Si la Justice est effectivement régionalisée, on plaint déjà nos compatriotes du Nord du pays si elle se voit confier cette attribution dans le futur: ils auront intérêt à s’accrocher à leurs droits fondamentaux!

Entre-temps, la ministre multi-casquettes N-VA a encore bien d’autres chats à fouetter. Notamment celui qu’elle a voulu imposer à la hussarde en matière agricole, en imposant une série de fermetures de fermes, afin d’atteindre les objectifs d’un plan de réduction des épandages d’azote qui hérisse toujours le monde agricole!

La Flandre réfléchit à son tour à des «barrages écrêteurs»


Un an pile après les inondations catastrophiques qui ont frappé la Wallonie, et plus particulièrement les bassins de la Vesdre, de la Hoëgne, et de l’Ourthe, le gouvernement régional flamand s’est vu remettre un rapport d’expertise, qui préconise les mesures à prendre afin d’éviter au nord du pays une catastrophe de même type, et dont elle n’est pas à l’abri.

Parmi les mesures proposées, une vieille idée, déjà proposée il y a plus d’un quart-de-siècle pour la vallée de l’Ourthe, régulièrement victime des caprices de la rivière, par le défunt ministre wallon et liégeois des Travaux, Jean-Pierre Grafé (PSC, qui n’était pas encore devenu le cdH puis Les Engagés).

Le principe d’un tel ouvrage est simple: en situation normale, il laisse s’écouler l’eau de manière tout à fait naturelle. Et dès que les précipitations gonflent le cours, il retient une partie du trop-plein et inonde une zone définie par avance. Une fois les éléments calmés, l’eau ainsi retenue s’évacue lentement, comme l’eau s’évacue d’un évier.

La solution a déjà été mise en œuvre il y a longtemps dans diverses régions françaises. Mais en Wallonie, la suggestion de Jean-Pierre Grafé ne s’est jamais concrétisée. Pourquoi? Essentiellement par l’impossibilité de définir des zones volontairement inondables. Sans doute parce que aucun propriétaire ne souhaitait voir ses pâtures mises régulièrement sous eau.

L’implantation d’un barrage écrêteur permet de choisir la zone à inonder en cas de montée importante des eaux…

La Flandre mettra-t-elle en œuvre le projet de Jean-Pierre Grafé? Lydia Peeters, la ministre libérale flamande des Travaux publics et de la Mobilité, s’est montrée fort prudente. Il faudra, a-t-elle déclaré, examiner le rapport d’expertise et envisager chacune des mesures préconisées afin d’éviter à la Flandre un cataclysme semblable à celui qui a frappé la Wallonie l’an dernier.

S’agissant des barrages écrêteurs, les propriétaires flamands risquent fort de se montrer aussi frileux que leurs alter ego wallons. À moins que les événements de la mi-juillet 2021 aient fait changer la perspective?

En Wallonie, dans la vallée de la Vesdre notamment, des zones naguère habitées vont être déclarées inconstructibles, et les personnes sinistrées, malgré les dédommagements importants qui leur seront versés, risquent d’avoir des difficultés à retrouver des logements équivalents, dans un environnement proche. Au fait, le moment de ressortir des tiroirs l’idée de barrages écrêteurs ne serait-il pas opportun?

Et si la Flandre administrait bien ses compétences avant d’en réclamer de nouvelles?


La «Fête nationale flamande» du lundi 11 juillet a vu les porte-voix de la N-VA se succéder pour réclamer, ô surprise, plus de compétences pour la Flandre.

C’est le ministre-président flamand, Jan Jambon, qui a ouvert le feu à la veille du grand jour, avec un discours où, comme la plupart de ces prédécesseurs avant lui, il a plaidé pour un élargissement des compétences régionales, après les élections fédérales, régionales et communautaires de 2024. Puis, le 11 juillet même, sous les lambris de l’Hôtel de ville de Bruxelles, pardon, de «Brussel», Liesbeth Homans, la présidente du Vlaams Parlement, est allée un pas plus loin en réclamant des compétences accrues dès à présent, sous forme de «gains rapides» censés appâter les régionalistes wallons, un peu sur l’air du «Demain, on rase gratis»…

Le refrain est connu, mais l’air ne fait pas la chanson, pas même celle de la danse endiablée que la président du parti nationaliste flamingant, Bart De Wever, a effectuée avec la future ex-députée de son parti Valérie Van Peel, qui quittera bientôt la politique, devant les caméras des télévisions flamandes, il y a une semaine. Non sans une charge contre le gouvernement Vivaldi, minoritaire au sein du groupe linguistique flamand, chargé de tous les péchés d’Israël par le bourgmestre d’Anvers.

Conner Rousseau: «gérons d’abord bien les compétences qui sont les nôtres»

D’ailleurs, au sortir de l’Hôtel de ville bruxellois, on a relevé la réaction de Conner Rousseau, le président de Vooruit, l’ex-parti socialiste flamand, qui se demandait pourquoi réclamer de nouvelles compétences, alors que la Flandre, soulignait-il, se montre incapable de bien gérer les domaines qui lui sont déjà acquis, comme le logement par exemple. Le Premier ministre fédéral, Alexander De Croo (Open vld), flamand lui aussi, expliquait que ce qu’il fallait surtout au pays et à ses entités fédérées, ce sont des responsables politiques prêts à travailler ensemble. Pour rappel, l’Open vld fait partie de la coalition flamande dirigée par Jan Jambon.

Les agriculteurs flamands sont remontés contre leur ministre de l’Environnement, Zuhal Demir…

Les agriculteurs flamands, eux, sont peut-être moins convaincus que ce que la Flandre fait elle-même, elle le fait mieux. Car l’accord sur la limitation des déversements d’azote, défendu becs et ongles par la ministre N-VA de l’Environnement, Zuhal Demir, leur reste en travers de la gorge. C’est la raison pour laquelle ils sont récemment descendus dans les rues, quelques jours avant leurs collègues néerlandais, qui ont bloqué les autoroutes du plat pays pour exprimer leur rejet d’un accord identique outre-Moerdijk.

Le problème est ancien, et les différents gouvernements flamands qui se sont succédé se sont renvoyé la patate chaude, mais l’heure est à la prise de décision, dit et répète Zuhal Demir. Car le parti nationaliste flamingant veut lui aussi se convertir à l’écologie en ces temps où le réchauffement climatique préoccupe tous les esprits. Or, si l’agriculture flamande s’est largement industrialisée au fil des décennies, avec notamment une multiplication des porcheries à grande échelle, elle est de ce fait devenue de plus en plus polluante. La solution? Venir, pendant longtemps, épandre du lisier en Wallonie («Ce que la Flandre fait elle-même, elle le fait mieux»), une pratique qui, dit-on, n’est pas encore tout à fait éteinte, malgré les interdictions wallonnes en la matière.

Le problème, c’est que Zuhal Demir veut faire fermer des installations… et que le CD&V, membre de la majorité flamande, ne veut pas de toutes ces fermetures. Car les démocrates-chrétiens, au plus bas dans les sondages, ne peuvent se mettre leur base agricole à dos.

Le débat est loin d’être clos, chez nos voisins du nord, qui viennent à peine de régler un autre grave problème de pollution, celui posé par l’entreprise 3M dans la banlieue anversoise, dont les rejets en PFOS autour de son usine de Zwijndrecht avaient été mis au jour par les travaux de l’Oosterwel, qui doit compléter le ring anversois. Après des mois de tergiversations, 3M a enfin récemment accepté de prendre en charge la dépollution des sols.

Dans ce contexte difficile, il est évidemment plus aisé de détourner la colère de la base, en incriminant, soit la majorité fédérale, soit la structure de l’État. Mais lorsque les flonflons de la fête du 11 juillet seront éteints, on souhaite bien du plaisir à Jan Jambon, pour rétablir la sérénité dans son équipe, et sortir du casse-tête de l’accord sur la réduction des déversements d’azote…

Et les Wallons qui sont des cochons ou du caca, c’est sans doute aussi du folklore…


Que le Club Brugeois ait mérité son titre de champion de Belgique de football ne se discute guère, même si les Blauw en Zwart n’ont guère été fringants au cours de ces «play offs» un peu particuliers cette année particulièrement chahutée.

Si, sur le plan sportif, l’équipe dirigée par Philippe Clément, a dominé la compétition de la tête et des épaules, en coulisses, il n’en a pas vraiment été de même, si on en juge par l’entrée en Bourse avortée d’il y a quelques semaines. Et, depuis ce jeudi, il y a l’affaire Noa Lang, avec le chant de victoire entonné par le jeune prodige néerlandais du stade Jan Breydel, qui a chambré devant des fans brugeois en folie les «supporters juifs d’Anderlecht».

Réprobation immédiate du monde du football, avec la Pro League qui «déplore» cet excès de langage, puis le parquet de l’Union belge qui déclare «se pencher» sur les faits, et enfin le scandale qui enfle, avec la presse étrangère qui commente abondamment l’incident.

Panique du Club Brugeois qui, dans un communiqué, précise que «Paysans pour les supporters de Bruges, Schtroumpfs pour ceux de Genk, cafards pour ceux de Malines, Juifs pour ceux d’Anderlecht: ce sont des surnoms souvent adoptés (…) Il n’y a pas de sous-entendu antisémite là derrière».

Pour un peu, on croirait entendre la réaction des autorités communales alostoises, après le défilé dans un cortège carnavalesque d’un char où trônaient des Juifs au nez crochu, assis sur des sacs d’or, et vêtus de manière traditionnelle.

On veut bien accorder aux dirigeants brugeois que Noa Lang n’est pas antisémite (avec un tel prénom, ce serait un comble!), mais on ne le suivra pas dans leur raisonnement. Pour eux, parce qu’on le dit souvent, il est normal, donc, de qualifier des supporters de clubs adverses de «Juifs» ou de «cafards»?

Dans une Flandre où la première place du Vlaams Belang dans les intentions de vote se confirme, l’affirmation fait frémir. D’autant que le terme «cafards» renvoie à un autre contexte, celui du génocide des Tutsis au Rwanda, préparé par une campagne de propagande relayée par la sinistre radio Mille Collines, où les futures victimes étaient quotidiennement qualifiées de «cafards».

Pour autant, la réaction du monde du football belge apparaît singulièrement hypocrite. Car on ne l’a pas connu aussi intransigeant, dans le passé, pour réprimer des chants racistes qui ciblaient des joueurs d’origine étrangère et notamment africaine. En témoigne la campagne menée actuellement par certains joueurs ou anciens joueurs, au premier rang desquels Romelu Lukaku, que la Belgique footballistique adule, mais qui a dû faire face à ses débuts d’attaques particulièrement méchantes. On se souvient aussi de la carte jaune adressée au joueur carolo Marco Ilaimaharitra, qui avait eu l’audace de faire remarquer à l’arbitre Jonathan Lardot que le public du Club Malinois -les «cafards», donc, à en croire la direction du Club Brugeois- lui adressait des cris racistes. Plus loin dans le temps, on a eu les bananes jetées sur le terrain en direction de joueurs d’origine africaine, parmi lesquels l’attaquant nigérian d’Anderlecht, Nii Lamptey…

De la même manière, jamais n’ont été sanctionnés les chants flamingants qualifiant les joueurs wallons de «cochons», ou les Wallons en général d’être «du caca»: encore du folklore, sans doute, pour la direction du Club Brugeois, qui a montré, là, que si son équipe est championne de Belgique, elle, elle est sans aucun doute championne de Belgique du mauvais goût et de la stupidité.

On savait qu’on trouve peu de prix Nobel parmi les membres des «kops» et autres clubs de supporters «enragés»; il faut bien constater qu’au niveau de ses dirigeants, le football belge a décidément aussi bien du mal à trouver des gens censés, qui s’efforceront d’éradiquer le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie des tribunes de leurs stades. On leur souhaite de connaître au plus vite des résultats sportifs à l’aune de la bassesse de ces sentiments.

Bart De Wever, satrape et talon d’Achille de la N-VA


La nouvelle n’a pas fait la «une» de la Presse quotidienne: Bart De Wever a été réélu ce week-end président de la N-VA, avec un score de 98,6% des suffrages, propre à faire se retourner Staline dans sa tombe, et à faire pâlir d’envie Kim Jong-un, le leader nord-coréen.

Le bourgmestre d’Anvers et ministre-président flamand ne risquait rien dans l’aventure, puisqu’il était le seul candidat en lice: personne ne pouvait donc lui faire de l’ombre.

Le seul obstacle qui aurait pu se mettre sur sa route était statutaire: les règles internes du parti nationaliste flamingant limitent en effet à deux le nombre de mandats présidentiels possibles. Sauf dérogation. Bart De Wever en a bénéficié pour la quatrième fois: aux commandes de sa formation depuis 2004, il y restera jusqu’en 2023… au moins. Car rien n’interdit de penser qu’alors, pour répondre aux vœux de ses affidés, le président de la N-VA ne se résignera pas à demander une dérogation supplémentaire, et repartir ainsi pour un, ou deux, ou trois, ou…. tours.

Et dire qu’en Afrique, on vilipende à juste titre les présidents qui contournent la limitation constitutionnelle du nombre de mandats, comme vient de le faire encore Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, ou comme l’ont notamment fait Paul Kagame au Rwanda et feu Pierre Nkurunziza au Burundi, Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville ou feu Robert Mugabe au Zimbabwe. Joseph Kabila, empêché de répéter l’opération au Congo-Kinshasa doit se dire qu’il aurait été mieux inspiré de présider la N-VA plutôt que notre ancienne colonie!

Plus sérieusement, la N-VA se rendrait déjà plus crédible si elle levait cette limitation du nombre de mandats dans ses statuts. Quand une dérogation est accordée, pareille limitation peut se concevoir. Mais quand elle est systématiquement contournée, la maintenir relève à la fois de l’hypocrisie et du ridicule.

La longévité de Bart De Wever à la tête du parti nationaliste flamingant témoigne d’abord de la qualité et de la durée de son engagement.

L’homme politique ventripotent du début du XXIeme siècle a d’abord fait preuve de sa grande volonté en s’imposant un apprentissage prononcé du français… même s’il répugne depuis longtemps à répondre en profondeur aux demandes des médias francophones. Il a manifesté la même endurance en suivant un régime strict qui a refait de lui une espèce de star en Flandre, image qu’il a cultivée ensuite en remportant un célèbre jeu télévisé sur la chaîne publique, pompeusement baptisé «De slimste mens ter wereld», «L’être humain le plus intelligent du monde».

Ce n’est pas faire injure à Bart De Wever de dire que pareil titre est usurpé. Mais dans le jardin extraordinaire de la politique belge, comme aurait dit feu Gaston Eyskens, il a fortement marqué son empreinte. D’abord en se jouant d’Yves Leterme, qui avait cru étouffer la N-VA dans son cartel avec le CD&V, dont Bart De Wever a tiré profit pour propulser son parti au sommet, et reléguer les démocrates-chrétiens flamands à un niveau dont ils ne se sont toujours pas remis.

Bart De Wever a ensuite réussi à phagocyter les voix du Vlaams Belang, dont les électeurs, racistes et autres, se sont lassés de voter pour un parti tenu à l’écart de toute coalition par un «cordon sanitaire» qui a tenu, envers et contre tout, depuis le «dimanche noir» du 24 novembre 1991.

Il a réussi enfin à propulser son parti au gouvernement fédéral, dans une improbable coalition avec un MR qui s’y est retrouvé comme seul parti francophone pendant une législature, et dont le président de la N-VA a tiré la prise au bon moment, pensait-il, pour ressortir le communautaire du frigo où il avait dû l’enfermer, et peser ainsi encore plus sur la politique fédérale et flamande.

Et c’est là que le bât a blessé. Car, contre toute attente, les élections du 26 mai 2019 ont vu pour la première fois depuis l’arrivée à sa tête de son «homme providentiel», la N-VA refluer, tandis que la Vlaams Belang opérait une remontée aussi spectaculaire qu’inquiétante et inattendue, sous la houlette d’un jeune président, gendre idéal de la Flandre, qui a compris comment utiliser les médias sociaux au bénéfice des ses thèses ultra-nationalistes et racistes.

Le scénario concocté par Bart De Wever, qui voyait Jan Jambon présider le gouvernement flamand, tandis que lui prendrait le gouvernail au 16 de la rue de la Loi, ne s’est pas concrétisé. Le bourgmestre d’Anvers, du coup, s’est rabattu sur le Vlaamse Regering, et a espéré pendant longtemps réimposer son parti au niveau fédéral. Les injures qu’il a proférées à l’égard de Paul Magnette, le président du PS, incontournable au niveau francophone, ont d’abord témoigné de son désarroi. Puis quand il a vu que d’autres partis flamands semblaient prêts à monter sans la N-VA dans une coalition fédérale, il s’est lancé dans une surenchère auprès de son alter ego de Charleroi, en concédant au PS des avancées dont certains socialistes ont eu la nostalgie, au moment de souscrire à la coalition Vivaldi.

N’est-ce que partie remise pour la N-VA? C’est ce qu’elle paraît croire, en ayant reconduit pour trois ans son leader maximo. Mais pareille dépendance est peut-être aussi le talon d’Achille du parti nationaliste flamingant. Car elle semble indiquer que sans Bart De Wever, elle sera condamnée au reflux. Tandis que, en dehors de ses rangs, l’image du «slimste mens ter wereld» commence sans doute à pâlir. Depuis 2004, la composition du corps électoral a singulièrement évolué, et pour de nombreux électeurs, Bart De Wever est désormais déjà un peu un homme politique du passé.

Chez les Romains anciens, une maxime le rappelait aux empereurs couronnés: la Roche Tarpéienne est proche du Capitole…