Verviers de retour à la case-départ… ou à peu près


Alléluia, la ville de Verviers a retrouvé une stabilité politique: ce vendredi, une motion de défiance collective a renversé le collège communal mis en place au lendemain des élections communales de 2018, et qui associait le PS, le MR, et le Nouveau-Verviers, ce parti né d’une dissidence du MR de l’ex-Cité lainière, et il l’a remplacé par un nouveau collège associant un PS amoindri; les Indignés Verviétois qui réunissent des exclus ou démissionnaires du PS, le MR, le Nouveau-Verviers et le cdH, associé avec ces deux derniers dans un cartel improbable et promis à disparaître au plus tard en 2024.

Gai, gai, folle ville, embrassons-nous, l’avenir devient radieux ? Pas sûr, car il faudra d’abord rabibocher des partenaires qu’un an de combats acharnés, marqué de reniements en série, ne s’effacera pas en trois coups de cuiller à pot. Voire plus, car au cdH, certain(e)s ne doivent pas avoir oublié les coups bas du MR, et notamment de l’échevin Freddy Breuwer, sous la législature précédente.

Le PS, lui, est sorti laminé de cette année d’épreuve. Il a exclu la bourgmestre qu’il avait hissée sur le pavois, s’est aliéné son ancien président fédéral qui reste échevin pour vingt mois encore, a perdu une jeune conseillère dégoûtée des manœuvres qui se sont déroulées en interne, et le voilà maintenant privé du soutien de celui qui est devenu l’ancien président du CPAS et de trois élu(e)s socialistes qui lui sont resté(e)s fidèles.

Le président du CPAS est finalement écarté… comme la bourgmestre et le collège communal voulaient le faire l’an dernier

Cette issue laisse un goût amer à ces derniers, ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui ont vécu, de près ou de loin, depuis un an, les soubresauts d’une crise politique dont la seule issue honorable aurait été un retour aux urnes… dont personne parmi les élu(e)s ne voulait, sans doute notamment par crainte d’un progrès marquant de l’extrême-droite qui n’aurait pas eu besoin de faire campagne pour capitaliser le mécontentement populaire.

Ce qu’il faut bien constater aujourd’hui, c’est que le PS a écarté lui-même le président du CPAS de son poste… comme voulaient le faire, l’an dernier, la bourgmestre et tou(te)s les autres membres du collège communal.

D’où les questions qu’on peut poser: pourquoi la bourgmestre a-t-elle été exclue de son propre parti à l’instigation notamment de son président national, pourquoi des membres du collège communal ont-ils subi des pressions intolérables pour revenir sur leur signature, pourquoi un bourgmestre éphémère a-t-il été mis en place de manière irrégulière, et pourquoi les politiques verviétois ont-ils consacré l’essentiel de leur temps, depuis un an, à sortir de ce foutoir plutôt que de gérer la ville… si c’est pour en revenir ainsi au point de départ ?

Il reste à la « nouvelle » majorité moins d’une demi-mandature pour tenter d’enrayer la paupérisation et la désertification commerciale de Verviers: c’est fort peu, si on s’en réfère aux tensions internes qui la traversent. Les optimistes rétorqueront que les mariages de raison durent parfois plus longtemps que les mariages d’amour. Parfois…

La loterie politique va repartir à Verviers


Un nouvel épisode de la saga politique va s’ouvrir à Verviers, où l’union socialiste communale (USC) a fait, jeudi soir, le choix du député fédéral Malik Ben Achour pour le mayorat, au détriment du président du CPAS, Hasan Aydin, à qui son score électoral promettait pourtant en principe l’écharpe.

On en arrive donc au scénario mis en place dès le départ par les plus hautes instances du PS, et qui exigeait la double mise à l’écart de l’actuelle bourgmestre, Muriel Targnion, et de Hasan Aydin, dont les rapports avec la titulaire de l’écharpe mayorale et avec l’ensemble des autres membres du collège communal étaient devenus impossibles. La manœuvre, très délicate, devait s’opérer en deux temps: d’abord l’exclusion des rangs du PS de Muriel Targnion, au prix même de certaines indélicatesses avec la procédure statutaire; avec son remplacement par Jean-François Istasse, le bourgmestre le plus éphémère de l’histoire politique de Verviers. Puis, ce jeudi soir, la mise en boîte de Hasan Aydin, par un vote savamment orchestré depuis Bruxelles au sein de l’USC verviétoise.

Voilà en tout cas le scénario mis sur papier. Car il suppose, à nouveau, un jeu qui passe par une motion de défiance à l’égard de Muriel Targnion, et un tour de passe-passe qui écarte Hasan Aydin du mayorat, tout en le maintenant, si rien n’a changé entre-temps, à la présidence du CPAS, mais pas au sein du collège communal. Ce qui supposerait qu’il démissionne du conseil communal, dans un scénario qu’il a à plus d’une reprise rejeté nettement ces dernières semaines.

Malik Ben Achour, en tout cas, se tient prêt à ceindre l’écharpe mayorale avec un sens du devoir qui émeut, puisqu’il explique que s’il n’avait pensé qu’à lui, il serait resté à la Chambre -il ne peut être à la fois bourgmestre de Verviers et député fédéral- mais qu’il a toujours dit qu’il voulait «être un acteur d’une solution» et qu’il lui faut bien constater qu’il est «l’ultime solution de consensus». Ceci dit, précise-t-il, «en toute modestie». On reste muet devant pareille abnégation, qui tranche avec le lamentable spectacle donné depuis neuf mois par tous les politiques verviétois!

Cela dit, Malik Ben Achour ne va pas démissionner tout de suite du mandat de député qui lui est échu à la suite de l’entrée de Frédéric Daerden au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en qualité de ministre du Budget. Le futur (?) mayeur verviétois est un philosophe, et il sait, par définition qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras…

Dix petits nègres

Car pour qu’il arrive à ses fins, il faut d’abord que la motion de défiance à l’égard de Muriel Targnion soit votée par sept des treize élus socialistes au soir des élections communales d’octobre 2018. La bourgmestre en titre, exclue de son parti, ne se fera évidemment pas hara-kiri, pas plus que l’échevin des Finances Alexandre Loffet, qui a également pris ses distances par rapport au parti qui l’a exclu. La jeune Laurie Maréchal, qui a elle aussi claqué la porte après avoir exigé qu’on retire son portrait de jeune élue de la façade du siège du parti, au boulevard de l’Empereur à Bruxelles, fera elle aussi défaut.

Ils restent donc à dix dans le groupe socialiste «orthodoxes», comme les dix petits nègres du roman policier éponyme d’Agatha Christie. Et l’une est déjà tombée du bateau, puisque l’ancienne échevine, Sylvia Belly, prudente, a déjà repris une fonction directoriale dans l’enseignement communale, incompatible avec sa fonction scabinale. Se souvenant sans doute qu’elle s’était fait menacer par ses camarades, l’an dernier, de se retrouver au chômage, si elle persistait à soutenir la motion mise en œuvre par Muriel Targnion pour écarter Hasan Aydin de la présidence du CPAS.

Que fera ce dernier? Après avoir dit et répété qu’il n’accepterait pas de se voir déposséder d’une écharpe mayorale que son score électoral lui garantissait, une fois Muriel Targnion écartée; après avoir expliqué qu’il n’entrerait pas dans une mécanique compliquée, qui l’obligerait à démissionner du conseil communal pour continuer à présider le CPAS, on le voit mal manger son chapeau et se faire volontairement hara-kiri. Restent huit petits nègres…

C’est ici, sans doute, que les pressions vont jouer à fond pour garder tout le monde bien dans la ligne fixée par le parti socialiste. Et les moyens de pression existent, à commencer par les mandats d’échevins à distribuer.

Antoine Lukoki, par exemple, qui s’était allié à Hasan Aydin, au point de mettre en place avec lui des permanences sociales impliquant illégalement des employés du CPAS, va-t-il rester fidèle à son engagement, ou considérer que, tout compte fait, son maintien au collège communale, dans le plus haut intérêt de la ville et de la population de Verviers, lui imposent de retourner sa veste?

Avec Chimaine Nangi, le scénario semble cousu de câble blanc: il semble qu’un fauteuil scabinal lui a été promis. Bien sûr, les promesse n’engagent que celles et ceux qui y croient, selon un adage bien connu. Mais cela devrait suffire à la maintenir dans le rang.

Tout dépendra donc de deux élus socialistes incertains, Said Naji et Anass Gallas: d’ici au 29 mars, date du prochain conseil communal, on suppose que les deux mandaitaires vont faire l’objet d’un tas de pressions, amicales ou menaçantes, pour s’assurer qu’ils ne feront pas défaut tous les deux, car si c’était le cas, patatras, le beau scénario s’écroulerait avant même d’avoir été mis en place. Cela posé, les voilà tous deux en position de force pour revendiquer, qui sait, un mandat d’échevin? Ah oui, mais alors, c’est Antoine Lukoki qui serait sur un siège éjectable, et qu’il faudrait ramener à de meilleurs sentiments…

Tout ces maquignonnages, on s’en doute, ne sont guère de nature à réconcilier le Verviétois lambda, avec la classe politique. Surtout après le blocage du PS autour du budget communal, qui a retardé de quatre mois l’activation des mesures de soutien aux commerçants réduits à l’inactivité par la pandémie du Covid-19, ou les commandes à passer pour assurer le bon déroulement des chantiers qui défigurent depuis des mois le centre de la Cité lainière, et ne sont pas de nature à y ramener le chaland…

Rendez-vous rue de la Science

Tout cela suppose que le scénario réécrit au sein de l’USC verviétoise tienne la route. Or, le Conseil d’État doit toujours se prononcer sur le recours en annulation introduit par Muriel Targnion contre le précédent mécanisme qui l’avait privée de l’écharpe mayorale.

L’instance de la rue de la Science avait, à l’époque, validé la requête de suspension de la décision en extrême urgence, ce qui avait obligé Jean-François Istasse à jeter l’éponge après à peine quinze jours de fonction à l’Hôtel de ville de Verviers. Elle avait remis à plus tard sa décision sur le fond, et cette décision n’est pas encore connue. Pour rappel, elle avait suspendu le mécanisme sur base d’un premier argument; les autres doivent encore être examinés.

Il n’est pas exclu, si l’histoire se répète, que de nouveaux recours en suspension et annulation partent pour la capitale. Envoyés par Muriel Targnion, ou Alexandre Loffet? Possible, mais qu’est-ce qui empêcherait Hasan Aydin, s’il n’est pas satisfait du sort qui lui est fait, de leur emboîter le pas, voire de risquer sa chance à lui seul?

Les dispositions wallonnes sur la démocratie locale imposent, par ailleurs, un délai d’un an entre deux motions de défiance: le compte n’y est donc pas. Le paradoxe, peut-être, est que les Machiavels verviétois tireront argument de la suspension de leur précédente initiative pour en déduire qu’elle n’existe pas, et que dès lors, le délai n’a plus cours. Après tout, pourquoi pas? Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Et en matière de gêne, les politiques verviétois ont depuis longtemps franchi bien des limites…

Les politiques que l’on mérite ?


La triste saga politique verviétoise de l’été est sur le point de s’achever de la manière dont elle s’est déroulée : dans le non-respect des paroles données et en « sollicitant » les textes légaux, en l’occurrence, le code wallon de démocratie locale.

PS, MR, Nouveau Verviers et cdH se sont donc accordés sur un scénario qui passe par le renversement de la bourgmestre ex-socialiste, Muriel Targnion, et l’installation de Jean-François Istasse au fauteuil mayoral.

L’ancien président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a été plébiscité pour construire un consensus autour de sa personne. D’une urbanité extrême, sinon caricaturale, il peut rendre en effet tout conflit personnel impossible avec lui. À 67 ans, il n’imaginait pas assumer un mandat qu’il avait refusé il y a bien longtemps déjà. Il semble avoir voulu convaincre les sceptiques en postant depuis quelques jours des photos sur Facebook qui rappellent les multiples fonctions qu’il a effectuées et les nombreux contacts qu’il y a noués. Mais s’il semble bien seul à pouvoir espérer combler les tranchées creusées ces dernières semaines entre tous les politiques verviétois, il n’apparaît pas comme la figure mobilisatrice susceptible, au-delà de cet objectif, de débloquer les dossiers en rade depuis plusieurs années dans l’ancienne cité lainière. À charge pour lui de nous apporter le démenti. Faute de quoi, il apparaîtra comme le bourgmestre de transition, chargé de chauffer la place pour celui qui est réputé avoir habilement instrumentalisé tout ce dossier depuis quelques semaines

Le hic, pour Jean-François Istasse et un certain nombre de ces colistières et de ses colistiers, c’est qu’ils ont allègrement trahi l’engagement formel pris, au début de l’été, pour soutenir la bourgmestre dans sa volonté d’écarter le président du CPAS, en guerre ouverte avec la ville, au comportement agressif et sexiste qui l’avait rendu infréquentable pour l’ensemble du collège communal, et qui a enfreint les règles en mobilisant du personnel du CPAS pour la prise de rendez-vous aux permanences politiques qu’il entendait organiser en compagnie d’un néo-échevin. L’accord prévoit le maintien de ce président de CPAS et de cet échevin. Tant pis pour le respect de la parole donnée; tant pis pour la tolérance et l’égalité des genres, et tant pis pour la moralisation de la vie politique…

L’autre hic, pour le futur bourgmestre Istasse, c’est que pour le ceindre de l’écharpe mayorale, il faudra d’abord que deux prétendant(e)s légaux (légales) à la fonction, le-dit président du CPAS et une échevine, renoncent formellement à ce mandat. Et que pour les autoriser à conserver leur fonction, qu’ils ne pourraient dès lors conserver, en application du code wallon de démocratie locale, on passe par des scénarios qui vont d’une démission du conseil communal à une motion individuelle de défiance, prévue par ce code, pour sanctionner une incompatibilité politique grave voire un comportement indigne, puis par la réélection de la-dite échevine au même poste et du président du CPAS au sien, ce qui lui assure une présence prolongée au collège communal . Tout cela dans le cadre d’un maquignonnage de dernière minute, qui rééquilibre à mi-parcours le nouveau rapport de forces au sein de la future majorité verviétoise en transférant au cartel MR-NV-cdH ce mandat scabinal conservé en dépit de toute logique mathématique par le PS. Et tant pis pour la crédibilité du code wallon de démocratie locale, tant pis pour le contrôle de l’exercice des mandats communaux, et tant pis pour la compétence (ou non) avec laquelle des échevin(e)s exercent leurs responsabilités…

Tout va ainsi rentrer dans l’ordre, pour un certain temps en tout cas. Pas forcément jusqu’à la fin de la mandature, où certains espèrent cyniquement que les électeurs verviétois auront tout oublié. Ce qui témoigne d’un solide mépris pour les citoyen(ne)s dont on sollicite périodiquement les suffrages. Le retour de bâton est parfois douloureux. Car si, selon l’adage, on a les politiques qu’on mérite, il arrive que des électeurs estiment que les politiques ne les méritent pas. Et tant pis pour l’avenir de Verviers…

La désunion règne à Verviers


Le couperet est tombé sur la bourgmestre de Verviers: Muriel Targnion a été exclue du PS. Décision pertinente ou non? Selon le point de vue où on se place, la réponse sera bien différente. Mais ce qu’on peut remarquer, c’est que la procédure utilisée témoigne d’un certain machiavélisme : c’est en effet la commission de vigilance, l’instance déontologique suprême du parti socialiste, qui a prononcé la sentence. L’instance d’appel, en principe: Muriel Targnion aurait dû être entendue d’abord au plan local, où la division des ex-camarades rendait peut-être tout examen serein des faits impossible, ou au niveau de la fédération verviétoise du PS.

Là, c’est sans doute celles et ceux qui ne voulaient pas manquer l’éjection du parti de la bourgmestre verviétoise qui n’en auront pas voulu: la fédération est en effet toujours présidée par l’échevin verviétois des Finances, qui est dans le camp de Muriel Targnion.

En Justice, l’affaire aurait été « déportée » vers un autre arrondissement judiciaire: la fédération liégeoise ou celle de Huy-Waremme auraient pu être chargées d’examiner le dossier. Mais le résultat aurait été aléatoire. Alors, c’est l’instance suprême, celle dont les décisions sont sans appel, qui est entrée en jeu. Et elle a pris la sanction la plus lourde, plus sans doute pour sanctionner la dérive affairiste de Muriel Targnion dans le dossier Nethys, où sa défense de la gestion calamiteuse de Stéphane Moreau et consorts à l’époque où elle présidait le conseil d’administration d’Enodia, son intercommunale faîtière, en a choqué plus d’un, que ses tentatives d’éjecter de son poste le président du CPAS, Hasan Aydin, dont la gestion rétive à toute tutelle et les comportements personnels, sexiste, communautariste et hostile à tout contrôle, de la presse notamment, sont étrangement ignorés.

Cette sévérité, qui n’a pas frappé aussi vite les acteurs du dossier Nethys, aurait-elle sanctionné les tentatives de Muriel Targnion de créer une majorité alternative à Verviers, pendant que l’USC locale était sous tutelle? C’est d’autant moins crédible qu’il semble manifestement y avoir eu d’autres tentatives de mettre sur pied des majorités alternatives dans la cité lainière. Ce qui me conforte dans la conviction qu’on assiste à une espèce de partie de billard à trois bandes dont le résultat aboutira peut-être à mettre et Muriel Targnion et Hasan Aydin à l’écart, ce qui pouvait apparaître au départ comme l’issue la plus logique au conflit qui se muait en guerre de tranchées. Pour confier l’écharpe mayorale à celui qui, proche de Paul Magnette, le président du PS, est peut-être l’éminence grise de toute cette opération …

Faudra-t-il d’abord éjecter Muriel Targnion de son fauteuil mayoral, car rappelons-le, son exclusion du parti ne remet pas son mandat en jeu. À Saint-Josse, Émir Kir est toujours bien en place, malgré une exclusion du parti qui a pris bien plus longtemps à se dessiner que celle de Muriel Targnion. Il faut dire que l’homme tient les troupes socialistes d’une main de fer dans sa commune. Et que son exclusion a sans doute pesé sur le conflit à Verviers: Paul Magnette, dit-on, aurait peur de braquer encore une fois la communauté turque en sacrifiant un de ses élus. Cette communauté avait d’ailleurs été mobilisée pour sauver le soldat Aydin lors d’un conseil communal avorté. Le communautarisme est pourtant une voie politique sans issue.

Muriel Targnion compte sur la parole donnée. Elle a pourtant déjà éprouvé la fiabilité de certains de ses interlocuteurs qui s’étaient rangés résolument à ses côtés avant de tourner casaque à une vitesse surprenante.

Et puis, si on élargit la perspective, on doit bien constater qu’au-delà du PS, la mésentente et la division ont aussi fait de sérieux ravages à Verviers.

Bien avant les élections communales de 2018, les dissensions au sein du MR avaient suscité une intervention énergique du président de la fédération verviétoise du parti. Et ce dernier avait annoncé de manière péremptoire qu’un élu ne pourrait plus figurer sur la liste libérale communale. Cette décision a été suivie d’effets: le-dit candidat a apporté à la liste bleue un capital de voix dont elle ne pouvait se passer, et il a récupéré au passage un mandat d’échevin. Et voilà maintenant que le déménagement à Verviers du président de la fédération d’arrondissement du MR, est évoqué. Pour le plus grand plaisir, on l’imagine du premier échevin, tête de liste en 2018. Et les mauvaises langues déjà de rappeler la manière dont le-dit président fédéral s’est fait déposséder de son écharpe mayorale à Herve, qui témoigne peut-être d’un manque de sens stratégique…

L’épisode a laissé des traces avec une liste libérale dissidente qui s’est présentée et a transformé l’essai en s’imposant à la majorité. Avant de voir partir son créateur. Pour raison de déménagement certes, mais qui laisse supposer que son engagement pour la ville était relatif.

Au cdH aussi , la bisbille a débuté avant l’élection communale, avec le bourgmestre du début de législature précédente et qui semblait bien avoir fait son temps après le renversement d’alliance qui l’avait privé de son écharpe, qui a fait barrage au premier échevin sortant, dont le leadership semblait s’imposer. Le-dit ancien échevin s’est alors exilé et le parti, dont l’aile démocrate-chrétienne avait été sérieusement écornée, a subi une déculottée qui l’a renvoyé dans l’opposition. Tandis qu’un élu, à peine installé, prenait ses distances.

Et puis les récents événements au sein du PS ont rendu l’accord du cdH indispensable pour écarter le président du CPAS, et sa cheffe de groupe a signé la motion qui lui permettait de rentrer en piste et de faire passer certaines de ses priorités. Et qui n’a pas accepté cet engagement? Coucou le revoilou, l’ancien mayeur, accompagné d’un ex-échevin. Il est décidément difficile de se départir d’anciennes attitudes…

Les autres partis semblent épargnés par ces bagarres internes . Même si on sait que le chef de file Ecolo n’est arrivé chez les « Verts » qu’après avoir rompu… avec le cdH qui l’avait lancé

Ces épisodes navrants ont pour toile de fond le déclin inexorable d’une ville en cours de paupérisation où des initiatives sociétales s’efforcent de compenser une action publique défaillante.

Bien sûr, le politique n’a pas toutes les clés en mains, et la population ne peut leur jeter la pierre sans s’interroger. Puisque selon l’adage, on a les politiques qu’on mérite. Mais force est de constater que l’Histoire se répète dans la Cité lainière.

Parmi les premières à avoir suscité un projet d’outlet-mall, Verviers a tellement tergiversé que d’autres villes l’ont précédée avec, à la clé, des projets de « villages » qui rendaient ringard le concept de quai de gare prôné à Verviers. Résultat des courses, Maasmechelen attire les visiteurs, dont de nombreux Verviétois.

Et puis miracle, l’arrivée d’une locomotive permet de sauver le site, rebaptisé Crescend’eau et le centre nerveux du commerce verviétois migre vers la périphérie. L’urgence se présentait alors, à Verviers comme dans d’autres villes, pour les commerces du centre. C’est alors que sort un projet de centre commercial en centre-ville, avec au départ une couverture de la Vesdre qui suscite une opposition musclée. Près de quinze ans ont passé depuis lors, et la première pierre de centre commercial se fait toujours attendre.

Les récentes péripéties politiques à Verviers ne sont évidemment pas de nature à donner confiance à des investisseurs par ailleurs paralysés par la pandémie. Mais au-delà, le temps n’est-il pas venu de réfléchir à de nouvelles pistes pour le centre-ville de Verviers? Ce qui implique l’apport d’idées neuves. La plus jeune élue du PS à Verviers vient de quitter le parti qu’elle qualifie de « parti de has been ».

Le constat est peut-être plus inquiétant: comme déjà écrit sur ce blog, le rejet de tels comportements politiques présente le risque de favoriser le vote d’extreme-droite.

Pourquoi une majorité PS-MR est en cours d’élaboration en Wallonie


Or donc, à en croire d’éminents confrères spécialisés en politique fédérale et wallonne, vendredi dernier, sur La Première, de fortes réticences dans les bases socialiste et libérale constitueraient un problème de nature à freiner la mise en place d’une majorité PS-MR en Wallonie.

Je me garderais bien de remettre en cause la pertinence de l’analyse, mais tout de même, dès lors que le cdH a choisi la cure d’opposition (et que de critiques se seraient abattues sur Maxime Prevot si son parti avait fait acte de candidature au pouvoir, après sa déculottée électorale du 26 mai?), les hypothèses sont singulièrement réduites. Bien sûr, Thierry Bodson, le leader de l’interrégionale wallonne de la FGTB, continue à prôner une majorité PS-PTB-Ecolo, mais personne n’y croit. Notamment au PS, où aucune voix ne s’est élevée pour défendre cette hypothèse, a fait remarquer un des intervenants au débat de La Première, ce vendredi.

pexels-photo-1020315Donc, ne restent que deux hypothèses: l’alliance PS-MR en Wallonie, ouverte ou non à Ecolo. Manière de ne pas associer au pouvoir deux partis qui, quoi qu’en aient dit leurs dirigeants, et notamment le président du PS, Elio Di Rupo, dès le soir du scrutin, ont figuré parmi les battus de l’élection. Et de «mouiller» à nouveau les Verts dans une coalition où ils ne seraient pas indispensables, comme cela a déjà été le cas au niveau fédéral, en 1999, après la crise de la dioxine et le renvoi historique du CVP (devenu CD&V depuis lors) dans l’opposition, après plus de quatre décennies au pouvoir.

La perspective doit nourrir l’inquiétude chez Ecolo, d’où la nervosité de Philippe Defeyt, ce midi, au débat dominical de RTL-TVI. L’ancien coprésident des Verts a fustigé la décision «prématurée» du cdH de se mettre sur la touche, et le représentant du PS, Pierre-Yves Dermagne, a presque entonné le même refrain, ironie en plus, en rappelant que le cdH avait l’habitude de changer d’attitude. L’évocation du «tirage de prise» par l’ancien président humaniste, Benoît Lutgen, qui a conduit, sous la législature précédente, au remplacement de la majorité wallonne PS-cdH par une majorité alternative MR-cdH.

Les Verts pourront-il se permettre le luxe de refuser une participation à une majorité, alors que la thématique climatique, notamment, a pris de plus en plus d’importance, et qu’ils pourraient peser sur des décisions environnementales? Les plus pessimistes d’entre eux rappelleront l’expérience du passé: quand Ecolo n’est pas indispensable à une majorité, son poids devient très relatif. Et les décisions prises sous son influence (la sortie du nucléaire par exemple), sont rapidement annulées, une fois qu’ils sont renvoyés dans l’opposition. Car bien sûr, leurs électeurs, alors, ne leur pardonnent rien au scrutin suivant.

Le débat risque d’être chaud, entre «réalos» et dogmatiques, chez Ecolo, si PS et MR proposent l’ouverture de leur majorité. Il ne s’en manquera pour relever que, si les Verts acceptent la combinaison, l’opposition sera réservée aux seuls cdH et PTB. Et que pour les humanistes, l’occasion sera rêvée de se refaire une santé, en récupérant notamment des électeurs passés sous la bannière écologiste.

Pour le reste, PS et MR… ne sont pas aussi opposés qu’on veut bien le dire. En témoigne la négociation discrète qui vient de se produire en région verviétoise, où les deux partis se sont attribué les présidences d’intercommunale de manière impérieuse, puisque la section de Verviers-ville du MR a dû remiser ses exigences sur la présidence de l’intercommunale hospitalière.

Et puis, en province de Liège et en province de Hainaut, les deux provinces wallonnes les plus peuplées, PS et MR sont associés au pouvoir, depuis plus de trois décennies en province de Liège, sans que cette alliance soit décrite comme contre nature.

Alors, hors argument recevable sur le revers électoral, qu’est-ce qui empêcherait la reproduction de pareille majorité au niveau wallon? Une pincée de «concertation mosane» pour calmer le ban syndical; peut-être la mise à l’écart d’un ministre aussi clivant que le libéral hervien Pierre-Yves Jeholet; et les virulentes dénonciations de la campagne électorale s’effaceraient rapidement derrière un de ces «grrrrrands accord», célébrés naguère par feu Michel Daerden, au terme d’une soirée électorale bien arrosée, sur RTC, la télé régionale de Liège-Huy-Waremme.

Tout serait sans doute déjà en passe d’être réglé, s’il n’y avait l’enjeu fédéral, et le casse-tête bruxellois. Car à Bruxelles, Ecolo est sorti des urnes en deuxième position, derrière le PS, mais devant le MR. Tandis que dans le collège électoral flamand, son parti-frère, Groen, sortait en tête. Les Verts sont donc incontournables du côté francophone, sauf à imaginer une improbable association entre le PTB, le PS et le MR ou Défi. Mais un éventuel accord entre le PS et eux ne suffirait pas à dégager une majorité. Resterait dès lors à ouvrir les discussions à Défi… ou au MR. Côté flamand, entre-temps, écologistes, socialistes et…libéraux n’ont pas tarder à s’accorder.

Suivant le vieux principe que tout est dans tout, indispensable à Bruxelles, Ecolo pourrait donc s’imposer au niveau wallon avec plus de poids que son résultat arithmétique pourrait lui valoir.

Reste le fédéral, où là, une alliance des socialistes et des libéraux pourrait rassembler les deux familles politiques les plus importantes du pays… à condition que les socialistes flamands, laminés le 26 mai, ne s’associent pas à la démarche. Mais resterait encore à élargir l’attelage au CD&V. Ou alors convaincre la N-VA d’entrer dans la danse. Même si le PS donne des boutons à Bart De Wever….