Après les télévisions hier, tous les médias écrits d’Europe, voire du monde, reviennent aujourd’hui sur le colossal succès des manifestations pour la liberté d’expression et la liberté de presse qui se sont déroulées hier, principalement à Paris et dans les grandes villes françaises, mais aussi à Bruxelles et dans de multiples villes européennes, et au-delà, en Amérique, en Afrique, en Asie, et aux antipodes.
L’unanimisme de tous ces manifestants fait chaud au cœur, il pose aussi un fameux défi. Car si tous se sont joints pour défendre les principes mêmes de notre société démocratique, les avis seront forcément partagés sur la suite à donner aux événéments de la semaine dernière à Paris. Et, outre l’auteur de ce blog, nombreux ont été ceux qui ont souligné aussi l’incongruité de la présence de certains responsables politiques, aux côtés de François Hollande, le président français: du ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, au Premier ministre Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu; du Premier ministre hongrois, Viktor Orban, à son homologue turc, Ahmet Davutoglu; du président gabonais, Ali Bongo Ondima, au ministre des Affaires étrangères des émirats arabes unis, Abdallah Bin Zayed, tous, loin s’en faut, ne sont pas des parangons de la défense de la liberté de la presse. Et ce n’est pas leur faire un procès d’intention indécent que de dire que leur présence était sans doute surtout motivée par la nécessité d’être présent à Paris, à ce moment précis. Et qu’elle se fondait beaucoup plus sur la nécessité de lutter contre le terrorisme que sur la volonté de promouvoir une information libre et indépendante.
Les optimistes diront qu’il faut exploiter la faille, et les interpeller, désormais, sur leur attachement à la liberté d’expression et de la presse, qu’exprimait leur présence à cette manifestation, pour exiger d’eux qu’ils la respectent enfin chez eux. La carte est à jouer, dans l’esprit de la maxime invoquée par Guillaume le Taciturne, «point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, de réussir pour persévérer».
Les pays démocratiques, la France en particulier, doivent eux aussi répondre à l’appel qui leur est ainsi lancé. Ce sera très difficile. Comme le rappelait excellemment Jean-Pierre Martin, ce matin, sur Bel RTL, la Belgique a connu une situation semblable, en 1996, avec la grande «Marche blanche» de Bruxelles, au lendemain de la découverte des crimes horribles de Marc Dutroux. Là aussi, tous les participants étaient réunis pour réclamer que plus jamais, de pareils drames se produisent. Quant il a fallu traduire cette demande dans les actes (réforme de la justice, réforme de la police…), les résultats n’ont pas répondu à l’attente des centaines de milliers de marcheurs. Qui tous avaient leur idée propre sur ce qu’il fallait faire pour répondre à la demande. Où la mis en œuvre de la peine de mort figurait sans doute en tête de liste…
Demain, la suite qui sera donnée à la grande journée d’unanimisme du 11 janvier 2015 apparaîtra forcément dérisoire. Pour ne pas passer à côté, elle devra concilier diverses exigences: efficacité des services de renseignement et de police; respect des libertés fondamentales; promotion de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion. Et rejet de toute forme de racisme dans l’esprit de ce message impressionnant, diffusé par la famille d’Ahmet Merabet, l’agent de police froidement assassiné par les frères Kouachi, au mépris même des valeurs qu’ils prétendaient défendre (https://www.youtube.com/watch?v=ZQ_BS5jB6vw). C’est l’affaire des politiques, français et européens. C’est aussi notre affaire à tou(te)s. Cela commence peut-être par l’envoi directement à la poubelle des courriels racistes qui nous parviennent chaque jour….