Verviers de retour à la case-départ… ou à peu près


Alléluia, la ville de Verviers a retrouvé une stabilité politique: ce vendredi, une motion de défiance collective a renversé le collège communal mis en place au lendemain des élections communales de 2018, et qui associait le PS, le MR, et le Nouveau-Verviers, ce parti né d’une dissidence du MR de l’ex-Cité lainière, et il l’a remplacé par un nouveau collège associant un PS amoindri; les Indignés Verviétois qui réunissent des exclus ou démissionnaires du PS, le MR, le Nouveau-Verviers et le cdH, associé avec ces deux derniers dans un cartel improbable et promis à disparaître au plus tard en 2024.

Gai, gai, folle ville, embrassons-nous, l’avenir devient radieux ? Pas sûr, car il faudra d’abord rabibocher des partenaires qu’un an de combats acharnés, marqué de reniements en série, ne s’effacera pas en trois coups de cuiller à pot. Voire plus, car au cdH, certain(e)s ne doivent pas avoir oublié les coups bas du MR, et notamment de l’échevin Freddy Breuwer, sous la législature précédente.

Le PS, lui, est sorti laminé de cette année d’épreuve. Il a exclu la bourgmestre qu’il avait hissée sur le pavois, s’est aliéné son ancien président fédéral qui reste échevin pour vingt mois encore, a perdu une jeune conseillère dégoûtée des manœuvres qui se sont déroulées en interne, et le voilà maintenant privé du soutien de celui qui est devenu l’ancien président du CPAS et de trois élu(e)s socialistes qui lui sont resté(e)s fidèles.

Le président du CPAS est finalement écarté… comme la bourgmestre et le collège communal voulaient le faire l’an dernier

Cette issue laisse un goût amer à ces derniers, ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui ont vécu, de près ou de loin, depuis un an, les soubresauts d’une crise politique dont la seule issue honorable aurait été un retour aux urnes… dont personne parmi les élu(e)s ne voulait, sans doute notamment par crainte d’un progrès marquant de l’extrême-droite qui n’aurait pas eu besoin de faire campagne pour capitaliser le mécontentement populaire.

Ce qu’il faut bien constater aujourd’hui, c’est que le PS a écarté lui-même le président du CPAS de son poste… comme voulaient le faire, l’an dernier, la bourgmestre et tou(te)s les autres membres du collège communal.

D’où les questions qu’on peut poser: pourquoi la bourgmestre a-t-elle été exclue de son propre parti à l’instigation notamment de son président national, pourquoi des membres du collège communal ont-ils subi des pressions intolérables pour revenir sur leur signature, pourquoi un bourgmestre éphémère a-t-il été mis en place de manière irrégulière, et pourquoi les politiques verviétois ont-ils consacré l’essentiel de leur temps, depuis un an, à sortir de ce foutoir plutôt que de gérer la ville… si c’est pour en revenir ainsi au point de départ ?

Il reste à la « nouvelle » majorité moins d’une demi-mandature pour tenter d’enrayer la paupérisation et la désertification commerciale de Verviers: c’est fort peu, si on s’en réfère aux tensions internes qui la traversent. Les optimistes rétorqueront que les mariages de raison durent parfois plus longtemps que les mariages d’amour. Parfois…

Un an plus tard, l’imbroglio politique se prolonge à Verviers


Selon un vieil adage wallon, un nouveau balai balaie toujours mieux qu’un ancien. Et la nouvelle présidente de la fédération verviétoise du PS, Valérie Dejardin, espérait bien, avec le puissant appui de son homologue liégeois, le ministre communautaire Frédéric Daerden, sortir le PS verviétois du marasme dans lequel il est plongé depuis près d’un an, et, par vie de conséquence, du marasme dans lequel les déchirements au sein d’un parti qu’un slogan, jadis, affirmait « fort et uni » a plongé la ville de Verviers.

On se demande néanmoins quelle mouche avait piqué Valérie Dejardin quand elle a tenté (sur ordre du boulevard de l’Empereur?) de relancer l’idée d’un remplacement de la « bourgmestre renégate », Muriel Targnion, par Malik Ben Achour, député fédéral à la suite de la nomination de Frédéric Daerden au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qu’on dit par ailleurs peu intéressé par l’écharpe mayorale de l’ancienne Cité lainière. Bourgmestre elle-même de Limbourg, la présidente de la Fédération verviétoise du PS aurait dû pressentir qu’elle courait droit au fiasco.

A moins qu’elle ait voulu procéder par une démonstration par l’absurde?

Elle n’a en tout cas pas trouvé une majorité d’élu(e)s de ce qui reste du PS au conseil communal de Verviers pour appuyer sa proposition. Et on s’oriente donc vers une nouvelle proposition qui prévoirait le maintien de Muriel Targnion. exclue du PS, au mayorat de Verviers jusqu’à la fin de la mandature.

Statu quo ante? Pas vraiment!

On efface donc tout et on en revient à la situation qui prévalait il y a un an, avant que Muriel Targnion, avec le soutien d’une majorité du groupe socialiste au conseil communal de Verviers et de ses partenaires de majorité, ne tente d’éjecter le président du CPAS, Hasan Aydin, de son poste?

Euh, pas vraiment car dans l’aventure, Alexandre Loffet. président débarqué de la Fédération verviétoise du PS, perdrait son mandat d’échevin.

Et pour le reste, on peut cibler:

• Hasan Aydin devrait rester en place. Certes, les relations du président du CPAS avec ses collègues du collège communal de Verviers se sont détendues, mais il nourrit peut-être toujours un espoir d’accéder au fauteuil mayoral. Et le CPAS continue à réclamer à la ville des suppléments de moyens qu’elle ne peut lui concéder

• Des échevins(e)s, notamment socialistes, doivent continuer à travailler avec une bourgmestre qu’elles ont allègrement trahie avant de se rendre solidaires de son exclusion du PS, forcée dans des conditions à tout le moins discutables.

• La ville de Verviers garde une bourgmestre dont on disait, à l’époque où elle présidait le conseil d’administration d’Enodia (où elle a défendu mordicus la gestion calamiteuse de l’administrateur-délégué de Nethys, Stéphane Moreau, ce qui l’a placée dans le viseur du président du PS, Paul Magnette) que la gestion de sa ville ne semblait plus être sa priorité première.

C’est donc un attelage de bric et de broc qui risque donc rester en place à Verviers jusqu’en 2024. Une ville qui, pour rappel, se paupérise chaque jour un peu plus et dont les commerces ferment en série.

Pour en sortir par le haut, deux solutions auraient été envisageables. Une nouvelle élection d’abord, qui aurait permis de rebattre les cartes, mais pour cela, les échevin(e)s auraient dû avoir le courage de démissionner en bloc. Ou alors, puisque les déchirures au sein du PS ont fini par paralyser la ville, la mise sur pied d’une coalition renvoyant le PS dans l’opposition. Là aussi, il aurait fallu du courage politique. Du côté des « verts » verviétois notamment….

Échec et mat aux pontes verviétois et au président du PS francophone


Les dés sont donc tombés à Verviers: le député fédéral Malik Ben Achour ne ceindra pas une écharpe mayorale à laquelle, dit-on, il n’était pas fondamentalement attaché: l’homme-lige du président du PS, Paul Magnette, s’est non seulement révélé incapable de trouver une majorité parmi les dix des treize élu(e)s qui subsistaient au sein du groupe socialiste au conseil communal de la Cité lainière, pour réenclencher une procédure hasardeuse qui lui aurait permis de remplacer Muriel Targnion au fauteuil mayoral, mais en plus, il a réussi à provoquer une nouvelle scission au sein du parti, qui se décompose désormais en trois groupes: les «Indignés verviétois», à savoir la bourgmestre et l’échevin Alexandre Loffet, exclus du PS, et la conseillère Laurie Maréchal, qui en a démissionné; le «groupe Aydin», qui rassemble cinq élu(e)s fidèles au controversé président du CPAS, Hasan Aydin; et cinq «orthodoxes», dont Malik Ben Achour lui-même.

Dix mois après la première déflagration, qui avait vu la bourgmestre tenter d’éjecter de son poste un président du CPAS, devenu infréquentable aux diverses composantes de la majorité alors en place (PS-PR-Nouveau Verviers), et les réactions en cascade, téléguidées depuis le boulevard de l’Empereur, siège du PS francophone, que cette initiative avait provoquée, on en revient au point de départ: Muriel Targnion est plus que jamais en place; Hasan Aydin continue à présider le CPAS, et les autres partenaires de majorité, avec ou non le cdH de l’ancienne Cité lainière, vont devoir tenter de gouverner la ville jusqu’aux prochaines élections communales en 2024.

Qui porte la responsabilité de cet échec?

Malik Ben Achour et Muriel Targnion se rejettent déjà par médias interposés la responsabilité de cette mauvaise farce. Plus globalement, et même si le MR et le cdH verviétois ont été et sont toujours traversés par de profondes divergences internes, c’est au sein du Parti socialiste de Verviers, et de la fédération Wallonie-Bruxelles qu’il faut chercher la responsabilité de ce fiasco qui laisse stagner une ville en phase de paupérisation et dont le centre-ville prend depuis des années des allures de désert commercial.

Le problème, au départ, était à la fois simple et délicat pour le PS. Muriel Targnion s’était déconsidérée, à la présidence d’Enodia, l’intercommunale faîtière de Nethys, par sa défense aveugle de la gestion de la société par son ancien administrateur-délégué, Stéphane Moreau, désormais aux prises avec la Justice. Hasan Aydin, lui, s’était signalé par son manque de collégialité, par son dédain des règles administratives et de certains prescrits légaux – par exemple quand il avait mobilisé du personnel du CPAS au profit de ses permanences sociales et de celles de l’échevin Antoine Lukoki – et par sa misogynie affichée.

La logique aurait voulu que le parti les écarte tous deux, quand Muriel Targnion, soutenue au départ par une majorité du groupe socialiste encore uni au sein du conseil communal verviétois a pris l’initiative d’une motion de défiance à l’endroit du président du CPAS. C’est alors que les choses se sont emballées, avec, in fine, l’exclusion de la bourgmestre des rangs du parti; celle de l’échevin des Finances, Alexandre Loffet; le départ de la conseillère Laurie Marechal. Et la mise en œuvre d’une motion de défiance, battue ensuite en brèche par le Conseil d’État, qui a fait de l’ancien président du Parlement de la Communauté française, Jean-François Istasse, le bourgmestre verviétois le plus éphémère.

Toute cette procédure, mise au point ou à tout le moins approuvée par le président du PS, Paul Magnette, soutien indéfectible de Malik Ben Achour, s’est faite au mépris même des statuts du Parti socialiste: ni Muriel Targnion, ni Alexandre Loffet n’ont comparu devant l’instance qui aurait dû évaluer leur comportement, mais ils ont été directement attraits devant l’instance… d’appel. Sans que personne, au sein du parti, ni à Verviers, ni au niveau de la fédération, ni à Bruxelles ne s’émeuve de cette violation des droits de la défense.

Même liberté avec les statuts du PS, au niveau verviétois: les fidèles de la bourgmestre ont été débarqués du comité de l’Union Socialiste Communale (USC) et remplacés par une direction provisoire, conduite par le directeur général en congé de la ville, qui n’a pas été validée par une élection. Nécessité fait loi, disait-on. Le résultat est qu’aujourd’hui, on en revient au point de départ.

La stratégie de Paul Magnette visait de toute évidence à éviter, à Verviers, un nouveau cas «Emir Kir», avec le président du CPAS, Hasan Aydin, qui bénéficie d’un soutien ouvert de la communauté turque de Verviers, et au-delà, des organisations turques de Wallonie et de Bruxelles, ainsi qu’on avait pu le voir lors d’une manifestation houleuse précédant une réunion du conseil communal, en juin de l’année dernière.

«Plumer la poule sans la faire crier»

L’espoir de Paul Magnette était, selon une expression bien connue, de «plumer la poule sans la faire crier». En clair, de se débarrasser définitivement de Muriel Targnion avec la complicité active de Hasan Aydin, puis d’écarter ce dernier à la fois du mayorat qu’il pouvait revendiquer en tant que deuxième score de la liste, et de la présidence du CPAS. Ce fut l’épisode, cousu de câbles blancs, des candidatures pour un échevinat à rentrer récemment à l’USC, et que Hasan Aydin a éludé en rentrant un acte de candidature au… mayorat verviétois.

Tout ceci renvoie à d’autres responsabilités dans la déglingue du PS verviétois, et, par voie de conséquence, de la vie politique à Verviers. À commencer par celle de l’ancien bourgmestre Claude Desama, qui a pavé la voie à Muriel Targnion, pour faire barrage à Hasan Aydin, avant de la dézinguer, la jugeant indigne d’exercer sa succession.

C’est sous l’impulsion de Claude Desama, également que le PS verviétois, à l’instar de ce qu’il a fait à Bruxelles avec Emir Kir, est parti à la chasse au vote ethnique, au point qu’une jeune élue d’origine turque, Duygu Celik avait dénoncé un vote organisé dans les mosquées, après le scrutin de 2012. Cela lui avait valu un qualificatif très peu amène de Claude Desama, aussitôt démenti par celles et ceux qui avaient guidé le parcours de la jeune femme, aujourd’hui attachée au cabinet de la ministre wallonne, Christie Morreale, en sciences politiques à l’université de Liège.

L’épisode ne laissera pas des traces qu’au sein du parti socialiste verviétois: les instances de la fédération verviétoise sont en cours de renouvellement, puisque le président fédéral, Alexandre Loffet, a été défenestré du PS. La bourgmestre de Limbourg, Valérie Dejardin, et celle de Dison, Véronique Bonni, sont en lice pour la présidence, et l’une d’entre elles est notoirement farouchement hostile à la bourgmestre de Verviers. Ajoutons à cela que le député wallon theutois, André Frédéric, et l’échevin malmédien Ersel Kaynak ont été, avec le désormais ministre wallon Christophe Collignon, chargés d’une mission de médiation qui a fait long feu à Verviers, tandis que l’ancien ministre et bourgmestre de Dison, Yvan Ylieff; le député hervien et ancien secrétaire général de la FGTB, Marc Goblet; ou le député provincial, ancien bourgmestre de Welkenraedt et ancien président de la fédération verviétoise du PS, Claude Klenkenberg, dénonçaient les atteintes aux statuts qui ont émaillé le processus.

Il y a très longtemps, à l’époque où le PSB-BSP était encore uni au plan national, un de ses slogans de campagne était «fort et uni, sterk en eensgezind».

À Verviers, les adversaires du PS peuvent désormais paraphraser François Mauriac parlant de l’Allemagne, et dire qu’ils l’aiment tellement qu’ils sont heureux qu’il y en ait… trois.

En attendant, la ville de Verviers attend des initiatives politiques mobilisatrices…

Vérité d’un jour en bord de Vesdre, mensonge huit mois plus tard…


Le conseil communal de Verviers s’est réuni en présentiel ce mercredi soir, car l’événement était d’importance: les élus de l’ancienne Cité lainière étaient invités à retirer la motion de méfiance mixte qu’ils avaient approuvées le 21 septembre 2020, pour écarter la bourgmestre PS, Muriel Targnion, et la remplacer par l’éphémère mayeur Jean-François Istasse. Ce qui supposait une autre motion de méfiance, alambiquée celle-là, pour écarter de la magistrature suprême Hasan Aydan, président du CPAS et successeur naturel de la bourgmestre défenestrée, mais le réinstaller tout de même à la tête du Conseil de l’aide sociale.

Le retrait de cette motion devait permettre de contourner le prescrit du Code wallon de la démocratie locale, qui impose un délai d’un an entre le dépôt de deux motions de méfiance, et la voie sera dès lors libre à Malik Ben Achour, grand instrumentaliste de cette machinerie, de devenir à son tour bourgmestre, le 26 avril. Si toutefois aucun grain de sable ne vient gripper la mécanique, et sous réserve que le Conseil d’État, s’il est à nouveau saisi du problème, n’y déniche pas une autre défaillance juridique.

L’événement n’a finalement pas eu lieu, puisque… Malik Ben Achour lui-même a demandé le report du vote sur ce point. Il faut dire que seuls vingt-six élus se sont retrouvés en séance, et que le groupe socialiste, fort en principe de treize mandataires, était privé de ses exclu(e)s, Muriel Targnion, Alexandre Loffet, et Laurie Maréchal, ce qui n’en laisse plus que dix. Mais que les absences de l’échevin Antoine Lukoki; du président du CPAS, Hasan Aydin; et des conseiller(e)s Chimaine Nangi, Saïd Naji, et Mohammed-Anass Gallass ne laissaient subsister que cinq représentant(e)s. Mais sans doute n’est-ce que partie remise? Et l’installation d’une nouvelle majorité renvoyée… aux calendes grecques?

La motion de méfiance à l’égard de Muriel Targnion n’en reste pas moins, comme l’a rappelé mon ancien confrère Franck Destrebecq, dans le journal qui m’employait et ne me rémunérait pas assez à mon goût (air connu) (https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210413_01572015/nouvelle-majorite-le-26-avril-peut-etre), motivée par «la mise en péril de la majorité sur base de la scission du groupe PS (…) à la suite d’une tentative de motion de méfiance individuelle avortée, déposée le 7 juillet 2020, à l’égard d’un de ses membres, Monsieur Hasan Aydin (PS), président du CPAS».

L’épisode a valu à la bourgmestre verviétoise d’être exclue du PS, au terme d’une procédure à dire vrai très peu orthodoxe, orchestrée par le président du parti, Paul Magnette, qui s’est rangé derrière le député fédéral verviétois, toujours en place en attendant de devoir démissionner du Parlement fédéral, s’il ceint l’écharpe mayorale à Verviers.

Dans la foulée, l’échevin Alexandre Loffet a, lui, été suspendu par le parti, tandis que la jeune conseillère Laurie Maréchal, écœurée par ces manœuvres de coulisse, en a démissionné, non sans avoir au préalable exigé, avec un certain panache, que son portrait de jeune élue soit retirée de la devanture du siège du PS, Boulevard de l’Empereur à Bruxelles.

«Expressément»

La quadrature du cercle, pour le PS verviétois, est de confirmer la mise à l’écart de Muriel Targnion, tout en instrumentalisant l’exécution de Hasan Aydin qui, non seulement ne se verra pas confier le mayorat, mais va, si l’ingéniérie politicienne mise en place par ses propres «amis» aboutit, perdre aussi la présidence du CPAS.

L’astuce? Reprendre, comme l’a évoqué mon ancien collègue, les termes de la motion de méfiance individuelle déposée à son égard par les conseillers socialistes qui avaient soutenu Muriel Targnion en juillet 2020, avant de se «raviser» opportunément par la suite.

«Pour rappel, cette motion comportait cinq pages d’argumentaire (auxquelles les signataires de la présente motion renvoient expressément)» explique le texte de la nouvelle motion de méfiance collective qui sera soumise aux élu(e)s verviétois(es) le 26 avril prochain.

Il était question, a rappelé Franck Destrebecq, «d’un certain nombre d’opérations problématiques au regard des règles», de «décisions que nos considérons non conformes à la loi»; «d’inconduite d’Hasan Aydin envers ses collègues», d’«accusations diffamatoires lancées publiquement à leur encontre» et de « pratique de l’insulte et de l’intimidation, en particulier envers les femmes qui s’engagent en politique» (qui) «ne fait pas partie de nos valeurs».

Cohérence?

Pour les partis actuellement associés au PS dans la gestion (?) de la ville de Verviers, le MR, le NV (Nouveau Verviers), ainsi que pour le cdH, invité à s’unir à l’attelage, le texte ne doit pas poser de problème, puisqu’ils s’étaient déjà ralliés au projet de motion déposé par Muriel Targnion à l’endroit de son président de CPAS.

Mais, au sein du PS, il faudra tout de même une sérieuse explication pour justifier pourquoi le dépôt d’une motion, en juillet 2020, a valu à la bourgmestre socialiste de Verviers d’être exclue de son parti et d’être chassée de sa fonction, alors qu’en avril 2021, le vote d’une même motion permettra à un autre élu socialiste de reprendre son écharpe, avec la pleine approbation du président du PS lui-même!

Muriel Targnion a-t-elle eu le tort d’avoir raison trop tôt? Notre impression est plutôt que ces mois d’empoignades politiciennes à Verviers qui font honte à la démocratie avaient pour seul but d’écarter de sa fonction une bourgmestre dont l’action, notamment en tant que présidente du conseil d’administration de Nethys, avaient heurté de front la volonté présidentielle de se débarrasser de l’image désastreuse collée à son parti par la gestion calamiteuse de l’intercommunale liégeoise et de ses filiales. Et que les reproches formulés à l’égard du président du CPAS étaient fondés. Mais alors, pourquoi n’avoir pas pris l’initiative, il y a un an, alors que la gestion d’une ville de plus en plus paupérisée et vidée de ses commerces requérait déjà l’urgence?

L’impasse constatée depuis des mois n’aurait-elle pas justifié par ailleurs l’envoi à Verviers d’un(e) commissaire spécial(e), voire, devant l’impasse prolongée, une démission collective des bourgmestre et échevin(e)s, et un retour aux urnes anticipé pour rebattre les cartes?

La procédure utilisée ici, au mépris des statuts internes du PS, prend tellement des allures de «chasse à la sorcière»; la reprise des arguments que Muriel Targnion à l’égard de celui qui a réaffirmé son droit à exercer le mayorat témoigne d’un tel cynisme que la confiance du public dans l’institution communale mettra longtemps à se rétablir. Et risque de bénéficier aux populistes de tous poils, qui n’auront qu’à se baisser pour ramasser les suffrages des déçus de la démocratie.

La loterie politique va repartir à Verviers


Un nouvel épisode de la saga politique va s’ouvrir à Verviers, où l’union socialiste communale (USC) a fait, jeudi soir, le choix du député fédéral Malik Ben Achour pour le mayorat, au détriment du président du CPAS, Hasan Aydin, à qui son score électoral promettait pourtant en principe l’écharpe.

On en arrive donc au scénario mis en place dès le départ par les plus hautes instances du PS, et qui exigeait la double mise à l’écart de l’actuelle bourgmestre, Muriel Targnion, et de Hasan Aydin, dont les rapports avec la titulaire de l’écharpe mayorale et avec l’ensemble des autres membres du collège communal étaient devenus impossibles. La manœuvre, très délicate, devait s’opérer en deux temps: d’abord l’exclusion des rangs du PS de Muriel Targnion, au prix même de certaines indélicatesses avec la procédure statutaire; avec son remplacement par Jean-François Istasse, le bourgmestre le plus éphémère de l’histoire politique de Verviers. Puis, ce jeudi soir, la mise en boîte de Hasan Aydin, par un vote savamment orchestré depuis Bruxelles au sein de l’USC verviétoise.

Voilà en tout cas le scénario mis sur papier. Car il suppose, à nouveau, un jeu qui passe par une motion de défiance à l’égard de Muriel Targnion, et un tour de passe-passe qui écarte Hasan Aydin du mayorat, tout en le maintenant, si rien n’a changé entre-temps, à la présidence du CPAS, mais pas au sein du collège communal. Ce qui supposerait qu’il démissionne du conseil communal, dans un scénario qu’il a à plus d’une reprise rejeté nettement ces dernières semaines.

Malik Ben Achour, en tout cas, se tient prêt à ceindre l’écharpe mayorale avec un sens du devoir qui émeut, puisqu’il explique que s’il n’avait pensé qu’à lui, il serait resté à la Chambre -il ne peut être à la fois bourgmestre de Verviers et député fédéral- mais qu’il a toujours dit qu’il voulait «être un acteur d’une solution» et qu’il lui faut bien constater qu’il est «l’ultime solution de consensus». Ceci dit, précise-t-il, «en toute modestie». On reste muet devant pareille abnégation, qui tranche avec le lamentable spectacle donné depuis neuf mois par tous les politiques verviétois!

Cela dit, Malik Ben Achour ne va pas démissionner tout de suite du mandat de député qui lui est échu à la suite de l’entrée de Frédéric Daerden au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en qualité de ministre du Budget. Le futur (?) mayeur verviétois est un philosophe, et il sait, par définition qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras…

Dix petits nègres

Car pour qu’il arrive à ses fins, il faut d’abord que la motion de défiance à l’égard de Muriel Targnion soit votée par sept des treize élus socialistes au soir des élections communales d’octobre 2018. La bourgmestre en titre, exclue de son parti, ne se fera évidemment pas hara-kiri, pas plus que l’échevin des Finances Alexandre Loffet, qui a également pris ses distances par rapport au parti qui l’a exclu. La jeune Laurie Maréchal, qui a elle aussi claqué la porte après avoir exigé qu’on retire son portrait de jeune élue de la façade du siège du parti, au boulevard de l’Empereur à Bruxelles, fera elle aussi défaut.

Ils restent donc à dix dans le groupe socialiste «orthodoxes», comme les dix petits nègres du roman policier éponyme d’Agatha Christie. Et l’une est déjà tombée du bateau, puisque l’ancienne échevine, Sylvia Belly, prudente, a déjà repris une fonction directoriale dans l’enseignement communale, incompatible avec sa fonction scabinale. Se souvenant sans doute qu’elle s’était fait menacer par ses camarades, l’an dernier, de se retrouver au chômage, si elle persistait à soutenir la motion mise en œuvre par Muriel Targnion pour écarter Hasan Aydin de la présidence du CPAS.

Que fera ce dernier? Après avoir dit et répété qu’il n’accepterait pas de se voir déposséder d’une écharpe mayorale que son score électoral lui garantissait, une fois Muriel Targnion écartée; après avoir expliqué qu’il n’entrerait pas dans une mécanique compliquée, qui l’obligerait à démissionner du conseil communal pour continuer à présider le CPAS, on le voit mal manger son chapeau et se faire volontairement hara-kiri. Restent huit petits nègres…

C’est ici, sans doute, que les pressions vont jouer à fond pour garder tout le monde bien dans la ligne fixée par le parti socialiste. Et les moyens de pression existent, à commencer par les mandats d’échevins à distribuer.

Antoine Lukoki, par exemple, qui s’était allié à Hasan Aydin, au point de mettre en place avec lui des permanences sociales impliquant illégalement des employés du CPAS, va-t-il rester fidèle à son engagement, ou considérer que, tout compte fait, son maintien au collège communale, dans le plus haut intérêt de la ville et de la population de Verviers, lui imposent de retourner sa veste?

Avec Chimaine Nangi, le scénario semble cousu de câble blanc: il semble qu’un fauteuil scabinal lui a été promis. Bien sûr, les promesse n’engagent que celles et ceux qui y croient, selon un adage bien connu. Mais cela devrait suffire à la maintenir dans le rang.

Tout dépendra donc de deux élus socialistes incertains, Said Naji et Anass Gallas: d’ici au 29 mars, date du prochain conseil communal, on suppose que les deux mandaitaires vont faire l’objet d’un tas de pressions, amicales ou menaçantes, pour s’assurer qu’ils ne feront pas défaut tous les deux, car si c’était le cas, patatras, le beau scénario s’écroulerait avant même d’avoir été mis en place. Cela posé, les voilà tous deux en position de force pour revendiquer, qui sait, un mandat d’échevin? Ah oui, mais alors, c’est Antoine Lukoki qui serait sur un siège éjectable, et qu’il faudrait ramener à de meilleurs sentiments…

Tout ces maquignonnages, on s’en doute, ne sont guère de nature à réconcilier le Verviétois lambda, avec la classe politique. Surtout après le blocage du PS autour du budget communal, qui a retardé de quatre mois l’activation des mesures de soutien aux commerçants réduits à l’inactivité par la pandémie du Covid-19, ou les commandes à passer pour assurer le bon déroulement des chantiers qui défigurent depuis des mois le centre de la Cité lainière, et ne sont pas de nature à y ramener le chaland…

Rendez-vous rue de la Science

Tout cela suppose que le scénario réécrit au sein de l’USC verviétoise tienne la route. Or, le Conseil d’État doit toujours se prononcer sur le recours en annulation introduit par Muriel Targnion contre le précédent mécanisme qui l’avait privée de l’écharpe mayorale.

L’instance de la rue de la Science avait, à l’époque, validé la requête de suspension de la décision en extrême urgence, ce qui avait obligé Jean-François Istasse à jeter l’éponge après à peine quinze jours de fonction à l’Hôtel de ville de Verviers. Elle avait remis à plus tard sa décision sur le fond, et cette décision n’est pas encore connue. Pour rappel, elle avait suspendu le mécanisme sur base d’un premier argument; les autres doivent encore être examinés.

Il n’est pas exclu, si l’histoire se répète, que de nouveaux recours en suspension et annulation partent pour la capitale. Envoyés par Muriel Targnion, ou Alexandre Loffet? Possible, mais qu’est-ce qui empêcherait Hasan Aydin, s’il n’est pas satisfait du sort qui lui est fait, de leur emboîter le pas, voire de risquer sa chance à lui seul?

Les dispositions wallonnes sur la démocratie locale imposent, par ailleurs, un délai d’un an entre deux motions de défiance: le compte n’y est donc pas. Le paradoxe, peut-être, est que les Machiavels verviétois tireront argument de la suspension de leur précédente initiative pour en déduire qu’elle n’existe pas, et que dès lors, le délai n’a plus cours. Après tout, pourquoi pas? Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Et en matière de gêne, les politiques verviétois ont depuis longtemps franchi bien des limites…

Verviers est plus ingouvernable que jamais


Il y avait déjà la désertification commerciale croissante à Verviers; il y avait aussi son appauvrissement progressif: la Cité lainière y ajoute désormais une ingouvernabililité durable, sur fond d’ambitions personnelles démesurées et d’incompatibilités entre des personnalités de plus en plus clivantes.

Le résultat est que le budget 2021 de la ville n’est pas près d’être approuvé, que les projets vont rester en rade, et que l’hypothèse de l’envoi d’un(e) commissaire spécial(e) en rives de Vesdre prend de plus en plus de consistance. Hors sursaut d’honneur très peu probable d’élus qui pourraient démissionner en bloc et provoquer une élection… à laquelle certain(e) d’entre eux (elles) feraient mieux de ne plus se présenter après les reniements en série qui ont été les leurs au cours des derniers mois.

Ce qu’on dit et ce qu’on dit qu’on a dit

L’événement de cette fin de semaine a été l’annonce, par les « Verts » verviétois de leur refus de négocier plus avant avec le MR, le Nouveau Verviers ( NV, dissidence libérale), le cdH, et les «  Indignés verviétois » (IV, les exclus du PS).

Ecolo se tourne à nouveau vers le PS « orthodoxe » tout en se disant toujours ouvert à certains des autres partenaires. Mais comme le PS « orthodoxe » et amoindri proposerait toujours au mayorat le président du CPAS, Hasan Aydin devenu infréquentable pour les autres partenaires et dont les pratiques ont été plus d’une fois condamnées par la tutelle, ou le conseiller Malik Ben Achour, chef de groupe socialiste, autant dire qu’une union sacrée verviétoise est tout à fait hors d’atteinte.

Le revirement des Verts peut s’expliquer par les propos prêtés à un échevin ou à un contrat de location commerciale accordé par le même échevin dans des circonstances qui posent questions: Freddy Breuwer est à nouveau dans l’oeil du cyclone.

L’affaire a commencé comme un mauvais vaudeville: lors du dernier conseil communal par visioconférence, l’échevin, après une longue intervention qui lui avait permis d’éreinter le PS « orthodoxe » en général, et le président du CPAS en particulier, a oublié de débrancher son micro. Et tout le monde l’a entendu… ou cru l’entendre dire, dans une conversation téléphonique qui suivait, que les socialistes et les écolos le faisaient chier (sic). La toile s’est aussitôt enflammée, même si, tel le ministre fédéral de la Santé, récemment, Freddy Breuwer a apparemment été incriminé plus pour ce qu’on disait qu’il avait dit que pour ce qu’il avait vraiment dit. Mais on ne prête qu’aux riches…

Querelle de bac à sable sur un bail


L’autre motif de fâcherie entre Verts et Bleus portait sur un bail commercial particulièrement favorable accordé à un commerçant réputé proche de l’échevin. (https://www.vedia.be/www/video/info/politique/verviers-une-surface-commerciale-qui-divise-_103782_89.html)

On pouvait entendre l’argument selon lequel mieux vaut louer un emplacement commercial à vil prix dans un centre-ville où les vitrines vides se multiplient et embrayer avec la proposition du conseiller écolo Dany Smeets de systématiser ce type de bail pour lutter précisément contre cette désertification et effacer tout soupçon de favoritisme: les deux positions étaient parfaitement conciliables. Mais la querelle (publique) de bac à sable qui s’en est suivie entre l’échevin et le chef de groupe socialiste ne fait rien pour rehausser le débat démocratique dans l’ancienne cité lainière.

Sur le sujet, on peut retenir la position un peu schizophrénique des échevins socialistes « orthodoxes » qui ont approuvé l’opération en collège communal avant de s’y opposer en conseil. Et on ne peut recevoir l’explication apportée par l’un d’entre eux, Antoine Lukoki en l’occurrence, selon laquelle il n’avait pas perçu toutes les implications du dossier lors du premier vote, mais qu’il en a été informé avant le second par son chef de groupe et par le plus éphémère des bourgmestres verviétois, Jean-François Istasse. Sauf à admettre que le casting des échevins socialistes « orthodoxes » a de quoi interloquer…

Double impasse

Un autre point expliquerait le revirement « vert »: l’obligation de réserver un mandat au « groupe Targnion » en cas de mise sur pied d’une coalition dont ne ferait pas partie le PS « orthodoxe ».

En attendant, aussi infréquentable qu’elle soit, là bourgmestre de Verviers semble bien partie pour rester encore un certain temps en place, alors qu’il y a quelques semaines, Jean-Francois Istasse, privé d’écharpe mayorale par le conseil d’État, se faisait fort de lui régler son compte en moins de deux. Mais la défection de ses échevins socialistes « orthodoxes » la met désormais dans une situation impossible.

Les écologistes verviétois auraient aussi été choqués par la publication, dans l’édition verviétoise de La Meuse, ce jeudi, d’un «casting» du collège communal en cours de négociation. Si les noms mentionnés n’avaient déjà circulé depuis quelques jours, l’hypothèses serait envisageable. Mais on peut en douter…

Le revirement des « Verts » conduit donc à une impasse politique, puisque aucune coalition ne semble en mesure de recueillir une majorité. L’impasse politique se double d’incompatibilités personnelles: Muriel Targnion et Alexandre Loffet (L.I.V.) pour les socialistes « orthodoxes » et les Verts; Hasan Aydin et Malik Ben Achour (l’éminence grise du PS « orthodoxe », qui s’avance manifestement mieux masquée dans ce dossier que devant la caméra de la télé verviétoise!) le premier pour tous les autres sauf peut-être les Verts; le second pour pas mal de monde; et maintenant à nouveau Freddy Breuwer (MR) pour le PS « orthodoxe » et Écolo, après l’avoir été pour le PS, jadis, quand il l’a déserté pour la liste Verviers Autrement, du défunt ex-échevin Paul Cormeau, pour le cdH quand les deux partis étaient en majorité, et même pour le… MR avant la constitution des listes pour le scrutin communal d’octobre 2018.

Les acteurs actuels ne pouvant en sortir, la piste la plus logique serait l’envoi d’un(e) commissaire spécial(e) chargé(e) de rétablir une gestion normale de la Cité lainière. Soit dans un sursaut d’honneur d’élu(e)s qui n’ont pas vraiment fait honneur à la démocratie ces derniers mois, sous forme d’une démission collective qui entraînerait de nouvelles élections où un certain nombre d’entre eux (elles) devraient alors avoir le bon sens de ne plus se présenter. Et où un chien avec un chapeau d’extrême-droite risquerait de faire de leur tailler des croupières. Ne leur resterait alors qu’à parodier l’empereur allemand, Guillaume II, au lendemain de la Première guerre mondiale, et de soupirer «Das habe ich nicht gewollt», «Ce n’est pas cela que j’ai voulu»…

Replongée dans le marasme politique, Verviers attendra encore un peu (?) sa relance


En suspendant le mécanisme de contournement du code wallon de la démocratie locale, mis en place à Verviers pour défenestrer la bourgmestre Muriel Targnion et installer Jean-François Istasse à sa place, tout en permettant par un jeu de motions de défiance-votes de confiance à Hasan Aydin et Sophie Lambert de conserver leurs mandats respectifs de président du CPAS et d’échevine, le Conseil d’État a relancé la saga politique dans l’ex-cité lainière. On en revient donc à la configuration du début août, avec un collège communal et une majorité différents de la constellation mise en place grâce précisément à ce mécanisme de contournement.

La bourgmestre réintégrée n’a pas tardé à convoquer un collège communal pour récupérer les attributions qui étaient siennes et rendre à Alexandre Loffet celles dont il avait la responsabilité.

Les échevin(e)s socialistes ont obéi à une injonction de l’ancien mayeur Jean-François Istasse qui espérait empêcher le collège communal de siéger en le privant de quorum, mais comme les échevins libéraux et Nouveau Verviers ont répondu à la convocation, la manœuvre a fait pschitt comme aurait dit feu Jacques Chirac qui s’y connaissait, lui, en entourloupes.

La discussion désormais tourne autour de la portée de l’arrêté de suspension pris par le Conseil d’État, sur les possibilités juridiques d’y répondre et sur les conclusions politiques à en tirer à la fois sur le plan local et au niveau wallon.

Quelle portée?

La décision de la plus haute instance juridique et administrative du pays ne remet la construction mise en place à Verviers que « sur un petit point de détail » a plastronné Jean-François Istasse.

L’observation est pertinente : comme souvent dans ses avis, le Conseil d’État indique en creux dans ses arrêtés le moyen de corriger le tir.

Il suffirait donc que la motion de défiance à l’égard de Sophie Lambert ne vise que son incapacité à occuper la fonction mayorale et, emballez c’est pesé, le bourgmestre dégommé Istasse retrouverait son écharpe et la majorité constituée autour de lui rentrerait en piste. L’affaire de quelques jours en somme, et le retrait de la motion précédente rendrait sans objet le recours en annulation de cette motion et de ses compléments toujours pendant au Conseil d’État.

Quelle réponse ?

Une nouvelle motion, autrement motivée, suffirait donc à remettre les choses en l’état? Pas aussi simple, apparemment.

Il faut d’abord vérifier s’il est légalement possible d’introduite immédiatement une nouvelle motion de défiance, à l’égard de la majorité conduite par Muriel Targnion, quelques semaines seulement après avoir fait voter la première.

Selon certains juristes, un délai d’un an s’impose. Il ne m’appartient pas de trancher, mais si Jean-Francois Istasse a raison, le code wallon de la démocratie locale permettrait dès lors, passé le délai requis après la mise en place des majorités communales, de rendre toutes les communes wallonnes ingouvernables: il suffirait au gré des vents ou des humeurs de déposer à l’envi des motion de défiance à l’égard des majorités en place, quelles qu’elles soient.

Ensuite, à supposer que le recours en annulation du stratagème de contournement mis en place par les Machiavels verviétois soit effectivement abandonné du fait de l’adoption d’une nouvelle motion de défiance collective et de deux motions de défiance individuelles, corrigées sur un point, rien n’empêcherait l’introduction de demandes de suspension en extrême urgence et d’annulation de ce nouveau mécanisme. Avec autant de chances de réussite ou de risque d’insuccès.

Le Conseil d’État a en effet des habitudes de… cancre: saisi de requêtes qui invoquent généralement une série de moyens (d’arguments), dès qu’il en rencontre un qui lui permet de fonder ou de rejeter une d’entre elles, il n’examine pas les moyens suivants. D’hypothétiques recours contre cette possible nouvelle motion ne devraient donc reprendre que les arguments invoqués dans les recours actuels sauf celui relatif à l’échevine, et en y ajoutant éventuellement d’autres. Le carrousel verviétois pourrait ainsi éclipser le célèbre carrousel fouronnais des années 1980

Quelles conclusions politiques?

En attendant le résultat de toutes ces intrigues de coulisse, qui démentent la maxime « Publicité sauvegarde du peuple » figurant au frontispice de l’Hôtel de ville de Verviers, le déclin de l’ancienne cité lainière, victime à la fois d’une paupérisation et d’une désertification commerciale croissantes, s’accentue. Et ce n’est pas l’immobilisme d’un projet de centre commercial auquel plus personne ne croit qui l’aidera à en sortir.

La réponse politique doit venir de Verviers d’abord et renvoie tous les politiques locaux à leurs engagements ou à leurs reniements. Sont-ils toutes et tous prêts à relancer une mécanique juridique qui conduira inévitablement à des recours, et à des risques de pannes répétées dans la gestion de la ville?

Le PS, dont les dissensions sont à l’origine du marasme politique à Verviers est à nouveau interpellé : le président du parti, Paul Magnette, débarrassé de ses travaux et ambitions au niveau fédéral, se repenchera-t-il sur l’imbroglio verviétois ? Et s’expliquera-t-il sur les accusations de capitulation devant une pression communautariste en bord de Vesdre?

La question vaut également pour Muriel Targnion qui avait clamé que les recours en suspension et en annulation du montage juridique mis en place pour l’écarter étaient introduits pour le principe et pas pour lui permettre d’exercer une fonction mayorale dont elle ne voulait plus, parce qu’il ne lui était plus possible de « travailler avec ces gens-là ».

L’est-elle aujourd’hui? Et « ces gens-là » sont-ils disposés à reprendre leur collaboration avec elle? Il est un peu court, comme elle le pose, qu’« il y a des collègues qu’on aime mieux ou moins mais chacun bosse ensemble dans l’intérêt de la boîte ». Même dans le monde de l’entreprise, cette atmosphère de bisounours est une fiction.

La situation verviétoise interpelle aussi le pouvoir wallon. En octroyant le mayorat à la candidate ou au candidat credité(e) du plus grand nombre de voix sur la liste principale de la majorité communale, le code wallon voulait instaurer une forme de démocratie directe, au risque de favoriser une forme de démagogie. Si elle est maintenue et in fine validée, la mécanique verviétoise vide cette disposition de sens puisqu’il suffira aux partis d’introduire dès la mise en place des majorités une motion de confiance assortie de motions de défiance individuelles pour leur permettre d’ignorer le vote populaire.

Pour les parlementaires wallons, il y a urgence à préciser les dispositions du code wallon de la démocratie locale.

Pour les élu(e)s verviétois(e)s, la chance se présente une nouvelle fois de faire primer l’intérêt collectif sur l’intérêt partisan et les ambitions carriéristes.

La désunion règne à Verviers


Le couperet est tombé sur la bourgmestre de Verviers: Muriel Targnion a été exclue du PS. Décision pertinente ou non? Selon le point de vue où on se place, la réponse sera bien différente. Mais ce qu’on peut remarquer, c’est que la procédure utilisée témoigne d’un certain machiavélisme : c’est en effet la commission de vigilance, l’instance déontologique suprême du parti socialiste, qui a prononcé la sentence. L’instance d’appel, en principe: Muriel Targnion aurait dû être entendue d’abord au plan local, où la division des ex-camarades rendait peut-être tout examen serein des faits impossible, ou au niveau de la fédération verviétoise du PS.

Là, c’est sans doute celles et ceux qui ne voulaient pas manquer l’éjection du parti de la bourgmestre verviétoise qui n’en auront pas voulu: la fédération est en effet toujours présidée par l’échevin verviétois des Finances, qui est dans le camp de Muriel Targnion.

En Justice, l’affaire aurait été « déportée » vers un autre arrondissement judiciaire: la fédération liégeoise ou celle de Huy-Waremme auraient pu être chargées d’examiner le dossier. Mais le résultat aurait été aléatoire. Alors, c’est l’instance suprême, celle dont les décisions sont sans appel, qui est entrée en jeu. Et elle a pris la sanction la plus lourde, plus sans doute pour sanctionner la dérive affairiste de Muriel Targnion dans le dossier Nethys, où sa défense de la gestion calamiteuse de Stéphane Moreau et consorts à l’époque où elle présidait le conseil d’administration d’Enodia, son intercommunale faîtière, en a choqué plus d’un, que ses tentatives d’éjecter de son poste le président du CPAS, Hasan Aydin, dont la gestion rétive à toute tutelle et les comportements personnels, sexiste, communautariste et hostile à tout contrôle, de la presse notamment, sont étrangement ignorés.

Cette sévérité, qui n’a pas frappé aussi vite les acteurs du dossier Nethys, aurait-elle sanctionné les tentatives de Muriel Targnion de créer une majorité alternative à Verviers, pendant que l’USC locale était sous tutelle? C’est d’autant moins crédible qu’il semble manifestement y avoir eu d’autres tentatives de mettre sur pied des majorités alternatives dans la cité lainière. Ce qui me conforte dans la conviction qu’on assiste à une espèce de partie de billard à trois bandes dont le résultat aboutira peut-être à mettre et Muriel Targnion et Hasan Aydin à l’écart, ce qui pouvait apparaître au départ comme l’issue la plus logique au conflit qui se muait en guerre de tranchées. Pour confier l’écharpe mayorale à celui qui, proche de Paul Magnette, le président du PS, est peut-être l’éminence grise de toute cette opération …

Faudra-t-il d’abord éjecter Muriel Targnion de son fauteuil mayoral, car rappelons-le, son exclusion du parti ne remet pas son mandat en jeu. À Saint-Josse, Émir Kir est toujours bien en place, malgré une exclusion du parti qui a pris bien plus longtemps à se dessiner que celle de Muriel Targnion. Il faut dire que l’homme tient les troupes socialistes d’une main de fer dans sa commune. Et que son exclusion a sans doute pesé sur le conflit à Verviers: Paul Magnette, dit-on, aurait peur de braquer encore une fois la communauté turque en sacrifiant un de ses élus. Cette communauté avait d’ailleurs été mobilisée pour sauver le soldat Aydin lors d’un conseil communal avorté. Le communautarisme est pourtant une voie politique sans issue.

Muriel Targnion compte sur la parole donnée. Elle a pourtant déjà éprouvé la fiabilité de certains de ses interlocuteurs qui s’étaient rangés résolument à ses côtés avant de tourner casaque à une vitesse surprenante.

Et puis, si on élargit la perspective, on doit bien constater qu’au-delà du PS, la mésentente et la division ont aussi fait de sérieux ravages à Verviers.

Bien avant les élections communales de 2018, les dissensions au sein du MR avaient suscité une intervention énergique du président de la fédération verviétoise du parti. Et ce dernier avait annoncé de manière péremptoire qu’un élu ne pourrait plus figurer sur la liste libérale communale. Cette décision a été suivie d’effets: le-dit candidat a apporté à la liste bleue un capital de voix dont elle ne pouvait se passer, et il a récupéré au passage un mandat d’échevin. Et voilà maintenant que le déménagement à Verviers du président de la fédération d’arrondissement du MR, est évoqué. Pour le plus grand plaisir, on l’imagine du premier échevin, tête de liste en 2018. Et les mauvaises langues déjà de rappeler la manière dont le-dit président fédéral s’est fait déposséder de son écharpe mayorale à Herve, qui témoigne peut-être d’un manque de sens stratégique…

L’épisode a laissé des traces avec une liste libérale dissidente qui s’est présentée et a transformé l’essai en s’imposant à la majorité. Avant de voir partir son créateur. Pour raison de déménagement certes, mais qui laisse supposer que son engagement pour la ville était relatif.

Au cdH aussi , la bisbille a débuté avant l’élection communale, avec le bourgmestre du début de législature précédente et qui semblait bien avoir fait son temps après le renversement d’alliance qui l’avait privé de son écharpe, qui a fait barrage au premier échevin sortant, dont le leadership semblait s’imposer. Le-dit ancien échevin s’est alors exilé et le parti, dont l’aile démocrate-chrétienne avait été sérieusement écornée, a subi une déculottée qui l’a renvoyé dans l’opposition. Tandis qu’un élu, à peine installé, prenait ses distances.

Et puis les récents événements au sein du PS ont rendu l’accord du cdH indispensable pour écarter le président du CPAS, et sa cheffe de groupe a signé la motion qui lui permettait de rentrer en piste et de faire passer certaines de ses priorités. Et qui n’a pas accepté cet engagement? Coucou le revoilou, l’ancien mayeur, accompagné d’un ex-échevin. Il est décidément difficile de se départir d’anciennes attitudes…

Les autres partis semblent épargnés par ces bagarres internes . Même si on sait que le chef de file Ecolo n’est arrivé chez les « Verts » qu’après avoir rompu… avec le cdH qui l’avait lancé

Ces épisodes navrants ont pour toile de fond le déclin inexorable d’une ville en cours de paupérisation où des initiatives sociétales s’efforcent de compenser une action publique défaillante.

Bien sûr, le politique n’a pas toutes les clés en mains, et la population ne peut leur jeter la pierre sans s’interroger. Puisque selon l’adage, on a les politiques qu’on mérite. Mais force est de constater que l’Histoire se répète dans la Cité lainière.

Parmi les premières à avoir suscité un projet d’outlet-mall, Verviers a tellement tergiversé que d’autres villes l’ont précédée avec, à la clé, des projets de « villages » qui rendaient ringard le concept de quai de gare prôné à Verviers. Résultat des courses, Maasmechelen attire les visiteurs, dont de nombreux Verviétois.

Et puis miracle, l’arrivée d’une locomotive permet de sauver le site, rebaptisé Crescend’eau et le centre nerveux du commerce verviétois migre vers la périphérie. L’urgence se présentait alors, à Verviers comme dans d’autres villes, pour les commerces du centre. C’est alors que sort un projet de centre commercial en centre-ville, avec au départ une couverture de la Vesdre qui suscite une opposition musclée. Près de quinze ans ont passé depuis lors, et la première pierre de centre commercial se fait toujours attendre.

Les récentes péripéties politiques à Verviers ne sont évidemment pas de nature à donner confiance à des investisseurs par ailleurs paralysés par la pandémie. Mais au-delà, le temps n’est-il pas venu de réfléchir à de nouvelles pistes pour le centre-ville de Verviers? Ce qui implique l’apport d’idées neuves. La plus jeune élue du PS à Verviers vient de quitter le parti qu’elle qualifie de « parti de has been ».

Le constat est peut-être plus inquiétant: comme déjà écrit sur ce blog, le rejet de tels comportements politiques présente le risque de favoriser le vote d’extreme-droite.