Qatargate: tu quoque, amice ?


Depuis vendredi dernier, le député européen et bourgmestre d’Anthisnes, Marc Tarabella, est incarcéré à la prison de Saint-Gilles. Il doit répondre de faits de corruption publique, blanchiment, et appartenance à une organisation criminelle, dans l’affaire connue sous le nom de Qatargate, qui ébranle le Parlement européen.

Comme tout inculpé, Marc Tarabella bénéficie de la présomption d’innocence. Et tant à la fédération de Huy-Waremme du Parti socialiste, dont il est suspendu, qu’à Anthisnes même, ses amis, nombreux, affichent toujours leur conviction qu’il est effectivement innocent des faits mis à sa charge.

Son avocat, Me Toller, partage cette conviction, et a dénoncé le fait qu’il n’avait pas encore eu accès au dossier. Ce jeudi, cette lacune a été comblée quand il a plaidé la remise en liberté du bourgmestre anthisnois devant la chambre du conseil, et a, par surcroît, déposé une requête en suspicion légitime contre le juge d’instruction Michel Claise. En vain, puisque Marc Tarabella a été maintenu en détention.

A priori, on a des difficultés à imaginer que le juge d’instruction bruxellois, vétéran de la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale, s’abaisse à incarcérer une personne pour faire pression sur elle, afin d’obtenir des aveux…

Nous aussi, nous l’avons dit, nous serions à la fois stupéfait et cruellement déçu si, au bout du compte, il apparaissait que Marc Tarabella, un député européen très engagé qui a toujours communiqué beaucoup sur son activité, se serait laissé acheter par l’émirat. Ce serait en contradiction totale avec toute son action politique, mais aussi avec sa personnalité. Car l’élu est resté l’homme qu’il était, il y a bien longtemps, quand il travaillait à Liège pour la Caisse Générale d’Épargne et de Retraite, l’antique CGER, disparue depuis longtemps dans la double vague de rationalisation et de privatisation du secteur bancaire.

Mais, en nous rappelant ce passé professionnel, nous avons été assez interloqué d’apprendre que les enquêteurs, vendredi dernier, n’ont pas seulement perquisitionné (en vain) les locaux de l’Administration communale d’Anthisnes, mais se sont aussi intéressés à un compte bancaire ouvert de manière anonyme, sous ses initiales, par le mayeur antisnois dans une banque liégeoise.

La pratique, il faut l’avouer, ne manque pas d’interpeller, car à quoi sert un compte anonyme, si ce n’est à des transactions discrètes ?

L’autre élément interpellant est une archive des débats au Parlement européen, où un ministre qatari plaidait la cause de son émirat, ava t le dernier championnat du monde de football. Alerté par un de ses anciens collègues députés, plongé jusqu’au cou dans le Qatargate, Marc Tarabella avait demandé et obtenu la parole, alors qu’il n’était pas inscrit au rôle. Et il s’était lancé dans un plaidoyer anti-boycott basé sur le fait que de telles objections n’avaient pas précédé le Mondial russe de 2018. Cela nous a laissé la pénible impression d’une intervention « aux ordres »…

La présomption d’innocence de Marc Tarabella reste entière, répétons-le. Mais on attend que sa situation se clarifie surtout au plus vite, dans un sens comme dans l’autre. Mais pour l’instant, nous serions tenté de paraphraser Jules César, le jour de son assassinat, et de lancer « Tu quoque, amice? ». « Toi aussi, ami?»

L’exclusion de Marc Tarabella démontre l’inconséquence du PS


Le député européen et bourgmestre socialiste d’Anthisnes, Marc Tarabella, est désormais écarté de l’Alliance Progressiste des Socialiste et Démocrates au Parlement européen, où il siège depuis 2004, et il est, par surcroît, exclu du Parti Socialiste. Une exclusion temporaire, a-t-on expliqué au Boulevard de l’Empereur, jusqu’au moment où l’enquête sur la corruption au Parlement européen aura conduit soit à son inculpation, soit à son innocence.

Les «révélations», ou pseudo-révélations du «repenti» italien, Pier Antonio Panzeri, l’ont, il est vrai, gravement mis en cause ces derniers jours: à en croire certaines fuites, son ancien collègue au Parlement européen l’accuserait d’avoir perçu 120000 euros en provenance du Qatar. Et Panzeri, dans le même temps, a complètement innocenté Marie Arena, compromise elle aussi par un voyage dans l’émirat qu’elle avait opportunément omis de déclarer.

Marc Tarabella s’est-il laissé acheter? L’enquête devra le démontrer. La perquisition menée tambour battant à son domicile n’a en tout cas pas laissé apparaître le moindre pactole. Et ses concitoyens d’Anthisnes ont peine à croire que leur bourgmestre, resté très proche d’eux, ait ainsi cédé à une offre sonnante et trébuchante.

Pour l’heure, Marc Tarabella, mis en cause par des «fuites», n’est pas inculpé…

Pour ma part, pour bien connaître Marc Tarabella depuis de très nombreuses années, j’avoue que je serais à la fois très surpris et très cruellement déçu si l’enquête, au bout du compte, démontrait que s’il a changé d’opinion sur l’organisation du dernier championnat du Monde de football au Qatar, c’est après s’être laissé convaincre par une valise de billet. Jusqu’à preuve du contraire, je m’accroche à la présomption d’innocence dont bénéficie chaque inculpé. Et je rappelle qu’à l’heure présente, le bourgmestre d’Anthisnes, qui a déjà réclamé à plusieurs reprises d’être entendu par Michel Claisse, le juge d’instruction en charge du dossier, n’est toujours pas inculpé.

La précipitation avec laquelle le Parti Socialiste l’a exclu, fût-ce de manière temporaire, n’en est dès lors que plus choquante. Et pose question sur la manière dont le PS exclut ou non ses membres. Une manière en apparence très arbitraire, qui semble essentiellement relever du bon vouloir du prince, entendez, du président du parti, Paul Magnette.

Comme le rappelait avec beaucoup de pertinence Bertrand Henne, ce matin, sur La Première, le Parti Socialiste ne respecte en rien les règles qu’il avait édictées, il y a plusieurs années, quand avaient éclaté les affaires dites de Charleroi. Celles qui avaient conduit le président du parti de l’époque, Elio Di Rupo, à jeter qu’il en avait «marre des parvenus» (sic)!

En principe, selon ces règles, tout mandataire inculpé devait être exclu du PS. Mais rapidement, il est apparu qu’une inculpation pouvait déboucher sur un non-lieu, voire un acquittement. Dès lors, la règle a été illico vidée de sens.

Il arrive néanmoins que des inculpés finissent par être condamnés. Ce fut le cas, récemment, de M. Jean-Charles Luperto, définitivement condamné dans une affaire de mœurs. Oui, mais hum, Jean-Charles Luperto est un gros faiseur de voix à Sambreville, et l’exclure risquait de le voir conduire, en 2024, une liste du bourgmestre qui aurait privé le PS du mayorat dans une ville importante de la province de Namur. On a donc inventé une excuse selon laquelle cette condamnation n’est en rien liée à l’exercice d’un mandat politique (!), et on a oublié la «blague» qu’il avait faite auparavant à son collègue de Jemeppe-sur Sambre, qu’il avait menacé de mort, en estimant que cette plaisanterie lui avait coûté un mandat ministériel. Le camarade reste donc un camarade. «Je suis le champion de l’éthique» a expliqué le président du PS, ce jeudi soir, au JT de La Une, juste avant la séance des vœux de son parti. On doit donc en conclure que, pour lui, se poster dans les toilettes d’une station d’autoroute, en quête d’une relation homosexuelle furtive est un acte parfaitement éhique…

Stéphane Moreau, ancien bourgmestre d’Ans et ex-patron de Nethys, a, lui, été exclu du PS en avril 2017, en pleine révélation des manœuvres financières et d’une fraude à l’assurance qui lui avaient bénéficié. L’ancien député provincial sérésien André Gilles, ex-président du conseil d’administration de l’intercommunale Publifin, aujourd’hui Tecteo, dont dépendait Nethys, a été lui aussi exclu en même temps du parti: la règle vide de sens a été appliquée à leur endroit, sans que personne la remette en cause. Pour rappel, à nouveau, à l’heure présente, Marc Tarabella n’est pas inculpé dans le «Qatargate».

Il y a un an Alain Mathot, l’ancien député-bourgmestre de Seraing, condamné pour corruption, a préféré, lui, se retirer du PS, avant de subir une exclusion qui lui semblait devenue inévitable.

Et puis il y a eu les exclusions pour cause de divergence politique avec certains mandataires. Emir Kir, le populaire député-bourgmestre de Saint-Josse a été «dégommé» pour son refus de reconnaître le génocide arménien et pour sa proximité avec des «Loups gris», la milice d’extrême-droite turque. Son exclusion temporaire, largement approuvée, va bientôt prendre fin… sans qu’on sache si, sur le génocide arménien, sa position ait évolué. Lui aussi est une «machine à voix»…

La bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, et son échevin des Finances, Alexandre Loffet, ont, eux été exclus, en violation des règles internes du PS soit dit au passage, parce qu’ils n’étaient pas revenus sur leur signature au bas d’une motion reniée, sous pression, par certain(e)s de leurs ancien(ne)s colistier(e)s, demandant le retrait du mandat d’un président du CPAS, lui aussi PS, dont le comportement politique posait problème à la gestion de l’ancienne cité lainière. La tentative de mettre un autre bourgmestre de consensus, feu Jean-François Istasse, à la place de Muriel Targnion, ayant échoué, le-dit président du CPAS a tout de même été écarté. Et dernier épisode en date, Alexandre Loffet, ancien président de la fédération verviétoise du PS, qui devait démissionner en ce début d’année pour faire place à un(e) socialiste «orthodoxe»…. a été réintégré au parti. Manière de lui éviter de nouveaux déchirements.

La jurisprudence du Parti Socialiste, on le voit, est à géométrie (très) variable, et le tort principal de Marc Tarabella est sans doute d’être le bourgmestre d’une… petite commune condruzienne, et de ne pas peser suffisamment lourd. Comme l’écrivait déjà Jean de la Fontaine, selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous feront blanc ou noir…

Zuhal Demir et Marine Le Pen: une même récupération politique qui heurte les principes de droit


Entre la droite extrême et l’extrême-droite, il y a parfois plus de similitudes que de différences, notamment en matière de justice, que des événements récents viennent de démontrer, en France comme en Région flamande.

En France, le meurtre, ou l’assassinat de la jeune Lola a provoqué une émotion et une indignation nationales parfaitement compréhensibles. Elle a aussi donné lieu à une récupération politique de la part du Rassemblement, ex-Front, National, dont la leader, Marine Le Pen, s’est répandue en critiques contre le gouvernement, parce qu’un ordre de quitter le territoire français, frappant la meurtrière présumée, de nationalité algérienne, n’avait pas été appliqué. Quelques jours auparavant, le garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, qui, en matière de droit, en connaît nettement plus que l’ancienne candidate à la présidence de la République, elle-même pourtant avocate, avait expliqué qu’un ordre de quitter le territoire peut difficilement s’appliquer à des nationaux dont le pays refuse de les recevoir. Et c’est précisément le cas de l’Algérie. Comment dès lors appliquer cet ordre? En plaçant celles et ceux qui en font l’objet dans des zodiaques qu’on laissera indéfiniment flotter dans les eaux internationales au milieu de la Méditerranée?

Le ministre de la Justice français, dont la longue carrière au Barreau lui a valu le surnom d’«Acquittator» aurait pu aussi expliquer qu’appliquer un ordre de quitter le territoire n’a une efficacité que théorique, car souvent, celles et ceux qui en font l’objet, hors les cas où on les embarque de force dans des avions pour les ramener dans des pays où leurs droits fondamentaux, voire leur vie, sont menacés, reviennent souvent par la fenêtre, après avoir été expulsés par la porte…

Les obsèques de la jeune Lola se sont heureusement passées dans la dignité, après que sa famille, dans l’affliction que l’on devine, eut appelé à éviter toute récupération politique.

Cela n’a pas empêché Jordan Bardella, candidat à la présidence du Rassemblement National, revenir à la charge hier soir, accusant les autorités françaises de se coucher devant les autorités algériennes et citant notamment en exemple la phrase d’Emmanuel Macron, le président de la République, qui avait qualifié la colonisation de «crime contre l’Humanité» lors d’une visite à Alger. Phrase que l’homme politique a évidemment récusée: il est vrai que parmi les électeurs du RN dont il sollicitera les suffrages, se trouvent notamment des nostalgiques du régime de Vichy…

En Flandre, c’est la ministre de la Justice et de l’Application des lois, de l’Énergie, de l’Environnement et du Tourisme, Zuhal Demir (N-VA) qui s’est signalée par une réaction inappropriée à un jugement, quand elle a décidé de priver la KUL, l’université catholique flamande de Leuven, d’un subside de 1,3 million, pour la punir de sa «passivité» face au viol, en 2016, d’une étudiante par un professeur.

Une réaction intempestive qui obligera sans doute Zuhal Demir à rapidement rétropédaler

Première bizarrerie: l’octroi de ce subside, en matière d’Enseignement, ne relèverait-il pas plutôt de son collègue de parti et de gouvernement, Ben Weyts, vice-président du gouvernement flamand, et titulaire de ce département?

Si, au niveau européen, on s’efforce de mettre en cause le versement de subsides à des pays comme la Hongrie ou la Pologne, dont le comportement n’est pas conforme aux valeurs européennes communes, pareille pratique n’a pas cours en Belgique ni dans ses entités fédérées. Et la question qui se pose est à la fois de savoir si la KUL était habilitée à recevoir ce subside ou non, et surtout à quoi ce subside était destiné. S’il s’agissait de financer une recherche scientifique, l’attitude de Zuhal Demir est inexcusable!

D’autant qu’il est vite apparu que la ministre entre autres de la «Justice» (car la Justice, jusqu’à preuve du contraire, reste une matière fédérale) a réagi sans discernement. Car la KUL a bien précisé que si elle ne s’était pas manifestée jusqu’ici, c’était à la demande… des autorités judiciaires, saisies du dossier en 2018 après que… les autorités académiques eurent conseillé à l’étudiante et à sa famille de porter plainte. Les enquêteurs souhaitaient la discrétion, pour ne pas alerter le professeur visé par cette plainte. Et la victime elle-même, manifestement, ne souhaitait pas que son dossier devienne public.

Le jugement dans cette affaire est intervenu récemment, et dès lors qu’un jugement est public, la presse en a parlé. Le professeur visé a été sanctionné par l’université catholique flamande de Leuven. Et dans la foulée, Zuhal Demir s’est manifestée par une décision impulsive, qui visait peut-être avant tout à montrer qu’elle se préoccupe aussi de Justice, parmi ses nombreuses attributions.

La ministre limbourgeoise d’origine turque (qui, pour rappel, a un jour estimé qu’il y a trop de personnes d’origine étrangère en Flandre!) va devoir maintenant effectuer un forme de rétropédalage, pour avoir agi sans discernement.

Sur le fond, car le dossier est toujours susceptible d’appel, elle aurait d’autant plus faire preuve de retenue qu’un principe de droit fondamental, qu’elle en tant que ministre de la «Justice» et Marine Le Pen en tant qu’avocate ne peuvent ignorer, énonce qu’une personne accusée est présumée innocente aussi longtemps que sa culpabilité n’est pas prouvée.

À l’heure où les réseaux sociaux fourmillent d’accusations publiques, ce principe est quasi quotidiennement bafoué: son respect par les autorités judiciaires et par le pouvoir politique qui en a, en apparence du moins, la responsabilité, s’impose d’autant plus.

La régionalisation de la Justice figurera au nombre des revendications flamandes après les prochaines échéances électorales, Zuhal Demir l’a confirmé en ce début de semaine en listant déjà un cahier de revendication. Si la Justice est effectivement régionalisée, on plaint déjà nos compatriotes du Nord du pays si elle se voit confier cette attribution dans le futur: ils auront intérêt à s’accrocher à leurs droits fondamentaux!

Entre-temps, la ministre multi-casquettes N-VA a encore bien d’autres chats à fouetter. Notamment celui qu’elle a voulu imposer à la hussarde en matière agricole, en imposant une série de fermetures de fermes, afin d’atteindre les objectifs d’un plan de réduction des épandages d’azote qui hérisse toujours le monde agricole!

L’étrange mansuétude du PS à l’égard du bourgmestre de Sambreville tranche avec son intransigeance avec des élu(e)s verviétois(e)s


Ainsi donc, après s’être muré dans le silence, le président du parti socialiste, Paul Magnette, dont l’avis avait vainement été sollicité auparavant, a fait répondre, par son directeur de la communication, à Samuel Sinte et Guillaume Barkhuysen, mes anciens collègues du journal qui m’a employé pendant de nombreuses années mais ne m’a jamais assez rémunéré à mon goût (air connu), que «la décision de la Cour européenne des Droits de l’homme (relative au bourgmestre de Sambreville, Jean-Charles Luperto, Ndlr) n’est pas une surprise. Elle ne constitue pas un élément nouveau par rapport à ce qui a été décidé l’année dernière».

Pour rappel, la veille, mes anciens et excellents confrères avaient révélé qu’en décembre dernier, le recours que Jean-Charles Luperto avait adressé à la Cour de Strasbourg avait été déclaré «irrecevable». Et que dès lors, après l’échec de son pourvoi en Cassation, sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour outrage aux mœurs, prononcée par la Cour d’appel de Liège, le 29 septembre 2020, était devenue définitive… dans le plus grand secret. Car ni l’intéressé, ni son avocat, ce qu’on peut comprendre, n’avaient signalé l’échec de leur appel à la Cour européenne des Droits de l’homme; et le PS lui-même est resté dans l’apathie la plus totale.

Interrogé l’année dernière, le président du PS, Paul Magnette, avait expliqué que, dans l’attente de la décision de la Cour de Strasbourg, «personne, pas même parmi ses adversaires politiques locaux» n’avait réclamé la démission du bourgmestre de Sambreville, et qu’entre-temps, «les électeurs lui avaient renouvelé leur confiance, malgré son affaire».

Jean-Charles Luperto est condamné définitivement pour outrages aux mœurs mais, pour le PS, ses adversaires politiques ne demandent pas sa démission, et la population lui a renouvelé sa confiance. Pas de quoi s’émouvoir!

Une étrange mansuétude, dont n’avait pas fait preuve, dans le passé, le PS à l’égard de Stéphane Moreau, ancien bourgmestre d’Ans, et d’André Gilles, ancien député provincial: le premier avait démissionné du parti avant d’en être exclu, tandis que le second en avait été exclu, à la suite de leur gestion calamiteuse du dossier Nethys.

Emir Kir, bourgmestre PS de Saint-Josse, a fait l’objet d’une exclusion de trois ans, à la suite de la réception qu’il avait offerte à six maires turcs, deux membres d’un parti proche de la sinistre milice d’extrême-droite des «Loups Gris».

Benoît Hons, échevin à Neupré, a été exclu en janvier 2020 pour propos injurieux envers les gens du voyage proférés sur Facebook, notaient encore mes anciens collègues.

Quant à Alain Mathot, ancien bourgmestre de Seraing, il a démissionné du parti en mars dernier (avant d’en être exclu?), à la suite de sa condamnation pour faits de corruption.

Samuel Sinte et Guillaume Barkhuysen rappelaient aussi l’exclusion de l’ancien échevin de Charleroi Claude Despiegeleer par la commission de vigilance du PS, pour ses condamnations dans les affaires de «La Carolorégienne».

Paul Magnette utiliserait-il donc un instrument à deux poids deux mesures, qui vaut exclusion, spontanée ou forcée du Parti socialiste, à l’ensemble des mandataires condamnés, sauf pour…. Jean-Charles Luperto, bourgmestre de Sambreville?

On a connu le président du PS beaucoup plus vindicatif à Verviers, quand il s’est agi de sanctionner la bourgmestre, Muriel Targnion, et ses fidèles au sein du collège communal, qui avaient eu l’outrecuidance de vouloir écarter un président de CPAS, tout aussi socialiste qu’eux, qui se refusait à tout contrôle de l’exercice de sa fonction!

Le Boulevard de l’Empereur avait alors «fait pression» pour forcer certain(e)s des signataires de la motion de défiance à revenir sur leur parole, quelques jours après avoir approuvé l’initiative mayorale, et à mettre en place un bourgmestre alternatif, feu Jean-François Istasse, au prix d’une manœuvre dont l’illégalité avait ensuite été constatée par le Conseil d’État.

Paul Magnette avait alors fait frapper d’exclusion la bourgmestre de Verviers, et ceux qui étaient restés fidèles à leur signature, dont l’échevin des Finances, Alexandre Loffet, qui fait pour l’instant… fonction de bourgmestre, et devrait céder le témoin d’ici à quelques semaines. Sauf circonvolutions qui le feraient rentrer dans le giron du parti?

Ces exclusions, soit dit au passage, n’avaient pas respecté la procédure interne du parti socialiste, qui aurait dû d’abord faire examiner leur cas par sa Fédération verviétoise. En les envoyant directement vers la commission de discipline (par crainte d’une approbation de leur conduite au plan verviétois?), le président du PS les avait privés d’un droit de recours sans le moindre état d’âme.

Sa passivité devant le dossier de Jean-Charles Luperto n’en est que plus surprenante. Car la barque du bourgmestre de Sambreville est drôlement chargée.

L’homme, on l’a oublié, avait vu une possible carrière ministérielle avortée à la suite d’une «plaisanterie» de très mauvais goût qu’il avait mise sur pied le 21 juin 2007, en menaçant d’incendier la maison du bourgmestre de la commune voisine de Jemeppe-sur-Sambre, Joseph Daussogne.

En novembre 2014, des perquisitions sont menées à son bureau et à son domicile, dans le cadre d’une enquête pour faits de mœurs qui se seraient produits à l’été de la même année, dans les toilettes de la station-service d’autoroute de Spy, sur l’autoroute de Wallonie.

Ces faits verront la levée de l’immunité parlementaire de celui qui était à la fois député wallon et président du Parlement de la Communauté française. Et lui vaudront sa condamnation définitive, le 29 septembre 2020, après une série de manœuvres de retardement judiciaire, qui amèneront son dossier à la Cour d’appel de Liège.

Jean-Charles Luperto se défend toujours des faits d’exhibitionnisme qui lui ont valu sa condamnation. Sa défense a consisté à dire qu’il s’était rendu dans les toilettes de cette aire d’autoroute pour… des rencontres furtives à caractère sexuel!

On voit d’ici l’argument! Si tout être humain, fût-il mandataire politique, a droit à sa vie privée, et que son orientation sexuelle ne peut lui être portée à charge, pareil comportement relève à tout le moins de l’inconduite notoire qui pourrait, ou devrait, lui valoir de ne plus pouvoir exercer une fonction mayorale… qui comprend notamment des responsabilités en matière de police!

Le président du parti socialiste ne pourra pas s’abriter longtemps derrière une communication sibylline, pour justifier une passivité dont l’effet nourrira encore un peu plus le rejet de la politique. Et se révèle désastreuse pour la classe politique wallonne dans son ensemble.

Quand le vote extrême sanctionnera pareille dérive, il sera trop tard pour se lamenter!

Muerte de un periodista de al-Jazeera: Israel añada la hipocresía al crimen


Según un informe del ejército israelí, existe una « gran posibilidad » de que Shireen Abu Akleh, la periodista estrella de Al Jazeera, fuera « alcanzada accidentalmente por los disparos del ejército israelí el 11 de mayo contra sospechosos identificados como pistoleros palestinos ».

Esta tranquilizadora conclusión es el resultado de un estudio « cronológico » de la secuencia de acontecimientos que condujeron a la muerte del periodista de la televisión qatarí; un análisis de los « sonidos » y « vídeos » grabados en el lugar de los hechos; y un análisis balístico de la bala mortal, realizado en presencia de representantes del « Comité de Coordinación de Seguridad de Estados Unidos para Israel y la Autoridad Palestina ».

Matada accidentalmente?

Toda esta verborrea pretende ahogar la palabra esencial de este comunicado: ¡Shireen Abu Baker fue asesinada ac-ci-dental-mente! Por lo tanto, nadie es responsable de su muerte. ¡Y el soldado que le disparó no será procesado!

Si no fuera trágico, tal construcción sería perfectamente risible. Sobre todo, avergüenza al Estado de Israel, que, después de haber hecho todo lo posible para eludir su responsabilidad en este asesinato y este crimen contra la libertad de prensa, se regodea ahora en la hipocresía, esperando salir impune.

Inicialmente, las autoridades israelíes afirmaron que Shireen Abu Akleh había muerto en un intercambio de disparos entre una facción palestina y soldados de las FDI. Pero no hubo suerte, la multitud de testigos en el lugar y los primeros elementos de la investigación demostraron que no hubo ningún disparo palestino: fue deliberadamente que los soldados israelíes dispararon contra una multitud desarmada en el campo de refugiados de Jenin. Volver a hablar hoy de « pistoleros palestinos » es, por tanto, una información errónea.

El resultado de la investigación, que Israel se negó a permitir que la llevara a cabo un organismo internacional, demostraría posteriormente que Shireen Abu Akleh fue efectivamente asesinada por una bala israelí. No sólo no hubo intercambio de disparos, sino que no fue alcanzada por una posible bala palestina, como intentó sugerir inicialmente el ejército israelí.

Las trágicas imágenes de la periodista de Al Jazeera mostraban también que llevaba un casco y un chaleco antibalas claramente marcado como « Prensa ».

Así que ahora intentar hacer creer al mundo que un francotirador israelí le disparó « accidentalmente » es el colmo del cinismo: toda esta logorrea tiene como objetivo ocultar el hecho de que un testigo embarazoso fue eliminado deliberadamente el 11 de mayo.

A modo de recordatorio, el funeral de la desafortunada Shireen Abu Akleh dio lugar a una musculosa intervención de la policía israelí, que no tuvo la decencia de permitir que se celebrara la ceremonia en medio del dolor de la familia y la legítima indignación de quienes la acompañaron en su último viaje.

En los días siguientes a la trágica muerte del periodista estrella de Al Jazeera, se alzaron voces pidiendo una investigación internacional sobre el incidente. Israel se negó a hacerlo y luego trató de evadir la responsabilidad de la tragedia.

Con el paso de las semanas, quedó claro que no sería posible eludir la responsabilidad del ejército israelí: el informe de hoy es su último intento de evitar que el asesino de un periodista sea llevado ante los jueces.

El asesinato de Shireen Abu Akleh se sumará así a la larga lista de asesinatos impunes de periodistas: como recordatorio, nueve de cada diez asesinatos de periodistas quedan impunes en el mundo, según los informes de la Unesco. Periodistas anónimos para periodistas famosos como Ana Politkovskaya, Daphne Caruana Galizia, Jamal Kashoggi y ahora Shireen Abu Akleh.

Para evitar que los Estados eludan sus responsabilidades, como intenta hacer Israel con este informe tranquilizador y engañoso, la Federación Internacional de Periodistas ha sugerido una resolución para ser votada por la Asamblea General de la ONU, que consideraría cualquier asesinato de un periodista como un crimen contra la libertad de prensa, y crearía un organismo internacional que podría investigar, o hacer responsables a los Estados, de las investigaciones sobre los asesinatos de periodistas. Todavía estamos esperando que las principales democracias, especialmente en Europa, apoyen este texto…

Mort d’une journaliste d’al-Jazeera: Israël revêt le crime d’hypocrisie


Ainsi donc, selon un rapport de l’armée israélienne, il y a «une forte possibilité» que Shireen Abu Akleh, journaliste vedette d’al-Jazeera, ait été, le 11 mai dernier, «touchée accidentellement par un tir de l’armée israélienne qui visait des suspects identifiés comme des hommes armés palestiniens».

Cette conclusion lénifiante fait suite à une étude «chronologique» de la séquence des événements qui ont conduit à la mort de la journaliste de la chaîne qatarie; à une analyse «des sons» et «des vidéos» enregistrées sur place; et à une analyse balistique de la balle mortelle, menée en présence de représentants du «Comité de coordination sécuritaire des Etats-Unis pour Israël et l’Autorité palestinienne».

Tuée accidentellement?

Tout ce verbiage a pour but de noyer le mot essentiel de cette communication: Shireen Abu Baker a été tuée ac-ci-dent-elle-ment! Personne n’est donc responsable de sa mort. Et le soldat qui l’a descendue ne sera donc pas poursuivi!

Si ce n’était tragique, pareille construction serait parfaitement risible. Elle fait surtout honte à l’État d’Israël, qui, après avoir tout fait pour échapper à la responsabilité de ce meurtre et de ce crime contre la liberté de la presse, se vautre aujourd’hui dans l’hypocrisie, en espérant s’en tirer à très bon compte.

Pour rappel, au départ, les autorités israéliennes avaient affimé que Shireen Abu Akleh était décédée au cours d’un échange de tirs entre une faction palestinienne et des soldats de Tsahal. Mais pas de chance, la multitude de témoins sur place, et les premiers éléments de l’enquête avaient montré qu’il n’y avait pas eu de tir palestinien: c’est délibérément que les soldats israéliens avaient fait feu sur une foule désarmée au camp de réfugiés de Jenine. Reparler aujourd’hui «d’hommes armés palestiniens» relève donc de la désinformation.

Les suites de l’enquête, qu’Israël a refusé de voir menée par une instance internationale, allaient montrer ensuite que Shireen Abu Akleh a bel et bien été tuée par une balle israélienne. Non seulement, il n’y avait pas eu d’échange de tirs, mais elle n’a pas été atteinte par un tir palestinien éventuel, comme l’armée israélienne tentait de le faire entendre au départ.

Les images tragiques de la journaliste d’al-Jazeera montraient par ailleurs qu’elle portait un casque et un gilet pare-balles portant clairement l’indication «Press».

Alors aujourd’hui tenter de faire croire au monde qu’un sniper israélien l’aurait abattue «accidentellement» relève du plus parfait cynisme: toute cette logorrhée vise à cacher le fait qu’une témoin gênante a été volontairement éliminée, le 11 mai dernier.

Pour rappel aussi, les obsèques de la malheureuse Shireen Abu Akleh ont donné lieu à une intervention musclée des forces de l’ordre israéliennes, qui n’ont pas eu la décence de laisser se dérouler la cérémonie dans la douleur de la famille et dans l’indignation légitime de celles et ceux qui l’accompagnaient dans son dernier voyage.

Dès les jours qui ont suivi la mort tragique de la journaliste vedette d’al-Jazeera, des voix s’étaient élevées pour réclamer une enquête internationale sur cet événement. Israël l’avait refusée avant de tenter, pied à pied, d’éluder sa responsabilité dans le drame.

Au fil des semaines, il lui est apparu qu’il ne lui serait pas possible d’éluder la responsabilité de l’armée israélienne: le rapport d’aujourd’hui est son ultime tentative pour éviter qu’un assassin de journaliste soit traduit devant des juges.

Le meurtre de Shireen Abu Akleh va ainsi rejoindre la longue liste des assassinats impunis de journalistes: pour rappel, neuf assassinats de journalistes sur dix restent impunis dans le monde, selon les rapports de l’Unesco. Journalistes anonymes, pour journalistes célèbres qui ont noms Ana Politkovskaïa, Daphne Caruana Galizia, Jamal Kashoggi et désormais Shireen Abu Akleh.

Pour éviter que des États puissent échapper à leurs responsabilités, comme Israël tente de le faire avec ce rapport lénifiant et mensonger, la Fédération Internationale des Journalistes a suggéré un texte de résolution à faire voter par l’assemblée générale des Nations-Unies, qui considérerait tout assassinat de journaliste comme un crime contre la liberté de la presse, et créerait un organe international susceptible d’enquêter, ou de demander aux États de rendre compte sur les enquêtes diligentées dans le cas de meurtres de journalistes. On attend toujours que les grandes démocraties, notamment européennes, soutiennent ce texte…

Rien de tel que le pétrole pour effacer toute trace de sang


Un hôte particulier est reçu à dîner à l’Élysée, ce jeudi soir, par le président de la République française, Emmanuel Macron: avec le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, la conversation roulera sans doute sur la demande des pays occidentaux, États-Unis en tête, formulée à ce pays gros exportateur de pétrole, pour qu’il augmente la production, et contribue ainsi à faire chuter les prix du baril de brut. Manière de faire baisser les prix de l’essence, du gaz, et du pétrole à la pompe, qui contribuent lourdement à la hausse des prix et à l’envol de l’inflation actuels.

Emmanuel Macron avait été l’hôte de Mohammed ben Salmane en décembre; il lui rend la «politesse» ce jeudi soir à l’Élysée

Ce n’est pas la première rencontre entre le chef de l’État français et le prince héritier saoudien: en décembre dernier, le locataire de l’Élysée s’était rendu à Djeddah, où il avait déjà chaleureusement serré la main de son hôte, encore dégoulinante du sang du journaliste saoudien dissident Jamal Khashoggi, assassiné et dépecé dans le bâtiment du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, le 2 octobre 2018.

À l’issue de cette rencontre tout de même interpellante, Emmanuel Macron avait déclaré que «tous les sujets (avaient été) abordés, y compris le respect des droits de l’Homme». Ben voyons… et aussi peut-être l’impunité scandaleuse dont bénéficient les assassins de journalistes?

Entre-temps, cinq personnes ont été condamnées à mort pour cet horrible assassinat en Arabie Saoudite, mais la sentence a ensuite été commuée en une peine de vingt ans de prison, là où la perpétuité s’impose généralement. L’un des membres du commando de tueurs est par ailleurs décédé, officiellement dans un accident de voiture.

Des lampistes, une fois de plus, ont été châtiés pour l’assassinat d’un journaliste, tandis que les commanditaires, ou plutôt le commanditaire, restaient, eux, impunis.

L’Arabie Saoudite a, il est vrai, refusé la demande d’enquête internationale sur l’assassinat de Jamal Kashoggi. Et il y avait sans doute une raison à cela: la CIA a démontré que dans les heures qui ont précédé et qui ont suivi le massacre du journaliste saoudien, le prince héritier Mohamed ben Salmane avait adressé au moins onze messages à à son proche conseiller Saoud al-Qahtani, qui supervisait «l’opération». Même si le contenu de ces messages est resté inconnu, ils trahissent l’implication directe plus que probable du prince héritier dans l’assassinat de Jamal Kashoggi, critique de ses initiatives de modernisation cosmétiques de son pays ainsi que de la guerre meurtrière que mène l’Arabie Saoudite au Yémen, dans l’indifférence générale.

En juin 2019, l’Organisation des Nations-Unies (ONU) a, elle, indiqué avoir «des preuves crédibles» de l’implication de Mohammed ben Salmane dans le forfait.

À l’époque, l’héritier du trône saoudien avait été placé au ban des nations. Mais depuis lors, bien de l’eau a coulé sous les ponts, et le pétrole ne coule plus suffisamment dans les pipelines.

Alors, toute honte bue, les chefs d’État de nos belles démocraties oublient leurs grands principes, et s’en vont, les unes après les autres, serrer la main princière, couverte du sang du journaliste. Emmanuel Macron s’y était exercé en décembre de l’année dernière; le président états-unien, Joe Biden, vient de lui emboîter le pas lors de sa récente tournée au Proche-Orient, dont le but avéré était de persuader les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) d’ouvrir plus larges les vannes.

Mais la réception de ce soir à l’Élysée est une «première»: c’est la toute première fois que le commanditaire (fortement) présumé de l’assassinat de Jamal Kashoggi est l’hôte d’un pays européen.

Sans doute, «tous les sujets y compris le respect des droits de l’homme» y seront-ils à nouveau brièvement abordés, entre la poire et le fromage?

Il en est un autre qui pourrait aussi être envisagé: le pouvoir de nettoyage du sang des produits pétroliers!

La chute de Stéphane Moreau ou la fin d’un système


La presse a fait état, ce matin, d’une quasi non-information: l’avocat de Stéphane Moreau, l’ancien patron tout-puissant de Publifin et de Nethys, a fait savoir que son client niait «avec énergie» les faits mis à sa charge de détournement par personne exerçant une fonction publique, de faux, usage de faux, escroquerie, et d’abus de biens sociaux. Le rappel de la présomption d’innocence dont bénéficie chaque inculpé a toute son utilité, mais il faut bien avouer que le contraire eût stupéfié: que le ci-devant bourgmestre d’Ans reconnaisse sa culpabilité sur toute la ligne. Les arguments brandis par son défenseur ne répondent par ailleurs guère (cf. ci-dessous) aux préventions auxquelles il doit faire face.

La remarque vaut aussi pour Pol Heyse, ancien directeur financier de Nethys, et ancien président du conseil d’administration des Éditions de l’Avenir, où ce personnage pénétré de sa grande valeur a fait la preuve à la fois de son incompétence (invité à plusieurs reprises, d’abord par l’ancien administrateur-délégué, Quentin Gemoets, puis par les délégués du personnel, à venir préciser un projet d’entreprise qu’il avait vaguement brossé le soir même de l’annonce du rachat du groupe à Corelio par l’intercommunale liégeoise Tecteo, non seulement il n’a jamais répondu à l’invitation, mais il n’a même pas accusé réception. Plus tard, on s’apercevra qu’il n’avait aucun projet à exposer dans un secteur où il ne connaissait que dalle ) et de son mépris pour le personnel: assistant à une réunion du conseil d’entreprise comme invité, il s’écriera, en prenant connaissance du nombre de personnes en congé de maladie de longue durée, que c’était «encore pire que dans une intercommunale» (sympa pour le personnel de Resa, par exemple…) et que les gens malades souffraient d’«agueusie, c’est-à-dire de manque de goût pour le travail».

Terreur, séduction et achat

Mais revenons à Stéphane Moreau, dont la chute est d’autant plus spectaculaire qu’il a, pendant quasiment un quart-de-siècle, pratiqué une politique très efficace de domination, par l’achat des personnes dérangeantes ou potentiellement dérangeantes, par la séduction, et parfois par la menace.

L’homme a rodé sa méthode avant de s’imposer comme le patron de l’ancienne Association Liégeoise d’Électricité (ALE) et de son réseau de télédistribution Teledis, ancêtres de Tecteo, rebaptisée ensuite Publifin puis Enodia, et de Nethys, la société anonyme filiale qu’il avait créée pour échapper à un contrôle wallon qu’il avait astucieusement évité.

Avant cela, au début des années 1990, celui qui était alors premier échevin à Ans, exerçait la fonction de secrétaire général de l’Intercommunale d’Incendie de Liège et Environs (IILE).

Le contexte, alors, était tendu: l’IILE avait succédé au Service Régional d’Incendie de Liège (SRIL), que la ville, en état de faillite, n’était plus en état de gérer. Le SRIL avait, comme d’autres administrations liégeoises, été confronté à un plan d’austérité, que les hommes du feu liégeois, gonflés à bloc, avaient refusé. L’épisode donnera lieu à une confrontation insolite entre pompiers et policiers de la Cité Ardente, repoussés par les autopompes des grévistes. L’épisode télévisuel fera pratiquement le tour de la terre!

Au sein de l’IILE, des communes de la périphéries… dont Ans, ne souhaitaient pas éponger les dettes du SRIL. Et les syndicats étaient toujours aussi remontés. Qu’à cela ne tienne: les délégués les plus combatifs disparaîtront bientôt de la circulation, notamment par la grâce d’un engagement au service du premier échevin ansois…

Devenu patron de Tecteo, Stéphane Moreau avait pris de la bouteille. Là aussi, il aura un plan de rationalisation à imposer. Et il le fera par la force. Une autre vidéo, celle où il enguirlande des agents en grève et leurs permanents syndicaux est elle aussi passée à la postérité.

C’est aussi à cette époque qu’il se rend coupable d’un abus de pouvoir étrangement ignoré par l’autorité de tutelle: quand des grévistes occupent le site d’antenne de Teledis, à Ans, et perturbent ainsi le réseau de télédistribution, le patron de Teledis, Stéphane Moreau, s’adresse au bourgmestre d’Ans, Moreau Stéphane, lequel mande sa police communale pour aller déloger les grévistes du site d’antenne, un site par essence privé. Vous avez dit confusion des rôles?

Même attitude à l’égard de la presse critique: des boycotts publicitaires frapperont pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois Vers l’Avenir et Le Soir, après des articles portant sur la multitude de ses mandats, ou qui commencent à interroger sa gouvernance à la tête de l’intercommunale.

Mais l’homme sait aussi se faire charmeur. Il crée le «Voo Rire Festival», et ce festival du rire de Liège lui permettra de nouer de nombreuses relations, auprès des artistes reconnaissant, après de nombreux invités et puis parmi la presse, liégeoise essentiellement. Au banquet final, parmi les quelques «happy few» invités au terme d’un apéritif largement ouvert, on trouvera régulièrement des représentant(e)s de la presse principautaire, dont l’un, plus tard, sera choisi pour tenter, en pure perte, de mettre la rédaction de L’Avenir au pas, et qui a effectué ces derniers jours sur une chaîne d’information continue belge une forme assez remarquable de volte-face par rapport à son ancien protecteur. Parmi les habitués, il y aura aussi des représentants de la «grande presse» dont l’interviewer indéboulonnable d’une chaîne privée, récompensé par une obscure mission de conseiller du grand patron, toujours dans le cadre du rachat des Éditions de l’Avenir par Tecteo (cf. ci-dessous).

On reconnaîtra à Stéphane Moreau une redoutable habileté manœuvrière, quand il soustraira l’intercommunale Tecteo au contrôle wallon, en excipant la présence, parmi les communes affiliées, de Fourons, historiquement desservie par l’ALE, et en plaidant avec succès que l’intercommunale, ainsi bicommunautaire (elle sera même tricommunautaire, plus tard, avec l’adhésion de la commune d’Uccle) échappe au contrôle de la Région wallonne.

Au Parlement wallon, Bernard Wesphael, membre d’un groupe écolo singulièrement écorné, tentera alors de faire adopter un décret pour imposer, malgré tout un contrôle sur Tecteo, mais sa proposition, venant de l’opposition, ne sera jamais retenue…

Ainsi assuré d’une totale liberté d’action, Stéphane Moreau développera Nethys avec d’autant plus de facilité que les plantureux bénéfices de Resa, le réseau de distribution d’électricité qui a succédé à la défunte Association Liégeois d’Électricité, rejointe plus tard par l’Association Liégeoise du Gaz (ALG) , lui permettront de financer notamment l’onéreux développement du réseau câblé de Voo, héritier de Teledis.

Plus tard, son sens de l’ingéniérie financière le poussera à transférer l’argent des pensions des agents de l’ALE, et de plusieurs intercommunales liégeoises dans un Fonds de pension, Ogeo, dont certains investissements se révéleront hasardeux, par exemple en République démocratique du Congo ou surprenants, comme ces investissements immobiliers à Anvers, révélés par une excellente enquête de nos confrères du Vif, dont l’une des retombées sera ce soutien incongru de la N-VA aux élus socialistes de la Chambre, pour faire obstacle à la demande de levée d’immunité parlementaire de l’un d’entre eux, le député-bourgmestre de Seraing, Alain Mathot (cf. ci-dessous), poursuivi dans un dossier de corruption. Les derniers retraités de l’Association Liégeoise d’Électricité, frustrés d’avantages accordées à leurs prédécesseurs tandis qu’eux étaient toujours en activité, tenteront, mais en vain, d’obtenir de la Justice qu’elle force Tecteo à respecter les engagements souscrits par l’ALE.

Collusion politique

Avoir de l’ambition, en tant que chef d’entreprise, peut être collectivement positif. C’est d’ailleurs la parade, aujourd’hui, de Stéphane Moreau, qui, comme si c’était une circonstance atténuante à l’égard des préventions mises à sa charge, et dont, pour l’heure, il est toujours présumé innocent, plaide l’extraordinaire développement de Nethys qu’il a assuré essentiellement, on le répète, avec de l’argent public, provenant de l’intercommunale Publifin, ex-Tecteo et future Enodia, et de sa filiale Resa.

Mais, à force d’échapper à tout contrôle, l’ambition devient débridée. Celle de Stéphane Moreau, sur le plan politique, le conduira à «tuer le père». Michel Daerden, l’inamovible mayeur ansois, est sur le déclin, quand il se sent pousser dans le dos par son peu fidèle premier échevin. Il croit toujours pouvoir mobiliser ses soutiens traditionnels, et lance contre le renégat une motion de défiance… qui se retourne contre lui. Et il ne trouve pas le moindre soutien à la Fédération liégeoise du parti socialiste, où ses manières autoritaires et sa dérive suscitent de plus en plus de réticence. Stéphane Moreau devient donc premier citoyen dans sa commune du plateau liégeois.

Avec le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer, président de la Fédération liégeoise du parti socialiste; avec le député provincial sérésien, André Gilles; avec le député-bourgmestre de Seraing, Alain Mathot; et avec Jean-Claude Marcourt, alors ministre wallon de l’Économie, et qui se rêvait ministre-président wallon, il fait ensuite partie du «club des cinq» cadenassant la Fédération.

La protection politique se parfait au sein de la coalition provinciale (la province de Liège est actionnaire majoritaire de l’intercommunale) entre le PS et son partenaire libéral, le MR, conduit par son chef de file, Georges Pire, tandis que le PSC puis le cdH est habilement associé à l’opération, puisque les mandats dans les intercommunales sont distribués selon la clé D’Hondt au prorata de la représentation des partis au sein de l’institution provinciale. On retiendra notamment le rôle joué par l’inamovible chef de groupe social-chrétien, puis humaniste, Dominique Drion dans une série de décisions cruciales.

Stéphane Moreau, qui avait déjà fait entrer Tecteo dans le capital de la société IPM, éditrice de La Libre et de La Dernière Heure, se porte alors acquéreur, à un prix nettement supérieur à leur valeur réelle, des Éditions de l’Avenir.

La manoeuvre avait peut-être dans son esprit pour but de lui assurer une protection médiatique contre d’éventuels futurs orages. Mais là, le calcul allait se révéler foireux.

D’abord parce que le rachat des quotidiens du groupe provoque une levée de boucliers dans la classe politique, où, comme rappelé plus haut, certains iront jusqu’à évoquer une «Berlusconisation» de la presse francophone, en référence au magnat italien de la presse, devenu un Président du conseil des plus discutables.

Très vite, par ailleurs, le conflit éclatera entre un personnel qui avait pu croire dans un projet industriel de Nethys vers des développements numériques, mais constats la vanité de cette attente, et à qui les pressions exercées par le rédacteur en chef de l’époque, et les tentatives de peser sur le contenu des quotidiens, apparurent rapidement insupportables

Le comble sera atteint avec la désignation, au mépris des conventions existantes, d’un directeur des rédactions «aux ordres», qui se signalera dès son arrivée par un éditorial, aux antipodes de la politique d’indépendance du groupe, volant au secours du député-bourgmestre de Seraing, toujours dans le dossier de corruption à sa charge, et dont l’épilogue judiciaire est attendu pour les prochains jours. Plus tard, lors d’une séance au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, invité à se pencher sur une forme de censure exercée par la direction du groupe, l’estime dans lequel cette dernière tenait ce directeur des rédactions sera enregistrée par une autre vidéo particulièrement significative, qui fera le tour de la toile.

L’obsession de l’argent

Autre caillou dans la chaussure de Stéphane Moreau: l’obstination d’un échevin des Finances d’Olne. Cédric Halin a des compétences en matière financière et analytique, et sa présence aux assemblées générales de Tecteo n’avait pas pour but essentiel de voter l’approbation des comptes et la décharge aux administrateurs, avant de se précipiter sur les petits fours de circonstance, mais de comprendre pourquoi les dividendes perçus par la petite commune liégeoise dont il est devenu depuis lors le bourgmestre, fondaient comme neige au soleil.

C’est en tirant sur ce fil que la dérive des comités de secteur, créés au moment de la fusion entre ALE et ALG, et où des mandataires publics se voyaient octroyer une rente mensuelle en compensation de réunions qui avaient… ou n’avaient pas lieu, que le «scandale Publifin» a commencé à éclater, dans la sphère médiatique d’abord, dans les cénacles politiques ensuite, et, de fil en aiguille, se prolongent ces jours-ci sur le plan judiciaire.

Car entre-temps, l’autorité wallonne, réveillée, avait mis des garde-fous en place, notamment pour limiter le salaires de ces super-managers d’autant plus efficaces qu’ils jouent avec de l’argent public, même au travers de sociétés anonyme dont les actionnaires sont tous publics. C’est alors que de faramineuses indemnités compensatoires auraient été subrepticement octroyées à Stéphane Moreau; au directeur financier de Nethys, Pol Heyse; à la directrice générale, Bénédicte Bayer; et une série d’autres personnes, dont certaines, une fois le scandale mis au jour, se sont empressées de rembourser les montants, bien moindres que les millions d’euros évoqués, qui leur avaient été attribués. Pour ainsi sans doute se mettre à l’abri des poursuites.

L’argent semble en effet être le gros point faible de Stéphane Moreau. Comment expliquer, autrement un faux à l’assurance, sous forme d’une police antidatée, pour éviter de devoir rembourser les frais de réparation d’un… abri de jardin détruit par un arbre tombé lors d’une tempête? Ou une domiciliation fictive avec sa compagne, pour majorer le montant d’une assurance-pension à son bénéfice? Et ces tentatives désespérées de vendre pour une bouchée de pain à l’homme d’affaires François Fornieri, lui aussi détenu, au prix d’une forme de délit d’initié puisque ce dernier était administrateur de Nethys, de filiales qui rapportent gros aujourd’hui et dont il aurait dû devenir administrateur-délégué, une fois venue la défenestration qu’il sentait venir?

Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. Les appuis politiques d’hier sont aujourd’hui aux abonnés absents, et les affidés médiatiques, au mieux, jouent la carte de l’oubli, ou ont retourné leur veste. L’ancien patron omnipotent de Nethys et de Tecteo a pu jouer la montre, en (ab)usant de la transaction pénale, pour éviter des condamnations qui apparaissaient inéluctables. Cette voie, aujourd’hui, lui paraît fermée. Lui reste à espérer un acquittement: le travail de ses avocats a déjà commencé.

L’absence de lettres a remplacé la lettre de cachet qui valait détention


Tout me semblait avoir été suffisamment dit sur les poursuites engagées contre ce cycliste sexagénaire cloué au pilori des réseaux sociaux pour avoir heurté du genou une fillette qui n’en a heureusement souffert aucun dommage sur les pistes enneigées des Fagnes, et je ne comptais donc pas y revenir. Pourtant, les informations subséquentes sur cet incident sont tellement à la fois significatives et surréalistes qu’il me semble difficile de rester muet à ce propos.

Dès le départ, je m’interrogeais à la fois sur l’attitude du père de l’enfant qui me paraissait n’avoir pas eu le bon réflexe en filmant la scène plutôt qu’en intervenant pour l’écarter de la trajectoire du cycliste et sur celle du cycliste qui me paraissait ne pas avoir eu l’élémentaire politesse de s’arrêter pour s’excuser et s’enquérir de l’état de l’enfant après sa chute

Or il apparaît tout d’abord que le cycliste s’est bel et bien arrêté mais que l’agressivité, peut-être compréhensible, du père l’a dissuadé de prendre contact et qu’il a décidé de reprendre sa route.

Le père a décidé de poster sa vidéo sur les réseaux sociaux, déclenchant un torrent de commentaires haineux, sur lesquels je ne reviendrai pas. Pas plus que sur l’initiative du parquet de Verviers d’entamer des poursuites à l’égard du cycliste, et de préciser qu’il était passible d’un an de prison. Déclenchant un tas de questions sur sa soumission à l’égard de l’opinion publique et de sa loi du talion.

Et voilà qu’aujourd’hui, il apparaît que le cycliste, après s’être présenté à la police, «a passé une nuit au poste…au motif qu’il s’est présenté a 20 heures» au poste, et que la magistrate du parquet verviétois, après avoir précisé qu’une plainte du père de la fillette avait précédé la diffusion de messages de haine sur le Web (et aussi la mise en ligne du film de l’incident?) a expliqué que, « le temps qu’il soit entendu et que sa déposition soit transmise, il était 1 heure ou 2 du matin » mais que, « pour la citation directe, il faut un programme informatique qui détermine la date de l’audience, et il faut une procédure dactylographiée » qu’«on ne sait pas faire cela en pleine nuit »… et qu’« il est donc tout à fait courant que dans ce cas , la personne soit privée de liberté jusqu’au matin ».

Si l’on comprend donc bien, un honnête citoyen qui a le civisme de répondre à un appel de la police pour un événement mineur qui lui a déjà valu des déclarations de haine en ligne, a dû passer une nuit en cellule, à l’instar de cambrioleurs, ou d’auteurs de tentatives d’assassinat, parce que personne ne pouvait taper sur un clavier pour noter une déclaration de quelques lignes, et qu’un programme informatique n’est pas fichu de fixer une date d’audience rapprochée, en vérifiant les programmes déjà fixés!

Sous l’Ancien régime, des « lettres de cachet » envoyaient des innocents à la Bastille, et voilà qu’au XXIe siècle, l’absence de caractères imprimés suffit à condamner à une nuit de détention un homme présumé innocent, qui ne représente aucun danger pour la société, qu’on ne peut soupçonner de vouloir s’enfuir, et qui pourrait par ailleurs porter plainte pour dénonciation calomnieuse et incitation à la haine contre le père de la gamine.

On connaît certes la grande misère de l’appareil judiciaire, auquel le nouveau ministre de la Justice promet une informatisation rapide…comme l’ont fait au moins une dizaine de ses prédécesseurs. Mais à quoi serviraient des ordinateurs flambant neufs au parquet… si personne n’est capable de s’en servir? Mettre une conductrice ou un conducteur du dimanche au volant de la plus performante des Formule 1 ne lui permettra jamais de remporter le moindre Grand Prix!

Un adage ancien disait « De minimis non curat Praetor ». Les magistrats belges qui, à leur corps défendant, ont accumulé un arriéré judiciaire épouvantable, et doivent faire face à des crimes et délits aussi variés que le terrorisme islamiste ou les délits informatiques, devraient plus que jamais ne pas se préoccuper de broutilles.

Ce qui se passe en cette fin d’année indique une évolution inverse, et pire consacre la toute-puissance du jugement populaire expéditif. Si cette tendance s’affirme, on verra bientôt des politiques réclamer le rétablissement de la peine de mort. À moins que le parquet verviétois se ressaisisse, voire poursuive les appels à la haine enregistrés en ligne? Ou que le juge du fond prononce le non-lieu qui semble devoir s’imposer.

Pour certains criminels, la perpétuité est la seule réponse


C’est une nouvelle fois avec beaucoup de dignité que Gino Russo a réagi, ces jours-ci, à la récente publication par Bruno Dayez, d’un essai au titre provocateur « Pouquoi libérer Dutroux? » à peine modéré par son sous-titre « Pour un humanisme pénal ». Le papa de Mélissa, une des victimes avec sa copine Julie Lejeune, du tueur en série a mis en ligne des images vidéo de la courte vie de sa fille, dont les dernières ont été tournées quelques jours à peine avant qu’elle ne tombe dans les griffes de celui dont l’avocat bruxellois est le dernier défenseur en date – feu Julien Pierre s’etait consacré à cette tâche ô combien ingrate avec un acharnement doublé d’une grande dignité, Xavier Magnée s’est attelé ensuite devant la cour d’assises d’Arlon à une défense sans espoir…- mais qui, surtout, après avoir assassiné dans des conditions atroces son complice Bernard Weinstein, allait récidiver avec les malheureuses An Marchal et Eefje Lambrecks, puis enlever Sabine Dardenne et Laetitia Delhez.

Rappeler ces faits insupportables, c’était le but de Gino Russo, en rendant publiques ces images relevant de la sphère intime d’une famille toujours marquée par le drame qui lui a été infligé. Toujours avec la dignité qui, depuis 1995, a caractérisé les parents des deux fillettes. Faut-il rappeler que, pas plus que les parents de Marc Kisteman et Corinne Malmédier, dont le second assassin, Thierry Bourgard, vient à son tour de mourir en prison, n’ont jamais tenu ds discours de haine qui, à l’époque, auraient provoqué en Wallonie une déferlante d’extrême-droite dont nous n’aurions pas fini de nous relever?

Celles et ceux qui ont lancé ces dernières semaines une véritable chasse à l’homme contre Michel Lelièvre, le complice de Dutroux, font honte à cette dignité. Même si on ne peut oublier les faits dont cet individu s’est rendu coupable, il a purgé sa peine et à ce titre a droit à se reconstruire. Ce qui est loin d’être gagné, si ses années de détention l’ont aidé à prendre la mesure des crimes dont il s’est rendu complice.

N’en déplaise à Bruno Dayez, Marc Dutroux appartient à une autre sorte de criminels, dont on ne peut attendre le moindre amendement, et dont la dangerosité ne s’eteint pas au fil du temps.

L’horreur répétée de ses crimes en témoigne, de même que sa totale absence de repentir, fût-elle plus ou moins feinte. Le raisonnement vaut aussi pour un Michel Fournier, le ravisseur et l’assassin d’Elisabeth Brichet et de plusieurs autres jeunes filles, dont la liste n’est sans doute pas complète. Il vaut pour un Francis Heaulme, le vagabond assassin. Il valait également pour Thierry Muselle et Thierry Bourgard, les deux petites frappes muées en sauvages assassins de Marc et Corinne, en 1992, et que l’odeur du sang avait pervertis à jamais.

Tout cela, Bruno Dayez le sait très bien. Ou il devrait le savoir, et s’il ne le sait pas, c’est assez inquiétant. Et voici pourquoi le titre racoleur qu’il a donné à son essai nous paraît manquer d’une élémentaire dignité. Il est des dossiers qui ne peuvent être invoqués pour défendre une juste cause: personne ne pourrait plaider les cas d’Adolf Hitler ou de Joseph Staline au bénéfice d’un plaidoyer en faveur de l’amendement possible.

« En parfaite connaissance de cause et après mûre réflexion, je maintiens que la peine capitale était une barbarie heureusement révolue. Que la perpétuité réelle est une ignominie et son abolition une urgence. Que l’emprisonnement effectif ne devrait jamais compromettre toute perspective d’avenir. Que, partant, il ne devrait jamais excéder une durée raisonnable (que j’évalue subjectivement à vingt-cinq ans, mais que l’on pourrait aisément ramener à moins). Que le seul but final de toute peine d’emprisonnement doit être la réintégration du détenu dans la société libre » a expliqué Bruno Dayez en marge de la publication de son essai.

Personne ne trouve évidemment à redire à ce principe général. Mais toute règle générale connaît ses exceptions, et le cas de Marc Dutroux échappe précisément à ce principe généreux et général.

C’est… Bruno Dayez lui-même qui l’a d’ailleurs exprimé dans une carte blanche publiée en 2016, par laquelle il se donnait une visibilité douteuse en invoquant déjà le dossier Dutroux.

La réclusion à perpétuité, posait-il n’est pas « une décision de justice (au sens fort de ce mot), mais un acte de barbarie » qui devrait être effacée à tout jamais de notre Code pénal », car « il n’y a pas foncièrement de différence de nature entre une condamnation à mort et une condamnation à vie ». Argument spécieux car une erreur judiciaire avérée permet de revenir sur une condamnation à perpétuité, alors qu’une condamnation à mort est par définition irrévocable.

« Aucun individu n’est réductible à l’un ou plusieurs de ses actes » ajoutait-il. Raisonnement à nouveau correct mais qui ne s’applique pas aux tueurs en série incapables d’échapper à leurs actes. On approuvera par contre son affirmation de l’absence « d’équivalence réelle entre un crime et la peine qui le sanctionne»: aucune peine effective ne peut égaler l’horreur des crimes de Marc Dutroux, la peine extrême est le minimum qui puisse les sanctionner.

«Si l’on peut dire d’un acte qu’il est inexcusable, il est interdit de dire de son auteur qu’il est définitivement inamendable » plaidait encore Bruno Dayez. Des Dutroux, Fourniret, Heaulme sont effectivement définis inamendables. Comme l’étaient feu Muselle et Bourgard. De tels criminels doivent définitivement être empêchés de récidiver.

« La vocation d’une peine n’est plus exclusivement de punir » poursuivait Bruno Dayez. Sa vocation… première est de punir les auteurs de crimes à l’aune des faits dont ils se sont rendus coupables.

« La perpétuité équivaut à nier l’humanité du condamné puiqu’elle lui dénie sa liberté » concluait Bruno Dayez. La manière dont Dutroux a traité Weinstein, Julie et Mélissa, An et Eefje, Sabine et Laetitia, n’avait rien d’humain…