Et si on réformait l’index pour qu’il réduise l’inégalité sociale?


Appliquer l’index intégralement, comme le défend le ministre socialiste fédéral de l’Économie et du Travail, Pierre-Yves Dermagne, ou en exonérer une partie des charges patronales, comme le suggère son collègue libéral des Classes moyennes, David Clarinval? Le débat, au sein du gouvernement fédéral, va une nouvelle fois opposer la gauche et la droite, en attendant la conclusion d’un compromis.

Le débat autour de l’index n’est pas neuf… et il va rarement au fond des choses.

Côté patronal, le mécanisme est souvent remis en cause. En mettant en avant le handicap de compétitivité que subissent nos entreprises à l’égard de leurs concurrentes étrangères, établies dans des pays où les adaptations de salaires à l’indice de prix ne sont pas automatiques. Au sein de l’Union européenne, la Belgique et la Grèce sont, sauf erreur de ma part, les seuls pays à conserver cette adaptation systématique.

Un mécanisme de protection sociale favorable à l’économie, mais qu’il faudrait sans doute réformer…

L’index est incontestablement un mécanisme de protection sociale, que la gauche en général, les syndicats en particulier, défendent avec raison. Pour l’oublier toutefois, dès qu’il est question de la fixation de la norme d’augmentation des salaires. Au point que les syndicats n’hésitent pas à plaider une augmentation plus forte des salaires, dans les secteurs économiques qui se portent bien, quitte ainsi à oublier la solidarité entre travailleurs sur laquelle ils sont censés baser leur action.

Surtout, côté syndical, on n’échappe pas à la critique patronale selon laquelle, quand ils se plaignent de la modestie de la norme ainsi fixée, ils oublient le mécanisme d’indexation automatique des salaires et des allocations sociales. Que la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) met d’office en cause dans la foulée. Retour au paragraphe précédent.

Reste que pour les chefs d’entreprise, aujourd’hui, et spécialement aux dirigeants des Petites et Moyennes Entreprises (PME), l’indexation répétée des salaires depuis un an, ajoutée à l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie, pose un problème aigu de gestion. Qui débouche parfois sur des propositions d’économie, voire sur des réductions d’emploi.

Et pourtant, quand on y réfléchit bien, ce mécanisme de protection sociale, favorable à l’économie, puisqu’il préserve le pouvoir d’achat des consommateurs, a un effet pervers: son application mécanique… creuse l’inégalité sociale.

Dès lors que tous les salaires et toutes les allocations sociales augmentent de la même manière en pourcentage, l’écart devient en effet plus grand entre les bas et les hauts salaires, à chaque adaptation salariale.

Le paradoxe n’est pas difficile à démontrer: au 1er avril dernier, le salaire minimum interprofessionnel a été fixé en Belgique à 1806,16 euros. Imaginons une augmentation de 5% (90,30 euros), il serait ainsi porté à 1896,46 euros. Un salaire de 2500 euros, lui, augmentera de 125 euros pour se chiffrer à 2625 euros. Et quand on envisage des salaires plus importants, de 5000, de 10000, de 15000 euros mensuels, ou plus, on voit qu’à chaque application mécanique de l’index, l’écart se creuse de plus en plus.

Comment corriger cette dérive?

Le thème mérite un examen en profondeur. On pourrait par exemple imaginer un «lissage» de l’application de l’index, qui serait entier pour les plus bas salaires, et se réduirait par paliers vers les plus hauts salaires, où son application ne serait que partielle.

On voit d’ici le problème: où placer les curseurs? Les empoignades à ce sujet pourraient être homériques.

Un rappel : lors d’une dernières négociations des conventions collectives de travail pour la presse écrite quotidienne par l’association des journalistes professionnels (AJP) -une «organisation corporatiste» comme l’a qualifiée un jour avec mépris la secrétaire générale de la CSC- les augmentations barémiques mises en place au moment où les journaux connaissaient leur âge d’or, étaient mises en cause par les éditeurs de quotidiens. La volonté des journalistes était de les conserver, surtout en faveur des journalistes débutant(e)s. La solution: les «lisser», et de ne plus conserver que… l’indexation pour les salaires des journalistes comptant 30 années d’ancienneté ou plus. Le système a perduré… et personne ne s’en est plaint.

Des empoignades homériques peuvent toujours se conclure par des accords… si chacun veut y mettre du sien.

Une journaliste à la tête de la diplomatie belge: un pari plus que risqué


Hadja Lahbib, l’ancienne présentatrice du JT de la RTBF, n’aura pas vraiment eu le temps de se préparer à sa nouvelle fonction de ministre des Affaires étrangères : quelques jours à peine après l’annonce décoiffante de sa nomination au poste prestigieux de ministre des Affaires étrangères du royaume de Belgique, elle a participé ce lundi à un conseil européen des ministres des Affaires étrangères, où les sujets cruciaux, à commencer par la guerre en Ukraine, ne manquaient pas.

Un week-end studieux pour la nouvelle ministre

Elle s’y est préparée tout le week-end, a-t-elle expliqué à ses ex-collègues qu’elle a autorisés à l’accompagner ce lundi matin, un peu comme pour se faire pardonner d’avoir décliné leur invitation à venir s’expliquer sur le plateau, qu’elle connaît bien, du journal télévisé de la chaîne publique, le soir de sa désignation-surprise.

Elle s’y est préparée comme une étudiante préparant un examen délicat à l’université: la réflexion nous est venue lorsque nous l’avons vue parmi ses homologues des Vingt-Sept, un peu comme une candidate face à un jury central.

On imagine qu’elle ne sera pas sortie des clous qui lui avaient été tracés au cours de ce conseil des ministres européens des Affaires étrangères.

Un apprentissage nécessaire pour la «bleue» du conseil européen des ministres des Affaires étrangères

Si, sur la guerre en Ukraine, une relative discrétion de la nouvelle cheffe de la diplomatie belge peut se concevoir sous forme d’un alignement strict sur les positions de l’Union Européenne, ce pourrait se révéler beaucoup plus gênant sur le dossier congolais, dont il devait aussi être question lors de ce Sommet. Car, en République Démocratique du Congo, c’est la Belgique qui est censée donner le la à l’Europe. Or, dans toutes les qualités invoquées par le président du MR, Georges-Louis Bouchez, pour justifier son choix détonant, il n’a pas été question du Congo, sauf erreur…

Selon un vieux proverbe wallon, un nouveau balai balaie toujours mieux qu’un ancien. On ne risquera pas la comparaison : celle dont la biographie ne rappelle pas ses débuts de stagiaire au siège liégeois de RTL-TVI, devra faire ses preuves d’ici à la fin de la législature, pour démontrer qu’elle est à sa place à la tête d’une département qui a connu, dans le temps, des figures comme Paul-Henri Spaak, Pierre Harmel, Louis Michel, et Didier Reynders, et, à l’échelle européenne, un Jean Rey, éminent président de la Commission, avant Herman van Rompuy et Charles Michel, présidents du Conseil. Sans oublier Guy Verhofstadt: l’ancien Premier ministre libéral flamand est une des figures de proue du Parlement.

C’est ce qu’on lui souhaite et pour elle et pour le pays. Il serait dramatique que l’erreur de casting du tonitruant président du Mouvement Réformateur soit aussi désastreuse que quand il avait préféré Jacqueline Galant aux Communications, ignorant l’expertise d’un François Bellot, rappelé ensuite d’urgence pour réparer les erreurs de la bourgmestre de Jurbise…

Peut-être l’alors député-bourgmestre de Rochefort payai-il sa méconnaissance totale du néerlandais?

Sur ce plan, Hadja Lahbib, complètement inconnue au nord du pays, n’est guère plus performante. Si, lors de la conférence de presse qui a dévoilé son nom, elle a prononcé quelques mots d’introduction dans la langue de Vondel, en interview, après deux ou trois phrases hésitantes en néerlandais, elle a poursuivi en français, en avouant, au micro de la VRT, qu’elle devrait s’améliorer sur ce plan. Et l’interview qu’elle a donnée à la même chaîne publique flamande, après le conseil des ministres européens, elle l’a prononcée… en français.

Bien sûr, son mentor, Georges-Louis Bouchez, est moins performant qu’elle en la matière, mais quand on est à la tête de la diplomatie belge, c’est là une lacune impardonnable. Les récents prédécesseurs libéraux de Hadja Lahbib parlaient parfaitement le néerlandais (Didier Reynders) ou en avaient une connaissance approfondie (Louis Michel). Philippe Goffin et Sophie Wilmès, eux, tiraient plus ou moins bien leur plan…

L’autre aspect de cet enrôlement-surprise au MR, c’est évidemment pour les libéraux d’aligner une figure de proue issue de l’immigration à Bruxelles, lors des prochaines élections législatives fédérales.

Ce sera l’occasion pour Hadja Lahbib d’acquérir la légitimité démocratique qui lui manque, puisque comme Mathieu Michel au fédéral , et Adrien Dolimont à la Région, l’ancienne journaliste de la RTBF ne dispose d’aucun mandat électif. En France, à l’inverse, le président de cette République couronnée, Emmanuel Macron, avait expliqué avant les dernières législatives que les ministres non-réélu(e)s devaient se retirer. Et des têtes sont tombées…

Bien sûr, selon le prescrit constitutionnel, « le Roi nomme et révoque les ministres », et rien n’est dit à propos de la nécessité pour les ministres d’être des élu(e)s du peuple. Mais en l’occurrence, le président du MR se substitue au Roi, et le pli qui est le sien de choisir des ministres en dehors des assemblées élues fait désordre à l’heure où les partis éprouvent de plus en plus de difficultés à dénicher des candidat(e)s, surtout au niveau local. Il fut un temps où on faisait ses dents au niveau communal avant de siéger au Parlement pour devenir ensuite ministre. Georges-Louis Bouchez préfère renverser la table. L’exercice peut être périlleux…

Du côté de Hadja Lahbib, qui se disait « ni de droite ni de gauche » (mais bien au contraire?), il faudra rapidement aussi sortir de l’ambiguïté voire de l’hypocrisie, car on ne doute pas que sa désignation ne se double d’une promesse d’adhésion au MR. Ce qu’elle a déjà amorcé ce lundi en parlant de « libéralisme du centre » une notion assez neuve en politique. On verra si elle fera florès…

La ministre se rappellera-t-elle la journaliste?

Observateurs de la vie politique, les journalistes ont depuis toujours l’envie de passer de l’autre côté de la barrière. Si la Constitution belge, depuis l’origine, a érigé la liberté de la Presse comme un de ses principes fondamentaux, c’est tout simplement parce que… de nombreux journalistes, qui avaient souffert de la censure hollandaise, siégeaient dans la Constituante de 1830-1831. Cette proximité a subsisté longtemps, mais, depuis le début des années 1960, et la création légale en Belgique du titre de journaliste professionnel(le), elle avait progressivement disparu. Mais pas complètement: lors des débuts dans le journalisme de l’auteur de ce blog, il s’est retrouvé, à Huy-Waremme face à un sénateur, puis un député appelé Frédéric François. Non pas le chanteur, mais, à l’époque, le défunt ancien grand reporter et commentateur de la RTB qui n’était pas encore RTBF, venu défier sur ses terres, sous les couleurs du PSC, qui n’avait pas encore cédé le témoin au cdH et encore moins aux Engagés, le tout puissant bourgmestre socialiste de Waremme, Edmond Leburton, qui n’avait pas encore été victime du régionalisme qui a prévalu au sein du PS. Ces derniers temps, de plus en plus de journalistes ont été tentés par la politique… ce qui postulait dans leur chef l’abandon de leur profession, sauf à la RTBF, où certain(e)s peuvent toujours bénéficier de congés politiques. Josy Dubié, au Parlement fédéral, et son frère, Jean-Claude Defossé, au Parlement bruxellois se sont engagés chez Ecolo, mais sont sortis, surtout le second, assez déçus de leurs expériences parlementaires respectives. Jean-Paul Procureur et Anne Delvaux ont connu des fortunes diverses au cdH, et particulièrement l’ancienne présentatrice, elle aussi, du JT, débarquée à Liège dans des circonstances douloureuses pour elle.

Le MR,lui, a surtout recruté des ancien(ne)s journalistes, tant du côté de la chaîne privée, et avec un certain bonheur, puisque Frédérique Ries s’est imposée comme un députée européenne active, tandis que Florence Reuter a fini par hériter, à Waterloo, du mandat mayoral délaissé par Serge Kubla, empêtré dans une affaire judiciaire. Michel De Maegd, dernière recrue en date de RTL-TVI, siège, lui, au Parlement fédéral. Mais, alors que la RTB, pas encore F, passait pour un repaire de journalistes d’extrême-gauche dans les années 70, c’est là que les libéraux francophones ont réussi à convaincre Olivier Maroy, à la Région, et désormais Hadja Lahbib, de s’engager sous leur bannière. Élu, puis réélu, Olivier Maroy n’a jamais oublié ses débuts journalistiques: dans le long conflit qui l’a opposée à son ancien actionnaire Nethys, la rédaction de «L’Avenir» a toujours trouvé en lui une oreille très attentive. On espère que la nouvelle ministre des Affaires étrangères imitera cet exemple, et qu’au contraire de ses deux plus récents prédécesseurs, elle accordera toute son attention au projet de la Fédération Internationale des Journaliste (FIJ) de Déclaration à soumettre à l’assemblée générale des Nations-Unies pour lutter contre l’impunité scandaleuse dont bénéficient toujours neuf assassins de journalistes sur dix dans le monde…

Un premier faux-pas qu’il sera difficile d’effacer

Bien sûr, la toute nouvelle ministre belge des Affaires étrangères a fait part à son homologue ukrainien, Dmytro Kouleba, de l’«indéfectible solidarité» de la Belgique avec son pays agressé par la Russie de Vladimir Poutine. Et elle a exprimé le souhait de se rendre «bientôt» à Kiev, où, expliquait ce jeudi soir la VRT, elle ne sera accueillie que si elle présente des excuses complètes pour l’impair qu’elle a commis en se rendant de manière «illégale» pour les autorités ukrainiennes, en Crimée, annexée par la Russie en 2014.

Ce voyage, l’ancienne journaliste puis réalisatrice de la RTBF, l’a effectué en 2021. Et, néophyte en politique, elle a été prise de court par l’attaque du chef de groupe de la N-VA au Parlement fédéral, Peter De Roover, qui a rapidement accumulé les éléments accablants sur ce périple. Hadja Lhabib est en effet passée par Moscou pour se rendre en Crimée, dont l’annexion, non reconnue par la communauté internationale, a valu à la Russie ses premières sanctions, il y a huit ans. Ce déplacement, a-t-il ajouté, était destiné à prendre part à un festival culturel dont l’une des sociétés organisatrices est présidée par Katerina Tikhonova, l’une des filles du président russe Vladimir Poutine. Et il aurait été financé, en partie du moins, par Gazprom, la société étatique gazière russe, que le locataire du Kremlin utilise comme arme économique contre l’Union Européenne, pour son soutien à l’Ukraine, a ajouté Georges Dallemagne, député des «Engagés».

La RTBF a finalement décidé de ne pas pousser le projet plus avant, parce que la nécessaire indépendance journalistique n’était pas garantie. Cela n’avait pas empêché Hadja Lahbib de se répandre sur la Première, dans une interview radio, où il ressortait de ses propos que la Crimée est bien russe. (https://www.facebook.com/100003668988302/videos/572743527225033/). Ce sont ces propos, tout autant que le caractère «illégal» de son voyage qui valent aujourd’hui à la ministre des Affaires étrangères l’irritation des autorités ukrainiennes.

«En faisant le tour de mes réseaux sociaux, vous avez visiblement raté le fait que j’étais journaliste avant de devenir ministre» a répliqué Hadja Lahbib à Peter De Roover. Étrange défense que celle-là: une journaliste de qualité -et on peut supposer que l’ancienne présentatrice du JT de la RTBF est une journaliste de qualité- pouvait-elle ignorer l’annexion de la Crimée par la Russie, le fait que cette annexion ne soit pas reconnue par la communauté internationale, et que l’Union européenne, et donc la Belgique, a pris dès 2014 des sanctions contre la Russie en réplique à ce coup de force! Ignorait-elle donc qu’un état de guerre de fait existait déjà entre l’Ukraine et la Russie? Que les associations de journalistes, et notamment la Fédération Européenne des Journalistes, menaient des actions, soutenues par l’Europe, afin de faire se rapprocher des journalistes russe et ukrainien(ne)s pour les encourager à adopter une démarche professionnelle et respectueuse de la déontologie de la profession, plutôt que de céder aux trompettes de la propagande? Sans doute, la réalisatrice de la RTBF n’était-elle pas attentive à ces efforts? Son voyage, en tout cas, témoignait, même pour une journaliste ou une réalisatrice en charge de l’actualité culturelle, d’une singulière légèreté, qui démontre combien hasardeux était le choix du président du MR, Georges-Louis Bouchez, pour en faire une ministre des Affaires étrangères! Au fait, en octobre 1938, se serait-elle rendue à Vienne, pour y faire l’éloge de la culture allemande?

Pourquoi pas des moyens publics urgents pour nettoyer les berges et les lits de la Hoëgne et de la Vesdre?


On ne soulignera jamais assez le dévouement des bénévoles qui, chaque semaine, répondent aux appels qui leur sont lancés, pour venir débarrasser les berges de la Hoëgne et de la Vesdre des multiples déchets qui y ont été déposés par les crues catastrophiques de la mi-juillet.

C’est un travail de fourmis qui a été ainsi entrepris, au point d’ailleurs, comme le révèle un reportage de Vedia, la télé régionale verviétoise, certain(e)s d’entre eux (elles) se sont ainsi surnommé(e)s «Les fourmis de la Hoëgne».

https://www.vedia.be/www/video/info/environnement/des-fourmis-sur-les-berges-de-la-hoy-gne-_106698.html

Si l’on peut, et qu’on doit, être admiratifs pour les bénévoles qui s’activent ainsi de semaine en semaine, il paraît évident que leurs efforts ne suffiront pas à débarrasser les rivières des nombreux débris qui encombrent non seulement leurs berges mais aussi leurs cours. On ne dénombre ainsi plus les arbres qui gisent au milieu de la Vesdre et qui, en cas de nouvelles pluies exceptionnelles, seront à nouveau déplacés et viendront éventuellement s’accumuler sous les tabliers de certains ponts, accentuant ainsi encore la montée des eaux.

Une question se pose aussi: les risques pris par ces bénévoles sont-ils couverts par leurs assurances familiales, ou des assurances collectives ont-elles été souscrites pour faire face à tout problème éventuel?

Ce qui interpelle surtout à ce stade, c’est le désintérêt apparent des pouvoirs publics pour ce problème.

Quels pouvoirs publics? Pas les communes concernées, bien entendu, dont les services techniques ont largement souffert des inondations qui ont frappé indifféremment infrastructures publiques et bâtiments privés. Les bourgmestres concerné(e)s ont suffisamment souligné la solitude dans laquelle ils avaient été laissés face à la catastrophe: aujourd’hui, ils et elles ne sont pas plus en mesure de prendre cet indispensable travail de curage à bras-le-corps.

En principe, la gestion des cours d’eau est du ressort de la Région wallonne: on devrait donc s’attendre à la voir s’activer pour curer, et approfondir le lit des rivières avant que les pluies hivernales ne forcent à remettre l’opération aux calendes grecques. On plaidera sans doute que le ministère wallon des Travaux est déjà lui-même absorbé par la remise en état de nombreuses voiries, et que le recours aux entreprises privées passe par une procédure d’appel d’offres, par définition plus longue, qui doit peut-être être engagée par les communes sinistrées elles-mêmes? En pareil cas, une procédure d’urgence ne pourrait-elle être définie pour permettre d’intervenir vite et bien?

Et puis si l’armée a été engagée avec succès pour apporter une aide d’urgence aux sinistrés, ne pourrait-elle pas, elle, mettre en œuvre des moyens pour parer au plus pressé? De la même manière, la Protection civile dispose de moyens techniques déployés au plus fort des catastrophes, mais qui sont ensuite stockés dans des hangars, en attendant les prochains événements dramatiques. Là aussi, cela ne ferait-il pas sens de dépêcher des hommes et du matériel, pour au moins enlever tout ce qui peut faire obstacle à l’écoulement naturel de l’eau?

Reste un détail compliqué, il est vrai: l’armée et la Protection civile dépendent du pouvoir fédéral, et celui-ci ne peut les engager sans être sûr que des contestations ne viendront pas le contrarier, ici venant du nord du pays…

La Hoëgne, la Vesdre, et les rivières en crue en juillet dernier resteront ainsi en l’état pour des semaines et des mois encore. On croise les doigts pour que l’hiver ne soit pas caractérisé par des chutes de neige ou des pluies abondantes. Sans quoi de nouveaux dégâts seront à déplorer…

Applaudir les infirmières ne suffit pas…


Proclamer une «journée internationale des infirmières» ne suffit pas. Les applaudir comme elles l’ont été lors… de la première vague du Covid, l’année dernière, n’a pas duré. Aujourd’hui, les établissements de soin sont en manque de personnel infirmier. Et le phénomène n’est pas national: au Québec, la quête à l’étranger d’infirmier et d’infirmières ne fait que croître: de quelques centaines il y a un an ou deux, on en est à quatre mille pour cette année 2021. Avec, là comme chez nous et plus encore en France, une désertification hospitalière marquée dans certaines régions.

En Belgique, on fait de la corde raide pour l’instant. Car le métier n’exerce plus autant d’attrait qu’il y a une dizaine, une vingtaine ou une trentaine d’années.

Les causes? La pénibilité de la fonction, sans aucun doute, à la fois en matière de service et d’horaires à assurer de manière constante. Un manque de considération global, peut-être, malgré l’embellie qui s’était marquée lors de la première vague de la pandémie.

La question des rémunérations, elle, a été abordée avec l’introduction d’un nouveau modèle salarial, qui se traduit par une classification assez détaillée des fonctions, auxquelles des barèmes sont attribués.

Le but, globalement, était de revaloriser la fonction hospitalière, même si la suppression des primes pour spécialisations et expertises, maintenues pour le personnel en place, mais désormais intégrées au mécanisme barémique, ne s’est pas fait sans heurts.

Toujours est-il que la question du recrutement se posera tôt ou tard avec plus d’acuité, car à mesure que des infirmiers et infirmières s’en iront, soit vers d’autres horizons, soit à la retraite, il deviendra de plus en plus difficile, voire impossible de les remplacer.

Dans certains hôpitaux, on en est d’ailleurs déjà au recrutement d’infirmières et d’infirmiers étrangers pour remplir les cadres. Et leur intégration ne se fait pas toujours sans mal, non en raison d’un défaut de formation, mais parce que les pratiques ne sont pas nécessairement les mêmes dans les pays d’où ils et elles proviennent, et celles qui sont en vigueur dans nos pays.

À plus long terme, on peut imaginer que ce recrutement à l’étranger ne fera que s’intensifier… ce qui peut poser un problème de couverture dans les pays concernés.

Il s’en trouvera peut-être, alors, pour se plaindre d’une «invasion» et dénoncer l’occupation par des étranger(e)s d’emplois «destinés aux Belges». Nous ne sommes pas à l’abri, en effet, d’une «Zemmourisation» des esprits.

Ce serait peut-être le moment de rediffuser le sketch de Fernand Raynaud sur le Franchouillard qui «n’aime pas les étrangers parce qu’ils mangent le pain des Français». Et qui parvient à obtenir le départ du seul étranger établi dans un village où on ne mange désormais plus de pain… puisque cet étranger était boulanger.

Bart De Wever, satrape et talon d’Achille de la N-VA


La nouvelle n’a pas fait la «une» de la Presse quotidienne: Bart De Wever a été réélu ce week-end président de la N-VA, avec un score de 98,6% des suffrages, propre à faire se retourner Staline dans sa tombe, et à faire pâlir d’envie Kim Jong-un, le leader nord-coréen.

Le bourgmestre d’Anvers et ministre-président flamand ne risquait rien dans l’aventure, puisqu’il était le seul candidat en lice: personne ne pouvait donc lui faire de l’ombre.

Le seul obstacle qui aurait pu se mettre sur sa route était statutaire: les règles internes du parti nationaliste flamingant limitent en effet à deux le nombre de mandats présidentiels possibles. Sauf dérogation. Bart De Wever en a bénéficié pour la quatrième fois: aux commandes de sa formation depuis 2004, il y restera jusqu’en 2023… au moins. Car rien n’interdit de penser qu’alors, pour répondre aux vœux de ses affidés, le président de la N-VA ne se résignera pas à demander une dérogation supplémentaire, et repartir ainsi pour un, ou deux, ou trois, ou…. tours.

Et dire qu’en Afrique, on vilipende à juste titre les présidents qui contournent la limitation constitutionnelle du nombre de mandats, comme vient de le faire encore Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, ou comme l’ont notamment fait Paul Kagame au Rwanda et feu Pierre Nkurunziza au Burundi, Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville ou feu Robert Mugabe au Zimbabwe. Joseph Kabila, empêché de répéter l’opération au Congo-Kinshasa doit se dire qu’il aurait été mieux inspiré de présider la N-VA plutôt que notre ancienne colonie!

Plus sérieusement, la N-VA se rendrait déjà plus crédible si elle levait cette limitation du nombre de mandats dans ses statuts. Quand une dérogation est accordée, pareille limitation peut se concevoir. Mais quand elle est systématiquement contournée, la maintenir relève à la fois de l’hypocrisie et du ridicule.

La longévité de Bart De Wever à la tête du parti nationaliste flamingant témoigne d’abord de la qualité et de la durée de son engagement.

L’homme politique ventripotent du début du XXIeme siècle a d’abord fait preuve de sa grande volonté en s’imposant un apprentissage prononcé du français… même s’il répugne depuis longtemps à répondre en profondeur aux demandes des médias francophones. Il a manifesté la même endurance en suivant un régime strict qui a refait de lui une espèce de star en Flandre, image qu’il a cultivée ensuite en remportant un célèbre jeu télévisé sur la chaîne publique, pompeusement baptisé «De slimste mens ter wereld», «L’être humain le plus intelligent du monde».

Ce n’est pas faire injure à Bart De Wever de dire que pareil titre est usurpé. Mais dans le jardin extraordinaire de la politique belge, comme aurait dit feu Gaston Eyskens, il a fortement marqué son empreinte. D’abord en se jouant d’Yves Leterme, qui avait cru étouffer la N-VA dans son cartel avec le CD&V, dont Bart De Wever a tiré profit pour propulser son parti au sommet, et reléguer les démocrates-chrétiens flamands à un niveau dont ils ne se sont toujours pas remis.

Bart De Wever a ensuite réussi à phagocyter les voix du Vlaams Belang, dont les électeurs, racistes et autres, se sont lassés de voter pour un parti tenu à l’écart de toute coalition par un «cordon sanitaire» qui a tenu, envers et contre tout, depuis le «dimanche noir» du 24 novembre 1991.

Il a réussi enfin à propulser son parti au gouvernement fédéral, dans une improbable coalition avec un MR qui s’y est retrouvé comme seul parti francophone pendant une législature, et dont le président de la N-VA a tiré la prise au bon moment, pensait-il, pour ressortir le communautaire du frigo où il avait dû l’enfermer, et peser ainsi encore plus sur la politique fédérale et flamande.

Et c’est là que le bât a blessé. Car, contre toute attente, les élections du 26 mai 2019 ont vu pour la première fois depuis l’arrivée à sa tête de son «homme providentiel», la N-VA refluer, tandis que la Vlaams Belang opérait une remontée aussi spectaculaire qu’inquiétante et inattendue, sous la houlette d’un jeune président, gendre idéal de la Flandre, qui a compris comment utiliser les médias sociaux au bénéfice des ses thèses ultra-nationalistes et racistes.

Le scénario concocté par Bart De Wever, qui voyait Jan Jambon présider le gouvernement flamand, tandis que lui prendrait le gouvernail au 16 de la rue de la Loi, ne s’est pas concrétisé. Le bourgmestre d’Anvers, du coup, s’est rabattu sur le Vlaamse Regering, et a espéré pendant longtemps réimposer son parti au niveau fédéral. Les injures qu’il a proférées à l’égard de Paul Magnette, le président du PS, incontournable au niveau francophone, ont d’abord témoigné de son désarroi. Puis quand il a vu que d’autres partis flamands semblaient prêts à monter sans la N-VA dans une coalition fédérale, il s’est lancé dans une surenchère auprès de son alter ego de Charleroi, en concédant au PS des avancées dont certains socialistes ont eu la nostalgie, au moment de souscrire à la coalition Vivaldi.

N’est-ce que partie remise pour la N-VA? C’est ce qu’elle paraît croire, en ayant reconduit pour trois ans son leader maximo. Mais pareille dépendance est peut-être aussi le talon d’Achille du parti nationaliste flamingant. Car elle semble indiquer que sans Bart De Wever, elle sera condamnée au reflux. Tandis que, en dehors de ses rangs, l’image du «slimste mens ter wereld» commence sans doute à pâlir. Depuis 2004, la composition du corps électoral a singulièrement évolué, et pour de nombreux électeurs, Bart De Wever est désormais déjà un peu un homme politique du passé.

Chez les Romains anciens, une maxime le rappelait aux empereurs couronnés: la Roche Tarpéienne est proche du Capitole…

La cassure s’élargit au sein du PS de l’arrondissement de Verviers


La (mauvaise) «telenovela» politique verviétoise se poursuit, et s’est amplifiée, ces derniers jours, au gré d’interviewes de Marc Goblet, député PS de l’arrondissement de Verviers et ancien président de la FGTB, d’Yvan Ylieff, ancien bourgmestre de Dison, ancien ministre de l’Enseignement, puis, ce mercredi, de Didier Nyssen, conseiller communal de Verviers, dont les retournements de veste feraient pâlir d’envie Jacques Dutronc, inoubliable chanteur de «L’opportuniste». Et ce qu’on constate au travers de ces différents propos, c’est que la gestion du «problème verviétois» par les instances nationales du PS transposent la profonde division du parti de la ville, à la région. Et que la fracture s’amplifie de jour en jour.

Marc GobletPremière salve tirée par Marc Goblet: le député fédéral hervien faisait partie de la «tutelle» imposée à la section verviétoise du PS, avec le député wallon-bourgmestre de Huy, Christophe Collignon, avec le député wallon et conseiller communal theutois André Frédéric, qui présidait cette «tutelle», et avec la conseillère communale liégeoise, et ancienne députée fédérale Marie-Claire Lambert.

Cette «tutelle» était censée ramener la paix au sein du PS de Verviers, déchiré par ce que d’aucuns ont baptisé le conflit entre la bourgmestre, Muriel Targnion, et le président du CPAS, Hasan Aydin, mais ce qui se décrit plus justement par le problème posé par le comportement individuel du président du CPAS, devenu insupportable non seulement à la bourgmestre, mais à l’ensemble des membres du collège communal de l’ancienne cité lainière.

On ne reviendra pas ici sur les péripéties qui ont conduit à l’exclusion du PS de la bourgmestre verviétoise, et qui vont sans doute bientôt conduire à la même sanction pour l’échevin des Finances, Alexandre Loffet, toujours président de la fédération verviétoise du Parti socialiste, en violation même des statuts du PS, puisque l’intéressée a été directement jugée par la commission de vigilance nationale, l’instance d’appel, dont les décisions sont… sans appel. Ni sur le scénario mis en place pour installer (provisoirement) Jean-François Istassse au fauteuil mayoral, au prix de liberté très larges prises avec le Code wallon de démocratie locale, sur lesquelles, le cas échéant, on sera intéressé de connaître l’avis du ministre wallon et PS de tutelle, Pierre-Yves Dermagne.

C’est précisément parce qu’il n’était pas d’accord avec cette manière de procéder que Marc Goblet, sans aucun doute le seul membre de  la «tutelle», avec André Frédéric, a bien connaître le contexte verviétois, a décidé de s’en retirer. Sans que cela émeuve le moins du monde le boulevard de l’Empereur, apparemment, où on s’en tient mordicus à l’option prise, aussi invraisemblable qu’elle paraisse, tant il est évident que les partenaires de majorité du PS à Verviers n’accepteront pas le maintien de Hasan Aydin à la présidence du CPaS. Sauf s’ils mangent leur chapeau avec un bel appétit.

Yvan YlieffDeuxième acte, une autre interview de l’ancien bourgmestre de Dison, Yvan Ylieff, toujours accordée à mes consœurs et confrères de l’édition verviétoise d’un journal qui (air connu) m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût.

Fidèle à sa réputation, «Yvan le terrible» y dézingue à tout va.

«Ma vie, c’était le PS et aujourd’hui y règne la panique, l’improvisation, le grand n’importe quoi. Je suis à cet égard à 100% sur la même la même longueur d’ondes que le député fédéral Marc Goblet (PS) qui d’ailleurs, en tant que dernier sur la liste PS a conquis son siège avec ses voix personnelles donc jouit d’une légitimité démocratique incontestable» lance-t-il. Et une pierre dans le jardin d’un autre député fédéral PS de l’arrondissement de Verviers, «suite au désistement de deux élus qui ont préféré rester échevins», une!

Claude DesamaLe «grand n’importe quoi», c’est notamment, pour Yvan Ylieff, le choix de la «mouvance communautariste» prise par le PS verviétois, à l’instigation de l’ancien bourgmestre de la Cité lanière, accuse-t-il. Et pan, une deuxième pierre, dans le jardin de Claude Desama, dont l’épouse fut jadis l’inamovible première échevine d’Yvan Ylieff.

Ce qui, évidemment, lui vaut dès ce mercredi, une réplique de l’ancien professeur de l’université de Liège, qui avait récemment démoli celle qui lui a succédé à l’Hôtel de ville de Verviers, en rappelant l’adage latin «Ius dementat quos vult perdere» («Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre») et qui s’affiche en «incarnation de la laïcité». La controverse entre les deux anciennes figures de proue de la fédération verviétoise du PS prend, du coup, des allures de conflit de bac à sable…

Le ralliement le plus spectaculaire à l’ancien mayeur disonais est venu, le même jour, du conseiller socialiste verviétois Didier Nyssen, dont le parcours donne quelque peu le tournis: soutien de Muriel Targnion, il a cédé à la pression du parti pour se ranger du côté des «orthodoxes» mais se déclare d’accord avec l’ancien ministre qui condamne la dérive prise par cette tendance «officielle» du parti. D’ici à son retrait, annoncé pour le 1er octobre prochain, l’élu nous réservera-t-il d’autres volte-face?

Yvan Ylieff doit aussi être un spécialiste du billard à trois bandes. Car sans la citer, c’est aussi celle qui occupe le fauteuil mayoral à Dison qu’il égratigne en s’affichant parmi les «socialistes qui restent fidèles aux valeurs de la démocratie, des droits de la femme, des valeurs d’égalité, de la démocratie et ceux qui sont soumis à des mouvances et des dérives communautaristes».

Véronique BonniOn n’a en effet entendu que le silence assourdissant de Véronique Bonni sur l’exclusion frappant la bourgmestre de Verviers: la solidarité féminine, dit-on se serait brisée sur une solide inimitié entre les deux bourgmestres.

Et si rien ne filtre en public, il est notoire que le PS de Dison subit, lui aussi, des «vents contraires». Les reproches faits au cinquième échevin, Jean-Michel Delaval, d’avoir mené une « campagne personnelle» pour forcer une élection que sa relégation, loin sur la liste -pour le punir d’avoir eu l’outrecuidance de contester la tête de liste à la future bourgmestre, et de n’échouer finalement que d’une courte tête?- rendait fort aléatoire, ont laissé des traces.

Faute d’avoir réglé un problème au départ fort circonscrit (comment ramener dans le droit chemin un président de CPAS qui ne supportait pas le moindre contrôle?), le PS a ainsi étendu l’incendie au sein de sa fédération d’arrondissement. Car on imagine bien qu’André Frédéric ne doit pas apprécier les critiques que lui ont adressées Marc Goblet et Yvan Ylieff. Mais qu’au PS de Theux, certains trouvent peut-être aussi que les libertés prises avec les statuts du parti, et avec le Code wallon de la démocratie locale, cela commence à faire beaucoup…

Si, d’aventure, les efforts du président national du parti, Paul Magnette, pour nouer une alliance a priori contre nature avec la N-VA échouaient, et si des élections anticipées devaient avoir lieu, la confection de la liste socialiste pour l’arrondissement de Verviers évoquerait sans doute un célèbre dessin de Caran d’Ache consacré à l’affaire Dreyfus. La première case montre des convives prêts à passer à table et qui s’invitent «Surtout, ne parlons pas de l’affaire Dreyfus». La deuxième montre la table renversée, les convives échevelés, des yeux au beurre noir et elle est légendée «Ils en ont parlé»!

Il fut un temps lointain où le PS qui était encore PSB et le sp.a, toujours BSP, se présentaient ensemble à l’électeur  sous le slogan «Forts et unis. Sterk en eensgezind». L’étiquette belge («B») est depuis longtemps tombée aux oubliettes. Quant à la force et l’unité elles n’ont plus guère cours au sien de la fédération verviétoise du parti socialiste…

Entre-temps, le PS « orthodoxe» a passé alliance avec Ecolo, dans l’ancienne cité lainière, ce qui interroge sur la volonté de faire de la politique autrement qui était jadis affichée par les Verts. Deux blocs antagonistes s’y font désormais face: les 14 élus du cartel PS «orthodoxe»-Ecolo font face aux 15 alignés par l’alliance entre le MR, la liste Nouveau Verviers et le cdH. Pour rappel, la majorité communale exige 19 sièges. Et pendant que ces excellences s’affrontent, le déclin commercial et la paupérisation de la ville se poursuivent…

 

La démocratie n’est pas impuissante face au fascisme


L’installation des députés élus le 26 mai dernier s’annonçait comme une grande journée pour Dries Van Langenhove, la dernière recrue du Vlaams Belang. La tradition imposant au doyen de l’assemblée de présider la séance, avec l’apport de deux plus jeunes devait installer le fondateur de la tristement célèbre association Schild&Vrienden, inculpé pour racisme, xénophobie, et port d’arme à la tribune, avec la jeune députée socialiste Mélissa Hanus – qui avait déjà annoncé son refus d’y côtoyer un authentique fasciste – et celui-ci espérait bien profiter des incidents provoqués par divers parlementaires, essentiellement francophones, pour s’assurer une publicité politique douteuse.

Patrick Dewael, le député-bourgmestre Open vld de Tongres, en a décidé autrement. Ancien président de la Chambre, il en connaissait déjà le règlement par coeur. Et pour être bien sûr de lui, il l’a repotassé. Et a découvert que si la tradition prévoyait que la séance inaugurale, en début de chaque législature, attribue au plus ancien élu la tâche de présider les débats et de se faire assister des deux plus jeunes, aucune disposition du règlement n’impose une manière de sacrifier à cette décision.

Il a donc annoncé en début de séance qu’il présiderait les débats depuis son siège «le seul que les électeurs m’ont attribué». Et il a donc privé Dries Van Langenhove, incapable de lui opposer le moindre argument, de l’exposition espérée.

Que Patrick Dewael se montre intransigeant face à l’extrême-droite n’a rien d’étonnant: comme sa cousine Marleen Vanderpoorten, ancienne présidente du Vlaams Parlement, il a été imprégné dès son enfance du souvenir de son grand-père, Arthur Vanderpoorten, ministre de l’Intérieur en mai 1940, arrêté dans la France de Vichy en janvier 1943 sous l’accusation d’avoir organisé des filières d’évasion vers le Royaume-Uni, déporté en Allemagne et décédé au camp de concentration de Bergen-Belgsen. Sous l’impulsion de feu Herman Vandepoorten, ancien ministre et bourgmestre de Lierre, fils d’Arthur, père de Marleen, et oncle de Patrick Dewael, la famille en a gardé une aversion naturelle pour le fascisme, représenté aujourd’hui en Flandre par le Vlaams Belang.

Mais, fidèle à ses principes, Patrick Dewael a surtout montré que la démocratie peut résister efficacement à l’extrême-droite en utilisant les armes qui sont les siennes. À commencer par le respect des règles qu’elle se donne. Et en affirmant sa détermination à débattre avec les élus du Vlaams Belang dès que l’occasion s’en présentera. Pour défendre les valeurs qui sont les siennes.

Son attitude est aussi celle de son parti. Le vétéran Herman De Croo a retardé sa démission du Parlement flamand pour en occuper le perchoir, lors de l’installation de ses nouveaux députés, et en priver ainsi la figure de proue anversoise du Vlaams Belang, Filip De Winter, de s’y installer. C’est aussi la présidente de l’Open VLD, Gwendolyn Rutten, qui a appelé Bart De Wever, le «formateur» flamand, à clarifier son attitude à l’égard du parti d’extrême-droite.

L’attitude du président de la N-VA tranche en effet singulièrement avec celle de Patrick Dewael sur le sujet. Ses rendez-vous répétés avec le président du Vlaams Belang semblent indiquer sa volonté de rompre le cordon sanitaire – à laquelle son parti n’a d’ailleurs pas souscrit, a-t-il insisté – voire de conclure avec l’extrême-droite flamande un accord de gouvernement, pourvu qu’elle lisse son discours. Quitte à présider un gouvernement minoritaire? Les autres partis flamands, unanimes jusqu’ici, ont répété leur refus de s’associer au Vlaams Belang.

Peut-être Bart De Wever espère-t-il mouiller l’extrême-droite au pouvoir, et lui faire subir ainsi la sanction de l’électeur au scrutin suivant. L’exemple autrichien devrait pourtant démontrer à cet amoureux du monde germanophone que le calcul est vicié à la base. Les succès actuels de Matteo Salvini et de la Ligue, en Italie, en fournissent une autre preuve.

Quel que soit le soutien électoral dont bénéficie l’extrême-droite, la seule attitude démocratique cohérente qui s’impose, c’est de la laisser dans son coin nauséabond.

Pourquoi une majorité PS-MR est en cours d’élaboration en Wallonie


Or donc, à en croire d’éminents confrères spécialisés en politique fédérale et wallonne, vendredi dernier, sur La Première, de fortes réticences dans les bases socialiste et libérale constitueraient un problème de nature à freiner la mise en place d’une majorité PS-MR en Wallonie.

Je me garderais bien de remettre en cause la pertinence de l’analyse, mais tout de même, dès lors que le cdH a choisi la cure d’opposition (et que de critiques se seraient abattues sur Maxime Prevot si son parti avait fait acte de candidature au pouvoir, après sa déculottée électorale du 26 mai?), les hypothèses sont singulièrement réduites. Bien sûr, Thierry Bodson, le leader de l’interrégionale wallonne de la FGTB, continue à prôner une majorité PS-PTB-Ecolo, mais personne n’y croit. Notamment au PS, où aucune voix ne s’est élevée pour défendre cette hypothèse, a fait remarquer un des intervenants au débat de La Première, ce vendredi.

pexels-photo-1020315Donc, ne restent que deux hypothèses: l’alliance PS-MR en Wallonie, ouverte ou non à Ecolo. Manière de ne pas associer au pouvoir deux partis qui, quoi qu’en aient dit leurs dirigeants, et notamment le président du PS, Elio Di Rupo, dès le soir du scrutin, ont figuré parmi les battus de l’élection. Et de «mouiller» à nouveau les Verts dans une coalition où ils ne seraient pas indispensables, comme cela a déjà été le cas au niveau fédéral, en 1999, après la crise de la dioxine et le renvoi historique du CVP (devenu CD&V depuis lors) dans l’opposition, après plus de quatre décennies au pouvoir.

La perspective doit nourrir l’inquiétude chez Ecolo, d’où la nervosité de Philippe Defeyt, ce midi, au débat dominical de RTL-TVI. L’ancien coprésident des Verts a fustigé la décision «prématurée» du cdH de se mettre sur la touche, et le représentant du PS, Pierre-Yves Dermagne, a presque entonné le même refrain, ironie en plus, en rappelant que le cdH avait l’habitude de changer d’attitude. L’évocation du «tirage de prise» par l’ancien président humaniste, Benoît Lutgen, qui a conduit, sous la législature précédente, au remplacement de la majorité wallonne PS-cdH par une majorité alternative MR-cdH.

Les Verts pourront-il se permettre le luxe de refuser une participation à une majorité, alors que la thématique climatique, notamment, a pris de plus en plus d’importance, et qu’ils pourraient peser sur des décisions environnementales? Les plus pessimistes d’entre eux rappelleront l’expérience du passé: quand Ecolo n’est pas indispensable à une majorité, son poids devient très relatif. Et les décisions prises sous son influence (la sortie du nucléaire par exemple), sont rapidement annulées, une fois qu’ils sont renvoyés dans l’opposition. Car bien sûr, leurs électeurs, alors, ne leur pardonnent rien au scrutin suivant.

Le débat risque d’être chaud, entre «réalos» et dogmatiques, chez Ecolo, si PS et MR proposent l’ouverture de leur majorité. Il ne s’en manquera pour relever que, si les Verts acceptent la combinaison, l’opposition sera réservée aux seuls cdH et PTB. Et que pour les humanistes, l’occasion sera rêvée de se refaire une santé, en récupérant notamment des électeurs passés sous la bannière écologiste.

Pour le reste, PS et MR… ne sont pas aussi opposés qu’on veut bien le dire. En témoigne la négociation discrète qui vient de se produire en région verviétoise, où les deux partis se sont attribué les présidences d’intercommunale de manière impérieuse, puisque la section de Verviers-ville du MR a dû remiser ses exigences sur la présidence de l’intercommunale hospitalière.

Et puis, en province de Liège et en province de Hainaut, les deux provinces wallonnes les plus peuplées, PS et MR sont associés au pouvoir, depuis plus de trois décennies en province de Liège, sans que cette alliance soit décrite comme contre nature.

Alors, hors argument recevable sur le revers électoral, qu’est-ce qui empêcherait la reproduction de pareille majorité au niveau wallon? Une pincée de «concertation mosane» pour calmer le ban syndical; peut-être la mise à l’écart d’un ministre aussi clivant que le libéral hervien Pierre-Yves Jeholet; et les virulentes dénonciations de la campagne électorale s’effaceraient rapidement derrière un de ces «grrrrrands accord», célébrés naguère par feu Michel Daerden, au terme d’une soirée électorale bien arrosée, sur RTC, la télé régionale de Liège-Huy-Waremme.

Tout serait sans doute déjà en passe d’être réglé, s’il n’y avait l’enjeu fédéral, et le casse-tête bruxellois. Car à Bruxelles, Ecolo est sorti des urnes en deuxième position, derrière le PS, mais devant le MR. Tandis que dans le collège électoral flamand, son parti-frère, Groen, sortait en tête. Les Verts sont donc incontournables du côté francophone, sauf à imaginer une improbable association entre le PTB, le PS et le MR ou Défi. Mais un éventuel accord entre le PS et eux ne suffirait pas à dégager une majorité. Resterait dès lors à ouvrir les discussions à Défi… ou au MR. Côté flamand, entre-temps, écologistes, socialistes et…libéraux n’ont pas tarder à s’accorder.

Suivant le vieux principe que tout est dans tout, indispensable à Bruxelles, Ecolo pourrait donc s’imposer au niveau wallon avec plus de poids que son résultat arithmétique pourrait lui valoir.

Reste le fédéral, où là, une alliance des socialistes et des libéraux pourrait rassembler les deux familles politiques les plus importantes du pays… à condition que les socialistes flamands, laminés le 26 mai, ne s’associent pas à la démarche. Mais resterait encore à élargir l’attelage au CD&V. Ou alors convaincre la N-VA d’entrer dans la danse. Même si le PS donne des boutons à Bart De Wever….

Éditions de l’Avenir: les 2% qui révèlent l’intention


Les masques sont tombés, ce lundi, aux Éditions de l’Avenir avec la fin de non-recevoir brutale opposée par la direction, obéissant aux ordres venus d’en haut, à la demande de l’Association des Journalistes Professionnels d’application d’une convention de travail et de rémunération des journalistes du groupe. Cette demande aurait eu pour effet d’améliorer de… 2% l’offre faite aux journalistes susceptibles de partir en RCC (Régime de chômage avec complément d’entreprise) et donc de rendre possible l’exécution du plan social signé par les syndicats il y a quelques semaines. Le refus de la direction témoigne, en dépit des dénis répétés de Nethys, l’actionnaire unique des Éditions de l’Avenir (EdA), de sa volonté de licencier des journalistes ciblés, notamment ceux qui ont relaté les débats nés des graves dysfonctionnements relevés tant au sein de Nethys que de son actionnaire public, l’intercommunale Publifin aujourd’hui rebaptisée Enodia.

L’existence d’une telle «liste noire» a été évoquée, il y a de nombreuses semaines déjà, par l’hebdomadaire «Le Vif»; elle a été démentie rapidement et à plusieurs reprises tant par la direction des Éditions de l’Avenir que par l’actionnaire principal de la société. Tout laisse entendre que sa réalité sera démontrée dès lundi prochain, quand la même direction des EdA transmettra au ministère de l’Emploi, une liste de cinquante noms, dont une majorité de personnes visées par un licenciement «sec», essentiellement des journalistes, dans l’espoir de faire reconnaître l’entreprise comme entreprise en restructuration.

Kris Peeters, ministre fédéral de l’Emploi, n’aura peut-être guère d’attention pour ce dossier: il lui serait bon de se rappeler que sa nature n’est pas essentiellement économique, mais politique, sociétale et démocratique. Et que la précipitation en la matière serait mauvaise conseillère.

Un accord incontesté

L’argumentation développée hier par le porte-parole de Nethys démontre la faiblesse du démenti qu’il a à nouveau apporté ce lundi à l’existence d’une «liste noire» de journalistes.

«L’AJP, explique-t-il, conteste un accord intervenu un décembre dernier dans le cadre du plan de restructuration (NB: enfin un aveu: jusque-là, la direction parlait toujours hypocritement de «plan de redéploiement») de L’Avenir, approuvé par 84% du personnel».

Premier enfumage: l’Association des Journalistes Professionnels ne conteste pas cet accord, dont le personnel n’avait approuvé que le principe, mais pas le contenu.

Elle a simplement demandé que, dans le cadre de ce plan, la direction des EdA applique les dispositions de la convention de travail et de rémunération des journalistes qu’elle a délibérément choisi d’ignorer. Comme, pour rappel, elle avait choisi de contourner un autre accord, sur la nomination d’une rédactrice ou d’un rédacteur en chef, pour imposer un directeur des rédactions frappé par une motion de défiance générale.

La demande de l’AJP ne remet donc pas en cause cet accord. Elle ne vise pas non plus à obtenir pour les journalistes un quelconque privilège: revendiquer le repect d’un accord social est un droit. Par surcroît, l’application de cette convention améliorerait un fifrelin (2%: un total de 180000 euros sur un coût global de 9 millions) l’offre faite aux journalistes susceptibles de partir en RCC et aiderait donc à atteindre l’objectif des 50 équivalents temps-plein (ETP) que le plan social a fixé. Le refus de la direction témoigne clairement de sa volonté de passer par des licenciements ciblés. De quoi accréditer l’idée d’une «liste noire».

Qui est qui?

«Les dispositions de cet accord ont été négociées entre la direction des Éditions de l’Avenir et les syndicats et en aucun cas avec Nethys»  ajouté le porte-parole.

Qu’en termes pesés cette chose-là est dite: oui, la direction des Éditions de l’Avenir a négocié l’accord. Mais pas de manière autonome. Sous contrôle de son conseil d’administration, d’abord, présidé par Pol Heyse, dirigeant de Nethys et quasi-exclusivement composé de représentants de Nethys, actionnaire unique de l’entreprise!

Alors, on peut jouer sur les mots. Mais la réalité du pouvoir au sein des Éditions de l’Avenir est évidemment chez Nethys. S’il n’en fallait qu’une preuve supplémentaire, son administrateur-délégué est… salarié de Nethys. Les multiples suspensions de séance, au cours des négociations, sollicitées par la direction qu’on devinait demander ses instructions à Liège, en est une autre. Et la preuve cardinale en est le maintien à son poste d’un directeur des rédactions imposé par Stéphane Moreau, administrateur-délégué de Nethys, qui entend le maintenir contre vents et marées, et malgré les avis contraires de la direction même des EdA!

Le porte-parole de Nethys est payé pour tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais la ficelle utilisée, là, est vraiment trop grosse. Et son démenti sur l’existence d’une «liste noire» de journalistes tombe à plat. Heureusement, dans la vie réelle, le nez de celles et ceux qui disent ce qui n’est pas ne s’allonge pas, comme celui de Pinocchio!

Où notre contradicteur a parfaitement raison, par contre, c’est quand il rappelle que le plan social a été négocié entre la direction des EdA et les syndicats, avec des délégués de l’AJP présents au titre seulement d’observateurs. L’AJP n’a donc pas signé cette convention, négociée à la hussarde, et sous une pression du temps tout à fait artificielle (l’intention de licencier a été annoncée le 24 octobre, et tout devait être bouclé pour le 21 décembre: cette négociation aurait pu, ou plutôt dû, être entamée au moins trois mois plus tôt!). L’eût-elle fait, comme elle avait été invitée à le faire chez Rossel, par exemple, une clause discriminatoire à l’égard des journalistes n’y aurait pas été maintenue. Faute d’atteinte de l’objectif de 50 EQT, y lit-on, il sera procédé à des licenciements… de journalistes.

Et après cela, on nous baladera encore en prétendant qu’il n’existe pas de liste préétablie? Mieux vaut lire ou entendre cela que d’être sourd ou aveugle, dira-t-on. Pas sûr…

Autosatisfaction (ou suffisance?) wallonne et recul de l’idée européenne


Le café du Commerce de Couillet-Queue, ou celui de la Gare à Gérompont-Petit-Rosière ont peut-être résonné du «Chant des Wallons», hier soir, pour saluer la résistance sans faille des autorités wallonnes à la mondialisation, incarnée par le CETA, le traité de libre-échange négocié entre l’Union Européenne et le Canada, envoyé pour l’instant dans l’impasse par les excellences régionales qui nous gouvernent. Mieux: hier, au Canada, il s’est trouvé quelques manifestants devant le Parlement fédéral pour remercier les Wallons pour leur opposition à un traité néfaste: Thomas Mulcair, chef en sursis du Nouveau Parti Démocratique (NPD), qu’il a mené à la défaite aux législatives de l’an dernier, fustigeait même les traités précédents passés par le Canada, ruineux, à l’entendre «pour les producteurs de lait canadiens».  D’où la volonté canadienne de «se refaire» sur le dos des agriculteurs européens? Ou la crainte, chez Mulcair, d’un risque accru de dégradation de la situation des éleveurs canadiens?

Ce qui frappe d’abord, dans le développement dramatique de ces derniers jours, c’est l’autosatisfaction, voire la suffisance des acteurs wallons de la négociation: André Antoine gloussait pratiquement de plaisir, ce vendredi, en constatant l’intérêt médiatique exceptionnel que suscitait la séance du Parlement wallon, qu’il préside. Les parlementaires wallons se retrouvaient, il est vrai, investis investis d’un pouvoir extravagant, qu’ils se sont empressés d’utiliser: celui de paralyser l’Union Européenne dans son ensemble. Exceptionnel pour une assemblée qu’on a plutôt comparée jusqu’ici à un «super conseil communal»!

«Aucun autre parlement européen n’a fait sur le document un travail aussi approfondi que le nôtre» ont lancé mâlement André Antoine et Paul Magnette, pour justifier cette situation presse-au-parlement-walloninsolite. On veut bien croire que les députés wallons ont produit, en l’espèce, un travail d’analyse peut-être inhabituel dans leur chef. Mais sur quelle base, le président du Parlement et le ministre-président ont-ils donc pu exprimer pareille affirmation? Ont-ils vérifié, par exemple, la manière dont les Cortes espagnoles, le Bundestag allemand, ou au Sveriges Riksdag, pour ne parler que de certains d’entre eux, ont étudié le projet de libre-échange canado-européen, pour pouvoir poser que les élus namurois ont travaillé de manière plus sérieuse que leurs homologues des autres pays européens? La proclamation relève nettement de la présomption.

Autre point interpellant: en déclarant inacceptable le statut des «chambres d’arbitrage» prévues par le traité, Paul Magnette a donné l’impression que, quoi qu’il arrive, la Région wallonne s’opposera en tout état de cause au CETA. Car on n’imagine pas qu’il ignore que le mécanisme d’arbitrage prévu par le traité prévoit la mise en place des chambres de juristes, et non plus de représentants d’entreprises privées, pour trancher les litiges éventuels entre firmes privées et États. Et que si l’Europe a réclamé du Canada que soit modifié de la sorte le mécanisme initialement prévu… qui est celui de tous les accords de libre-échange qu’elle a précédemment passés, c’est pour pouvoir l’imposer aux Américains, qui n’en veulent pas, dans l’encore plus contesté traité transatlantique (TTIP). Bien sûr, les opposants réclament toujours le traitement de ces litiges par des tribunaux ordinaires. En oubliant que, pour des partenaires de l’Union Européenne, et faute de Justice organisée à l’échelle de l’Union, cela reviendrait à s’aventurer dans vingt-huit, ou bientôt vingt-sept, systèmes judiciaires différents, et jurisprudences divergentes. Ce qui vide, alors, de sens un traité conclu avec l’Union Européenne…

nos-pieds-nickelesEt c’est là où le bât blesse: la crispation wallonne va donner du grain à moudre à tous les populistes qui dénoncent à la fois l’absence de démocratie au sein de l’Union Européenne, et qui, en même temps font tout pour la paralyser.  « Il me semble évident, à moi et au Canada, que l’Union européenne n’est pas aujourd’hui capable de conclure un accord international, même avec un pays qui a autant de valeurs européennes que le Canada », a déploré Chrystia Freeland, la ministre canadienne du Commerce, qui avait fait le déplacement de Namur, avant de reprendre l’avion pour le Canada. C’est bien de cela qu’il s’agit: les parlementaires wallons ont grippé le mécanisme européen.

C’est effectivement bien là que l’attitude wallonne est la plus dommageable. Car en déclenchant ce blocage, c’est le mécanisme de décision européenne, qu’il faudrait renforcer d’urgence, que les parlementaires namurois ont grippé.

L’ont-ils fait au nom de grands principes défendus par la société civile, ou du moins par une partie d’entre elle, car, pour rappel, comme le montrent les sondages Eurostat, les projet de libre-échange sont approuvés par une majorité de citoyens dans la plupart des pays européens… dont le nôtre?  Là aussi, il y a comme un malaise, même si on en fera en partie crédit aux élus wallons.

«La question a évidemment une dimension politique, mais plus de politique intérieure (à la Belgique) que de politique internationale» a commenté le président du Conseil européen, Donald Tusk, alors que les discussions namuroises s’acheminaient vers l’impasse. Cela apparaît comme une évidence.

On a déjà évoqué ici la volonté de Paul Magnette de se profiler en super-homme de gauche, et de couper l’herbe sous le pied d’un PTB qui fait de plus en plus d’ombre au PS. L’Europe vient de faire, en l’occurrence, la découverte de la particularité du système belge, qui n’établit pas d’hiérarchie des normes entre les niveaux de pouvoir fédéral, régionaux, et communautaires. On ne jurerait pas que, chez certains de nos parlementaires, il n’y a pas eu, hier, une jubilation à placer la Flandre, qui a précisément réclamé cette équipollence des normes et qui peste du blocage wallon sur le CETA, devant ses responsabilités. On est là loin des grands principes sociétaux affichés par Paul Magnette!

On en est tout aussi loin, quand on mesure l’impact qu’a désormais sur l’Europe la guéguerre que se livrent depuis les dernières élections le Premier ministre MR, Charles Michel, et le ministre-président PS, à la tête de majorités asymétriques. Dans le cadre belgo-belge, cette guégerre a des aspects parfois dérisoires, parfois fondamentaux. Quand elle déboule sur le plan européen, elle devient consternante.

Mais tout cela, dira-t-on, n’est rien à côté de la mondialisation, dont les effets dramatiques pour l’emploi se sont encore fait récemment sentir en Wallonie, avec le drame social en cours chez Caterpillar? L’opposition au CETA et au traité transatlantique procède, c’est vrai, pour une large part du refus de la globalisation, et, dans le cas du TTIP, d’un anti-américanisme toujours vivace, que les USA semblent parfois avoir un malin plaisir à entretenir. Mais l’absence de CETA n’empêchera pas la globalisation de développer ses effets, les pires et les meilleurs. Sauf peut-être que la concurrence pour notre économie viendra moins de l’autre rive de l’Atlantique, mais d’un géant d’Asie, dont, isolés, nous devrons de plus en plus subir l’absence de normes tant sociales qu’environnementales…