Le conseil communal de Verviers s’est réuni en présentiel ce mercredi soir, car l’événement était d’importance: les élus de l’ancienne Cité lainière étaient invités à retirer la motion de méfiance mixte qu’ils avaient approuvées le 21 septembre 2020, pour écarter la bourgmestre PS, Muriel Targnion, et la remplacer par l’éphémère mayeur Jean-François Istasse. Ce qui supposait une autre motion de méfiance, alambiquée celle-là, pour écarter de la magistrature suprême Hasan Aydan, président du CPAS et successeur naturel de la bourgmestre défenestrée, mais le réinstaller tout de même à la tête du Conseil de l’aide sociale.
Le retrait de cette motion devait permettre de contourner le prescrit du Code wallon de la démocratie locale, qui impose un délai d’un an entre le dépôt de deux motions de méfiance, et la voie sera dès lors libre à Malik Ben Achour, grand instrumentaliste de cette machinerie, de devenir à son tour bourgmestre, le 26 avril. Si toutefois aucun grain de sable ne vient gripper la mécanique, et sous réserve que le Conseil d’État, s’il est à nouveau saisi du problème, n’y déniche pas une autre défaillance juridique.
L’événement n’a finalement pas eu lieu, puisque… Malik Ben Achour lui-même a demandé le report du vote sur ce point. Il faut dire que seuls vingt-six élus se sont retrouvés en séance, et que le groupe socialiste, fort en principe de treize mandataires, était privé de ses exclu(e)s, Muriel Targnion, Alexandre Loffet, et Laurie Maréchal, ce qui n’en laisse plus que dix. Mais que les absences de l’échevin Antoine Lukoki; du président du CPAS, Hasan Aydin; et des conseiller(e)s Chimaine Nangi, Saïd Naji, et Mohammed-Anass Gallass ne laissaient subsister que cinq représentant(e)s. Mais sans doute n’est-ce que partie remise? Et l’installation d’une nouvelle majorité renvoyée… aux calendes grecques?
La motion de méfiance à l’égard de Muriel Targnion n’en reste pas moins, comme l’a rappelé mon ancien confrère Franck Destrebecq, dans le journal qui m’employait et ne me rémunérait pas assez à mon goût (air connu) (https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210413_01572015/nouvelle-majorite-le-26-avril-peut-etre), motivée par «la mise en péril de la majorité sur base de la scission du groupe PS (…) à la suite d’une tentative de motion de méfiance individuelle avortée, déposée le 7 juillet 2020, à l’égard d’un de ses membres, Monsieur Hasan Aydin (PS), président du CPAS».
L’épisode a valu à la bourgmestre verviétoise d’être exclue du PS, au terme d’une procédure à dire vrai très peu orthodoxe, orchestrée par le président du parti, Paul Magnette, qui s’est rangé derrière le député fédéral verviétois, toujours en place en attendant de devoir démissionner du Parlement fédéral, s’il ceint l’écharpe mayorale à Verviers.
Dans la foulée, l’échevin Alexandre Loffet a, lui, été suspendu par le parti, tandis que la jeune conseillère Laurie Maréchal, écœurée par ces manœuvres de coulisse, en a démissionné, non sans avoir au préalable exigé, avec un certain panache, que son portrait de jeune élue soit retirée de la devanture du siège du PS, Boulevard de l’Empereur à Bruxelles.
«Expressément»
La quadrature du cercle, pour le PS verviétois, est de confirmer la mise à l’écart de Muriel Targnion, tout en instrumentalisant l’exécution de Hasan Aydin qui, non seulement ne se verra pas confier le mayorat, mais va, si l’ingéniérie politicienne mise en place par ses propres «amis» aboutit, perdre aussi la présidence du CPAS.
L’astuce? Reprendre, comme l’a évoqué mon ancien collègue, les termes de la motion de méfiance individuelle déposée à son égard par les conseillers socialistes qui avaient soutenu Muriel Targnion en juillet 2020, avant de se «raviser» opportunément par la suite.
«Pour rappel, cette motion comportait cinq pages d’argumentaire (auxquelles les signataires de la présente motion renvoient expressément)» explique le texte de la nouvelle motion de méfiance collective qui sera soumise aux élu(e)s verviétois(es) le 26 avril prochain.
Il était question, a rappelé Franck Destrebecq, «d’un certain nombre d’opérations problématiques au regard des règles», de «décisions que nos considérons non conformes à la loi»; «d’inconduite d’Hasan Aydin envers ses collègues», d’«accusations diffamatoires lancées publiquement à leur encontre» et de « pratique de l’insulte et de l’intimidation, en particulier envers les femmes qui s’engagent en politique» (qui) «ne fait pas partie de nos valeurs».
Cohérence?
Pour les partis actuellement associés au PS dans la gestion (?) de la ville de Verviers, le MR, le NV (Nouveau Verviers), ainsi que pour le cdH, invité à s’unir à l’attelage, le texte ne doit pas poser de problème, puisqu’ils s’étaient déjà ralliés au projet de motion déposé par Muriel Targnion à l’endroit de son président de CPAS.
Mais, au sein du PS, il faudra tout de même une sérieuse explication pour justifier pourquoi le dépôt d’une motion, en juillet 2020, a valu à la bourgmestre socialiste de Verviers d’être exclue de son parti et d’être chassée de sa fonction, alors qu’en avril 2021, le vote d’une même motion permettra à un autre élu socialiste de reprendre son écharpe, avec la pleine approbation du président du PS lui-même!
Muriel Targnion a-t-elle eu le tort d’avoir raison trop tôt? Notre impression est plutôt que ces mois d’empoignades politiciennes à Verviers qui font honte à la démocratie avaient pour seul but d’écarter de sa fonction une bourgmestre dont l’action, notamment en tant que présidente du conseil d’administration de Nethys, avaient heurté de front la volonté présidentielle de se débarrasser de l’image désastreuse collée à son parti par la gestion calamiteuse de l’intercommunale liégeoise et de ses filiales. Et que les reproches formulés à l’égard du président du CPAS étaient fondés. Mais alors, pourquoi n’avoir pas pris l’initiative, il y a un an, alors que la gestion d’une ville de plus en plus paupérisée et vidée de ses commerces requérait déjà l’urgence?
L’impasse constatée depuis des mois n’aurait-elle pas justifié par ailleurs l’envoi à Verviers d’un(e) commissaire spécial(e), voire, devant l’impasse prolongée, une démission collective des bourgmestre et échevin(e)s, et un retour aux urnes anticipé pour rebattre les cartes?
La procédure utilisée ici, au mépris des statuts internes du PS, prend tellement des allures de «chasse à la sorcière»; la reprise des arguments que Muriel Targnion à l’égard de celui qui a réaffirmé son droit à exercer le mayorat témoigne d’un tel cynisme que la confiance du public dans l’institution communale mettra longtemps à se rétablir. Et risque de bénéficier aux populistes de tous poils, qui n’auront qu’à se baisser pour ramasser les suffrages des déçus de la démocratie.