Alors que des massacres continuent à désoler l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), où, ce vendredi, des groupes de «résistants» affirment avoir tué treize membres du M23, le mouvement rebelle qu’ils affirment avoir affronté à l’arme lourde dans le territoire du Rutshuru, l’année qui s’ouvre sera à nouveau cruciale pour ce pays aux ressources immenses, qui ne bénéficient en rien à la population, d’une pauvreté insigne.
Le 20 décembre, en effet, des élections doivent se dérouler à tous les niveaux, et notamment à la tête de l’État, où le président Félix Tshisekedi remettra son mandat en jeu. Déjà, des questions se posent sur la régularité des différents scrutins à venir. Et des grandes manœuvres sont en cours, qui voient des candidats potentiels se mettre en ordre de marche, et l’«union sacrée», mise en place par le président en exercice se lézarder.
L’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, a déjà affiché son intention de faire concurrence à Félix Tshisekedi dans la course à la magistrature suprême.
Dans la foulée, trois ministres, issus de son mouvement «Ensemble pour la République» ont annoncé leur démission du gouvernement: Christian Mwando, ministre du Plan; Chérubin Okende, ministre des Transports et de Voies de communication; et Véronique Kilumba, vice-ministre de la Santé, se sont retirés, au contraire de Christophe Lulundula, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères; de Modeste Mutinga, ministre des Affaires sociales; et de Muhindo Munzangi, titulaire du portefeuile de l’Enseignement supérieur et universitaire. Ces trois personnalités, ce faisant, ont décider de soutenir Félix Tshisekedi dans sa quête d’un nouveau mandat, et ont donc rompu avec Moïse Katumbi.
Plus ennuyeux pour le président, le magazine «Jeune Afrique», dans sa dernière livraison, évoque de profondes divisions au sein de son parti, l’Union Démocratique et le Progrès Social (UDPS), fondé par son défunt père, Étienne Tsishekedi, dont deux des principaux cadres, Jean-Marc Kabund-a-Kabund, et Victor Wawkwenda, qui se détestent cordialement, se retrouvent tous deux en prison actuellement, sous diverses accusations.
Selon le périodique, cette double incarcération refléterait une lutte de clans pour le contrôle du pouvoir au sein de l’UDPS. Un parti «en voie de décomposition» pour certains des opposants internes; qui voit au contraire une «forte mobilisation des militants» selon ses dirigeants, pour qui «Félix Tshisekedi est en l’état actuel des forces, le favori de la présidentielle».
Les chances du président en exercice sont en effet grandes, si l’opposition se présente divisée face à lui, et c’est vraisemblablement ce qui va arriver, puisque le clan Kabila, celui de son prédécesseur à la présidence, présentera sûrement son candidat au nom du FCC (Front Commun pour le Congo); que Moïse Katumbi est déjà en courses; et que d’autres pointent déjà le bout du nez.
Ainsi en est-il de Martin Fayulu, qui, pour de nombreux observateurs, était le véritable vainqueur de la dernière élection présidentielle, dont les votes n’ont jamais pu être valablement recomptés. Et, au lendemain de Noël, une prise de position remarquée l’a réuni à l’ancien Premier ministre, Matata Poyno… accusé de corruption, et… le Prix Nobel de la Paix, et au Dr Denis Mukwege, dont beaucoup souhaiteraient le voir entrer en lice pour la présidentielle.
La déclaration commune (voir ci-dessous) des trois hommes balaie large. Elle accuse le président Tshisekedi de passivité, notamment à l’égard du Rwanda, dans les conflits incessants qui ravagent l’est du pays. Mais elle pose aussi ses conditions pour l’organisation du scrutin à venir.
Quel est le but poursuivi par le Dr Mukwege? Dans une interview largement répercutée par les réseaux sociaux, «l’homme qui répare les femmes», comme l’a désigné le cinéaste belge Thierry Michel, s’explique: non, il ne sera pas candidat; mais il s’exprime au nom de la société civile, pour demander le respect de la Constitution congolaise et de la loi, quels que soient les personnes en cause, et les accusations auxquelles ils ou elles doivent faire face.
Il ne s’agit pas non plus, a insisté le Prix Nobel de la Paix, d’une plate-forme électorale. Mais on subodore néanmoins que tant Matata Ponyo que Martin Fayulu envisagent, du moins si le premier
Cette association pèsera-t-elle sur le scrutin présidentiel, ou, plus largement sur les scrutins à venir? Car si l’élection du chef de l’État mobilisera l’attention médiatique du monde entier, à la fin de l’année qui s’annonce, un autre scrutin sera essentiel, celui qui renouvellera l’Assemblée nationale où l’UDPS ne dispose pour l’instant que de… 32 élus sur 500.
Les responsables du parti présidentiel placent la barre très haut: devenir le parti «avec le plus de députés dans la future assemblée» ont-ils déclaré à «Jeune Afrique».
La déclaration commune de Matata Ponyo, Martin Fayulu et Denis Mukwege fait part, elle de leur préoccupation commune pour la régularité de ces diverses élections. Tant il est vrai que chat échaudé craint l’eau froide…