C’était le 15 octobre 2012, et la toute jeune élue au conseil communal de Verviers ne tournait pas autour du pot. «Cette élection à un goût amer. Loin d’une victoire personnelle, c’est sur un sentiment de défaite que je me suis endormie hier soir» écrivait Dugyu Çelik sur sa page Facebook. «Le résultat des urnes montre en termes de voix de préférence que le vote ethnique a joué de manière importante. Et pas n’importe quel vote ethnique!» ajoutait-elle. «Il s’est cristallisé autour des mosquées, encouragé et prôné par un électorat souvent de droite, appartenant à la nouvelle bourgeoisie musulmane, celle qui roule en 4×4, et qui fait porter le voile à ses femmes, celle qui n’a que faire des idées et des valeurs du PS, et qui a mobilisé en masse pour soutenir son/ses candidats, pendant que nos électeurs laïques se détournaient de nous, et ce sont les mosquées qui ont triomphé au Parti socialiste à Verviers».
La lucidité de Dugyu Çelik confirmait son brillant trajet d’étudiante en sciences politiques à l’université de Liège.
Paul Magnette, président actuel du PS, ancien professeur à l’Université Libre de Bruxelles, aurait peut-être dû lire cette analyse écrite par une jeune femme fraîche élue au conseil communal de Verviers, avant de prendre la décision de mettre le PS de Verviers et sa fédération régionale sous tutelle pour une durée indéterminée afin de sauver le mandat de Hasan Aydin, président du CPAS de Verviers, menacé par une procédure de destitution prévue dans le Code wallon de démocratie locale. Car c’est de Hasan Aydin que Dugyu Çelik parlait il y a huit ans. Depuis lors, elle a quitté Verviers. Mais les événements des dernières semaines ne sont que la dernière conséquence de la situation qu’elle décrivait.
Des actes illégaux couverts
La bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, et celles et ceux qui l’ont propulsée à l’Hôtel de ville de Verviers portent une responsabilité évidente dans la dégradation de la situation. Manifestement, elle n’était pas taillée pour le rôle. Et la présidence de Publifin, d’Enodia ensuite, qu’elle a occupée trop longtemps pour défendre envers et contre tout les pratiques mafieuses de Stéphane Moreau et consorts ne l’a que trop distraite d’une tâche qui la dépassait peut-être.
Il n’empêche, elle a été réélue au mayorat de manière incontestable. Et par surcroît, le collège communal et elle sont confrontés depuis des mois à un président de CPAS qui se comporte en grand vizir n’ayant de comptes à rendre à personne, et qui a multiplié les actes illégaux, annulés par le ministre wallon des Pouvoirs locaux. Paul Magnette va-t-il par extension étendre la tutelle à Pierre-Yves Dermagne, ministre socialiste? L’homme, par ailleurs, s’est signalé d par la violence de ses paroles, dont certaines d’un sexisme primaire, a l’égard de ses collègues du collège communal.
En choisissant de geler la motion prise à l’égard de Hasan Aydin, le PS wallon, à l’initiative de son président, couvre donc les actes illégaux que celui-ci a commis, comprenne qui pourra! Les pressions exercées sur les élus PS qui sont revenus sur la signature qu’ils avaient apposée sur la motion de destitution du président du CPAS ne plaident pas pour la moralisation de la vie politique.
En plaçant l’union socialiste communale de Verviers et la fédération verviétoise du PS sous tutelle pour une durée indéterminée, il risquait aussi de paralyser pour des mois une ville de Verviers en pleine déliquescence, dont le délabrement aurait dû lui parler à lui, bourgmestre de Charleroi.
En décidant d’exclure la bourgmestre de Verviers et celles et ceux qui la soutiennent au sein du PS, parmi lesquels un ancien président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles tout de même, le président du PS apporte son appui à un mandataire qui s’est appuyé sur le vote ethnique décrit par Dugyu Çelik en 2012, et qui joue toujours la carte turquissime. En témoigne la récente manifestation de soutien organisée en sa faveur, au sein de laquelle des cris antisémites ont retenti. Pour la séance finalement annulée du conseil communal de ce soir où sa destitution aurait dû être décidée, une mobilisation aurait été déclenché sur des médias turcophones dans toute la Wallonie et à Bruxelles. Comme si son origine était à la base de sa mise à l’écart!
«Ce sont les mosquées qui ont triomphé au Parti socialiste de Verviers» écrivait Dugyu Çelik en 2012. Paul Magnette leur assure aujourd’hui une victoire plus grande encore, et met leur candidat sur orbite pour octobre 2024. Mais le risque est grand, alors, de voir une liste d’extrême-droite, aussi médiocre soit-elle, surgir du néant et tailler des croupières au PS verviétois divisé ou rabiboché. Alors le président du PS dira-t-il tel l’empereur allemand Guillaume II après la Première guerre mondiale «Das habe ich nicht gewollt». «Ce n’est pas cela que j’ai voulu»?