Une mise en perspective


J’avoue que je m’attendais au pire, en entamant la vision du documentaire diffusé, il y a peu, sur RTL-TVI, et décliné en deux épisode sur la VRT, qui constituait essentiellement en une très longue interview de la princesse Delphine de Saxe-Cobourg-Gotha,(nouvelle) princesse de Belgique.

Je craignais une nouvelle fois le ton sirupeux qui caractérise ce genre d’interviewes, tant sur la chaîne publique que sur la chaîne privée, et j’avais tort: l’entretien, sans se départir d’une certaine forme de distance, n’a éludé aucune question, et a surtout permis de comprendre le parcours de la demi-sœur, désormais, du roi Philippe, de la princesse Astrid, et du prince Laurent.

La conversation est ainsi revenue sur certains points qui paraissaient choquants, de prime abord, dans sa démarche judiciaire. À commencer par la procédure de désaveu en paternité qu’elle avait initialement lancée contre son père légal, Jacques Boël, dont on a appris le décès ce samedi, avec lequel elle n’a jamais vécu, et qui semble ne pas vraiment s’être comporté comme un père à son égard.

Une authentique artiste est aussi apparue, dénigrée par certains lors du lancement de son action publique, saluée par ses pairs, et dont l’œuvre, pendant longtemps, a constitué un cri pour se faire reconnaître par son père biologique, avec un surréalisme qui n’a échappé à personne.

Une autre figure positive a été dévoilée: celle d’un mari extrêmement discret, soucieux de tenir la famille à l’écart des remous médiatiques de l’affaire, mais dont on a deviné le soutien précieux tout au long de ces années

Delphine de Saxe-Cobourg-Gotha, nom ancestral qui sera porté à l’avenir par tous les enfants princiers nés ni du roi ni de l’héritier(e), a aussi évoqué les messages de haine dont elle a fait l’objet, pour avoir osé s’en prendre au roi des Belges; l’ostracisme qui a continué à la frapper une fois sa filiation établie en justice; d’où sa demande de changement de nom, qui a eu pour effet de voir les hypocrites qui la conspuaient lui faire désormais des risettes. La haute société belge, on imagine…

En matière d’hypocrisie, on rangera le subterfuge dévoilé par sa mère, par lequel elle a fait croire à celui qui était alors son époux légitime qu’il était le père biologique de sa fille. Cette dame semble surtout, sauf lors de leur départ pour Londres, et avant son remariage, avoir eu surtout la préoccupation de la tenir isolée, par peur d’une indiscrétion, puis de s’en débarrasser en l’envoyant dans des pensions huppées…

On a saisi aussi, lors de cette émission, qu’il aurait suffi d’un geste d’Albert II pour mettre fin à cette bataille judiciaire sans fin dont il est sorti grand perdant. Pourquoi cette obstination? L’influence d’un entourage mauvais conseilleur?

Toujours est-il qu’au bout du compte, il a été le premier roi des Belges à devoir reconnaître une paternité hors mariage. Ni son père, Léopold III, très «actif» sur ce plan; ni son grand-père, Albert Ier, qui aurait eu lui aussi une descendance hors mariage, n’ont été contraints de la même manière, à d’autres époques, il est vrai.

Quant à Léopold II, sont arrière-grand-oncle, il avait in extremis reconnu sa relation avec Blanche Delacroix, qu’il a épousée morganatiquement juste avant de mourir, et anoblie dans le dessein de la mettre, elle et ses deux fils, à l’abri du besoin. Ce que le premier roi des Belges, Léopold Ier, n’aurait, lui, pas imaginé un seul instant. Pas très noble, tout cela….

La noblesse ne se décrète ni ne se transmet: elle s’acquiert


Interview en direct sur la Première, ce lundi matin; double page dans un grand quotidien bruxellois; conférence de presse l’après-midi; longue interview en direct dans le journal télévisé d’hier: la dame qui faisait ainsi l’objet de toutes les attentions méritait-elle tant d’honneur, après avoir subi tant d’indignité? Nombre de téléspectateurs ont eu l’impression qu’on les distrayait de problèmes bien plus importants: la pandémie de coronavirus qui reprend, notamment. Ou les remous à la tête du MR où la gestion «despotique», favorisant «le népotisme», et aux pratiques digne d’un «clan mafieux» du président, pour reprendre les mots d’une de ses principales opposantes, jetait déjà une ombre sur le tout nouveau gouvernement fédéral.

On ignore par ailleurs si, au fond de son tombeau, Ernst Ier a apprécié de voir ainsi la justice belge ajouter une descendante de plus à un arbre généalogique fort fourni, dont les branches s’étendent, outre la Belgique et le Royaume-Uni, jusqu’au Portugal, en Bulgarie, en Roumanie et ailleurs. Mais son surnom, «le Pieux», laisse entendre qu’il n’en aurait pas forcément été heureux. Évidemment, depuis 1675, année de son décès à l’âge d’un peu plus de 73 ans, le monde a bien changé…

Pour en revenir à la «pauvre petite fille riche» qui faisait ainsi l’objet de toutes les attentions, on est partagé entre deux sentiments: la satisfaction de voir une femme obtenir de la justice sa filiation exacte; et l’agacement devant certaines de ses affirmations. Celle, par exemple, de n’avoir jamais voulu se voir consacrer princesse de Belgique: tout qui a eu un dossier à plaider en justice sait qu’il suffit de détailler à son avocat ce qu’on souhaite et ce dont on ne veut pas, et que son mandat lui impose de suivre les desiderata de son client. Et l'(onéreux) avocat de cette personne connaît suffisamment son métier pour s’y conformer. Il n’aura d’ailleurs pas manqué d’informer sa cliente des tenants et aboutissants de pareille démarche.

Autre attitude désagréable de la plaignante: le mépris qu’elle témoigne à présent à l’égard d’une famille qui lui a offert son nom, et au sein de laquelle elle a vécu quand même pendant de longues années. Faut-il y voir le signe qu’elle n’y a jamais été acceptée, voire simplement tolérée? Si tel est le cas, il faut bien en conclure qu’être «bien plus riche que la famille royale belge», comme elle l’a dit, ne suffit pas à avoir une richesse de cœur.

Pour la première fois, au cours de cette conférence de presse, elle a parlé de sa mère. Pour dire que, maintenant que l’affaire est close, elle a renoué avec elle, après une fâcherie qui, manifestement, a duré des années. Ce silence prolongé était tout de même assez étrange, car entre les deux hommes dont elle voulait, l’un renier sa paternité, l’autre imposer sa reconnaissance, il y avait tout de même une femme, dont on ne m’empêchera pas de penser qu’à travers toute cette procédure, elle a cherché vengeance. Vengeance de quoi? De ne pas être devenue princesse elle-même, après un divorce qu’i n’est jamais venu? Ou de femme flouée qui avait nourri les plus grands espoirs après avoir donné naissance à la fille d’un authentique prince de sang?

De l’autre côté du prétoire, l’attitude n’a pas été plus brillante. Bien sûr, on peut comprendre que le caractère public donné à l’affaire, avec l’emballement médiatique que cela a provoqué, a suscité de l’amertume. Car il doit avoir été d’autant plus humiliant, pour un ancien chef de l’État, de se soumettre à un test ADN, comme un vulgaire quidam, qu’il en connaissait d’avance le résultat.

Son attitude s’explique peut-être, mais ne s’excuse pas pour autant, par le fait qu’il a pu croire que cette «affaire privée» se résoudrait d’elle-même, comme l’ont été les incartades de son père, Léopold III, dont certain arbre généalogique familial d’une vieille famille noble de Belgique porte une trace dont les historiens n’ont jamais parlé voire n’ont jamais eu connaissance; ou de son arrière-grand-oncle Léopold II, que la presse de l’époque a largement brocardé lorsqu’il a anobli sa dernière maîtresse et les deux enfants qu’elle lui avait donnés.

Manifestement, une démarche personnelle, il y a bien des années, aurait pu, aurait dû, régler la question de manière élégante. On ne peut s’empêcher, en l’espèce, de penser à la manière dont feu François Mitterrand, souverain non couronné de la Ve République, a reconnu la fille qu’il avait eue hors mariage, pouvant compter alors, évidemment, sur le silence complice d’une presse qui savait faire la distinction entre vie privée et vie publique, même d’un personnage aussi public. L’image de sa double vie s’est révélée au monde lors de ses funérailles, mais dans un climat qui n’avait rien à voir avec la rancœur et l’hostilité qui ont entouré toute cette affaire chez nous.

Ernst le Pieux peut bien se retourner dans son tombeau, la morale de cette histoire est claire: la noblesse ne peut se décréter en justice; elle ne se transmet pas non plus par l’hérédité, quand bien même cette transmission est la règle et donne accès à un almanach suranné.

La vraie noblesse, j’ai déjà eu l’occasion de le signaler sur ce blog, on la trouve à d’autres endroits, bien plus inattendus, et largement ignorés du monde. Chez ce couple, où le père des deux derniers enfants de son épouse adopte ses trois premiers, afin que tous soient sur pied d’égalité. Chez ces bénévoles qui apprennent à lire et à écrire à des adultes illettrés et honteux de l’être. Chez ces volontaires qui se mobilisent pour donner un avenir à une petit gamine handicapée physique depuis sa naissance. Tous ces gens à qui la radio, la télévision, ou un grand quotidien bruxellois ne donneront jamais la parole. Parce qu’ils ne les connaissent pas.

La noblesse ne se trouve pas là où on le croit


«L’affaire Delphine» (Boël) fait à nouveau l’actualité cette semaine, et elle la refera encore la semaine prochaine, avec la suite du procès civil intenté par l’artiste uccloise pour faire reconnaître son lien parental, probable mais pas prouvée jusqu’ici, avec Albert II. Le dossier est encore très loin d’être clos, car les recours s’annoncent et les pièges procéduriers feront le bonheur des plaideurs de haut vol qui s’affrontent, à huis clos, dans cette affaire.

220px-Delphine_Boël_cropLa démarche de la fille, toujours considérée comme telle à l’état-civil, de Jacques Boël, et de Sybille de Sélys-Longchamps est compréhensible sous l’angle humain. Se voir rejetée par quelqu’un qui a été très proche d’elle, et dont elle pense qu’il l’est encore bien plus, est difficile à accepter. Si sa demande ne vise qu’à faire reconnaître publiquement la paternité d’Albert II, on la comprend entièrement. Mais s’y mêlent, hélas, de basse questions matérielles, liées à l’héritage futur de l’ancien monarque. Delphine Boël gagnerait en crédibilité, et en considération, si elle déclarait publiquement qu’en cas de paternité avérée de l’ancien chef de l’État, elle renonce par avance à tout héritage de sa part. Ainsi, elle ferait disparaître les vilains soupçons qui s’attachent à sa démarche.

L’attitude d’Albert II, elle-même, apparaît assez consternante dans ce dossier: au moment des révélations de Mario Danneels, qui faisait état de l’existence d’une fille naturelle de l’ancien roi, il y a douze ans, il avait, dans son discours de fin d’année suivant, implicitement reconnu les faits. Or, aujourd’hui, il s’obstine dans une bataille procédurière qui semble perdue d’avance. On comprend mal cette obstination. Après tout, ce genre de situation se rencontre souvent dans notre société, et, au début du XXIeme siècle, qu’en coûterait-il à l’arrière-petit-neveu de Léopold II d’admettre, comme ce dernier l’avait fait, en épousant et anoblissant in extremis leur mère, qu’il a une descendance hors mariage? Son arrrière-arrière-grand-père, Léopold Ier, avait lui aussi notoirement un enfant illégitime. La descendance du prince Charles, oncle d’Albert II, ancien régent du royaume, et mort célibataire, est, elle aussi connue. Il est bien tard, sans doute pour procéder de la sorte, mais cela resterait possible, et témoignerait d’un comportement humain éminemment respectable.

On n’en dira pas autant de Sybille de Sélys-Longchamp, rangée aux côtés de sa fille, et qui s’est répandue, il y a quelques semaines, dans les médias, sur sa relation avec celui qui était alors toujours le prince Albert, donnant à ce sujet des détails dignes de «France Dimanche» ou de la collection Arlequin. Mme de Sélys-Longchamps, il y a une trentaine d’année, n’a pas été étouffée par les scrupules pour tromper son mari et entretenir une relation adultérine avec un prince qu’elle savait par ailleurs marié et père de famille. Là aussi, me direz-vous, c’est une situation banalement affligeante, mais le respect de la parole donnée était, paraît-il, une valeur cardinale dans cette classe nobiliaire qui a su conserver des privilèges pourtant abolis la nuit du 4 août 1792 en France. Le suivi de cette décision n’a manifestement pas été assuré avec suffisamment de vigilance. Mais peut-être, pour une représentante d’une famille de hobereaux hesbignons, le fait de se retrouver dans un lit princier représentait-il une forme de promotion?

La noblesse, pourtant, existe. Pas dans cette faune à particule, qui se regarde le nombril, mais dans notre environnement immédiat. Elle est chez cet homme qui retrouve son amour de jeunesse, abandonnée avec plusieurs enfants, avec lesquels il construira une vraie relation «paternelle» et qu’il placera à égalité avec l’enfant qu’il aura avec sa compagne retrouvée. Elle est chez ce jeune couple modeste, qui élève cinq enfants, dont le mari se prépare à adopter les trois premiers, qui ne sont pas de lui, afin que leur famille ne recèle aucune différence. Ceux-là sont des anonymes; ils ne font pas la une des médias  mais sur le plan de la noblesse, ils ont des leçons à donner!

Monarchie: et si on remettait la balle au centre?


La frénésie médiatique qui s’est emparée des médias, ces derniers jours,est de nature à provoquer l’indigestion chez de nombreux utilisateurs des médias, dont je suis. Point trop n’en faut, et dans la concurrence «monarcholâre» effrénée que se livrent la RTBF et RTL-TVI d’une part, les quotidiens de l’autre, l’information authentique va être noyée. Dans le même temps, les opinions qui naviguent à contre-courant n’échappent pas non plus à la généralisation, et aux approximations pas toujours innocentes. Il serait urgent de remettre la balle au centre, et de ne tomber ni dans la sacralisation, ni dans l’approximation. Même si, ce dimanche, les torrents de platitudes qui déferleront sur nos ondes empêcheront toute réflexion à ce propos.

Que l’abdication d’Albert II fasse l’objet d’une large couverture médiatique, en soi, n’est pas anormal. Un changement à la tête de l’État, que ce soit en République ou dans une monarchie, capte toujours l’attention des médias. Et après tout, contrairement à leurs collègues néerlandais, les souverains belges n’ont pas pris pour habitude de quitter leurs fonctions avant leur décès. La seule exception historique que nous avons connue jusqu’ici est l’abdication de Léopold III, en 1950. Une abdication contre laquelle le quatrième roi des Belges s’est insurgé jusqu’à la dernière minute, tentant de former un gouvernement personnel qui le maintiendrait sur le trône, mais à laquelle il a fini par consentir sous la pression populaire.

1386127_3_f935_le-roi-albert-ii-de-belgique-et-la-reine-paolaRien de tel ici: le roi Albert II prend sa retraite, tout simplement. Et il passe le témoin en toute sérénité, du moins on le suppose, à son héritier. Lequel, à 53 ans, va devoir prouver qu’il est bien à même d’occuper la fonction de chef de l’État.On sait que les polémiques ont été nombreuses, surtout en Flandre, à ce propos. La question, aujourd’hui, n’est plus tellement de savoir si le futur roi Philippe est suffisamment formé pour le poste: le temps lui a été largement donné de s’y préparer. Mais elle est de connaître la conception qu’il aura de son rôle. Plus d’un interlocuteur a émis les craintes qu’il se sente investi d’une «mission», la lutte contre le séparatisme flamingant, à l’image de son défunt oncle le roi Baudouin. La composition de son entourage, à cet égard, sera cruciale…

Ces réflexions ne doivent pas occulter l’offensive médiatique qui s’est déclenchée il y a un peu plus de deux ans pour redresser l’image de Philippe dans l’opinion publique, et qui culmine en ces jours-ci par les portraits à l’eau de rose qui sont dressés de lui. Il devient urgent de le prendre en considération  avec la pondération voulue.

Dans l’autre camp, les tenants d’une forme républicaine d’exercice du pouvoir, incontestablement plus démocratique que sa transmission héréditaire, n’évaluent pas non plus toujours la monarchie belge dans ses limites réelles. Dans un éditorial récent, Bart Sturtewagen, éditorialiste au très flamand «Standaard» – ce quotidien même qui, naguère, se précipitait à Laeken se faire congratuler par Albert II pour une initiative journalistique prétendument unique dans la presse belge avec «Le Soir» –  juge ainsi, de manière un peu lapidaire, que la monarchie belge ne doit son existence qu’à notre «particratie». Le terme, soit dit au passage, étonne un peu sous sa plume, car même si le «Standaard» n’est pas précisément progressiste, il n’utilise pas souvent  ce vocable, plutôt réservé aux tenants d’une droite dure voire extrême. Et l’éditorialiste lui-même côtoie quotidiennement ceux qu’il stigmatise ainsi sous ce terme méprisant…

220px-Leopold_I_by_Franz_WinterhalterCette mainmise des partis sur la monarchie, Bart Sturtewagen la situe dès l’origine, puisque les révolutionnaires de 1830, rappelle-t-il, souhaitaient créer une République belge. Le fait est incontestable, mais il est tout aussi notoire que les grandes puissances de l’époque (la Russie, l’Autriche-Hongrie, et surtout le Royaume-Uni) ne voulaient pas, quarante-et-un an après la Révolution française, voir renaître une République sur le sol européen. Et c’est le réalisme politique, plus que la particratie (et d’ailleurs, les partis politiques n’existaient pas en tant que tels) à l’époque, qui a imposé au gouvernement provisoire de l’époque le choix d’une forme monarchique pour le futur État. Mais comme ils avaient une maturité certaine, et Bart Sturtewagen ne le rappelle, pas, ils ont donné une forme… républicaine à cette monarchie, dont le titulaire, n’avait pas de pouvoir réel. La Constitution belge de 1831 a été à juste titre considérée comme la plus libérale du monde à son époque; et elle a été par la suite transposée dans de nombreux pays. Le premier roi des Belges -et pas «roi de Belgique», tout est dans l’appellation! – n’aura de cesse de tenter de s’arroger plus de pouvoirs que le texte ne lui en reconnaissait. «Vous avez bien mal traité la monarchie» dira-t-il, dépité, à ses ministres…

Ses successeurs, eux aussi, ont voulu dépasser les bornes de leurs responsabilités. Léopold II a régné sans partage sur le Congo; Albert Ier a violé la Constitution, mais pour la bonne cause, en imposant le suffrage universel (masculin) au sortir de la Première guerre mondiale; et Léopold III a, dans l’air du temps, rêvé de créer une forme de «dictature royale».

dyn003_original_250_284_gif_2522062_de217d57735f0504552ec83a35ee067fL’action du quatrième roi des Belges aurait dû conduire à la disparition de la monarchie, poursuit Bart Sturtewagen: elle n’a été sauvée, une nouvelle fois, que par la particratie. C’est oublier que l’effacement de Léopold III au profit de Baudouin, en 1950, a certes fait l’objet d’un compromis politique (mais n’oublions pas le rôle des anciens prisonniers politiques, rescapés des camps de concentration nazis, pour le forcer), mais a surtout préservé la Belgique d’une guerre civile entre la Wallonie républicaine et la Flandre monarchiste d’alors.

La démonstration de Bart Sturtewagen se poursuit avec le rappel du refus de feu le roi Baudouin de signer la loi sur l’avortement. L’impossibilité temporaire de régner qui lui a alors été reconnue a nourri bien des discussions. Mais dans la Belgique largement fédéralisée d’alors, quelle alternative crédible aurait-elle été possible, sinon une… abdication?

Depuis les années 50, par un de ces renversements curieux dont l’Histoire a le secret, les tendances se sont inversées: la Wallonie est aujourd’hui beaucoup plus monarchiste que la Flandre. Et même si on s’accorde sur le fait que la forme républicaine d’exercice du pouvoir est la plus démocratique, son application, dans la Belgique d’aujourd’hui, se heurterait de front à la majorité flamande en place au niveau national. Car pareil scrutin ne pourrait se dérouler qu’à l’échelle nationale. Et, en cela, la démonstration de Bart Sturtewagen peine à atterrir. Car aussi favorable qu’on puisse être, en Wallonie, à l’élection d’un(e) président(e) de la République au suffrage universel, très peu d’électeurs, sans doute, souhaiteraient se retrouver avec un Bart De Wever à la tête de l’État fédéral!

Comme notre confrère le souligne en outre lui-même, la fonction royale a évolué au fil du temps. Dans le sens, d’ailleurs, d’une constante réduction de ses pouvoirs, qu’ils soient ceux que les premiers rois s’étaient arrogés au fil du temps, ou qu’ils soient constitutionnels, par le jeu des réformes successives de notre texte fondamental. Cette évolution devra se poursuivre avec le roi Philippe. Quels que soient les lauriers que lui tresseront sans mesure, demain et dans les jours à suivre, tous les médias confondus…