Tirez(-vous) les premiers, messieurs les Anglais!


Brexit illustréLe marathon européen de la fin de semaine a donc permis à David Cameron de rentrer au Royaume-Uni en fanfaronnant qu’il avait obtenu «le meilleur des deux mondes». D’annoncer dans la foulée le référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, ou du moins avec un pied dans l’Union Européenne pour en retirer tous les bénéfices, et un pied en dehors pour ne pas en assumer toutes les obligations. Et d’entamer une campagne pour le «oui» en soulignant tous les dangers que représenterait pour son pays le Brexit, autrement dit, la sortie de l’Union Européenne.

Christophe BarbierEt bien pour paraphraser Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman, dans la dernière émission C dans l’air de la semaine dernière, j’aurais tendance à dire «Tirez… vous les premiers, messieurs les Anglais!», mais plus dans le sens de
Christophe Barbier, éditorialiste de L’Express, que dans celui de Thierry Chopin lui-même.

Car si David Cameron dit vrai, quand il pose qu’il a obtenu «le meilleur des deux mondes», on doit bien en conclure que ses vingt-sept partenaires européens, eux, doivent payer le beurre, mais que la crémière, qui leur pend la gueule, ne le leur donne pas mais l’offre aux Britanniques!

Le Premier ministre de sa Gracieuse majesté, lui, révèle pour l’occasion son manque d’envergure politique: il suffit donc de changer les conditions d’adhésion du Royaume-Uni à l’Union Européenne, notamment en réduisant les prestations sociales pour les travailleurs migrants en provenance d’autres pays de l’Union, pour que le Brexit devienne dangereux pour son pays? Que son économie risque de partir en quenouille? Que la City risque de se désagréger? Ah, qu’il est loin le temps de Winston (Churchill) et de la vision à long terme qu’il avait pour gérer la politique!

Les Britanniques ne s’y trompent pas, d’ailleurs: en dépit des rodomontades de leur Premier, l’écart entre partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne et partisans de son maintien reste significatif. Pour le plus grand bonheur de l’UKIP et de son leader, Nigel Farrage, dont, soit dit au passage, un Brexit aurait le mérite de nous débarrasser définitivement!

L’Union Européenne souffrirait de la perte du Royaume-Uni, peut-être autant que le Royaume-Uni lui-même du Brexit. Mais gagnerait-elle à conserver un État-membre dont la seule fonction est de pomper ses ressources sans rien lui apporter en retour?

Mais pourquoi ne parle-t-on jamais du coût de la gare d’Anvers?


Jacqueline Galant, a passé une semaine difficile, et elle a encore fait l’actualité ce week-end: bourgmestre en titre de Jurbise, elle y a organisé son bal annuel sous haute surveillance policière, et les cheminots qui voulaient venir lui répéter tout le mal qu’ils pensent de son plan stratégique n’ont pas eu l’occasion de l’approcher.

Il faut dire que les palinodies de la ministre MR de la Mobilité, la semaine dernière, sur la réalisation du RER bruxellois en Wallonie ont eu quelque chose de surréaliste: même les parlementaires libéraux, présents en commission, confirmaient ses déclarations sur la mise en service du futur RER sur les deux lignes ferroviaires actuelles (ce qui transformerait d’office les travaux déjà réalisés en travaux inutiles, qui ont fait la gloire médiatique de Jean-Claude Defossé), alors que la ministre, le lendemain, assurait n’avoir jamais tenu ces propos. Entre-temps, le Premier ministre, Charles Michel, était intervenu en urgence: la grogne en Brabant Wallon, terre libérale par excellence, était semble-t-il de plus en plus forte.

Sur la Une, aujourd’hui, l’administrateur-délégué de la SNCB, Jo Cornu, y est allé de sa petite pique à l’égard d’Infrabel, gestionnaire du réseau, dont les fonds, pour la réalisation du RER bruxellois, sont désormais largement entamés. Tandis que Jacqueline Galant, toujours elle, s’est fait des amis à Anvers, et notamment chez ses partenaires gouvernementaux de la N-VA, en annonçant que Bruxelles aurait la priorité, au détriment d’Anvers, mais également de Liège et de Gand, pour la réalisation, là aussi,de réseaux express.  Ce qui permettrait, soit dit au passage, de réutiliser des infrastructures ferroviaires aujourd’hui à l’abandon.

Au cours des débats de cette semaine, et de manière plus générale, on épingle par ailleurs généralement les dépenses «somptuaires» d’Infrabel et de la SNCB pour les gares de prestige de Liège-Guillemins et de Mons, pour dénoncer une faute de gestion: les priorités auraient été mises là où elles ne devaient pas l’être, dans des gares plutôt que dans des réseaux. Ce qui n’empêche pas les mêmes de s’indigner des fermeture des gares programmées par la SNCB: preuve qu’il n’y a pas de gares sans lignes, ni de lignes sans gares.

Sur ce plan, il ne serait pas mauvais de remettre les choses en perspective. La construction d’une nouvelle gare à Liège était indispensable pour permettre le passage du TGV par la Cité Ardente: l’ancienne gare, et son ancienne structure ferroviaire, n’autorisaient pas ce passage, pour lequel le défunt gouverneur des provinces de Liège et de Luxembourg, Pierre Clerdent, a longuement ardemment bataillé. Conscient du fait que le TGV venant de Paris à destination de Cologne devait représenter un atout économique important pour la ville. L’alternative aurait été une gare TGV liégeoise sur les hauteurs, à proximité de l’aéroport de Bierset: on imagine le coût de la réalisation de cette nouvelle infrastructure.

Dès lors qu’une nouvelle gare était indispensable, fallait-il dès lors construire une gare de seconde zone? Le choix de Santiago Calatrava comme architecte l’a été dans une perspective de redéploiement urbain, et, régulièrement depuis son inauguration, des visiteurs viennent la découvrir. Car il s’agit aussi d’un monument urbain.

thumb_nieuws-item-7194À Anvers aussi, il a fallu adapter la gare à l’arrivée du TGV, de Paris et Londres à Amsterdam. Le choix, là, a été de conserver l’ancienne gare, monument classé, et d’implanter les quais TGV en sous-sol.

Et là, chose étrange, Anvers n’est jamais mentionnée quand les dépenses «somptuaires» de la SNCB et d’Infrabel pour des gares de prestige sont épinglées.

Les chiffres sont pourtant parlants: la nouvelle gare TGV de Liège-Guillemins a coûté 312 millions d’euros, 437 si on y ajoute les modifications de l’infrastructure ferroviaire qui ont accompagné sa construction. Anvers-Central, elle, a coûté 404 millions d’euros, auxquels se sont ajoutés 371 millions d’euros pour la mise en place de la nouvelle structure d’accueil du TGV, soit au total 775 millions. Un montant à côté duquel les 272 millions annoncés pour la gare Calatrava de Mons apparaissent, en comparaison, relativement riquiquis.

Tout se passe donc comme si, pour les navetteurs wallons aussi, les sommes englouties à Anvers-Central étaient naturelles, tandis que les dépenses faites à Liège ou à Mons seraient, elles, «somptuaires».

Nous avons par ailleurs eu déjà plusieurs fois l’occasion de souligner ici le déséquilibre en faveur de la Flandre du réseau ferroviaire national. Logique, dans la mesure où, chaque année, 60% des moyens y sont dépensés, pour 40% en Wallonie, où l’étendue du territoire, et son caractère vallonné entraînent d’office à la hausse le coût des travaux d’infrastructures.

Si l’on veut donc entretenir la polémique à perpétuité, il serait donc bon de rappeler que, pour les gares aussi, la Flandre a bénéficié d’un effort colossal, supérieur à celui de la réalisation des gares de Liège-Guillemins et de Mons. Mais les travaux étant réalisés, ou en sur le point d’être achevés, ce débat n’a plus de raison d’être. Et il serait temps de réfléchir sérieusement à la cohérence d’un gouvernement qui a proclamé à Paris, à la COP21, sa volonté de réduire résolument les émissions de gaz à effets de serre, et qui, dans le même temps, désinvestit massivement et de la société gestionnaire du réseau, et de l’opérateur ferroviaire traditionnel. Peut-être serait-il également utile de se demander si la ministre en charge de deux des dossiers les plus explosifs qui soient en Belgique (la SNCB, et le plan de vol autour de l’aéroport de Bruxelles) n’a pas définitivement fait la preuve de son incompétence.