Rien ne semble pour l’instant pouvoir arrêter les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza sur Israël, et les bombardements en réplique de l’armée israélienne sur la bande de Gaza: aux propositions de cessez-le-feu présentées par le Hamas, au pouvoir à Gaza, Israël a opposé son droit de se défendre, et il s’y accrochera d’autant plus que le président des États-Unis, Joe Biden, a apporté son soutien à l’État hébreu sur ce point.
Le nombre de victimes, tuées ou blessées, risque donc d’augmenter dramatiquement, et de manière totalement déséquilibrée, puisque, comme le signalait un analyste, quand Israël est touché par une pierre, il réplique avec des bombes. Et pas de manière à éviter les victimes civiles, comme l’a prétendu l’ambassadeur d’Israël en Belgique, Emmanuel Nahshon lors d’une récente interview télévisée. La théorie selon laquelle Tsahal, l’armée israélienne préviendrait ses adversaires plusieurs heures avant de frapper ne peut abuser personne.
L’ambassadeur, que j’ai eu l’occasion de rencontrer il y a quelques mois, s’est par ailleurs exprimé de façon fort peu diplomatique en accusant le gouvernement belge auprès duquel il est accrédité d’« hypocrisie et de lâcheté » pour ne pas soutenir inconditionnellement Israël, comme l’ont fait les États-Unis ou le Royaume-Uni, mais d’avoir insisté sur la nécessité d’un dialogue pour mettre fin à l’escalade actuelle.
Emmanuel Nahshon a par ailleurs repris la thèse de propagande selon laquelle les Palestiniens menacés d’expulsion à Jérusalem-Est sont des « squatters » occupant indûment des immeubles « acquis il y a 70 ans par des associations juives ».
Si cette théorie était exacte, et les faits aussi évidents, le recours actuellement pendant devant la Cour suprême d’Israël n’aurait pas été indispensable. Et puis au-delà du cas d’espèce, il y a une politique israélienne d’expulsion répétée de Palestiniens des habitations qui sont les leurs, notamment en invoquant de prétendues découvertes archéologiques dans leurs propriétés.
Le rôle d’un diplomate est bien sûr de représenter son pays. S’il dépasse sans doute certaines limites dans son expression, on peut comprendre qu’Emmanuel Nahshon élude la responsabilité écrasante d’Israël dans la situation actuelle. Avec la complicité active de l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, l’État hébreu s’est de plus en plus écart ces dernières années de la solution à deux États que l’ONU préconise en vain depuis plus de sept décennies.
Après l’annexion illégale du plateau du Golan ont succédé les projets d’annexion de la Cisjordanie occupée, et de Jérusalem-Est, appelée à être la capitale de l’État palestinien, dont la carte, parsemée de colonies israéliennes annexées, figurant en annexe du récent « plan Jared Kushner » pour le Proche-Orient, démontre là non-viabilité.
L’instabilité politique persistante en Israël, où le camp de la paix semble durablement réduit au silence, ajoute au marasme: d’élection en élection, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s’accroche d’autant plus à son poste que sa persistance au pouvoir retarde les procès pour corruption dont il fait l’objet. Quitte à courir derrière de possibles alliés de plus en plus classés à l’extreme-droite.
La responsabilité de l’Autorité palestinienne est également fort grande dans cette dérive : à 86 ans, son président, Mahmoud Abbas a reporté le 30 avril dernier une élection attendue par la population depuis… plus de quinze ans.
Pour justifier sa décision, il a invoqué le refus israélien de tenir le scrutin à -on y revient- Jérusalem-Est où vivent 350000 Palestiniens. Mais il est notoire que sa crainte était de perdre le pouvoir face aux listes concurrentes « de la Liberté » (celle-ci, menée par Marwan Barghouti, détenu dans une prison israélienne, secondé par Nasser al-Kidwa, neveu de Yasser Arafat, était donnée favorite de l’élection) et du « Futur » conduite depuis les Émirats par Mohamed Dahlan qui y a été exilé par… Mahmoud Abbas.
Et puis le Hamas comptait aussi sur ce scrutin pour sortir de sons isolement à Gaza: son offensive actuelle lui permet peut-être de marquer des points, et ne l’incitera pas à faire baisser la pression. Soutenu par l’Iran, le Hamas est lui aussi responsable de la dégradation actuelle de la situation, même si on doit le créditer de ses offres de cessez-le-feu.
Autres responsables de la dramatisation actuelle, les États-Unis qui ont jusqu’à récemment appuyé Benjamin Netanyahu dans tous ses errements et les États arabes (Émirats Arabes Unis, Koweït, Soudan, Maroc) ont noué des relations diplomatiques avec l’État hébreu en n’accordant pratiquement aucune attention aux doits du peuple palestinien, au bénéfice d’avancées comme, s’agissant du Maroc d’une reconnaissance fragile par les États-Unis de sa souveraineté sur la région toujours disputée du Sahara Occidental. Reste l’Union européenne dont l’incapacité à faire prévaloir une voie originale dans cette zone est plus que jamais criante
Tout cela revient au problème du déni des droits du peuple palestinien à un État viable, affirmé par les Nations-Unies. Au plus tard ce droit sera satisfait, au plus tard une paix durable s’installera au Proche-Orient…