Le latin venu à pied du fond des âges….


Avec «Merci Professeur» et d’autres rubriques, TV5 Monde illustre régulièrement la langue française, en précisant l’orthographe de divers mots, ou en situant l’origine de certaines expressions.

C’est ainsi que, ce matin, elle expliquait que l’amitié entre porcs, que personne n’a jamais pu vérifier au demeurant, n’a absolument rien à voir avec la célèbre expression «copains comme cochons». Le mot «cochon», rappelait-elle à toutes celles et ceux qui l’avaient appris, et apprenait-elle à toutes celles et tous ceux qui, comme moi, l’ignoraient complètement, est une déformation du mot ancien «soçon», lui-même dérivé du latin «socius»: ami, associé (ce dernier terme manifestant d’ailleurs clairement sa filiation).

dyn004_original_720_540_pjpeg_2669699_848880771c9182afc272f40580f78b78TV5 Monde ne pratique (évidemment) pas le wallon. Et ignore donc qu’en wallon de Namur, le mot «soçon» ou «sosson» désigne toujours un compagnon, un copain, un compère, un ami. Notamment dans l’affectueux «vî sosson».

Le Liégeois, lui, parlera de son «vî coyon», et, à la lumière de ce qui précède, on imagine bien que le terme, à forte connotation sexuelle (un peu comme le… cochon français), est lui-même une déformation de celui que le wallon de Namur a conservé dans sa forme primitive.

Si besoin en était, voilà qui rappelle encore la belle expression de Julos Beaucarne, qui a décrit le wallon comme «le latin, venu à pied du fond des âges…».

Paradoxe: la langue wallonne se pratique de moins en moins, mais le théâtre wallon, lui, connaît une nouvelle vigueur. Au point que la RTBF a entamé de nouvelles captations de pièces: manière de se réconcilier avec un public wallon qui lui reproche souvent d’être trop «bruxello-bruxelloise»?

Mais les Wallons eux-mêmes sont-ils suffisamment conscients de la portée de leur culture wallonne?

À Verviers, où il est né, une plaque commémore le souvenir de Jean Haust, «professeur à l’université de Liège». On n’a même pas pensé à signaler que Jean Haust est l’auteur d’un dictionnaire wallon-français du wallon liégeois qui fait référence, mais qui illustre surtout la richesse du vocabulaire wallon, et souligne au gré des pages sa filiation wallonne. On raconte, d’ailleurs, que Jean Haust, apprenant le nom latin du hêtre, «fagus», avait fait remarquer qu’en wallon, l’arbre se désigne «fawe». Il s’était fait solidement réprimander. C’est pourtant bien lui qui avait raison. Bien avant Julos, il avait démontré que le wallon était bien le latin, venu à pied du fond des âges…