C’était le temps où tout le monde pouvait aller admirer Beckenbauer, Maier, Müller et les autres


Le décès de Franz Beckenbauer, le 7 janvier dernier, a été largement commenté dans la presse. On a tout dit du «Kaiser», de sa performance comme joueur de club puis comme entraîneur vainqueurs tous deux de la Coupe d’Europe des clubs champions, comme on disait à l’époque. De son élégance dans son rôle de libero du Bayern de Munich et de l’équipe nationale allemande, championne du monde chez elle, et à Munich par surcroît, en 1974, face à l’armade hollandaise apparemment invincible emmenée par Johan Cruyff, lui aussi disparu.

Personnellement, cela m’a rappelé la soirée du 15 mai 1974, au stade du Heysel, qui ne s’appelait pas alors encore le stade Roi Baudouin. C’est là que se retrouvaient face à face le Bayern, qui paraissait irrésistible avec notamment son «Bomber», Gerd Müller, la terreur des défenses, face à l’Atletico Madrid, qui atteignait, sauf erreur de ma part, pour la première fois la finale de la coupe «aux grandes oreilles» que son rival madrilène, le Real, avait déjà ramenée quelques fois dans la capitale espagnole.

Pourquoi ce souvenir? Parce que, jeune étudiant, j’étais dans une tribune où supporters bavarois et madrilènes se côtoyaient, se chambraient, mais où nulle agressivité ne transpirait.

Si j’avais pu assister à cette rencontre, et enfin voir de mes yeux les vedettes bavaroises que je n’avais jamais suivie jusque-là que sur le petit écran, c’est forcément parce que le prix des places, pour cette finale, était accessible même pour l’étudiant désargenté que j’étais alors. Peut-être avais-je dû épargner quelque temps pour m’offrir le ticket d’entrée, mais l’épreuve, manifestement, n’avait pas été trop dure à digérer.

Autre circonstance, inimaginable aujourd’hui: j’avais pu acheter mon billet aux guichets du Heysel, sans devoir déclarer si j’étais un supporter du Bayern ou de l’Atletico. Quand bien même j’avais bricolé un petit blason, attaché à mon blouson, dans lequel le supporter du RFC Liégeois que je suis toujours, saluait le Bayern de Munich…

Comme d’autres, j’attendais le rouleau compresseur bavarois… qui ne s’est pas mis en marche ce soir-là. Pire, au terme d’un 0-0 enregistré à la fin des 90 minutes (sans que je ne pense à dire à l’époque qu’«un score inverse eût mieux reflété la physionomie de la partie» comme aime à le répéter un de mes vieux potes), et une première prolongation terminée sur le même score nul et vierge, un but de Luis Aragonès, le futur sélectionneur de la «Roja», inscrit à la 114eme minute, provoquait l’effondrement des supporters bavarois, tandis que les aficionados de l’Atletico sortaient leur gourde de vin et le faisaient couler de manière à la fois typique et abondante.

Le rush final des Bavarois semblait vain, tant la défense des Madrilènes tenait le coup. L’arbitre de la rencontre se préparait déjà à siffler les trois coups fatidiques, pour mettre fin à la partie, quand Hans-Georg Schwarzenbeck, alias Katsche, le stoppeur de l’équipe du Bayern, franchissait la ligne médiane, s’avançait, et, des 25 mètres, frappait comme un bœuf le ballon… qui pénétrait dans le but adverse au ras du montant.

J’ignore si Schwarzenbeck, soldat de l’ombre par excellence, dont la rigueur extrême a notamment aidé Franz Beckenbauer à jouer son rôle de libero offensif, a inscrit beaucoup de buts dans sa carrière. Mais celui-là, inscrit à Bruxelles, le 15 mai 1974, a sauvé son club de l’humiliaton!

Aujourd’hui, on s’en remettrait à la loterie des coups de réparation. Mais alors, le nombre de rencontres imposées aux grandes vedettes du ballon rond était beaucoup moins important qu’aujourd’hui. Et la finale… s’est rejouée le surlendemain.

Celle-là, hélas, je ne l’ai pas suivie dans les tribunes du stade, mais devant l’écran de la télévision. Et là, le Bayern s’est retrouvé pour écraser l’Atletico Madrid (4-0) et conquérir la première de ses trois coupes d’Europe des clubs champions.

Dans l’équipe du Bayern, championne d’Europe lors de son «replay» bruxellois, une majorité très large de joueurs allemands, et même bavarois…

Bien sûr, déjà à l’époque, les clubs les plus riches dominaient déjà la scène européenne. Mais il n’empêche, dans cette équipe du Bayern championne d’Europe, l’immense majorité des joueurs étaient allemands et même bavarois.

Aujourd’hui, la finance folle domine et corrompt le football européen et le football mondial. Il n’est plus possible au spectateur lambda d’acquérir un billet pour une finale de coupe d’Europe, encore moins d’aller acheter son ticket d’entrée aux guichets du stade. Et la condition sine qua non pour obtenir ce précieux sésame, c’est de déclarer quel club on soutient.

Par le principe même du ruissellement, les mêmes règles valent pour les compétitions belges, que ce soit en première, en seconde divisions (désolé d’utiliser ces termes vieillots, je me refuse à nommer les «parrains» de ces compétitions) et même dans les divisions inférieures.

Quant aux journalistes sportifs, un genre journalistique auquel j’ai goûté, il y a une quarantaine d’années, leur rôle se réduit de plus en faire-valoir, dès lors que le choix des joueurs qu’ils peuvent interviewer après les rencontres leur est désormais dicté par les clubs.

On a beau dire que la République est toujours plus belle sous l’Empire, on ne m’empêchera pas de penser que la dérive du football au plus haut niveau finira par tuer le football lui-même…

Le football belge scie la branche sur laquelle il est mal assis


La plainte de l’Excelsior Virton contre la licence accordée au SKLommel ébranlera-t-elle le football européen, voire mondial, à l’instar de l’action entreprise, il y a plus de trois décennies, par un joueur belge inconnu sur le plan international, Jean-Marc Bosman, qui a mis par terre l’enchaînement des footballeurs à leur club? Bien malin qui pourrait le dire, car le bras-de-fer engagé par le club gaumais est gigantesque, en ceci qu’il vise des clubs européens de premier plan comme le Paris Saint-Germain, ou Manchester City? Et puis, dans une affaire qui oppose un club wallon à un club flamand, il ne faut pas être grand clerc pour deviner dans quel sens pencheront et l’Union belge et la Ligue professionnelle, dont le directeur, faut-il encore le rappeler, est l’ancien président de la N-VA…

Il n’empêche, les Virtonais ont de quoi faire réfléchir les juges, sinon belges, du moins européens puisqu’ils annoncent déjà, s’ils étaient déboutés, qu’ils s’adresseraient à la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui a son siège à Luxembourg. Au moins, si leur dossier y aboutit, ne seront-ils pas astreints à un très long déplacement.

C’est là que le parallèle avec le dossier Bosman prend toute sa dimension, car à l’époque, c’est à la fois à la non-conformité du système de transferts en vigueur avec les règles européennes sur la libre circulation des travailleurs et à la pseudo-autonomie juridique des fédérations sportives que les avocats du joueur liégeois s’étaient attaqués. Avec, en apparence, aussi peu de chances de s’imposer que l’Excelsior Virton aujourd’hui.

Nous avons déjà eu l’occasion, dans ce bloc, d’épingler la main-mise sur le football mondial, sur le football européen, et donc sur le football belge, par des pouvoir qui n’ont rien de sportifs, et qui pèsent sur des décisions sportives.

C’est ainsi que le Paris-Saint-Germain est passé sous pavillon qatari, pas pour le pire mais pas non plus pour le meilleur, dans la foulée du soutien de la France à l’attribution au Qatar du récent Mondial qui a couronné l’Argentine.

L’émirat n’est certainement pas le seul à pratiquer de la sorte: ce sont les Émirats Arabes Unis qui contrôlent Manchester City, et l’Arabie Saoudite Newscastle. L’oligarque russe Roman Abramovich avait acquis Chelsea avant de le céder au groupe du milliardaire américain Todd Boelhy, par suite de la guerre en Ukraine.

La situation en Belgique n’est pas plus rose: si le Club Brugeois, Anderlecht, le Sporting de Charleroi, Malins, le RC Genk, ou La Gantoise et l’Antwerp restent contrôlés par des propriétaires belges plus ou moins fortunés, l’AS Eupen est toujours financée, elle aussi, par le Qatar (qui semble toutefois se retirer progressivement du club); le Standard de Liège est aux mains d’un consortium international, 777 Partners, qui achète des équipes de football dans le monde entier; le Cercle de Bruges est un satellite de l’AS Monaco. Courtrai est propriété d’un milliardaire malaisien qui possède déjà Cardiff City et le FK Sarajevo; et Saint-Trond est aux mains d’une entreprise japonaise d’e-commerce.

Westerlo, pour sa part, est sous la coupe d’un entrepreneur turc, dont l’usine, installée au Soudan, produit du matériel militaire. Le KV Ostende, relégué à l’issue de la présente saison, est toujours, mais pour combien de temps encore, dans le giron du Pacific Media Club, lui aussi spécialisé dans l’achat de clubs de football. Le partenariat entre le FC Seraing et le FC Metz n’a pas empêché le club liégeois, lui aussi, de basculer en seconde division.

Pour l’Union Saint-Gilloise, le partenariat avec Brighton & Hove-Albion est, depuis quelques années, marqué du sceau de la réussite, mais là aussi, il y a le risque qu’un jour, le propriétaire du club britannique change d’humeur.

Visé par la plainte de l’Excelsior Virton, leSK Lommel, lui, fait patrie du City Football Gropup,et reçoit donc des fonds d’Abu Dhabi. De quoi violer les règles en matière de concurrence, souligne le club gaumais, avec une pertinence apparente.

Les Allemands, eux, ont depuis longtemps réglé le problème: leurs clubs doivent avoir des propriétaires majoritairement allemands. Cela n’empêche pas le Bayern de Munich d’être champion pratiquement avant que le championnat ne débute. Mais au moins, cela évite-t-il, en principe, des écroulement sspectactulaires.

Retour au football dans notre petite terre d’héroïsme. Un football pas très ragoutant, si on se rappelle les magouilles mises au jour par notre ancien confrère Thierry Luthers, qui avouait n’avoir pu les dévoiler que parce qu’il arrivait en fin de carrière.

Les dossiers de corruption ainsi établis, et confirmés par les aveux d’un repenti n’ont rien changé: la plupart d’entre eux se sont terminés par des transactions financières (ben, tiens), et on peut supposer qu’en coulisses, bien peu de choses ont changé. Une preuve? La finale de la coupe de Belgique se joue toujours avant la fin du championnat. Manière de favoriser tous les arrangements pour la distribution des tickets européens…

Cette année, le nombre de clubs plus haut niveau de notre football va se réduire, et la deuxième division, que je me refuse à baptiser du nom publicitaire qu’on lui donne, sera renforcée.

De quoi renforcer nos clubs? Soyons sérieux, là n’est pas le propos! Nous ne serions que moyennement étonnés si les «play-offs», qui étonne tous les observateurs étrangers, résistaient encore longtemps à l’absence, cette année, du Standard et d’Anderlecht dans le dernier carré.

Surtout, il faudrait se rendre compte que le nombre de clubs professionnels est trop élevé en Belgique, et que la manière dont le football professionnel étouffe le football amateur ne fera qu’amplifier le marasme.

Passons rapidement sur la désaffection du public autour des terrains de toutes les séries provinciales: qui voudrait aller voir se disputer une rencontre sous la pluie et dans le froid, un dimanche après-midi, alors que la télévision payante offre deux rencontres de la pseudo-élite de notre football, tranquilles, au coin du feu?

Et puis il y a ces règles absurdes pour empêcher des clubs amateurs de damer le pion à des clubs professionnels.

Encore un champion qui ne peut pas monter: le FC Warnant en division II amateur. Le cinquième ou le sixième classé le remplacera. En dépit de toute logique sportive!

Pas question, par exemple, d’obliger, dans le cadre de la coupe de Belgique, le club le plus haut classé d’aller disputer un match éliminatoire sur le terrain du club le plus modeste. La formule marche bien en Franche, mais chez nous, pas question d’autoriser un club amateur à atteindre le stade des quarts, voire des demi-finales!

Et puis il y a cette règle absurde qui empêche un club amateur de monter, même s’il est champion, et respecte les règles éthiques.

Il y a un an, j’épinglais le cas du RFC Liégeois, champion de sa série, mais empêché de monter dans un absurde tour final à quatre, avec trois équipes flamandes dont deux n’avaient pas le sésame indispensable pour atteindre la division Ib.

Cette année, le club de Warnant a été sacré largement champion de division II amateur, devant des clubs nettement plus huppés, qui n’ont pas manqué de dénigrer et ses installations et ses «paysans» de joueurs, car en Hesbaye évidemment, il n’y a que des bouseux.

Tout cela n’a pas empêché les «Verts» de s’emparer du titre, pour le plus grand plaisir de leur président-mécène depuis plus de 30 ans, mais ils ne monteront pas. À la fois parce que ce président ne peut se permettre d’engager un nombre requis de footballeurs professionnels. Et aussi parce que le terrain du club pourrait être trop étroit de quelques mètres.

Les joueurs du FC Warnant garderont en mémoire ce titre gagné de haute lutte, mais le promu sera un club classé… en cinquième ou sixième position. Plus professionnel, sur papier du moins.

À force de continuer à scier la branche sur laquelle il est assis, en étouffant le football amateur, le football professionnel belge ne se ménage pas un bel avenir.

Une génération dorée comme celle qui passe la main au niveau national ne sera plus là pour masquer cette vérité.

L’Argentine méritoirement sacrée au terme d’un Mondial toujours contestable


La finale a sacré le meilleur joueur, Lionel Messi, qui inscrit ici son deuxième but, le troisième de l’équipe argentine

La «meilleure Coupe du monde de tous les temps» a osé Gianni Infantino, le très contestable président de la FIFA, citoyen du Qatar, après la finale à rebondissements du stade de Lusail. L’affirmation est d’autant plus à prendre avec des pincettes que, comme l’a écrit mon ancien collègue Frédéric Bleus, aujourd’hui, dans «L’Avenir», ce personnage avait déjà prononcé le même jugement après la finale de 2018, qui avait vu le sacre de la France face à la Croatie. Au moins aura-t-elle sacré, Lionel Messi, le meilleur joueur de cette fin de XXeme et de ce début de XXIeme siècle, au grand dam des Français et de Kylian Mbappé, dont le rêve de troisième étoile s’est fracassé à l’épreuve des tirs au but, que l’équipe coachée par Didier Deschamps avait, il faut bien le dire, miraculeusement atteinte.

Du côté français, on insiste sur le caractère exceptionnel de cette finale, où six buts ont été marqués, dont la moitié, il faut le dire, sur des coups de réparation justifiés.

Avant la France, les Pays-Bas avaient déjà remonté un handicap de deux buts face à l’Argentine.

Et on souligne l’invraisemblable retour de l’équipe française qui a remonté un handicap de deux buts… en oubliant un peu vite qu’en quarts-de-finale, le 9 décembre dernier, les Pays-Bas avaient réussi la même performance, après que l’entraîneur des Oranje, Louis van Gaal, eut joué le tout pour le tout, en plaçant ses grands formats devant. Et en profitant de la baisse de régime de l’Albiceleste, qui s’est peut-être à nouveau produite face à la France.

La pseudo-analyse oublie le fait que la première période s’est déroulée quasiment à sens unique, et que l’équipe française s’est fait «manger» par son adversaire. Comme elle l’avait été en deuxième période par le le Maroc, en demi-finale. Et comme elle avait souffert face à l’Angleterre, en quart-de-finale.

Le deuxième but argentin, inscrit par Angel Di Maria, au terme d’une contre-attaque modèle

À chaque fois, elle s’en était sortie miraculeusement, ou grâce au talent de son génial attaquant, Kylian Mbappé, triple buteur en finale,meilleur buteur de cette Coupe du monde, mais avec un seul petit but inscrit de plus que Leo Messi, son coéquipier du Paris-Saint-Germain, qui, lui, a marqué en quart-de-finale, en demi-finale, et en finale, à deux reprises.

Le deuxième but inscrit par Angel Di Maria, un ancien du… Paris-Saint-Germain, dont la sélection a surpris Didier Deschamps sur le plan tactique, venait concrétisait cette domination absolue de l’équipe argentine, qui aurait pu alourdir le score encore en début de reprise.

Un but de classe mondiale, à la Mbappé, n’a pas suffi à la France pour émerger

L’absence de recul de ces analyses, au lendemain de cette finale perdue, et les commentaires qui entouraient l’équipe de France avant cette finale, permettent de poser la question: les Bleus n’ont-ils pas péché par présomption, sachant que l’Argentine avait sué sang et eau pour éliminer les Pays-Bas?

Ou alors, Didier Deschamps a-t-il trop compté sur les éclairs de génie de Mbappé, tenu hors de la partie ce dimanche… jusqu’au coup de réparation providentiel (et justifié) qui lui a permis d’instiller le doute dans les esprits argentins, juste avant, la minute suivante, d’inscrire un but de classe mondiale, comme peu de joueurs, sans doute, sont capables d’en réaliser.

Une attitude qui ne respire pas forcément la modestie

Mais à nouveau, les joueurs français, et Kylian Mbappé en particulier, n’ont-ils pas alors déjà vendu la proie pour l’ombre. S’il est impossible de s’en rendre compte devant un téléviseur, l’attitude de l’attaquant du Paris-Saint-Germain laisse parfois penser qu’il ne pèche pas par un excès de modestie. Ni par un sens aigu du collectif, comme le montre son comportement dans son club.

S’ils comptaient en tout cas sur un effondrement de l‘Albiceleste, les Français avaient fait un mauvais calcul, puisque Lionel Messi, à nouveau, a frappé. Et que les Bleus ne sont revenus à la hauteur des Argentins, qu’à la faveur d’un coup de réparation aussi miraculeux qu’indiscutable, qui a parmis à Mbappé d’égaler Geoffrey Hurst, l’avant-centre anglais, auteur de trois buts, dont l’un très contesté, lors de la finale de la Coupe du monde de 1966, entre l’Angleterre et la République fédérale allemande, au stade de Wembley.

Il a donc fallu, une nouvelle fois, passer par la loterie des tirs au buts pour décider le vainqueur final d’une coupe du monde de football.

Ce n’est pas la première fois que le titre était décerné de cette manière. Et l’on se souvient de ratés des plus grands joueurs au monde, qui ont fait peser la balance en défaveur de leur équipe.

Le coup de réparation manqué par Coman a sonné le glas des espoirs français

Ce dimanche, c’est Coman qui a vu son tir arrêté par le gardien argentin. Et puis Tchouaméni qui a expédié le ballon à côté du but. Reste la question sans réponse: les Français s’étaient-ils suffisamment préparés à cette épreuve, ou avaient-ils cru qu’ils y échapperaient par leur talent?

La loterie s’est ainsi révélée équitable: elle a couronné l’équipe qui avait été la meilleure dans cette finale.

Munie de sa troisième étoile, l’Argentine va devoir maintenant rebâtir une équipe. Mais c’est aussi vrai de la France, qui ne pourra plus compter longtemps sur des joueurs de base comme Lloris; Pogba; Benzema ou Giroud, tous proches de la retraite. Avec la question en suspens: Didier Deschamps va-t-il rempiler après cet échec?

Le «show» d’Emmanuel Macron a tourné court

Indifférent aux critiques qui s’étaient abattues sur le Qatar avant le début de ce Mondial, le président français, Emmanuel Macron, a fait deux fois le voyage de Doha, pour assister à la demi-finale victorieuse des Bleus face au Maroc, en demi-finale, puis à leur défaite en finale, face à l’Argentine. On a vu ensuite le locataire de l’Élysée se précipiter sur la pelouse, pour réconforter notamment Mbappé, qui n’avait sans doute pas besoin de cette sollicitude présidentielle, puis faire irruption dans le vestiaire des battus et s’adresser à deux à la manière d’un… entraîneur. Non sans quelques approximations de langage, comme lorsqu’il a salué «celles et ceux qui vont mettre fin» à leur carrière internationale. Comme le faisait remarquer un chroniqueur, ce matin, sur une des chaînes françaises d’information (?) continue, dans un vestiaire uniquement peuplé d’homme, ces paroles étaient un peu incongrues.

Plus largement, la présence d’Emmanuel Macron à Doha a largement contredit sa thèse de séparation stricte entre le sport et la politique. Comme si l’attribution de ce Mondial à l’émirat n’avait pas été concoctée… à l’Élysée par un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, en connivence avec le président français de l’UEFA (Union européenne de football association) de l’époque, Michel Platini. Le soutien français au Qatar, on s’en souvient, devait être compensé par le rachat du Paris-Saint-Germain, alors en situation de virtuelle faillite, et par des investissements qataris en France. On ignore si la victoire finale des Bleus était également prévue, mais si c’était le cas, la glorieuse (?)  incertitude du sport s’y est opposée.

Pour le Qatar, globalement, ce Mondial se solde par un lourd échec sur le plan de l’image de marque. 

Il y avait eu, d’abord, l’interdiction de la vente d’alcool, prononcée juste avant le début de la compétition. La mesure a sans doute contribué à l’absence de troubles, mais si l’organisation de la compétition n’a souffert aucune critique, son impact environnemental a été plus d’une fois dénoncé. Et la manière dont la FIFA s’est couchée devant les autorités qataries pour interdire à sept fédérations européennes (mais pas la française, tiens, tiens..) de promouvoir les droits de la communauté LGBTI au travers du simple port d’un brassard par leur capitaine d’équipe, marquera à jamais cette édition de la compétition. Comme le geste des joueurs allemands, posant la main sur la bouche, pour une photo officielle de l’équipe, afin de dénoncer le bâillon qui leur était imposé.

Et comme si tout cela ne suffisait, c’est en pleine coupe du monde qu’une enquête des autorités belges a entraîné un scandale au Parlement européen, où des élu(e)s sont soupçonné(e)s d’avoir touché des pots-de-vin impressionnants, pour faire la promotion du… Qatar au sein de l’assemblée. Laquelle a du coup reporté aux calendes grecques une proposition de facilitation de l’octroi de visas pour les citoyens de l’émirat. En matière de communication, on ne pouvait… rêver pire!

Les masques sont tombés au Qatar


«Humour qatari»

Les «humoristes» qataris ont fait dans la «groβe» dentelle, après l’élimination de l’équipe allemande de football du Mondial dans leur pays. En parodiant le geste des joueurs de la Mannschaft, ils ont surtout fait la démonstration de leur stupidité : le «onze» allemand, en se mettant la main devant la bouche, lors de la photo d’équipe précédant son tout premier match, ne voulait pas dénoncer en premier l’absence de droits humains dans le pays organisateur de la compétition, mais la lâcheté de la FIFA.

Un geste symbolique fort des joueurs allemands

La Fédération Internationale de Football Association avait en effet accepté au départ que les capitaines sept nations européens (Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Pays-Bas, Pays de Galles, et Suisse) arborent un brassard rappelant les droits des personnes LGBTI. Puis, à la dernière minute, son président italo-suisse, Gianni Infantino, résidant au… Qatar, a menacé d’un carton jaune les joueurs qui oseraient ainsi se faire les porte-parole d’une minorité oppressée dans son pays d’adoption.

Les fédérations concernées ont obtempéré, tout en dénonçant l’initiative. Les joueurs allemands, eux, ont jugé que la coupe était pleine.

Gianni Infantino seul candidat à sa propre succession…

Les absents ont toujours tort: Allemands, Belges, Danois, Gallois, et Suisses rentrés prématurément dans leur pays, il ne reste donc plus que les Anglais et les Néerlandais pour éventuellement faire preuve de la même audace que les footballeurs d’Outre-Rhin. On craint toutefois qu’ils n’osent pas affronter le courroux du président par accident de la FIFA, seul candidat, par ailleurs à sa prochaine réélection (où les «achats de votes» du passé se répéteront-ils?).

L’excellent européduté socialiste belge Marc Tarabella se prononçait contre tout boycott de ce Mondial, avant le début de la compétition, au motif que les progrès insuffisants en matière de droits humains ne seraient ainsi pas encouragés. Et que donc, cet exemple ne pourrait faire ensuite tache d’huile. Cet optimisme raisonné est aujourd’hui battu en brèche: avec la complicité active de la FIFA, ce championnat du monde de football au Qatar ne changera rien à la situation des femmes, des homosexuels, et des travailleuses et travailleurs immigrés qui ont été nombreux à payer de leur vie la construction des stades où se produisent les vedettes du ballon rond.

Mutatis mutandis, la FIFA fait ainsi moins bien que la Comité International Olympique, qui avait obtenu de l’Allemagne nazie, en 1936, qu’elle suspende, au moins durant la durée des Jeux de Berlin, la persécution des Juifs, qui allait hélas reprendre, et de quelle manière dégueulasse, par la suite!

Futur meilleur buteur et futur champion du Monde?

Entre-temps, la France, avec son joueur-vedette Kylian Mbappé, semble bien partie pour renouveler son bail. À moins que les Anglais, en quarts-de-finale, ou les Brésiliens, voire les Néerlandais, à un stade ultérieur, ramènent les Coqs à la raison?

La perspective paraît peu vraisemblable, tant l’attaquant-vedette du Paris-Saint-Germain éclabousse les terrains de sa classe. Son ambition proclamée, est de conquérir un titre mondial. Avant, au prochain mercato hivernal, de monnayer encore plus son immense talent, soit en partant pour le Real Madrid, pour troquer les millions qataris contres des millions émiratis, soit en obtenant une sérieuse augmentation, et en renforçant encore sa position au sein du club parisien, où il décide apparemment déjà de tout ou quasi.

Kylian Mbappé, actuellement en tête du classement des buteurs de ce Mondial, continuera sûrement à affoler les défenses, pour se parer, au moins, du titre de capo canoniere au terme de la compétition.

Le record de Just Fontaine tiendra sans doute toujours

Cette performance, un autre joueurs français, largement oublié aujourd’hui, l’avait réalisée en 1958 en Suède, au cours d’un Mondial nettement moins critiqué, qui avait vu éclore une autre star mondiale, le Brésilien Pelé.

Il est douteux que Kylian Mbappé égale, en 2022, le record de treize buts inscrits par Just Fontaine sous les latitudes scandinaves. À une époque où les équipes qualifiées étaient nettement moins nombreuses, et par conséquent le nombre de rencontres disputées également.

En conquérant sa troisième étoile, l’équipe française pourrait hériter des dividendes du honteux arrangement de 2010, conclu sous les lambris du Palais de l’Élysée, dont le locataire de l’époque, recevant l’émir du Qatar, avait fait convoquer le président français de l’UEFA, Michel Platini, pas encore emporté par l’affaire financière qui lui a coûté son mandat.

L’objet de la rencontre était de monnayer le soutien de l’UEFA à l’octroi à l’émirat de l’édition 2022 du Mondial de football, et d’obtenir en contrepartie le rachat du Paris-Saint-Germain, alors à la dérive, par des fonds qataris, et des investissements substantiels de l’émirat en France.

C’est finalement ce qui arrivera, au terme d’un congrès où, pour rappel, Belgique et Pays-Bas avaient déposé une candidature commune qui tenait la route… mais n’avait aucune chance face aux manœuvres de coulisse de ce type.

Les engagements qataris pris ce jour-là ont été parfaitement remplis, une fois l’attribution du Mondial 2022 conclue. Emmanuel Macron, le successeur lointain de Nicolas Sarkozy, y a ajouté récemment l’odieux, en recevant le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, commanditaire présumé du massacre et du démembrement du journaliste contestataire Jamal Kashogghi, et en lui octroyant la Légion d’honneur. Le geste a choqué un certain nombre de récipiendaires, qui ont dans la foulée retourné leur décoration au Palais de l’Élysée.

On comprend, dans ces conditions, que la Fédération française de football, mouillée jusqu’au cou dans ce marchandage peu glorieux, ne s’est pas associée aux sept fédérations européennes sus-nommées, et n’ait pas osé afficher le moindre geste de contestation du régime!

Ne reste plus aux Bleus qu’à apposer le paraphe final sur ce dossier. S’ils y arrivent, leur troisième étoile sera teintée du sang des travailleurs qui ont construit les stades où se sera construit leur triomphe. Cela n’ébranlera sans doute pas ces joueurs aux talents immenses, mais au cœur apparemment de pierre et aux convictions politiques et sociales qui paraissent inversement proportionnelles à leurs qualités footballistiques.

Une fois cette consécration sportive acquise, on espère, sans trop y croire, que les autorités françaises, président de la République en tête, mettront un bémol à leurs discours en faveur des droits humains et pour la propagation de la «laïcité à la française». Car ce qui se passe au Qatar montre que, dans leur chef, ce ne sont que des paroles creuses!

Ne cachez pas ces seins que nous voulons voir!

Si la FIFA a eu soin d’empêcher des fédérations européennes de manifester un simple geste de contestation à l’égard du régime qatari, que ce soit à l’égard des femmes, des travailleurs immigrés, ou de la communauté LBGTI, les amateurs qataris de football n’en sont pas moins des hommes. Et à chaque apparition dans les tribunes d’une «influence» croate, ils n’ont pas assez de leurs yeux pour la croquer des yeux. La cocotte, elle, se réjouit de faire le buzz sur les réseaux sociaux, et d’accroître sans cesse le nombre de ces «followers». Ce serait sans doute trop lui demander de faire preuve d’un minimum de réserve, par solidarité avec les femmes de l’émirat. On ne peut pas passer des journées à préparer ses toilettes les plus sexys, et en même temps réfléchir!

Un ultime épisode qui ne rend pas sa crédibilité à l’Union belge de football


Le dernier acte d’un mauvais vaudeville s’est clôturé en ce début de semaine, devant les instances de l’Union belge de football, dont la crédibilité a encore pris un nouveau coup tant le coup était prévisible.

Pour rappel, ainsi qu’expliqué dans un billet précédent, le RFC Liégeois, premier champion de Belgique de l’histoire du football belge, a été, il y a quelques semaines, le seul club à terminer en tête de son championnat à ne pas accéder à l’étage supérieur. Les «Sang et Marine» ont été contraints, pour atteindre la division IB, de passer par un tour final avec Dender, Knokke et Dessel Sports, en dépit du fait que ces deux derniers clubs, faute de licence pour gagner l’étage supérieur, ne pouvaient pas monter.

Seuls, Dender et le Club Liégeois étaient donc concernés par ce tour final, et la solution sportive la plus logique aurait sans doute été de leur faire disputer deux rencontres pour se départager, voire une belle pour trancher définitivement la question. Mais c’était sans doute trop simple, et cette compétition boîteuse a quand même eu lieu. Elle a paru définitivement tourner à l’avantage du matricule 4 quand Dender, à l’avant-dernière journée, est venu se faire battre à Rocourt. Mais là aussi, il fallait un caillou dans la chaussure.

Le coup de Jarnac est venu au lendemain de ce succès en principe décisif, quand le «sportcomité» (j’utilise à dessein sa dénomination flamande) de l’Union belge a renversé une décision antérieure, et a infligé un… score de forfait aux «Rouge et Bleu» pour une erreur administrative qui, lors d’une rencontre de championnat, leur avait fait inscrire sur une feuille d’arbitre un jeune joueur de 22 ans et quelques jours, alors qu’il ne pouvait en avoir que 21. Une sanction administrative avait d’abord frappé le RFC Liégeois; le «sportcomité» renversait le classement à son détriment, juste avant la dernière journée du tour final: le procédé était cousu de câble blanc.

La direction du Club Liégeois, par la voix de son avocat de président, Jean-Paul Lacomble, annonçait immédiatement un recours, appuyé de quatorze moyens de droit, dont l’un portait sur le caractère tardif de la réclamation de… Dender contre cette erreur administrative. Devant n’importe quelle institution judiciaire, ce retard aurait suffi à repousser ce recours, mais pas au «sportcomité».

Restait un ultime espoir aux Liégeois: aller s’imposer à Knokke, lors de la dernière journée en tablant sur un très improbable échec de Dender face à Dessel Sports. Mais le moral n’y était plus: malgré une domination écrasante, les «Sang et Marine» se sont inclinés à la Côte, tandis qu’un seul petit but suffisait à Dender pour s’adjuger une promotion indue ou en tout cas bien peu sportivement acquise.

Il suffisait alors d’effacer la trace de ce forfait: c’est ce que l’Union belge a fait, en début de semaine, en donnant… raison au Club Liégeois, et en annulant d’autant plus aisément le score de forfait qu’il ne lui permettait pas de récupérer sa première place. Ayant ainsi gain de cause, les dirigeants du matricule 4 n’ont désormais plus aucune raison de s’adresser à la justice civile, pour demander compensation pour le préjudice incontestable ainsi subi…

Tout cela est évidemment cousu de câble blanc: cette dernière décision des instances de la fédération belge achève de les décrédibiliser au sud du pays, où on n’oubliera pas les accusations de corruption lancées jadis contre l’AS Eupen par le KV Mechelen et Waasland Beveren, qui avaient eux-mêmes tenté «d’arranger» leur rencontre sans subir la sanction prévue en pareil cas; la manière dont l’Excelsior Virton a été «truandé» en division II, ou IB si vous préférez, et aujourd’hui cette maladroite tentative de mettre le couvercle sur une colère qui reste vive.

On plaint le nouveau président de l’Union belge de football, qui ne vient pas du sérail, et qui a évoqué dès sa première interview les nombreux «défis» auxquels il doit faire face, du stade Roi Baudouin au football féminin, sans oublier le foot professionnel et le football amateur. Tiens, il n’a pas parlé de la corruption endémique dans le football belge, dont la fédération ne semble plus se soucier, dans l’attente de la sanction judiciaire. Ni, non plus, de cette étrangeté qui a vu un seul champion ne pas accéder à l’étage supérieur…

Le Club Liégeois victime de lui-même mais aussi de l’Union belge


Le sort en est donc jeté: battu à Knokke, le Royal Football Club Liégeois a loupé la montée en division IB, qui était son objectif avoué de cette saison.

Une nouvelle fois, les «Sang et Marine» ont été victimes de leur manque d’efficacité: à la Côte, ils ont dominé entièrement la rencontre, mais ils n’ont pu inscrire qu’un seul but, tout en fin de rencontre, insuffisant pour leur éviter la défaite, et insuffisant aussi pour leur permettre de rester dans les talons de Dender, petit vainqueur, de son côté, d’un Dessel qui n’était pas vraiment motivé pour ce tour final, décisif pour une montée qu’il ne pouvait pas plus obtenir que Knokke.

Pour les sympathisants du matricule 4, le coup est rude. Pour ses responsables, le président Jean-Paul Lacomble en tête, il est urgent de tirer toutes les leçons de ce fiasco final, dont le club porte une part de responsabilité, mais une part seulement…

La première question à se poser est de savoir s’il était opportun de se séparer de l’entraîneur, Drazen Brncic, à l’amorce du sprint final. Biens sûr, le Club Liégeois traversait alors une passe difficile, mais son expérience n’aurait-elle pas été précieuse dans ce tournoi si particulier pour la montée en division IB?

L’interrogation suivante porte sur le choix de celui qui prendra l’équipe en charge la saison prochaine. Il semble bien que Gaetan Englebert ne conservera pas ce poste. Et il s’agira de ne pas se tromper.

Il faudra aussi se pencher sur le noyau qui vient de boucler le présent championnat. Le but n’est évidemment pas de tout chambouler. Mais il y a tout de même des questions à se poser, quand on voit le nombre de rencontres où le matricule 4 a eu toutes les difficultés à s’imposer, alors que le recrutement de Jeremy Perbet était censé résoudre en large partie ses difficultés offensives. L’ancien goleador du Sporting de Charleroi a peut-être répondu à l’attente, en termes de buts inscrits, mais n’a-t-il pas fait défaut au moment le plus décisif?

Le propos n’est évidemment pas de pointer l’avant-centre du doigt. Car une rencontre, c’est bien connu, se gagne à onze, douze, treize, quatorze, quinze ou seize. Et il y a peut-être divers postes sur lesquels un renforcement serait nécessaire, pour pouvoir enfin décrocher la timbale.

L’encadrement du club doit lui aussi être passé en revue. Car aussi stupides soient les règlements de l’Union belge, l’erreur qui a fait oublier d’inscrire un joueur de moins de 21 ans sur la feuille d’arbitre d’un match crucial contre Dender a été très chèrement payée. Trop chèrement peut-être: on le saura après l’appel que le président Lacomble entend poursuivre pour le principe. Et pour éviter à d’autres de subir ce que le Club Liégeois a subi.

Et là, au-delà des moyens de droit soulevés par l’avocat qu’est Jean-Paul Lacomble (et notamment le fait que Dender n’ait pas porté plainte dans les délais, ce qui, devant n’importe quelle juridiction, l’aurait fait débouter… mais pas apparemment devant le comité sportif, ou plutôt devant le «sportcomité» comme l’a opportunément prononcé le président du Club Liégeois, de l’Union «belge» de football.

Car, si les responsabilités du club ne peuvent être éludées dans l’échec de sa course à la montée, celles de l’Union «belge» n’en sont pas moins écrasantes.

Ce n’est en effet pas un hasard si c’est au lendemain de la victoire qui apparaissait décisive, face à Dender que le «sportcomité» a infligé un score de forfait pour sanctionner une erreur administrative qui avait valu une simple amende au matricule 4.

Très peu sportif, Dender, battu 3-0 dans le match incriminé où le jeune de 22 ans installé sur le banc n’était pas monté au jeu, s’était pourvu en appel, signalant que lui-même avait été sanctionné d’un score de forfait pour la même erreur lors d’un précédent match.

Le hic, c’est que la jurisprudence de l’Union «belge» de football semble bien avoir été balbutiante sur la question: amendes et scores de forfait ont constitué une jurisprudence particulièrement changeante en la matière.

Toujours est-il que le coup de Jarnac a été parfaitement exécuté: euphorique dimanche et lundi, les joueurs liégeois ont été foudroyés par la décision lundi soir, et c’est avec un moral malgré tout dans les chaussettes qu’ils se sont présentés à Knokke, où ils ont eu la mauvaise idée de s’incliner.

Désormais, rien n’empêche les pontes de la fédération de maintenir le score de forfait, ou de l’annuler, puisque rien n’empêchera Dender d’accéder à la division I B….

Tout cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi le Club Liégeois, vainqueur de la compétition de division I A, a été le SEUL club champion de tout le football belge à ne pas accéder d’office à l’étage supérieur, et à laisser les suivants s’empoigner dans un tour final pour désigner un deuxième montant.

Pareille incongruité (le champion ne monte pas, mais bien le club… quatrième classé!) dénature complètement la compétition, mais de cela, apparemment personne ne se soucie.

Autre absurdité: ce tour final, où le Club Liégeois se retrouvait face… à trois clubs flamands, était ouvert à deux formations (Knokke et Dessel Sports) qui ne pouvaient en aucun cas monter. Quelle logique, dès lors, à organiser un tour final à quatre, susceptible de donner naissance à toutes les suspicions de collusion?

Le plus simple, dès lors qu’on accepte, en dépit de toute logique, que la meilleure équipe de la saison ne soit pas promue, aurait été de faire s’affronter le Club Liégeois et Dessel Sports soit en un test-match décisif, soit par matches-aller et retour, avec une belle éventuelle pour emporter la décision.

Tout cela, sans doute, est trop simple, pour les grands penseurs de l’Union «belge» de football, qui préfèrent faire compliqué. Et favoriser au passage les grands clubs, et tout particulier les clubs flamands, avec cette inscription, en division I B, d’équipe «U23» qu’on enverra au casse-pipes, sous prétexte d’aguerrir des jeunes footballeurs.

À tout le moins ces équipes pourront-elles descendre en fin de saison, ce qui n’était pas le cas des jeunes du Club Brugge, les seuls autorisés (tiens, tiens…) à participer au championnat de division I B, lors d’une saison précédente.

La compétition, du coup, en avait été singulièrement faussée. Celle à venir le sera également, car, selon le moment de la saison, les jeunots, même encadrés par de vieux chevaux de retour, offriront une résistance acharnée, ou se feront dézinguer dans les grands largeurs.

Bon, cette fois, la falsification de la compétition ne se fera pas à coups de montres de luxe, c’est déjà cela. Tiens, au fait, on attend toujours les mesures d’assainissement que l’Union «belge» de football devait prendre après la révélation de ce scandale. Il est vrai qu’il lui faudrait faire preuve de courage politique….

Le PSG et le Bayern sacrés sans gloire le même jour


Les «ultras» du PSG sont sortis du Parc des Princes pour fêter leur titre, tout en critiquant leurs joueurs et les dirigeants du club

Deux championnats européens de football ont connu leur épilogue le même jour, ce samedi: en Allemagne, le Bayern de Munich, en disposant de son dernier rival, le Borussia Dortmund (3-1) a assuré son trente-deuxième titre, et son dixième sacre d’affilée, tandis qu’au Parc des Princes, à Paris, le Paris Saint-Germain conquérait son dixième titre, égalant ainsi le record établi en 1981 par l’AS Saint-Étienne, l’équipe mythique des «Verts».

Si les supporters bavarois ont fêté l’événement dans l’«Allianz Arena» – rebaptisée en Allemagne «Arroganz Arena» par toutes celles et tous deux qu’insupporte cette domination sans partage du club munichois – à Paris, c’est par un petit nul médiocre contre le RC Lens que les protégés de Maurizio Pocchetino se sont mis à l’abri de tout retour d’un adversaire. Et au moment du but égalisateur des Nordistes, les «ultras» du PSG avaient déjà déserté le stade, pour aller saluer le sacre en-dehors du Parc des Princes. Une manière pour eux d’exprimer leur mécontentement tant à l’égard des joueurs que de la direction qatarie du club de la capitale française.

Un de leurs attaquants vedettes (???), Neymar, les a critiqués pour leur réaction. Et pourtant, même si les membres des clubs «ultras» des différents clubs de la planète foot ne brillent pas nécessairement par leur intelligence, on doit dire que, là, une fois de plus, la vox populi a eu raison.

D’abord parce que fêter un titre après un petit match nul contre une formation montant de Ligue II, même si elle reste sur une remarquable saison, n’a rien de très glorieux. Surtout pour un club aux moyens tellement disproportionnés face à la concurrence, que, hors accident l’une ou l’autre année, comme l’AS Monaco en 2017 ou le LOSC (Lille), l’an dernier, personne, en France, ne peut plus rêver du titre.

Champions d’Allemagne, oui, mais balayés en Ligue des Champions

Et puis parce que le Paris Saint-Germain avait construit une équipe pour, pensaient ses dirigeants, enfin décrocher la Ligue des Champions. Et les supporters, dont les «ultras» y croyaient. Et patatras, une fois de plus, le rêve parisien s’est fracassé en huitièmes de finale de l’épreuve, à la faveur de la remontada du Real Madrid au stade Santiago Bernabeu.

Unay Emery, viré à Paris, victorieux à Villareal

Les sympathisants du Bayern feraient bien d’y réfléchir en Bavière. Car si leurs favoris ont à nouveau écrasé la concurrence pour coiffer les lauriers pour la dixième fois d’affilée, là aussi, ils n’ont aucun mérite, puisque les moyens du club sont nettement supérieurs à ceux de tous leurs concurrents. Mais là aussi, la Ligue des Champions s’est conclue sur un flop, avec une élimination sans gloire, à Munich même, face aux Espagnols de Villareal, entraînés par Unay Emery, un ancien entraîneur du PSG, limogé il y a quelques années pour… n’avoir pas remporté la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Ces éliminations précoces de deux clubs qui règnent sans partage sur leur compétition nationale n’est peut-être par le fruit du hasard. Car à force de disputer chez eux des rencontres qu’ils finissent toujours par l’emporter, sans devoir nécessairement forcer leur talent, leurs joueurs finissent forcément par «coincer» lorsqu’ils doivent aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, lors de confrontations avec des adversaires de haut niveau.

Il y a des exceptions, bien sûr. Comme quand le Bayern de Munich a battu… le PSG en finale de la Ligue des Champions. Mais globalement, c’est l’émulation qui amène dans le dernier carré des compétitions européennes des clubs qui, dans leur championnat national, font face à la plus rude concurrence.

En tout cas, cette année, la compétition continentale se résume à des duels hispano-britanniques. Car tant en Espagne qu’au Royaume-Uni, le championnat national continue à faire l’objet d’une lutte acharnée. Entre clubs hyper-friqués, là aussi. Car l’argent, qu’ils viennent des oligarques russes ou des pétromonarchies, se porte toujours là où il peut rapporter le plus.

Chelsea subit les sanctions infligées à Roman Abramovitch et aux autres oligarques russes

À la longue, le modèle va forcément s’user et la bulle risque d’éclater. Car quel intérêt représente encore une compétition nationale dont le vainqueur est déjà connu au coup d’envoi?

Tôt ou tard, les télévisions vont se détourner de ces compétitions dévaluées. Et la manne financière se réduira, précipitant peut-être sans les abîmes certains des clubs-stars de notre époque. Peut-être pas en Allemagne, où le règlement impose une présence majoritaire de propriétaires allemands dans les clubs. Mais les problèmes qui attendent Chelsea, par exemple, dont le propriétaire actuel, Roman Abramovitch, subit les sanctions mondiales qui frappent les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont là pour montrer la base mouvante sur laquelle ces clubs reposent.

Thomas Tuchel, viré au PSG, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea…

Chelsea qui, soit dit au passage, a remporté la Ligue des Champions l’an dernier sous la conduite de Thomas Tuchel, un entraîneur viré par le PSG parce qu’il n’avait pas réussi à lui faire conquérir la coupe aux longues oreilles…

Cette dérive illustre parfaitement la déchéance d’un football gangrené par le fric, comme l’ont démontré les enquêtes réalisées en Belgique dans des dossiers de corruption et de fraude fiscale à grande échelle, décelés dans le monde du football professionnel. Ou les procès à venir qui attendent, en Suisse, Sepp Blatter, ancien président de la FIFA et Michel Platini, ex-président de l’UEFA, qui tous deux, bénéficient de la présomption d’innocence, mais qui n’en devront pas moins s’expliquer sur des transferts d’argent suspects.

On attend, maintenant que la Justice fasse son œuvre à tous les niveaux, ce qui est loin d’être gagné d’avance, tant les dossiers financiers sont complexes à dénouer, et tant les magistrats spécialisés sont peu nombreux dans les divers pays européens.

Certes, l’argent domine le football depuis longtemps. Au début des années 1960, le Real Madrid, avec l’appui du pouvoir franquiste, dominait le football espagnol et le football européen. Et la tendance à idéaliser le passé ne date pas d’hier: comme disaient déjà les Romains, la République n’était jamais aussi belle que sous l’Empire.

Il n’empêche, les écarts, à l’époque, n’étaient pas aussi flagrants qu’aujourd’hui. Et les clubs se succédaient à la tête du football européen: après le Real, il y eut l’Ajax Amsterdam magique du début des années 1970, avec… une quasi-exclusivité de joueurs néerlandais de grand talent (Johan Cruyff; Ruud Krol, Johan Neeskens, Arie Haan, etc.). Puis le Bayern de Munich qui alignait presque exclusivement des joueurs bavarois (Sepp Mayer; Franz Beckenbauer; Georg Schwarzenbeck; Paul Breitner; Gerd Müller etc..).

Les «Verts» ont marqué leur décennie

L’AS Saint-Étienne, qui a échoué d’un rien dans la conquête de la coupe d’Europe des clubs champions, a fait alors chanter «Allez les Verts» par toute l’Europe. Et si cette équipe mythique, entraînée par Robert Herbin alignait Curkovic dans le but, et Piazza en arrière central, elle y ajoutait les Gérard Janvion, Jean-Michel Larqué, Dominique Rocheteau («L’ange vert»), et autres Hervé et Patrick Revelli, le goléador à la moustache gauloise.

Conduite par Guy Roux, l’AJ Auxerre a fait la nique aux grosses cylindrées françaises

Et, de temps à autre, des petits Poucet venaient bousculer les hiérarchies les mieux établies.

En France, l’AJ Auxerre, en 1996, sous la conduite de son mentor bourguignon, Guy Roux, coiffait les lauriers, à la surprise générale.

Chez nous, on se souvient de l’élimination, en 1983, du Paris Saint-Germain par un Waterschei THOR qui allait peu après être la victime principale de l’affaire de corruption entourant le match entre le Standard de Liège de Roger Petit et de Raymond Goethals, face à la même équipe limbourgeoise. Ou, en 1972, celle du grand Leeds par le Lierse, net vainqueur, à Elland Road (0-4) face à… l’équipe réserve du club anglais, trop confiant après sa victoire à l’aller à la chaussée du Lisp.

On se rappelle aussi l’élimination, en 1979, du grand Inter de Milan par le SK Beveren, en quarts de finale de la coupe des vainqueurs de coupe: arrivant sur place, les joueurs italiens avaient cru que le Freethiel, où il allaient connaître leur Bérézina, était le… stade d’entraînement de leur adversaire. Au tour suivant, en demi-finales, les coéquipiers du jeune Jean-Marie Pfaff ne pourront rien face au FC Barcelone, futur vainqueur de l’épreuve.

On n’oubliera pas la finale de la coupe des vainqueurs de coupe, perdue en 1981 par le Standard de Liège au Camp Nou, face à… Barcelone, dans des circonstances qui suscitent toujours la controverse. Ni la victoire du Club Brugeois contre Liverpool, en finale de la coupe de l’UEFA en 1976, puis sa défaite, en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, contre le même club, en 1978. Et les victoires du Sporting d’Anderlecht en finales de la coupe des coupes, en 1975, face à West Ham, et en 1978, devant l’Austria de Vienne, et de la coupe de l’UEFA, en 1983, face à Benfica.

Aujourd’hui, plus aucun club belge ne peut envisager une victoire européenne. Ni aucun club néerlandais, polonais, tchèque, slovaque, autrichien, suisse, croate, serbe, suédois, norvégien etc…. Tout est prévu pour empêcher un petit Poucet de venir perturber l’harmonieuse distribution de pognon entre les principaux clubs continentaux.

Au fait, oui, la République footballistique apparaît bien belle, sous l’Empire…

Ni le sport en général, le football en particulier, ne sont apolitiques


Est-il cohérent d’exclure la Russie de la prochaine coupe du Monde, et les clubs russes des compétitions européennes, en raison de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes? La décision conjointe de la FIFA et de l’UEFA, confrontées au refus de la Suède, de la Pologne et de la République tchèque de rencontrer l’équipe russe pour tenter de décrocher les derniers tickets pour le Qatar, leur a sans doute forcé la main. Mais un large consensus existe à ce sujet.

Certains pourtant, à l’image d’un des chroniqueurs de l’émission télévisée de la RTBF «La Tribune», continuent à penser que pareille exclusion est inique à l’égard de sportifs qui se sont préparés ou qui se préparent pour de grandes épreuves. Sous-entendant, sans doute, par là, que le sport en général, et le football en particulier, sont complètement apolitiques. Vague réminiscence, peut-être, des Jeux Olympiques de l’Antiquité, où les cités qui y participaient mettaient leurs conflits entre parenthèses pour la durée des compétitions, et satisfaire les dieux qui les protégeaient.

L’époque moderne a pourtant balayé cette théorie: plus personnes aujourd’hui ne mettrait en doute le fait que, pour l’Allemagne nazie, les Jeux Olympiques de 1936 constituaient une occasion rêvée de mettre le régime en lumière. Il était pourtant déjà question de boycott à l’époque: afin de les prévenir, les pontes du régime avaient notamment donné pour instruction de faire disparaître, le temps d’un été, toutes les inscriptions antisémites qu’ils avaient largement contribué à faire proliférer.

Il y a un demi-siècle, les performances gymniques exceptionnelles de la toute jeune Nadia Comaneci, aux Jeux Olympiques de Montréal, en 1976, lui ont valu la lourde protection du couple présidentiel roumain, Nicolae et Elena Ceaucescu. Un joug qui, à mesure que la jeune prodige prendra de l’âge, et ne pourra plus reproduire ses performances uniques, lui pèsera tellement qu’elle finira par prendre le chemin de l’exil.

Quatre ans plus tard, de nombreux pays occidentaux et musulmans, les États-Unis en tête, boycottent les Jeux Olympiques de Moscou, pour dénoncer l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques. En retour, les pays communistes refuseront, en 1984, de participer aux Jeux de Los Angeles.

La coupe du Monde de football, en Argentine, en 1978, avait provoqué les mêmes débats, chez les Neerlandais notamment, dont le chef de file, Johan Cruyff, avait snobé la compétition. En raison d’une blessure, ou, avait-on dit à l’époque, parce qu’il refusait de cautionner la dictature argentine, qui a au bout du compte bénéficié du regain de popularité que lui a valu la victoire finale des Argentins…

Kamila Valieva n’a pas servi la gloire de la Russie poutinienne

Cette instrumentalisation du sport se poursuit de nos jours, parfois de manière éhontée: la jeune patineuse russe Kamila Valieva, 15 ans, a été convaincue de dopage, quelques jours avant les récents Jeux Olympiques de Beijing. Personne ne se fait d’illusion à ce sujet: l’adolescente n’a pas trouvé seule des produits dopants, destinés à l’amener à des niveaux de performance supérieures; et son explication qu’elle les avait ingurgités en buvant une boisson destinée à son grand-père n’a abusé que les crédules.

En compétition, la pression sur elle était tellement grande, que Kamila Valieva a chuté deux fois. La manière dont son entraîneuse l’a apostrophée à sa sortie de patinoire a choqué le monde du patinage et les responsables du comité olympique lui-même. La gamine avait fauté, car elle n’avait pas servi la plus grande gloire de la Russie poutinienne!

D’autres sportives et sportives avant elles ont subi une pression similaire. Et certains l’ont payé de leur vie, tel le magnifique footballeur autrichien Mathias Sindelaar, dans les années 30.

Le meneur de jeu de la Wunderteam («L’équipe magique») autrichienne, qui n’a subi que trois défaites entre 1930 et 1934, restait une vedette au moment de l’Anschluss entre son pays et l’Allemagne hitlérienne.

Mathias Sindelaar n’a pas voulu servir l’Allemagne nazie

Un match entre les deux équipes nationales, organisé pour célébrer l’événement, devait se clôturer, sur ordre des nazis, par un match nul fraternel. Mais Mathias Sindelaar ne l’entendait pas de cette oreille: sous son impulsion, l’équipe autrichienne, qui allait disparaître, battit l’équipe allemande (2-0).

Quelques semaines plus tard, l’Allemagne prenait part au championnat du Monde de football qui se jouait en France, et comptait bien aligner Sindelaar dans ses rangs. Mais le chef d’orchestre autrichien fera défaut à la Mannschaft, invoquant une blessure.

Le 23 janvier 1939, on le retrouvait asphyxié, avec sa maîtresse, dans son appartement de Vienne. Suicide dira-t-on à l’époque: l’hypothèse de l’assassinat a pris consistance de nos jours.

Quinze mille personnes assisteront à ses obsèques. Pour rendre hommage à l’artiste et manifester leur attachement à l’Autriche disparue.

Sur de nombreux terrains de football d’Europe, ce dernier week-end, le drapeau ukrainien a été exhibé. Et les joueurs ukrainiens (Sobol au Club Brugeois, Yaremchuk à Benfica) ont été ovationnés. Le public, lui, l’a bien compris: le football ne vit pas sous cloche dans le monde qui nous entoure.

L’exclusion de la Russie du Mondial au Qatar, et des clubs russes des compétitions européennes de football sanctionnent justement l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et répondent à l’attente du public.

Les journalistes sportifs sous garde rapprochée ?


Une enquête qui a fait beaucoup jaser

Le documentaire « Le milieu du terrain » a rappelé les « affaires » en cours au niveau du football professionnel belge (et auxquelles l’inculpation de l’agent de joueurs Primi Zahavi a ajouté un chapitre sulfureux ce vendredi) et il a permis d’en soupçonner d’autres, comme la falsification apparente de la fin de championnat 2013-2014, qui a vu le Sporting d’Anderlecht coiffer in extremis le Standard de Liège sur la ligne d’arrivée, ou la manière étrange dont le RC Genk a arbitré un sprint final entre le même Sporting et le Club Brugeois. Au point que Michel Preud’Homme, alors entraîneur des Blauw en Zwart n’avait pas adopté son ton habituel de Calimero, après la défaite fatale de son équipe au stade de Genk, mais maniait une ironie féroce en disant qu’il demanderait à Emilio Ferrera, qui coachait l’équipe limbourgeois, sa recette pour ressusciter une équipe fantomatique face aux Mauves, huit jours plus tôt, et leur faire célébrer comme un succès majeur une victoire qui ne les décollait pas de la sixième et dernière place des playoffs.

Mais ce qui a été le plus frappant, dans les interviews de mise sur orbite de l’émission, ou dans celles qui ont suivi, c’est cet aveu de Thierry Luthers, auteur du documentaire avec Patrick Remacle, que la proximité de sa retraite avait sans doute facilité sa démarche. « Il y a dix ans, je ne l’aurais sans doute pas faite. Ou alors, j’aurais ensuite abandonné le sport » a-t-il précisé.

La question se pose donc: des journalistes sportifs, notamment en télévision, ne sont-ils pas en mesure de sortir d’un rôle de faire-valoir pour creuser des coulisses pas toujours ragoûtantes du sport en général et du football en particulier, dont ils et elles sont en charge?

Le journaliste de locale que j’ai été en début de carrière se souvient de cet ouvrage intitulé « Le journaliste local en liberté surveillée » qui décrivait les pressions exercées sur les journalistes locaux par toutes celles et tous ceux, détentrices et détenteurs d’un pouvoir politique, économique, syndical, policier ou autre, ou tout simplement par des acteurs de l’actualité locale, d’exercer des pressions ou des représailles contre celles et ceux qui parlent d’elles et d’eux, et les croisent tous les jours dans la rue.

Mais la question doit désormais être posée : les journalistes sportives et sportifs ne travaillent-ils et elles pas, eux, sous garde rapprochée permanente?

Ne pas mordre la main…

Première difficulté, qui frappe essentiellement les journalistes sportifs de télévision : la commercialisation du sport professionnel fait que les grandes compétitions font l’objet de mises aux enchères de plus en plus élevées pour les chaînes.

Des rencontres au déroulement… insolite

Difficile, dans ces conditions, pour les journalistes qui travaillent pour ces chaînes, de s’appesantir sur les à-côtés peu ragoûtants voire illégaux de ces compétitions, voire même de souligner la médiocrité du spectacle ainsi proposé : la sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit?´La limite a sans doute été atteinte lors de ces rencontres suspectes évoquées ci-dessus quand les journalistes sur antenne s’étonnaient de la facilité une équipe empilait des buts, ou sur l’aveuglement d’un arbitre qui semblait frappé de cécité devant des coups de réparation évidents…

Ces journalistes sportif(ve)s sont d’autant plus mal armé(e)s qu’ils (elles) ne sont pas soutenu(e)s en interne: il y a de nombreuses années, quand s’était instaurée la pratique d’interviewer des entraîneurs ou des joueurs de football devant des panneaux couverts de publicités pour les « parrains » des divers championnats, des cameramen avaient réagi en cadrant leur image sur le visage de la personne interviewée. Le rappel à l’ordre leur a rapidement été signifié par… leur propre hiérarchie. Il n’y a plus jamais eu personne pour regimber…

Un chauvinisme de mauvais aloi

Le sport est (aussi) affaire de passions. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler la foule acclamant les Diables Rouges au retour de Russie,ou, pour les plus anciens, celle qui fêtait leurs prédécesseurs revenant du Mexique en 1986, ou qui s’enthousiasmaient pour les exploits d’Eddy Merckx sur les routes du Tour de France.

L’exercice, pour les journalistes sportif(ve)s tient alors, où devrait tenir de l’équilibrisme: montrer à leur public qu’ils participent à cette émotion collective, tout en gardant suffisamment de recul pour ne pas y céder et garder les deux yeux bien ouverts.

Là aussi, certain(e)s oublient très vite leur devoir critique de journalistes. Lors du Mondial en Afrique du Sud, j’avais épinglé sur ce blog l’attitude des journalistes de la télé publique espagnole qui avaient commenté la finale victorieuse de l’Espagne revêtus du maillot de la Roja. Et parmi ces « journalistes » figurait la compagne de l’époque (qui l’est peut-être toujours par ailleurs) du gardien espagnol, Iker Casillas. Le baiser qu’ils avaient échangé devant les caméras avant qu’elle l’interviewe avait tué la crédibilité journalistique, avais-je écrit à l’époque.

La défaite historique du Brésil contre l’Allemagne avait laissé des traces à Rio de Janeiro….

Sans aller dans de tels excès, notre presse sportive d’héroïsme tombe un peu dans les mêmes travers quand un commentateur parle de « nos Diables rouges » parlant des joueurs de l’équipe nationale de football. J’ai déjà évoqué la sobriété, en recul elle aussi, des journalistes de la télé publique allemande qui, en pleine victoire historique contre le Brésil en 2016 (1-7), se montraient pour leur part heureux de ce résultat historique, mais s’interrogeaient déjà encours de match sur l’ampleur tout à fait extravagante du score.

Les journalistes télés ne sont pas seuls à céder à ce travers: un chef de service sportif se serait plaint, il y a un certain temps, d’un journaliste qui n’était pas suffisamment « supporter » dans le suivi d’un club….

Autre situation particulièrement délicate pour certain(e)s journalistes sportif(ve)s, les « pantouflages » avec des clubs sportifs, par exemple sous forme de participation voire de prise en charge de leur bulletin ou magazine: de quelle autonomie bénéficient-ils (elles) encore à l’égard de ces clubs?

Un journalisme déprécié

À leur décharge, les journalistes sportif(ve)s ne se sentent pas toujours soutenu(e)s à l’intérieur de leurs rédactions : combien de rédactrices et de rédacteurs en chef ou de responsables de rédaction ne sont-ils (elles) pas totalement ignorant(e)s du contenu des pages sportives de leur publication?

Étonnez-vous après cela que les rédactions sportives constituent des espèces d’États dans l’État, qui fonctionnent de manière quasi-autonome?

Des directions de médias elles-mêmes ont une vision singulièrement tronquée de l’information sportive qu’elles considèrent de manière aseptisée, comme une pure information de délassement, qui requiert dès lors plus une animation qu’une véritable couverture journalistique. Comme si le sport, et notamment le sport professionnel, et en particulier les grandes compétitions internationales, n’avaient pas des aspects éminemment politiques, économiques, judiciaires ou sanitaires ?

Faut-il rappeler que la reconnaissance de la Chine populaire par les États-Unis, il y a un demi-siècle, a été amorcée par… un match de tennis de table entre pongistes des deux pays. Et que dire de l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, dont on sait dans quelles conditions elles se sont déroulées, et qui bouleversera le football mondial, jusque dans ses sphères les plus populaires, parce qu’il se déroulera exceptionnellement en janvier et en février?

Uniformisation

Les journalistes sportif(ve)s donnent, il est vrai, parfois eux-mêmes et elles-mêmes les verges pour se faire battre. En concédant par exemple que des enquêtes dans les coulisses d’un sport comme « Le milieu du football » sont nécessaires, mais… qu’elles n’enlèvent rien à leur amour du sport, comme si un sport parfaitement vierge de toute dérive était toujours la règle, et les magouilles l’exception!

Il leur arrive aussi souvent de… se refuser à aller visiter ces coulisses, préférant laisser à des collègues spécialisés en judiciaire, économie, ou politique le privilège de s’y aventurer. Histoire de ne pas se retrouver en marge de dirigeants qui leur distillent périodiquement une information orientée et qui s’y entendent pour créer une solidarité factice? Au prologue de « l’affaire Bosman » qui allait mettre par terre l’organisation du football européen sans la remplacer par un système moins critiquable, le président du RFC Liégeois de l’époque croyait mettre les journalistes qui suivaient son club dans sa poche en faisant appel à leur attachement au sport, avant d’annoncer qu’à la surprise générale, Jean-Marc Bosman s’adressait à la Justice pour forcer un transfert qui lui était refusé

Où les journalistes sportif(ve)s subissent par contre une évolution qui procède de la dépréciation de l’information sportive évoquée ci-dessus, c’est quand ils et elles vivent la fusion d’équipes et de pages dont le résultat, à terme, sera que dans toute la presse quotidienne belge francophone, il risque de n’y avoir plus que deux versions de l’information sportive. Un peu comme, dans la défunte Union soviétique, la « Pravda » (« La Vérité ») et les « Izvestia » (« Les Nouvelles ») tentaient de faire croire à un véritable pluralisme de l’information…

Des liasses de dollars ont suffi à sécher les larmes de Messi


Les dernières illusions qu’on pouvait nourrir sur les valeurs du football se sont depuis longtemps dissipées, sous l’effet des dossiers de corruption qui ont entraîné la chute de l’ancien président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), Sepp Blatter et de son homologue européen, Michel Platini; des confidences de ce dernier sur les manipulations du tirage au sort de la phase finale du Mondial 1998 en France, de la désignation « bizarre » du président actuel de la FIFA, Gianni Infantino, ou de l’attribution contre monnaies sonnantes et trébuchantes du Mondial 2022 au Qatar. Et le spectacle, ce mercredi, de Leo Messi, qui s’est dit super-heureux de rallier le Paris Saint-Germain avec lequel il entend gagner la Ligue des Champions, deux jours après avoir versé force larmes, en confirmant son départ du FC Barcelone, son club de coeur depuis plus de vingt ans, ajoute un chapitre peu navrant à cette descente aux enfers.

Il faut dire que ce « pauvre » Leo avait de quoi se réjouir : les financiers qataris (encore eux!) qui ont décidé il y a quelques années de faire gagner la coupe aux grandes oreilles au club parisien, mais se sont toujours plantés depuis lors, ont cassé leur tirelire pour offrir à la star vieillissante un contrat de deux saisons avec option pour une troisième, à des conditions qui, même s’il a réduit son salaire de moitié, restent«intéressantes»: près de 40 millions de dollars l’an, hors primes et bénéfices sur les produits dérivés. Pareille liasse de dollars est de nature à sécher les larmes les plus abondantes, voire des larmes de crocodile

La comédie du fair-play financier

C’est dire le pognon que la vedette argentine a amassé au cours de ses années de gloire à Barcelone. Au mépris des pseudo-règles du fair-play financier d’ailleurs, dont la Ligue espagnole semble s’être brusquement souvenue, cette année, pour de mystérieuses raisons. Au point que même s’il avait décidé, sous l’effet d’une lubie passagère, de désormais se produire gratuitement au Camp Nou, cela n’aurait pas suffi à ramener les finances du club dans les clous.

Voilà qui démontre bien que, comme nous l’avons déjà écrit, Barcelone, et le Real Madrid, en Espagne, à l’instar de Manchester City, de Chelsea, ou d’Arsenal au Royaume-Uni, ou de… Paris Saint-Germain en France, soutenus par des fonds souverains ou par des mécènes aux fortunes immenses et parfois douteuses, sont parmi les clubs les plus endettés au monde… mais ils ne sont pas inquiétés au contraire de formation plus modestes sur lesquelles le couperet national s’abat sans pitié.

Par un heureux hasard, Paris Saint-Germain a pu s’attacher les services de Messi parce que, en France, sous prétexte de Covid, l’application des règles de fair-play financier qui avaient naguère empêché le PSG de transférer le moindre joueur, a été postposée de deux ans. On ne peut mieux dire que ce fair-play financier est une comédie, ou mieux, une mascarade..

Un pari risqué

Cela dit le pari… parisien reste risqué. D’abord parce que Leo Messi a 34 ans, et que même s’il reste affûté, il est sans doute plus fragile qu’il ne l’était il y a dix ans.

« Se peut-il que la venue d’un footballer au sein d’une équipe vaille qu’on lui sacrifie une somme égale à la recette brute de cinq ou six rencontres de championnat? (…) Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si, dans le cadre d’un transfert semblable, un club de football possède la moindre assurance quant au capital énorme qu’il engage? » écrivait un grand journaliste sportif belge, Jacques Lecoq, en mai 1948, commentant le transfert sensationnel du défenseur tongrois Willy Saeren au RFC Liégeois. Pour la première fois, un montant d’un million de francs belges (25000 euros!) et le déménagement d’une tribune démontable de Rocourt à la cité d’Ambiorix avait été engagé…

Aujourd’hui, les 25000 euros sont presque engagés pour un préminime talentueux, et des assurances couvrent des transferts tels que celui de Leo Messi, amorti aussi par les ventes de produits dérivés qui battent déjà leur plein.

Reste qu’en football, il ne suffit pas toujours de réunir les joueurs les plus talentueux pour former une équipe irrésistible. Et si les supporters parisiens rêvent déjà tout haut, des hypothèques diverses peuvent compromettre l’entreprise.

Si le gardien de but de la Squadra Azzurra, Gianluigi Donnarumma, est tout jeune et promis à un grand avenir, le recrutement de Sergio Ramos, devant lui, n’est pas forcément placé sous le sceau de l’avenir: le Real Madrid n’a rien fait pour retenir son emblématique défenseur, désormais âgé de 35 ans.

Avec Messi qui compte 34 années au compteur, et Angel Di Maria, lui aussi trentenaire, le PSG joue sur l’expérience mais aussi avec le feu: Ramos est d’ailleurs déjà blessé.

Ensuite, si Neymar et Messi affichent leur joie de se retrouver, il reste à les faire jouer ensemble et avec Mbappé. Ce n’est pas forcément gagné…

On dira bien sûr que des joueurs de talent arrivent toujours à jouer ensemble. C’est ce que disaient aussi les supporters de l’équipe de France, il y a quelques semaines, en rêvant qu’une ligne d’attaque composée de Mbappé, Benzema et Griezmann entraînerait d’office les champions du monde au titre européen.

On sait ce qu’il en est advenu: si Benzema et Griezmann ont marqué des buts, Mbappé est resté silencieux, hors un but remarquable face à l’Allemagne, annulé par l’interprétation tatillonne du VAR qui prévaut pour les hors-jeux, contre l’esprit même du jeu.

Si Messi est à Paris pour marquer des buts, que laissera-t-il à Neymar et à Mbappé, dont on disait il y a quelques semaines, il souhaitait quitter le PSG…? Et comment l’entraîneur, Maurizio Pocchetino, gérera-t-il de possibles conflits d’ego?

Messi ou pas Messi, il ne suffira pas au PSG de paraître pour vaincre. Et même s’il finit par vaincre, ce sera sans gloire, car plus que jamais, ce sera le succès du pognon-fou. Celui qui transforme les joueurs les plus renommés en pions qui s’échangent au fil des bonnes fortunes financières ou des déboires des clubs auxquels l’attachement qu’ils leur expriment (Messi à Barcelone ou Lukaku à l’Inter qu’il vient de quitter à la grande fureur des tifosi qui brûlent désormais celui qu’ils adulaient) n’a plus aucune valeur.

Le « roi Leo » aurait vraiment été un roi, si, juché sur son tas d’or, il était retourné par exemple dans son club d’origine, pour y former gratuitement ou pour une bouchée de pain, les futurs Messi des années 2030. On peut toujours rêver… sauf dans le monde du football