Un visionnaire qui aurait dû être écouté


Hasard de la programmation du bouquet télévisuel, c’est au moment où des émeutes se déroulent en Algérie, et surtout en Tunisie, que j’ai eu l’occasion de découvrir, sur une chaîne historique, la personnalité de Mehdi Ben Barka.

Ben Barka: le nom me rappelait un souvenir lointain. Je n’étais pas encore adolescent quand le scandale de son enlèvement et de sa disparition, le 29 octobre 1965, ont secoué la France de De Gaulle. Une histoire qui avait tout d’un mauvais scénario de série B,  avec des hommes de main dont aucun scénariste ne se serait risqué à écrire des noms: Georges Boucheseiche, Antoine Lopez; et puis les policiers Louis Souchon et Georges Voitot.

On sut très rapidement que le général  Mohammed Oufkir, ministre marocain de l’Intérieur, et chef des services secrets, était mêlé à ce crime: il fut d’ailleurs condamné pour son implication par la Justice française, pour disparaître quelques années plus tard, après un putsch manqué contre le défunt roi du Maroc, Hassan II. On ne sait toujours pas, de nos jours, ce qu’est devenu le corps de Mehdi Ben Barka, qui aurait, a-t-on dit, été dissous dans de l’acide.

Les deux émissions télévisées ne s’attardaient pas sur le crime. Elles expliquaient par contre pourquoi Mehdi Ben Barka a été éliminé. Car l’ancien professeur de mathématique de Hassan II, opposant de la première heure à la colonisation française, s’était mué en opposant au pouvoir royal absolu qui lui avait succédé. Surtout, contraint à l’exil, il avait pris une place de plus en plus importante sur la scène internationale. Et ce n’est pas un hasard, sûrement, si son assassinat est survenu quelques semaines avant la première « conférence tricontinentale », qu’il avait puissamment aidé à organiser.

Ben Barka appartient à l’Histoire du Maroc et de l’humanité. Mais son propos est toujours actuel. Une de ses principales revendications était de lutter contre l’analphabétisme, qui constitue toujours une plaie au Maghreb , près d’un demi-siècle après sa mort tragique. Le président tunisien Ben Alli, confronté à la rébellion de la jeunesse, vient, lui, de décréter la suspension des cours dans les universités et les écoles…