Liberté de la presse et liberté d’expression? Mais oui, bien sûr, évidemment…


Il a fallu quatre mois moins un jour pour qu’une première réponse arrrive au courrier, cosigné par votre serviteur, et par les coprésidents de l’AGJPB nationale, François Ryckmans et Marc Van de Looverbosch, et adressé le 17 janvier dernier au Premier ministre, Elio Di Rupo, et au ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, pour les sensibiliser aux atteintes à la liberté de la presse et d’expression en Turquie et au sort du journaliste Bariș Terkoğlu, « adopté » par l’AGJPB.

Le Premier ministre commence par excuser ce retard interpellant.

Il faut l’attribuer, explique-t-il, à la « mise en place de (son) cabinet » au cours de laquelle le courrier original se serait égaré. On en acceptera l’augure, même si on aimerait connaître les raisons du silence, dans le même temps, du ministre des Affaires étrangères.

« Je suis convaincu que la liberté de la presse est une des garanties de l’état de droit et de la démocratie« , nous répond Elio Di Rupo, après avoir reçu copie de la lettre du 17 janvier. Des valeurs, poursuit le Premier ministre « que je tiens particulièrement à défendre, notamment à l’occasion des contacts internationaux que je suis amené à avoir« .

Le propos nous réjouit,même si on ne peut moins en attendre, convenons-en, du Premier ministre d’un pays dont l’article 25 fait, depuis 1831, de la liberté de la presse un fondement essentiel du régime démocratique belge.

Mais au-delà? « Je ne manquerai pas de suivre attentivement la situation que vous évoquez et de relayer vos préoccupations dès que l’occasions (sic) s’en présentera » poursuit… et conclut Elio Di Rupo, avant les formules de politesse d’usage.

Quoi? Rien que cela? Notre demande de protestation officielle du gouvernement belge auprès du gouvernement turc, par le canal de l’ambassade de Turquie en Belgique? Notre exigence de libération immédiate de tous les journalistes turcs emprisonnés? Pas un mot!!!  Alors que va reprendre le procès de Bariș Terkoğlu et de ses collègues au Palais de Justice d’Istanbul, nous sommes consternés de voir combien la pétition de principe du chef de gouvernement se révèle vide de sens, à l’épreuve de la « Realpolitik »…

Que dirons-nous à l’épouse de Bariș Terkoğlu, Özge Izdes, quand nous la retrouverons, le 18 juin, au Palais de Justice d’Istanbul? Que répondrons-nous aux membres des familles de la centaine de journalistes turcs incarcérés? Que le gouvernement de Recep Tayip Erdogan a désormais les mains complètement libres pour étouffer la liberté d’expression dans son pays?

Leyla Zana condamnée: la Turquie d’Erdogan renoue avec la Turquie des militaires

Le constat, hélas, est conforté par la condamnation à dix ans de prison de Leyla Zana, jugée jeudi coupable par la cour pénale de Diyarbarkir de « propagande en faveur d’une organisation terroriste ».

Première députée kurde élue au Parlement d’Ankara, Leyla Zana avait déjà été condamnée, en 1994, pour des propos comparables à quinze ans de prison. Elle avait été relâchée au bout de dix ans, grâce à la pression internationale. Elle avait notamment reçu le prix Sakharov durant son séjour en prison.

« La condamnation d’hier est comparable à celle qu’elle avait subie dix huit ans plus tôt. Elle prouve donc que la liberté d’opinion est encore aujourd’hui menacée en Turquie par les tribunaux et le code pénal », s’indigne la députée européenne française Hélène Flautre,qui préside la délégation du Parlement Européen pour les relations avec la Turquie.

« C’est pourquoi je demande au gouvernement turc ainsi qu’au parlement turc de prendre les mesures législatives nécessaires afin d’assurer une réelle liberté d’opinion en garantissant les libertés fondamentales, en réformant la loi anti-terreur et par conséquent, de libérer Leyla Zana de toute charge », conclut l’élue « verte » au Parlement Européen, en saluant le combat de Leyla Zana pour « la liberté de pensée« .

Dans ces circonstances tragiques, ce langage politique sans équivoque nous fait chaud au cœur. Il souligne par contraste la mièvrerie navrante du gouvernement belge dans un dossier tout aussi essentiel.