L’échevin disonais Delaval défenestré: sérieux dilemme pour le PS


L’absence de quorum requis lors du vote à bulletins secrets imposé à l’Union Socialiste Communale (USC) de Dison n’y a rien changé : la motion de défiance introduite par son propre parti contre l’échevin des Finances, Jean-Michel Delaval, a été approuvée par le groupe socialiste, rejoint bizarrement par un élu MR, moins évidemment le désormais ex-échevin lui-même. Ce dernier a plaidé sa cause en conseil er sur Facebook, mais il n’a pas fait de pli, et a repris sa place au sein du groupe socialiste, se disant toujours membre du parti. Fin de l’épisode? Pas si sûr…

On peut se réjouir de voir ainsi des élus voter en âme er conscience, en ignorant les mots d’ordre… ou les statuts de leur propre formation politique. Mais on s’étonne en même temps de voir des élu(e)s socialistes, par essence parmi les plus régenté(e)s par leur parti, s’éloigner ainsi du « rappel à la loi » que leur avait imposé la commission de vigilance du PS, après que la fédération verviétoise de l’ex-parti à la rose eut, comme expliqué ici, décidé courageusement de se débarrasser de la patate chaude.

L’ex-échevin n’a pas fait un pli, mais a annoncé un recours

L’ex-échevin Delaval a déjà annoncé un recours devant les instances du PS, qui vont se retrouver face à un terrible dilemme: vont-elles désavouer l’ensemble du groupe socialiste disonais (moins Jean-Michel Delaval) et notamment la bourgmeste, Véronique Bonni, à un peu plus d’un an du scrutin communal, ou bien va-t-il lui imposer un humiliant retour en arrière ?

Le sort de ce recours sera observé avec grand intérêt, même si la formation du président Paul Magnette se caractérise par une interprétation assez erratique de ses propres statuts. Faut-il rappeler ici l’exclusion de la bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, coupable d’avoir voulu démettre un président de CPAS, qui a ensuite été écarté, mais la confiance renouvelée à son collègue de Sambreville, Jean-Charles Luperto, pourtant définitivement condamné en justice? Ou la suspension immédiate du bourgmestre d’Anthisnes et député européen Marc Tarabella, cité et inculpé dans le «Qatargate», mais qui bénéficie toujours , comme tout accusé, de la présomption d’innocence?

Reste que désormais, la majorité disonaise est irrémédiablement divisée.

La défenestration de l’échevin Delaval, après celle de la présidente du CPAS, Dany Wérisse, et la démission de l’échevin Benoit Dantinne pourrait se révéler une victoire à la Pyrrhus pour la bourgmestre.

Celle-ci, qui se disait « attristée » au début de l’épisode, a sans doute révélé ses véritables intentions en se muant en authentique Fouquier-Tinville à l’égard de son ex-collègue, qui a par ailleurs des choses à se faire pardonner: https://www.vedia.be/www/video/info/politique/l-echevin-des-finances-de-dison-jean-michel-delaval-a-ete-limoge_111801.html

Véronique Bonni a ainsi (provisoirement?) écarté celui qui avait failli la priver de la tête de liste aux dernières élections communales et qui risquait de lui faire de l’ombre en octobre 2024. Son pari est risqué : elle pourrait dans un peu plus d’un an devenir la bourgmestre qui aura fait perdre au PS son emprise quasi-séculaire sur la politique disonaise..

Il est loin le temps où le PS(B) était «fort et uni, sterk en eensgezind»


C’est un temps dont seuls les plus de… soixante ans peuvent se souvenir: les plus jeunes doivent consulter les livres d’histoire politique de la Belgique. Afin de remonter au temps où le Parti Socialiste Belge (PSB) et son pendant flamand le BSP s’affichaient «fort et uni, sterk en eensgezind» comme le proclamait un slogan bien connu à l’époque.

Edmond Leburton et Jos Van Eynde, les coprésidents d’un PSB-BSP qui s’affichait alors «fort et uni». La photo est en noir et blanc, signe d’une solidarité lointaine…

Porté par des hommes comme Edmond Leburton et Jos Van Eynde, notamment, issus de l’après-Deuxième Guerre mondiale et encore pétris de l’idée de l’internationalisme de la solidarité socialiste, le PS qui était toujours B, a été, parmi les partis traditionnels de l’époque, celui qui a le plus longtemps résisté à la scission linguistique. PS et SP, puis sp-a puis Vooruit, ont suivi alors une évolution de plus en plus divergente. On se rappelle par exemple combien la gestion de certains ministres socialistes flamands de l’Intérieur, dont notamment Louis Tobback, a été contestée, côté francophone, dans le contentieux fouronnais.

Aujourd’hui, la solidarité que le président actuel du PS, Paul Magnette, avait semblé vouloir recréer avec son jeune alter ego flamand, Conner Rousseau, s’est complètement étiolée. Les dernières propositions du président de Vooruit, à propos de la limitation dans le temps des allocations de chômage ont ainsi été saluées par les… libéraux flamands, tout en s’attirant les foudres du PS francophone.

Cela dit, l’évolution du PS francophone n’a guère été plus brillante avec les «affaires» qui se sont succédé au fil du temps, de Liège à Charleroi, de Charleroi à Bruxelles et de Bruxelles à Liège, et dans des cités diverses, sans que, apparemment, il ne soit possible d’y mettre un terme définitif. Et avec des décisions à géométrie variable, comme il en a déjà été question sur ce blog.

Le PS verviétois a ainsi connu des remous graves, qui ont entraîné la paralysie de la gestion de la ville, et dont on n’est pas sûr qu’ils appartiennent désormais au passé: la lutte pour les places utiles, et peut-être le mayorat, risque à nouveau d’y être féroce l’an prochain.

Jean-Michel Delaval avait été mis en cause par ses «camarades» dès le lendemain du dernier scrutin communal

Dans la commune voisine de Dison, les duels sont plus feutrés. Mais, mine de rien, avec la menace de motion de défiance, venant de son propre parti, qui plane sur l’échevin des Finances, Jean-Michel Delaval, c’est la troisième défenestration qui risque de secouer ainsi l’équipe dirigée (?) par la bourgmestre, Véronique Bonni, qui a hérité de l’écharpe mayorale détenue pendant plusieurs décennies par Yvan Ylieff.

Le motif invoqué à l’appui de cette future (?) motion de méfiance est la réaction d’humeur de l’échevin Delaval, face à une citoyenne qui, selon lui, l’a accusé publiquement de faits de corruption. Mais on rappellera que l’échevin avait été sanctionné une première fois après qu’il se fut porté candidat à l’écharpe mayorale contre Véronique Bonni, avant la dernière élection communale. Pour le «récompenser» de l’avoir poussée dans ses derniers retranchements, on l’avait alors renvoyé, sur la liste du PS, à une place théoriquement non-éligible. Cela ne l’a pas empêché de faire sa rentrée au conseil communal: le reproche lui a alors été fait d’avoir mené une campagne… personnelle, et non de parti.

Repris dans le collège communal, il a hérité des Finances en 2020, après la démission de l’échevin titulaire, Benoît Dantinne dont les paroles, à l’époque, prennent un aspect quasi prémonitoire aujourd’hui. «Je me suis retrouvé dans un système qui avait beaucoup changé au fil des années, et où l’intérêt général et le bien commun ne sont plus à l’ordre du jour» expliquait-il à l’époque.

La réaction de Véronique Bonni à la démission de l’échevin Benoît Dantinne avait été assez lapidaire

«J’ai une autre manière de travailler; l’électeur a choisi, et je pense qu’il faut pouvoir s’adapter» répondait la bourgmestre à l’époque. Une bourgmestre qui, un an auparavant, avait exigé… et obtenu la démission de la présidente du CPAS, Dany Werisse, dans des circonstances qui n’ont jamais vraiment été explicitées. De simples imprécisions comptables, comme on l’a dit à l’époque? Son successeur à la présidence de l’instance sociale, Regis Decerf, s’est depuis lors illustré par une réplique peu appropriée à des victimes des inondations catastrophiques de juillet 2021. «S’il n’y a pas de questions, il n’y a pas de réponses» avait-il répondu à une personne qui l’interrogeait sur des démarches à suivre. Preuve, sans doute, qu’il n’y avait pas eu de démarche proactive, ou pas suffisamment proactive, du CPAS disonais?

Nous avons eu l’occasion de le vérifier récemment, quand l’échevin des Travaux, Stéphan Mullender, s’est retrouvé bien seul pour faire face à l’objection d’un riverain compétent d’une rue qui allait être en travaux, et qui lui expliquait que comme ces travaux étaient commandités par la Commune, c’est bien le collège communal, et lui en particulier, qui en assumait la responsabilité, et pas seulement l’entreprise chargée des opérations.

Les ennuis suscités aujourd’hui à l’échevin Delaval, qui conteste la légalité de la procédure, semblent le montrer: la quête des mandats est lancée au sein du PS disonais. Mais si Jean de la Fontaine a bien écrit que rien ne sert de courir, et qu’il faut partir à point, là, la course démarre peut-être un peu tôt. Car le scrutin communal n’est que pour octobre 2024. Et un PS divisé risque bien d’affronter, sur sa gauche, une liste PTB offensive à Dison. Les lendemains pourraient apporter quelques surprises…

La fédération verviétoise du PS désavouée par le comité de vigilance du parti!
Nouveaux rebondissements à Dison, où le comité de l'USC (Union Socialiste Communale) a anticipativement désigné le successeur de l'échevin Jean-Michel Delaval, qu'une motion de défiance attendait au prochain conseil communal. Le futur (?) échevin a pour particularité de n'avoir jamais pu décrocher une élection directe au sein de l'assemblée, au sein de laquelle il a remplacé le défunt Marc Tasquin au cours de la législature précédente, et, lors de la mandature actuelle, où il n'a fait sa rentrée qu'à la faveur de la démission de l'échevin Benoît Dantinne. Il serait donc sur le point de bénéficier d'une deuxième défenestration d'échevin... si ce n'est que la procédure lancée contre l'échevin des Finances disonais a été déclarée contraire aux statuts du PS par le comité de vigilance de l'ex-parti à la rose. 
C'était la thèse immédiatement défendue par l'échevin Delaval, qui s'était adressé à la fédération verviétoise du PS, dont on se demande à quoi elle sert, puisqu'elle n'a pas vu malice dans la manœuvre, se réfugiant derrière le Code wallon de la démocratie locale. Obstiné, le plaignant s'est adressé alors au comité de vigilance du PS, qui a décrété qu'il y avait un vice de forme: ce n'est pas le comité de l'USC qui pouvait prendre la décision; elle est du ressort de son assemblée générale. Et le vote ne peut s'y dérouler à mains levées (ce qui inhibe beaucoup de contestataires en puissance) mais doit s'exprimer par bulletins secrets. Autant dire que la majorité requise des deux-tiers de l'assemblée générale des socialistes disonais risque d'être fort agitée. Comme pour mieux souligner que, décidément, le temps où ce parti était «fort et uni, sterk en eensgezind» appartient désormais... à la préhistoire!

Sans crédibilité, pas de confiance dans la démocratie


Si la déontologie journalistique interdit de traiter des sujets dans lesquels on est personnellement impliqué(e), dès lors que le problème est résolu, la réserve peut, à mon sens être levée. Surtout si le propos n’est pas de défendre une thèse, mais d’en tirer des leçons.

L’affaire, en soi, est simple: des riverains d’une rue où des égouts ont été implantés et où des trottoirs ont été aménagés en 2013-2014, ont contesté des taxes sur l’implantation de l’égout, sur le raccordement à l’égout, et sur la construction des trottoirs, dont le montant leur a été réclamé en décembre 2020, soit plus de six ans après la fin des travaux. Et ils ont obtenu gain de cause: les taxes ont été annulées par le collège communal, de Dison en l’occurrence, après audition de l’avocate en charge du dossier, qui n’a donc jamais atterri en Justice. Et elles leur seront remboursées.

L’affaire a été évoquée par le quotidien qui m’a employé pendant de nombreuses années et qui (air connu) m’a rétribué pour ce faire insuffisamment à mes yeux. Et les responsables communaux, invités à expliquer leur revirement, ont soigneusement botté en touche.

«L’avocat des riverains a mis en valeur que le règlement n’a pas été publié aux valves communales, ce qui l’a rendu caduc», a ainsi balayé l’échevin des Finances.

Le problème est que cet argument… ne figurait nullement dans la requête de la plaideuse. Laquelle soulignait une pratique douteuse, sinon inadmissible: la mise en œuvre, pour l’enrôlement de ces taxes, de règlements communaux à… caractère rétroactif.

La manœuvre était mal ficelée: la référence renvoyait à deux règlements différents, l’un du 17 septembre 2018, l’autre du 17 novembre 2014, tous deux postérieurs à l’exécution des travaux. Dans l’un et l’autre cas, une règle fondamentale était ainsi violée: «selon la Cour de cassation, la non-rétroactivité doit être considérée comme un principe général de droit dont le respect s’impose notamment aux administrations locales de manière contraignante», rappelait le recours introduit par l’avocate au nom des riverains.

La manœuvre était aussi sournoise: le règlement qui s’appliquait pour l’enrôlement de cette taxe précisait que cet enrôlement devait s’effectuer dans les trois ans suivant l’achèvement des travaux. Le délai d’enrôlement était donc prescrit. On peut mieux comprendre pourquoi ces taxes ont été annulées avant d’être soumises à l’examen d’un juge!

Des travaux qui donnent de avantages privés ou qui relèvent de la mission de service public?

Les règlement visés n’étaient pas motivés, «mais l’objectif de ces taxes semble certainement être le suivant: permettre à la Commune de récupérer tout ou partie des dépenses effectuées par elle pour créer, améliorer les voiries, car ces travaux sont censés apporter une plus-value aux propriétaires, bénéficiant ainsi aux contribuables», ajoutait le recours.

«En ce qui concerne spécifiquement les trottoirs, cette dépense a été réalisée par la Commune dans l’intérêt général, en vue de profiter éventuellement à la communauté, alors que seul un groupe limité de redevables est soumis à la taxe. Il est donc manifestement déraisonnable et contraire aux principes d’égalité et de proportionnalité d’appliquer la taxe lorsque le propriétaire ne tire pas d’avantage de l’égout placé ou des trottoirs réalisés» poursuivait le texte.

La Commune ne respecte pas non plus le principe d’égalité lorsqu‘«elle fait supporter par une partie des contribuables (…) des travaux de voirie (revêtement et égouttage) visant à faciliter la sécurité et le flux des véhicules dans la localité, c’est-à-dire lorsqu’elle assure sa mission de service public» ajoutait l’avocate.

On pourrait ajouter que l’égouttage et l’épuration sont des objectifs imposés par l’Union européenne à ses États-membres, et, partant, à la Région et aux différentes communes: n’envisager les travaux que sous l’angle d’hypothétiques plus-value privées est en soi suffisamment spécieux.

Cette argumentation détaillée montre surtout que l’échevin des Finances, interrogé par une de mes ex-collègues, ne connaissait pas du tout son dossier, ou s’est payé la tête de son interlocutrice.

La bourgmestre, qui s’exprimait elle aussi, a renvoyé la patate chaude à son prédécesseur, en place au moment de la réalisation des travaux, oubliant qu’elle avait eu deux ans pour tenter de sauver les meubles. Et elle a incriminé les services communaux, en assurant que les procédures avaient été redéfinies, depuis lors, pour éviter que pareille méprise se reproduise dans le futur. Évitant ainsi toute réponse sur les objections soulevées au principe même de ces taxes.

Les explications semble traduire à tout le moins un malaise au sein même de l’administration communale, à la fois au sein du groupe majoritaire et entre le collège communal et son personnel.

Elles interrogent surtout sur la désaffection constatée, notamment des jeunes électrice et des jeunes électeurs, à l’égard de la démocratie. Ce n’est pas en se défaussant de ses responsabilités, à quelque niveau que ce soit, qu’on pourra les inciter à revoir leur opinion…

Échec et mat aux pontes verviétois et au président du PS francophone


Les dés sont donc tombés à Verviers: le député fédéral Malik Ben Achour ne ceindra pas une écharpe mayorale à laquelle, dit-on, il n’était pas fondamentalement attaché: l’homme-lige du président du PS, Paul Magnette, s’est non seulement révélé incapable de trouver une majorité parmi les dix des treize élu(e)s qui subsistaient au sein du groupe socialiste au conseil communal de la Cité lainière, pour réenclencher une procédure hasardeuse qui lui aurait permis de remplacer Muriel Targnion au fauteuil mayoral, mais en plus, il a réussi à provoquer une nouvelle scission au sein du parti, qui se décompose désormais en trois groupes: les «Indignés verviétois», à savoir la bourgmestre et l’échevin Alexandre Loffet, exclus du PS, et la conseillère Laurie Maréchal, qui en a démissionné; le «groupe Aydin», qui rassemble cinq élu(e)s fidèles au controversé président du CPAS, Hasan Aydin; et cinq «orthodoxes», dont Malik Ben Achour lui-même.

Dix mois après la première déflagration, qui avait vu la bourgmestre tenter d’éjecter de son poste un président du CPAS, devenu infréquentable aux diverses composantes de la majorité alors en place (PS-PR-Nouveau Verviers), et les réactions en cascade, téléguidées depuis le boulevard de l’Empereur, siège du PS francophone, que cette initiative avait provoquée, on en revient au point de départ: Muriel Targnion est plus que jamais en place; Hasan Aydin continue à présider le CPAS, et les autres partenaires de majorité, avec ou non le cdH de l’ancienne Cité lainière, vont devoir tenter de gouverner la ville jusqu’aux prochaines élections communales en 2024.

Qui porte la responsabilité de cet échec?

Malik Ben Achour et Muriel Targnion se rejettent déjà par médias interposés la responsabilité de cette mauvaise farce. Plus globalement, et même si le MR et le cdH verviétois ont été et sont toujours traversés par de profondes divergences internes, c’est au sein du Parti socialiste de Verviers, et de la fédération Wallonie-Bruxelles qu’il faut chercher la responsabilité de ce fiasco qui laisse stagner une ville en phase de paupérisation et dont le centre-ville prend depuis des années des allures de désert commercial.

Le problème, au départ, était à la fois simple et délicat pour le PS. Muriel Targnion s’était déconsidérée, à la présidence d’Enodia, l’intercommunale faîtière de Nethys, par sa défense aveugle de la gestion de la société par son ancien administrateur-délégué, Stéphane Moreau, désormais aux prises avec la Justice. Hasan Aydin, lui, s’était signalé par son manque de collégialité, par son dédain des règles administratives et de certains prescrits légaux – par exemple quand il avait mobilisé du personnel du CPAS au profit de ses permanences sociales et de celles de l’échevin Antoine Lukoki – et par sa misogynie affichée.

La logique aurait voulu que le parti les écarte tous deux, quand Muriel Targnion, soutenue au départ par une majorité du groupe socialiste encore uni au sein du conseil communal verviétois a pris l’initiative d’une motion de défiance à l’endroit du président du CPAS. C’est alors que les choses se sont emballées, avec, in fine, l’exclusion de la bourgmestre des rangs du parti; celle de l’échevin des Finances, Alexandre Loffet; le départ de la conseillère Laurie Marechal. Et la mise en œuvre d’une motion de défiance, battue ensuite en brèche par le Conseil d’État, qui a fait de l’ancien président du Parlement de la Communauté française, Jean-François Istasse, le bourgmestre verviétois le plus éphémère.

Toute cette procédure, mise au point ou à tout le moins approuvée par le président du PS, Paul Magnette, soutien indéfectible de Malik Ben Achour, s’est faite au mépris même des statuts du Parti socialiste: ni Muriel Targnion, ni Alexandre Loffet n’ont comparu devant l’instance qui aurait dû évaluer leur comportement, mais ils ont été directement attraits devant l’instance… d’appel. Sans que personne, au sein du parti, ni à Verviers, ni au niveau de la fédération, ni à Bruxelles ne s’émeuve de cette violation des droits de la défense.

Même liberté avec les statuts du PS, au niveau verviétois: les fidèles de la bourgmestre ont été débarqués du comité de l’Union Socialiste Communale (USC) et remplacés par une direction provisoire, conduite par le directeur général en congé de la ville, qui n’a pas été validée par une élection. Nécessité fait loi, disait-on. Le résultat est qu’aujourd’hui, on en revient au point de départ.

La stratégie de Paul Magnette visait de toute évidence à éviter, à Verviers, un nouveau cas «Emir Kir», avec le président du CPAS, Hasan Aydin, qui bénéficie d’un soutien ouvert de la communauté turque de Verviers, et au-delà, des organisations turques de Wallonie et de Bruxelles, ainsi qu’on avait pu le voir lors d’une manifestation houleuse précédant une réunion du conseil communal, en juin de l’année dernière.

«Plumer la poule sans la faire crier»

L’espoir de Paul Magnette était, selon une expression bien connue, de «plumer la poule sans la faire crier». En clair, de se débarrasser définitivement de Muriel Targnion avec la complicité active de Hasan Aydin, puis d’écarter ce dernier à la fois du mayorat qu’il pouvait revendiquer en tant que deuxième score de la liste, et de la présidence du CPAS. Ce fut l’épisode, cousu de câbles blancs, des candidatures pour un échevinat à rentrer récemment à l’USC, et que Hasan Aydin a éludé en rentrant un acte de candidature au… mayorat verviétois.

Tout ceci renvoie à d’autres responsabilités dans la déglingue du PS verviétois, et, par voie de conséquence, de la vie politique à Verviers. À commencer par celle de l’ancien bourgmestre Claude Desama, qui a pavé la voie à Muriel Targnion, pour faire barrage à Hasan Aydin, avant de la dézinguer, la jugeant indigne d’exercer sa succession.

C’est sous l’impulsion de Claude Desama, également que le PS verviétois, à l’instar de ce qu’il a fait à Bruxelles avec Emir Kir, est parti à la chasse au vote ethnique, au point qu’une jeune élue d’origine turque, Duygu Celik avait dénoncé un vote organisé dans les mosquées, après le scrutin de 2012. Cela lui avait valu un qualificatif très peu amène de Claude Desama, aussitôt démenti par celles et ceux qui avaient guidé le parcours de la jeune femme, aujourd’hui attachée au cabinet de la ministre wallonne, Christie Morreale, en sciences politiques à l’université de Liège.

L’épisode ne laissera pas des traces qu’au sein du parti socialiste verviétois: les instances de la fédération verviétoise sont en cours de renouvellement, puisque le président fédéral, Alexandre Loffet, a été défenestré du PS. La bourgmestre de Limbourg, Valérie Dejardin, et celle de Dison, Véronique Bonni, sont en lice pour la présidence, et l’une d’entre elles est notoirement farouchement hostile à la bourgmestre de Verviers. Ajoutons à cela que le député wallon theutois, André Frédéric, et l’échevin malmédien Ersel Kaynak ont été, avec le désormais ministre wallon Christophe Collignon, chargés d’une mission de médiation qui a fait long feu à Verviers, tandis que l’ancien ministre et bourgmestre de Dison, Yvan Ylieff; le député hervien et ancien secrétaire général de la FGTB, Marc Goblet; ou le député provincial, ancien bourgmestre de Welkenraedt et ancien président de la fédération verviétoise du PS, Claude Klenkenberg, dénonçaient les atteintes aux statuts qui ont émaillé le processus.

Il y a très longtemps, à l’époque où le PSB-BSP était encore uni au plan national, un de ses slogans de campagne était «fort et uni, sterk en eensgezind».

À Verviers, les adversaires du PS peuvent désormais paraphraser François Mauriac parlant de l’Allemagne, et dire qu’ils l’aiment tellement qu’ils sont heureux qu’il y en ait… trois.

En attendant, la ville de Verviers attend des initiatives politiques mobilisatrices…

La cassure s’élargit au sein du PS de l’arrondissement de Verviers


La (mauvaise) «telenovela» politique verviétoise se poursuit, et s’est amplifiée, ces derniers jours, au gré d’interviewes de Marc Goblet, député PS de l’arrondissement de Verviers et ancien président de la FGTB, d’Yvan Ylieff, ancien bourgmestre de Dison, ancien ministre de l’Enseignement, puis, ce mercredi, de Didier Nyssen, conseiller communal de Verviers, dont les retournements de veste feraient pâlir d’envie Jacques Dutronc, inoubliable chanteur de «L’opportuniste». Et ce qu’on constate au travers de ces différents propos, c’est que la gestion du «problème verviétois» par les instances nationales du PS transposent la profonde division du parti de la ville, à la région. Et que la fracture s’amplifie de jour en jour.

Marc GobletPremière salve tirée par Marc Goblet: le député fédéral hervien faisait partie de la «tutelle» imposée à la section verviétoise du PS, avec le député wallon-bourgmestre de Huy, Christophe Collignon, avec le député wallon et conseiller communal theutois André Frédéric, qui présidait cette «tutelle», et avec la conseillère communale liégeoise, et ancienne députée fédérale Marie-Claire Lambert.

Cette «tutelle» était censée ramener la paix au sein du PS de Verviers, déchiré par ce que d’aucuns ont baptisé le conflit entre la bourgmestre, Muriel Targnion, et le président du CPAS, Hasan Aydin, mais ce qui se décrit plus justement par le problème posé par le comportement individuel du président du CPAS, devenu insupportable non seulement à la bourgmestre, mais à l’ensemble des membres du collège communal de l’ancienne cité lainière.

On ne reviendra pas ici sur les péripéties qui ont conduit à l’exclusion du PS de la bourgmestre verviétoise, et qui vont sans doute bientôt conduire à la même sanction pour l’échevin des Finances, Alexandre Loffet, toujours président de la fédération verviétoise du Parti socialiste, en violation même des statuts du PS, puisque l’intéressée a été directement jugée par la commission de vigilance nationale, l’instance d’appel, dont les décisions sont… sans appel. Ni sur le scénario mis en place pour installer (provisoirement) Jean-François Istassse au fauteuil mayoral, au prix de liberté très larges prises avec le Code wallon de démocratie locale, sur lesquelles, le cas échéant, on sera intéressé de connaître l’avis du ministre wallon et PS de tutelle, Pierre-Yves Dermagne.

C’est précisément parce qu’il n’était pas d’accord avec cette manière de procéder que Marc Goblet, sans aucun doute le seul membre de  la «tutelle», avec André Frédéric, a bien connaître le contexte verviétois, a décidé de s’en retirer. Sans que cela émeuve le moins du monde le boulevard de l’Empereur, apparemment, où on s’en tient mordicus à l’option prise, aussi invraisemblable qu’elle paraisse, tant il est évident que les partenaires de majorité du PS à Verviers n’accepteront pas le maintien de Hasan Aydin à la présidence du CPaS. Sauf s’ils mangent leur chapeau avec un bel appétit.

Yvan YlieffDeuxième acte, une autre interview de l’ancien bourgmestre de Dison, Yvan Ylieff, toujours accordée à mes consœurs et confrères de l’édition verviétoise d’un journal qui (air connu) m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût.

Fidèle à sa réputation, «Yvan le terrible» y dézingue à tout va.

«Ma vie, c’était le PS et aujourd’hui y règne la panique, l’improvisation, le grand n’importe quoi. Je suis à cet égard à 100% sur la même la même longueur d’ondes que le député fédéral Marc Goblet (PS) qui d’ailleurs, en tant que dernier sur la liste PS a conquis son siège avec ses voix personnelles donc jouit d’une légitimité démocratique incontestable» lance-t-il. Et une pierre dans le jardin d’un autre député fédéral PS de l’arrondissement de Verviers, «suite au désistement de deux élus qui ont préféré rester échevins», une!

Claude DesamaLe «grand n’importe quoi», c’est notamment, pour Yvan Ylieff, le choix de la «mouvance communautariste» prise par le PS verviétois, à l’instigation de l’ancien bourgmestre de la Cité lanière, accuse-t-il. Et pan, une deuxième pierre, dans le jardin de Claude Desama, dont l’épouse fut jadis l’inamovible première échevine d’Yvan Ylieff.

Ce qui, évidemment, lui vaut dès ce mercredi, une réplique de l’ancien professeur de l’université de Liège, qui avait récemment démoli celle qui lui a succédé à l’Hôtel de ville de Verviers, en rappelant l’adage latin «Ius dementat quos vult perdere» («Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre») et qui s’affiche en «incarnation de la laïcité». La controverse entre les deux anciennes figures de proue de la fédération verviétoise du PS prend, du coup, des allures de conflit de bac à sable…

Le ralliement le plus spectaculaire à l’ancien mayeur disonais est venu, le même jour, du conseiller socialiste verviétois Didier Nyssen, dont le parcours donne quelque peu le tournis: soutien de Muriel Targnion, il a cédé à la pression du parti pour se ranger du côté des «orthodoxes» mais se déclare d’accord avec l’ancien ministre qui condamne la dérive prise par cette tendance «officielle» du parti. D’ici à son retrait, annoncé pour le 1er octobre prochain, l’élu nous réservera-t-il d’autres volte-face?

Yvan Ylieff doit aussi être un spécialiste du billard à trois bandes. Car sans la citer, c’est aussi celle qui occupe le fauteuil mayoral à Dison qu’il égratigne en s’affichant parmi les «socialistes qui restent fidèles aux valeurs de la démocratie, des droits de la femme, des valeurs d’égalité, de la démocratie et ceux qui sont soumis à des mouvances et des dérives communautaristes».

Véronique BonniOn n’a en effet entendu que le silence assourdissant de Véronique Bonni sur l’exclusion frappant la bourgmestre de Verviers: la solidarité féminine, dit-on se serait brisée sur une solide inimitié entre les deux bourgmestres.

Et si rien ne filtre en public, il est notoire que le PS de Dison subit, lui aussi, des «vents contraires». Les reproches faits au cinquième échevin, Jean-Michel Delaval, d’avoir mené une « campagne personnelle» pour forcer une élection que sa relégation, loin sur la liste -pour le punir d’avoir eu l’outrecuidance de contester la tête de liste à la future bourgmestre, et de n’échouer finalement que d’une courte tête?- rendait fort aléatoire, ont laissé des traces.

Faute d’avoir réglé un problème au départ fort circonscrit (comment ramener dans le droit chemin un président de CPAS qui ne supportait pas le moindre contrôle?), le PS a ainsi étendu l’incendie au sein de sa fédération d’arrondissement. Car on imagine bien qu’André Frédéric ne doit pas apprécier les critiques que lui ont adressées Marc Goblet et Yvan Ylieff. Mais qu’au PS de Theux, certains trouvent peut-être aussi que les libertés prises avec les statuts du parti, et avec le Code wallon de la démocratie locale, cela commence à faire beaucoup…

Si, d’aventure, les efforts du président national du parti, Paul Magnette, pour nouer une alliance a priori contre nature avec la N-VA échouaient, et si des élections anticipées devaient avoir lieu, la confection de la liste socialiste pour l’arrondissement de Verviers évoquerait sans doute un célèbre dessin de Caran d’Ache consacré à l’affaire Dreyfus. La première case montre des convives prêts à passer à table et qui s’invitent «Surtout, ne parlons pas de l’affaire Dreyfus». La deuxième montre la table renversée, les convives échevelés, des yeux au beurre noir et elle est légendée «Ils en ont parlé»!

Il fut un temps lointain où le PS qui était encore PSB et le sp.a, toujours BSP, se présentaient ensemble à l’électeur  sous le slogan «Forts et unis. Sterk en eensgezind». L’étiquette belge («B») est depuis longtemps tombée aux oubliettes. Quant à la force et l’unité elles n’ont plus guère cours au sien de la fédération verviétoise du parti socialiste…

Entre-temps, le PS « orthodoxe» a passé alliance avec Ecolo, dans l’ancienne cité lainière, ce qui interroge sur la volonté de faire de la politique autrement qui était jadis affichée par les Verts. Deux blocs antagonistes s’y font désormais face: les 14 élus du cartel PS «orthodoxe»-Ecolo font face aux 15 alignés par l’alliance entre le MR, la liste Nouveau Verviers et le cdH. Pour rappel, la majorité communale exige 19 sièges. Et pendant que ces excellences s’affrontent, le déclin commercial et la paupérisation de la ville se poursuivent…