La (mauvaise) «telenovela» politique verviétoise se poursuit, et s’est amplifiée, ces derniers jours, au gré d’interviewes de Marc Goblet, député PS de l’arrondissement de Verviers et ancien président de la FGTB, d’Yvan Ylieff, ancien bourgmestre de Dison, ancien ministre de l’Enseignement, puis, ce mercredi, de Didier Nyssen, conseiller communal de Verviers, dont les retournements de veste feraient pâlir d’envie Jacques Dutronc, inoubliable chanteur de «L’opportuniste». Et ce qu’on constate au travers de ces différents propos, c’est que la gestion du «problème verviétois» par les instances nationales du PS transposent la profonde division du parti de la ville, à la région. Et que la fracture s’amplifie de jour en jour.
Première salve tirée par Marc Goblet: le député fédéral hervien faisait partie de la «tutelle» imposée à la section verviétoise du PS, avec le député wallon-bourgmestre de Huy, Christophe Collignon, avec le député wallon et conseiller communal theutois André Frédéric, qui présidait cette «tutelle», et avec la conseillère communale liégeoise, et ancienne députée fédérale Marie-Claire Lambert.
Cette «tutelle» était censée ramener la paix au sein du PS de Verviers, déchiré par ce que d’aucuns ont baptisé le conflit entre la bourgmestre, Muriel Targnion, et le président du CPAS, Hasan Aydin, mais ce qui se décrit plus justement par le problème posé par le comportement individuel du président du CPAS, devenu insupportable non seulement à la bourgmestre, mais à l’ensemble des membres du collège communal de l’ancienne cité lainière.
On ne reviendra pas ici sur les péripéties qui ont conduit à l’exclusion du PS de la bourgmestre verviétoise, et qui vont sans doute bientôt conduire à la même sanction pour l’échevin des Finances, Alexandre Loffet, toujours président de la fédération verviétoise du Parti socialiste, en violation même des statuts du PS, puisque l’intéressée a été directement jugée par la commission de vigilance nationale, l’instance d’appel, dont les décisions sont… sans appel. Ni sur le scénario mis en place pour installer (provisoirement) Jean-François Istassse au fauteuil mayoral, au prix de liberté très larges prises avec le Code wallon de démocratie locale, sur lesquelles, le cas échéant, on sera intéressé de connaître l’avis du ministre wallon et PS de tutelle, Pierre-Yves Dermagne.
C’est précisément parce qu’il n’était pas d’accord avec cette manière de procéder que Marc Goblet, sans aucun doute le seul membre de la «tutelle», avec André Frédéric, a bien connaître le contexte verviétois, a décidé de s’en retirer. Sans que cela émeuve le moins du monde le boulevard de l’Empereur, apparemment, où on s’en tient mordicus à l’option prise, aussi invraisemblable qu’elle paraisse, tant il est évident que les partenaires de majorité du PS à Verviers n’accepteront pas le maintien de Hasan Aydin à la présidence du CPaS. Sauf s’ils mangent leur chapeau avec un bel appétit.
Deuxième acte, une autre interview de l’ancien bourgmestre de Dison, Yvan Ylieff, toujours accordée à mes consœurs et confrères de l’édition verviétoise d’un journal qui (air connu) m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût.
Fidèle à sa réputation, «Yvan le terrible» y dézingue à tout va.
«Ma vie, c’était le PS et aujourd’hui y règne la panique, l’improvisation, le grand n’importe quoi. Je suis à cet égard à 100% sur la même la même longueur d’ondes que le député fédéral Marc Goblet (PS) qui d’ailleurs, en tant que dernier sur la liste PS a conquis son siège avec ses voix personnelles donc jouit d’une légitimité démocratique incontestable» lance-t-il. Et une pierre dans le jardin d’un autre député fédéral PS de l’arrondissement de Verviers, «suite au désistement de deux élus qui ont préféré rester échevins», une!
Le «grand n’importe quoi», c’est notamment, pour Yvan Ylieff, le choix de la «mouvance communautariste» prise par le PS verviétois, à l’instigation de l’ancien bourgmestre de la Cité lanière, accuse-t-il. Et pan, une deuxième pierre, dans le jardin de Claude Desama, dont l’épouse fut jadis l’inamovible première échevine d’Yvan Ylieff.
Ce qui, évidemment, lui vaut dès ce mercredi, une réplique de l’ancien professeur de l’université de Liège, qui avait récemment démoli celle qui lui a succédé à l’Hôtel de ville de Verviers, en rappelant l’adage latin «Ius dementat quos vult perdere» («Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre») et qui s’affiche en «incarnation de la laïcité». La controverse entre les deux anciennes figures de proue de la fédération verviétoise du PS prend, du coup, des allures de conflit de bac à sable…
Le ralliement le plus spectaculaire à l’ancien mayeur disonais est venu, le même jour, du conseiller socialiste verviétois Didier Nyssen, dont le parcours donne quelque peu le tournis: soutien de Muriel Targnion, il a cédé à la pression du parti pour se ranger du côté des «orthodoxes» mais se déclare d’accord avec l’ancien ministre qui condamne la dérive prise par cette tendance «officielle» du parti. D’ici à son retrait, annoncé pour le 1er octobre prochain, l’élu nous réservera-t-il d’autres volte-face?
Yvan Ylieff doit aussi être un spécialiste du billard à trois bandes. Car sans la citer, c’est aussi celle qui occupe le fauteuil mayoral à Dison qu’il égratigne en s’affichant parmi les «socialistes qui restent fidèles aux valeurs de la démocratie, des droits de la femme, des valeurs d’égalité, de la démocratie et ceux qui sont soumis à des mouvances et des dérives communautaristes».
On n’a en effet entendu que le silence assourdissant de Véronique Bonni sur l’exclusion frappant la bourgmestre de Verviers: la solidarité féminine, dit-on se serait brisée sur une solide inimitié entre les deux bourgmestres.
Et si rien ne filtre en public, il est notoire que le PS de Dison subit, lui aussi, des «vents contraires». Les reproches faits au cinquième échevin, Jean-Michel Delaval, d’avoir mené une « campagne personnelle» pour forcer une élection que sa relégation, loin sur la liste -pour le punir d’avoir eu l’outrecuidance de contester la tête de liste à la future bourgmestre, et de n’échouer finalement que d’une courte tête?- rendait fort aléatoire, ont laissé des traces.
Faute d’avoir réglé un problème au départ fort circonscrit (comment ramener dans le droit chemin un président de CPAS qui ne supportait pas le moindre contrôle?), le PS a ainsi étendu l’incendie au sein de sa fédération d’arrondissement. Car on imagine bien qu’André Frédéric ne doit pas apprécier les critiques que lui ont adressées Marc Goblet et Yvan Ylieff. Mais qu’au PS de Theux, certains trouvent peut-être aussi que les libertés prises avec les statuts du parti, et avec le Code wallon de la démocratie locale, cela commence à faire beaucoup…
Si, d’aventure, les efforts du président national du parti, Paul Magnette, pour nouer une alliance a priori contre nature avec la N-VA échouaient, et si des élections anticipées devaient avoir lieu, la confection de la liste socialiste pour l’arrondissement de Verviers évoquerait sans doute un célèbre dessin de Caran d’Ache consacré à l’affaire Dreyfus. La première case montre des convives prêts à passer à table et qui s’invitent «Surtout, ne parlons pas de l’affaire Dreyfus». La deuxième montre la table renversée, les convives échevelés, des yeux au beurre noir et elle est légendée «Ils en ont parlé»!
Il fut un temps lointain où le PS qui était encore PSB et le sp.a, toujours BSP, se présentaient ensemble à l’électeur sous le slogan «Forts et unis. Sterk en eensgezind». L’étiquette belge («B») est depuis longtemps tombée aux oubliettes. Quant à la force et l’unité elles n’ont plus guère cours au sien de la fédération verviétoise du parti socialiste…
Entre-temps, le PS « orthodoxe» a passé alliance avec Ecolo, dans l’ancienne cité lainière, ce qui interroge sur la volonté de faire de la politique autrement qui était jadis affichée par les Verts. Deux blocs antagonistes s’y font désormais face: les 14 élus du cartel PS «orthodoxe»-Ecolo font face aux 15 alignés par l’alliance entre le MR, la liste Nouveau Verviers et le cdH. Pour rappel, la majorité communale exige 19 sièges. Et pendant que ces excellences s’affrontent, le déclin commercial et la paupérisation de la ville se poursuivent…