Pour les Congolais(e)s, l’avenir reste aussi sombre


La Commission électorale nationale indépendante (Céni) l’a proclamé: Félix Tshisekedi est reconduit dans sa fonction de président de la République Démocratique du Congo (RDC) sur un score sans appel de 73,34% des voix. Et comme par le passé, la communauté internationale entérinera ce résultat, malgré tous les questionnements qu’on doit se poser sur la régularité de ce scrutin. Trop heureuse de voir la transition du pouvoir s’efforcer pacifiquement dans le plus grand pays d’Afrique, un continent où, dans bien des pays, des coups d’État militaires, dont certains sont orientés par le groupe de mercenaires russes Wagner et par la Russie de Vladimir Poutine, ont interrompu le cycle démocratique.

Faut-il pour autant se satisfaire de ce scrutin chahuté?

La réponse est venue de la mission d’observation des Églises catholique et protestantes, qui a dit avoir «documenté de nombreux cas d’irrégularités, susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats de différents scrutins en certains endroits».

Pour rappel, le 20 décembre dernier, les Congolaises et les Congolais étaient invité(e)s à élire leur président, leurs députés nationaux et provinciaux, et leurs conseillers locaux. En principe, le scrutin n’était prévu que ce jour-là, mais les nombreux problèmes qui ont surgi – comme ceux de bureaux de vote censés ouvrir leurs portes à 9 heures mais qui n’ont été accessibles qu’à 13 ou 14 heures, le temps d’installer des isoloirs et/ou des «machines à voter»- ont fait que les opérations de vote ont été étendues au 21 par la Céni, et ont duré plusieurs jours dans certaines régions. Faisant naître le soupçon de manipulations, comme celles qui ont permis à Félix Tshisekedi d’être élu à la présidence en décembre 2018, au détriment de Martin Fayulu, considéré par de nombreux observateurs comme le véritable vainqueur du scrutin présidentiel.

Un succès électoral incontestable, pour Félix Tshisekedi?

Martin Fayulu était à nouveau en piste cette année, et il est crédité de 5,33% des suffrages, derrière Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, qui aurait bénéficié de 18,08% des voix. L’ancien Premier ministre, Adophe Muzito, aurait obtenu, lui 1,12%, et la vingtaine d’autres candidats, dont le Prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, n’aurait pas franchi le seuil de 1% des suffrages.

Selon la Céni, 43% des inscrits auraient pris part au scrutin.

Ce dernier chiffre, et le système d’élection présidentielle à un seul tour, qui couronne le candidat arrivé en tête, suffiraient pas, dans de nombreux pays, pour invalider ce mode de scrutin et à postuler, au moins, un deuxième tour opposant les deux candidat(e)s arrivé(e)s en tête au premier tour.

Et l’exigence d’une participation d’au moins 50% des citoyen(ne)s à l’élection.

Au-delà de ces considérations politiques, la question qui se pose est de savoir si la réélection de Félix Tshisekedi pour son second mandat présidentiel, va améliorer un tant soit peu la situation des Congolaises et des Congolais, dont l’état de pauvreté dans un pays aussi riche de son sol et de son sous-sol est un authentique scandale.

Si point n’est nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer, comme l’aurait décrété Guillaume le Taciturne, il faut bien constater que sur base de son bilan de président sortant, on ne peut guère attendre de résultat de Félix Tshisekedi.

Pour la population congolaise, l’urgence règne depuis longtemps…

On inscrira à son crédit l’effort pour amener tous les enfants gratuitement à l’école primaire. Mais pour le reste, sa lutte contre la corruption, matérialisée par la condamnation de son allié de 2018, Vital Kamerhe, réhabilité ensuite, n’a débouché sur rien de concret. Et la promesse de rétablir la paix dans l’est de la RDC est démentie chaque jour par les morts qui s’y accumulent, et la persistance de groupes de guérillas armés qui font peser leur dictature sur des populations affamées.

Quant à l’exploitation, essentiellement chinoise et rwandaise, des ressources minières du pays, elle se poursuit de manière éhontée.

Si Félix Tshisekedi avait suscité de grands espoirs, il y a cinq ans, tant en raison du nom qu’il portait que de sa réputation d’opposant à la dictature de Mobutu puis au règne sans partage de Joseph Kabila, le désenchantement est survenu. Il s’est notamment matérialisé par la très faible participation au scrutin du 20 décembre, et des jours suivants.

On n’ose espérer que les choses changent fondamentalement. À moins que dans certaines administrations locales ou provinciales se retrouvent des élu(e)s pénétré(e)s du bien public, et qui, d’ici à quelques années, pourraient accéder à des fonctions plus importantes. Pour construire une vraie démocratie à partir de la base.

Le drame, pour la population congolaise, c’est que l’urgence se fait sentir depuis longtemps…

La jacquerie néerlandaise s’est traduite dans les urnes


Les Français avaient connu les «Bonnets rouges» avant les «Gilets jaunes» sans pouvoir traduire cette colère populaire dans les urnes: les Néerlandais ont transformé l’essai, en faisant du BoerBurgerbeweging (le Mouvement Paysans-Citoyens) le grand vainqueur des élections provinciales cette semaine. Ce qui leur a valu les félicitations du Premier ministre libéral, Mark Rutte, même si le nouveau-venu a pris des voix à son parti, à son partenaire de coalition démocrate-chrétien (CDA), et surtout au parti d’extrême-droite, Forum voor Democratie, de Thierry Baudet.

Le succès de l’ancien «Parti des fermiers» n’est pas tout à fait inattendu: aux Pays-Bas comme en Flandre récemment, les agriculteurs ont massivement manifesté pour rejeter les dispositions d’un plan de réduction des rejets d’azote que, comme chez nous, ils estimaient trop massivement dirigé contre le secteur agricole.

Caroline Van der Plas illustre l’adage selon lequel le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir…

Les électeurs néerlandais sont par ailleurs coutumiers du vote en faveur de partis nouveaux, qui ne se sont pas encore frottés à l’exercice du pouvoir. Dans les années 60-70, c’est le parti D66, libertaire à ses débuts, qui a recueilli les voix des mécontents. Trente ans plus tard, c’est un leader d’extrême-droite décomplexé, Pim Fortuyn, qui a opéré une percée spectaculaire, avec un anti-islamisme forcené, qui a conduit à son assassinat. Sa succession a été prise avec un succès certain par Geert Wilders, le chef aux cheveux peroxydés d’un parti hypocritement baptisé « de la Liberté» (PVV). Avant que Thierry Baudet, et son Forum pour la démocratie, ne prenne le relais au cours des derniers scrutins. Jusqu’à cette semaine, où, victime d’une dissidence, il a surtout vu le BBB, conduit par une ancienne journaliste, Caroline Van der Plas (soucieuse de confirmer l’adage selon lequel le journalisme mène à tout à condition d’en sortir?), lui damer le pion.

Au vu des exemples ci-dessus, le Mouvement Paysans-Citoyens est-il appelé à… ne pas durer?

Dans la foulée de ce succès électoral inattendu, les Néerlandais veulent y croire. «Il leur suffit qu’ils placent des gens compétents aux postes à responsabilités pour qu’ils s’installent dans la durée» confiait un de ses électeurs au micro de la télé flamande, partie à la découverte de ce phénomène politique nouveau.

La chance du BoerBurgerBeweging pourrait venir d’une invitation à se joindre à la coalition gouvernementale, peut-être à la place d’un des partenaires affaiblis, le CDA (dont Caroline Van der Plas a fait partie naguère), ou la Christen Unie, le petit parti confessionnel cramponné sur des positions assez rétrogrades.

Le BBB, nous dit-on, ne se contente pas d’une seul problématique, les règles en matière de rejet d’azote, ou d’un seul secteur, le secteur agricole. Son programme est plus large que cela, et il présente à la fois des aspects de gauche, en matière sociale, et de droite, en matière d’immigration notamment, susceptibles de balayer large.

Un coup d’œil sur son programme laisse tout d’abord apparaître des propositions plutôt.. écolos: un sol sain, des plantations saines, des animaux sains, des paysans, des jeunes et des citoyens sains. Tout comme l’économie, l’enseignement, et la société. Des Pays-Bas en pleine santé, en quelque sorte!

Tout de même, si le parti rejette toute forme de discrimination, et veut des Pays-Bas ouverts à une immigration en provenance de pays en guerre, pour tous les autres migrants, il exige qu’ils puissent prouver qu’ils ont un métier pour pouvoir rester chez nos voisins. Ce qui revient à dire, en fait, qu’ils ne seront guère à obtenir un titre de séjour!

Le BBB propose aussi notamment un Fonds, alimenté par les supermarchés, pour récompenser les agriculteurs soucieux du bien-être animal. Au vu de l’attitude de l’actionnaire néerlandais du groupe Delhaize, ce n’est pas gagné d’avance! Il veut également renforcer le droit qui protège l’agriculture, et notamment la transmission agricole. Une loi doit prévoir des compensations, qui empêcheront les frais de transmission de se répercuter sur le consommateur, explique-t-il. Et ils entendent assouplir le plan de réduction des rejets d’azote…

La multiplicité des partis politiques aux Pays-Bas rendant la négociation de chaque coalition gouvernementale fort longue entre partenaires obligés de signer des compromis, le BBB, s’il s’installe dans la durée, risquera de se trouver un jour associé aux partis au pouvoir… que les électeurs néerlandais sanctionnent ensuite, en accordant leurs voix à un nouveau-venu.

On est impatient de connaître la suite…

Desmond Tutu, un géant à la petite taille


Le monde entier rend hommage à Mgr Desmond Tutu, le premier archevêque noir d’Afrique du Sud, porte-parole inlassable de la population noire durant la période de l’apartheid, et artisan majeur de la réconciliation après la promulgation de la nouvelle Constitution et l’élection à la présidence de Nelson Mandela, décédé ce dimanche à l’âge de 90 ans

Le propos, icî, n’est pas d’ajouter quoi que ce soit qui ajoute à son aura, mais simplement de rappeler un souvenir, qui témoigne de l’extraordinaire charisme de cet homme petit par la taille, immense par sa personnalité.

Passage de témoin

C’était en 2005 ou en 2006. Louis Michel, alors commissaire européen chargé du Développement et de l’Aide humanitaire, avait organisé à Bruxelles un sommet -le premier du genre?- entre l’Union européenne (UE) et l’Union Africaine (UA).

Cette initiative n’est, soit dit au passage, pas restée sans lendemain puisque, il y a quelques jours, la présidence du Conseil européen, occupée on le sait par Charles Michel qui reprend ainsi le témoin de son père, a annoncé pour les 17 et 18 février prochains l’organisation, à Bruxelles à nouveau, du sixième sommet entre l’UE et l’UA, avec l’ambition de renouveler le lien entre les deux institutions.

Un homme petit par la taille, grand par son message…

Retour au sommet de 2005 ou 2006. Sa conclusion était prévue un vendredi matin, avec une intervention de conclusion de Mgr Desmond Tutu, programmée vers 13 heures

Les palabres, toutefois, avaient pris beaucoup plus de temps que prévu, et au moment où l’archevêque du Cap aurait dû s’exprimer, on commençait seulement à présenter les conclusions du sommet. Et les minutes s’égrenaient pour un aréopage où les chefs d’État et de gouvernements africains et les responsables européens, Louis Michel en tête, étaient très nombreux. Et on se prenait à penser que leurs estomacs s’étiraient en même temps que le nôtre dans l’attente de l’intervention du porte-parole de la lutte anti-apartheid.

Desmond Tutu a enfin pu s’exprimer, avec, de mémoire, une heure de retard. Il n’a pas abrégé son intervention, qui s’il m’en souvient bien, a duré de 30 à 45 minutes… durant lesquelles, après le brouhaha précédent, on aurait entendu une mouche voler.

M’est restée l’impression de la puissance d’un verbe, qui n’avait pas besoin d’être hurlé pour être entendu. Cet homme, dont la petite taille m’avait surpris, était un géant humaniste…

.

La politique réservée à des intégristes?


Le Premier ministre canadien, en campagne électorale, est sans doute condamné à s’excuser vingt fois par jour jusqu’au jour du scrutin. Ou alors devra-t-il se vêtir d’un sac de jute, se couvrir la tête de cendres, et partir à pied jusqu’à Saint Jacques de Compostelle?

Car, dans sa jeunesse, Justin Trudeau a commis un crime irréparable : il s’est plus d’une fois grimé le visage en noir. Tantôt pour incarner Aladin, tantôt le chanteur noir américain Harry Belafonte.

Dix-huit ans plus tard, ces photos et vidéos ressortent avec la complicité, hélas, d’un magazine américain, Time, que je n’imaginais pas tomber aussi bas dans la stigmatisation politique.

Aussitôt la fièvre s’empare de la société et du monde politique canadien. Les leaders de l’opposition, dont l’un, au parti néo-démocrate, est issu de la minorité sikhe, stigmatise le racisme de Justin Trudeau. Et ce dernier, plutôt que d’envoyer au Caire tous ses contempteurs, se confond en excuses, se disant « déçu par lui-même », admettant que lui n’a jamais été victime de discrimination raciale et qu’il comprend aujourd’hui l’ampleur de sa faute,etc. etc

Et qu’importe si, dans sa fonction, il a prôné sans relâche le multiculturalisme et l’accueil des migrants, qu’importe s’il a nommé des ministres issues des minorités, le voilà condamné sans appel. « Quand on a été raciste en 2001, on l’est toujours en 2019 » a asséné le chef du parti conservateur.

Que des hommes et femmes politiques soient parfois rattrapé(e)s par des délits commis avant d’arriver aux fonctions qu’ils et elles occupent fait partie des risques du métier. Tantôt il est question de pots de vin encaissés, tantôt de la présentation de diplômes jamais obtenus: ces faits relèvent de l’application de la loi, et il est normal, s’ils ne sont pas prescrits, de les poursuivre. La justice, heureusement, aujourd’hui, à moins de déférence pour le pouvoir qu’elle n’en a éventuellement eu dans le passé et, sous l’angle de la démocratie et de l’assainissement des mœurs politiques, on ne s’en plaindra pas.

Dans le cas de Justin Trudeau, on n’est pas dans ce cas de figure, car les faits qu’on lui reproche ne sont pas légalement condamnables. Et surtout, on regarde une nouvelle fois le passé avec des lunettes du présent où le politiquement correct s’impose de plus en plus comme une censure insidieuse et impitoyable.

Certes, on peut considérer aujourd’hui que feu Fernandel stigmatisait les gays quand il chantait « Zizi » dans les années 50-60 et faisait s’écrouler de rire ses fans, et que cet humour était et est inapproprié voire insultant. La reprendre aujourd’hui serait inconvenant à tout le moins, voire punissable. Mais feu un Pierre Desproges qui s’interrogerait aujourd’hui sur la présence de Juifs dans son public s’exposerait à une campagne de dénonciation et de stigmatisation sur la toile.

Le Web charrie le meilleur et le pire. Il permet de débusquer des comportements inappropriés de puissants. Mais il porte aussi le risque d’une mise à l’index beaucoup plus inquiétante que celle de l’Église catholique aux XVe et XVIe siècles.

Et, pour en revenir à Justin Trudeau, pour lequel je n’ai ni sympathie, ni antipathie, ne doit-on pas le juger sur la politique qu’il a menée plutôt que sur ses blagues de potaches de jeune adulte?

Quand tous les dégoûtés seront partis, il ne restera que les dégoûtants, dit un célèbre aphorisme politique. Il ne faudrait pas que demain la politique soit réservée à des intégristes déshumanisés qui, pour paraphraser Laubadermont, (« Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme de France, et j’y trouverai de quoi le faire pendre ») se saisiront, à l’ère d’Internet, d’une phrase,d’une photo ou d’une vidéo, pour exécuter politiquement leurs opposants. Et mettre fin à toute pensée libre ou décalée

Quatorze ans après les mêmes questions… sans réponses


donald-trumpOn se rassure comme on peut, en se disant que le président Donald Trump se différenciera forcément du candidat Donald Trump. Parce que la fonction fait l’homme; parce qu’il sera entouré d’une équipe; et parce qu’il devra tenir compte d’un Congrès dont la majorité républicaine n’est pas forcément la sienne. Tout cela est sans doute vrai, mais un fait est plus important qu’un lord maire: les États-Uniens ont élu, mardi, un butor, raciste et machiste, à la tête de leur pays. Comme pour rappeler cet aphorisme attribué à Winston Churchill: la démocratie est le pire des systèmes… à l’exception de tous les autres.

Avec cette élection qu’aucun sondage n’avait annoncé, le 8 novembre 2016 rejoint le 21 avril 2002 dans l’histoire des cauchemars politiques. Et comme au jour où Jean-Marie Le Pen avait bouleversé la France en se hissant au deuxième tour de l’élection présidentielle de cette année-là, au détriment de Lionel Jospin, on entend des questions auxquelles quatorze années de distance n’ont toujours pas apporté de réponses: comment de tels individus dépourvus de toute crédibilité peuvent-ils se hisser aux portes du pouvoir, ou, pour Trump, au pouvoir lui-même? Pourquoi les politiques et les médias n’ont-ils pas compris la colère, ou le désespoir populaire, qui conduit à pareil extrême? Comment un fossé s’est-il creusé entre la population et celles ou ceux qui entendent la diriger?

Pour ce qui est des médias, la réponse n’est peut-être pas trop malaisée à apporter: elle va d’un désinvestissement général dans les rédactions, qui a réduit de plus en plus les initiatives de reportages sur le terrain, à l’accélération de l’information qui, à l’ère du Web, s’est faite au détriment de l’enquête en profondeur. Avec aussi une pratique courante, entre journalistes et mandataires politiques, de moins en moins souvent sollicités par les journalistes sur des thèmes choisis par ceux-ci, mais qui accordent en fonction de plans de communication dûment établis des entrevues sur des thèmes qu’ils ont eux-même déterminé. Et puis une «pipolisation» de l’information: les péripéties des aventures des fumeuses soeurs Kardashian étaient sans doute mieux connues des électeurs américains que le détail des programmes des deux principaux candidats à la présidence qu’ils devaient départager, et qui se sont surtout échinés à s’étriper.

Côté politique, on épingle, comme il y a quatorze ans, la distance de plus en plus grande entre électeurs et élus; la professionnalisation de la fonction politique; l’incapacité de certains à quitter l’exercice du pouvoir, ou l’accaparement de mandats politiques par de véritables dynasties. Les nouveau venus ont souvent du mal à forcer les portes d’un milieu qui apparaît décidément inaccessible.

Le rejet de ces «dynasties» a sans doute fait le succès de Donald Trump: Jeb Bush, le cadet de la famille, a été éliminé dans les tout premiers rounds de la primaire républicaine. Et Hillary Clinton a vraisemblablement payé à la fois le fait que, depuis 1992, elle fait partie du paysage politique, et le fait qu’elle ait brigué à distance la succession de son propre époux.

À ne pas négliger, non plus, l’écart entre les promesses et les actes politiques: la pratique des coalitions, chez nous, rend inévitable pareille distanciation. On est néanmoins curieux de voir si Donald Trump respectera, lui, de ses engagements électoraux, de la construction d’un mur à la frontière mexicano-américaine à la relance de l’exploitation du pétrole de schiste ou  à la taxation douanière des produits d’importation. S’il le fait, le monde sera plongé dans l’inquiétude; s’il ne le fait pas, il commettra à l’égard de ses électeurs la faute qu’il a imputée, précisément, à ses adversaires dans la course à la Maison-Blanche

Il faudra peut-être aussi, pour expliquer l’échec de la candidate démocrate, mesurer l’impact de la révélation de l’avantage indû qui lui a été accordé au cours de la campagne des primaires, quand, avant un débat qui devait l’opposer à Bernie Sanders, son inattendu rival, elle a été informée par la présidente par interim du parti de deux questions qui allaient leur être posées le lendemain. On s’étonnera après cela qu’une bonne part des jeunes que Bernie Sanders avait réussi à mobiliser, avec des propositions lui aussi largement démagogiques, ne se soient plus dérangés pour venir voter ce mardi.

On ne doit pas enfin éluder la responsabilité des électeurs eux-mêmes: le distinguo classique entre des candidats ou des partis racistes ou xénophobes et leur électorat est un trompe-l’oeil: comment peut-on prétendre que les électeurs qui accordent leur soutien à ces candidats et à ces formations ne partagent pas eux-mêmes peu ou prou leur racisme et leur xénophobie?

Tout cela pourrait-il se produire chez nous? Chez nos voisins français, on imagine déjà 2002 en pire, avec une possible élection à la présidence de Marine Le Pen, pourtant héritière politique de son père, et elle aussi au coeur d’une «dynastie» qui n’entend pas partager son pouvoir.

Pas sûr que la comparaison fasse raison. Mais les récents propos du commissaire européen Oettinger sur le refus de la Région wallonne de signer le Ceta,le traité de libre-échange canado-européen, ou le commentaire du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, à propos du mécanisme de ratification des traités dans notre pays ont irrité même des Wallonnes et des Wallons qui n’avaient pas soutenu la position de la majorité PS-cdH. Il n’en faut pas plus pour détruire l’image des dirigeants de l’Union Européenne aux yeux de l’opinion. Un peu comme l’establishment américain s’est déconsidéré auprès de son électorat.

Certes,selon la formule célèbre, quand le gouvernement n’a plus la confiance du peuple, il suffit de dissoudre le peuple. Mais la réaction de celui-ci est, à l’instar des éruptions volcaniques périodiques, d’une violence rare. Et quand pareille explosion se produit, comme en ce 8 novembre 2016, chacun se lance dans une grande introspection. Sans réponse. Jusqu’au prochain séisme politique sans doute…

 

Tirez(-vous) les premiers, messieurs les Anglais!


Brexit illustréLe marathon européen de la fin de semaine a donc permis à David Cameron de rentrer au Royaume-Uni en fanfaronnant qu’il avait obtenu «le meilleur des deux mondes». D’annoncer dans la foulée le référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union Européenne, ou du moins avec un pied dans l’Union Européenne pour en retirer tous les bénéfices, et un pied en dehors pour ne pas en assumer toutes les obligations. Et d’entamer une campagne pour le «oui» en soulignant tous les dangers que représenterait pour son pays le Brexit, autrement dit, la sortie de l’Union Européenne.

Christophe BarbierEt bien pour paraphraser Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman, dans la dernière émission C dans l’air de la semaine dernière, j’aurais tendance à dire «Tirez… vous les premiers, messieurs les Anglais!», mais plus dans le sens de
Christophe Barbier, éditorialiste de L’Express, que dans celui de Thierry Chopin lui-même.

Car si David Cameron dit vrai, quand il pose qu’il a obtenu «le meilleur des deux mondes», on doit bien en conclure que ses vingt-sept partenaires européens, eux, doivent payer le beurre, mais que la crémière, qui leur pend la gueule, ne le leur donne pas mais l’offre aux Britanniques!

Le Premier ministre de sa Gracieuse majesté, lui, révèle pour l’occasion son manque d’envergure politique: il suffit donc de changer les conditions d’adhésion du Royaume-Uni à l’Union Européenne, notamment en réduisant les prestations sociales pour les travailleurs migrants en provenance d’autres pays de l’Union, pour que le Brexit devienne dangereux pour son pays? Que son économie risque de partir en quenouille? Que la City risque de se désagréger? Ah, qu’il est loin le temps de Winston (Churchill) et de la vision à long terme qu’il avait pour gérer la politique!

Les Britanniques ne s’y trompent pas, d’ailleurs: en dépit des rodomontades de leur Premier, l’écart entre partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne et partisans de son maintien reste significatif. Pour le plus grand bonheur de l’UKIP et de son leader, Nigel Farrage, dont, soit dit au passage, un Brexit aurait le mérite de nous débarrasser définitivement!

L’Union Européenne souffrirait de la perte du Royaume-Uni, peut-être autant que le Royaume-Uni lui-même du Brexit. Mais gagnerait-elle à conserver un État-membre dont la seule fonction est de pomper ses ressources sans rien lui apporter en retour?

L’élection présidentielle turque: la couleur de la démocratie, le goût de la démocratie…


Grande journée, ce dimanche, en Turquie: pour la toute première fois, les Turcs de Turquie et les Turcs de l’étranger vont élire le président de la République au suffrage universelle. Sur le modèle de la Cinquième République en France.

Belle avancée démocratique? On se souvient comment, chez nos voisins français, la réforme proposée par feu le général de Gaulle et approuvée par référendum, avait suscité des réticences à gauche. Feu François Mitterrand avait même dénoncé un «Coup d’État permanent», et la réminiscence au coup d’État du 2 décembre 1851, qui avait transformé Louis-Napoléon Bonaparte en Napoléon III, approuvé ensuite par un référendum à dire vrai bien peu démocratique, était sans doute présente à l’esprit de beaucoup. Ce à quoi «Mongénéral» comme l’appelle toujours le «Canard Enchaîné» avait répondu de cette manière qui n’appartenait qu’à lui, à son retour au pouvoir: «Est-ce que j’ai jamais attenté aux libertés publiques? Je les ai rétablies! Pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans, j’entame une carrière de dictateur? » La suite montrera que ces réticences étaient mal placées et… François Mitterrand lui-même profitera du suffrage universel pour se faire porter à deux reprises à la présidence de la République.

On aimerait faire preuve du même optimisme en Turquie. Mais à dire vrai, on ne peut qu’être inquiet à la perspective très probable d’élection triomphale du Premier ministre actuel, Recep Tayyip Erdoğan, à la magistrature suprême. D’abord parce qu’il a son passé de chef de gouvernement: sur ce blog et ailleurs, j’ai dénoncé à de multiples reprises les atteintes à la liberté de la presse et à la liberté d’expression en Turquie; mais il y a eu aussi les atteintes à la liberté syndicale; les épurations au sein des universités; la répression brutale des manifestations citoyennes au Parc Gezi à Istanbul, l’an dernier. Sans oublier la réflexion d’un de ces vice-Premiers qui, il y a quelques jours, estimait indécent que les femmes rient en public…

L’élection présidentielle est aussi l’occasion d’un tour de passe-passe à la russe: empêché de briguer un nouveau mandat à la tête du gouvernement, Recep Tayyip Erdoğan se fait élire à la présidence de la République, jusqu’ici occupée par son camarade (?) de parti Abdullal Gül. En Russie, les échanges de mandat entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev n’ont pas vraiment fait avancer la cause de la démocratie; en Turquie, on parle déjà d’une modification de la Constitution, qui accordera plus de pouvoir au président d la République.

erdogan-ihsanoglu-demirtasEt puis il y a eu le déroulement de la campagne électorale, notamment sur la TRT, la télé publique turque! En zappant, ces derniers jours, je m’y suis attardé à plusieurs reprises ces derniers jours. Je ne comprends toujours pas le turc, mais le seul candidat que j’ai vu, très longuement même, avant-hier, était… Recep Tayyip Erdoğan. Il n’y ena avait manifestement que pour l’AKP.

Les deux autres candidats? Inconnus au bataillon apparemment! Et d’ailleurs, en Europe, qui a entendu parler d’eux? Ni Ekmeleddin Ihsanoğlu, candidat commun du CHP (Parti Républicain du Peuple) et du MHP (Parti d’Action Nationaliste), ni Selahattin Demirtaş, candidat du BDP (Parti Pour la Paix et la Démocratie) n’ont eu l’occasion, comme le Premier ministre l’a fait ces derniers mois, fort de son aura de chef du gouvernement, parcourir l’Europe pour mobiliser l’électorat turc de l’étranger, invité, pour la première fois, à participer au scrutin.

De là à imaginer que les candidats de l’opposition, sur la TRT, n’ont eu droit qu’à l’équivalent des minutes concédées et soigneusement mesurées au compte-gouttes sur la télé française, par exemple, à l’occasion des européennes, il n’y a qu’un pas…

Pour paraphraser un slogan publicitaire célèbre et déjà ancien, vantant les mérites d’une boisson soda, l’élection présidentielle turque a la couleur de la démocratie, elle a le goût de la démocratie, mais ce n’est pas (vraiment) de la démocratie. Sauf, pour Recep Tayyip Erdoğan, dont la large victoire est annoncée dès avant le scrutin, à surprendre tout son monde, une fois élu. Mais, à dire vrai, je n’y crois pas vraiment.

Un acte criminel qui en dit long


Étrange sentiment qui a été le mien, hier, en découvrant dans les dépêches d’agences la nouvelle de l’attentat dont a été victime Emmanuel de Mérode: il y a à peine plus d’un mois, j’avais pu, avec d’autres journalistes belges, rencontrer le conservateur du Parc naturel de Virunga, au Nord-Kivu, lors de la visite sur place du ministre belge de la Coopération, Jean-Pascal Labille, et du commissaire européen au Développement, Anders Piebalgs.

Emmanuel de MérodeL’essentiel, bien sûr, est qu’Emmanuel de Mérode a pu être secouru à temps, et que les balles qui l’ont frappé à l’abdomen et au thorax ont pu être extraites. Et que les nouvelles diffusées par l’hôpital Heal Africa, de Goma, soient rassurantes: on parle d’espoir de guérison. Et le transfert en Belgique du conservateur du Parc naturel est déjà envisagé, pour lui permettre de poursuivre sa convalescence.

Cet attentat n’en est pas moins hautement significatif, et particulièrement inquiétant. Le Parc naturel de Virunga, le plus grand du monde, classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, est en effet particulièrement convoité: les groupes armés y braconnent et s’y approvisionnent en bois, mais surtout, les gisements pétroliers qui y ont été découverts attisent la convoitise.

Lors de notre visite sur place, au début mars, les défenseurs de l’environnement avaient longuement décrit les manœuvres de la société britannique Soco, détentrice d’un mystérieux permis gouvernemental, qui a décidé, manifestement de se lancer dans l’exploitation du pétrole dans le périmètre du Parc, au risque (vraisemblable) d’entraîner sa déclassification. Ils nous avaient expliqué les menaces de mort dont certains d’entre eux avaient été victimes, qui les avaient contraint à un exil temporaire. Ils avaient fait part de l’attitude ambiguë des autorités congolaises: des soldats en armes «encadraient» des «séances d’information» à la population sur l’intérêt de l’exploitation pétrolière. Ils avaient rappelé que la pêche dans le lac Édouard rapporte quelque 38 millions de dollars par an à l’économie et à la population congolaises.

Après les avoir entendus, Anders Piebalgs avait dénoncé le «double langage» des autorités à ce propos, et postulé un «pacte environnemental et un pacte avec la population locale» si on voulait aller de l’avant.

Entre-temps, en Ouganda, les plans sont prêts pour la construction d’une raffinerie de pétrole, et personne, sans doute, n’est enclin à écouter les paroles équilibrées du commissaire européen. Soit dit au passage, le Royaume-Uni fait (toujours) partie de l’Union Européenne, et la Commission serait fondée à lui demander des comptes sur le comportement de la société britannique Soco, même s’il s’agit d’un opérateur privé. Et la Belgique pourrait, elle aussi, l’interpeller, en réclamant une enquête sur l’attentat dont a été victime le conservateur, qui, selon le député MR François-Xavier de Donnéa, venait de déposer un dossier «compromettant» pour la compagnie pétrolière auprès du procureur de la République à Goma. Rien n’a décidément bien changé depuis l’époque où des milieux britanniques dénonçaient à juste titre les exactions prêtées aux colons de Léopold II, dans le but inavoué de tenter de faire passer sous bannière britannique une colonie dont la richesse ne leur avait pas échappé…

En visant Emmanuel de Mérode, les commanditaires de cet attentat, quels qu’ils soient, ont voulu manifester à la société civile du Nord-Kivu qu’ils ne reculeraient devant rien pour satisfaire leur appât du gain. Raison de plus pour l’Union Européenne de s’impliquer à ce niveau. On peut comprendre qu’un pays comme la République Démocratique du Congo ait besoin d’exploiter ses ressources naturelles, même si on a déjà eu plus d’une fois l’occasion de vérifier, spécialement au Nord et au Sud-Kivu, qu’elle ne bénéficie en rien du pillage de ses ressources, par des compagnies et pays étrangers. Faut-il donc que cette exploitation des gisements pétroliers potentiels (pas nécessairement dans le périmètre du Parc) s’exerce sous stricte surveillance. La population de la RDC, et spécialement celle des Nord et Sud-Kivu, a le droit de l’exiger. Et nous, le devoir de la soutenir.

Des mots qui n’engagent que celles et ceux qui y croient


«Un symbole d’ouverture et de progrès»: le site du PS ne tarit pas d’éloges pour Duygu Celik, mise en vitrine «à l’heure où les conservatismes ressurgissent un peu partout en Europe».

Duygu CelikOn en est franchement heureux pour la jeune conseillère communale verviétoise, photographiée aux côtés du président ff du PS, dimanche, au congrès qui a vu Elio Di Rupo quitter (si peu) son costume de Premier ministre pour se profiler en candidat socialiste aux accents résolument (?) de gauche. On en est d’autant plus satisfait pour elle qu’au soir de la défaite socialiste aux élections communales à Verviers, l’ancien mayeur de la cité lainière, et aussi ancien député européen, Claude Desama, l’avait qualifiée d’«écervelée», pour avoir osé dénoncer le poids des mosquées dans le vote socialiste verviétois. Les avis que nous avions sollicités à l’époque, notamment du côté de l’université de Liège, avaient démenti ce qualificatif peu amène, qui discréditait celui-là même qui l’avait fait figurer sur sa liste démontrant, pour le coup, un singulier manque de clairvoyance.

Paul Magnette, manifestement, ne partage pas cette opinion. Et le PS promeut la candidature à l’Europe de Duygu Celik… reléguée à la quatrième suppléance, ce qui ne lui donne évidemment pas la moindre chance d’être élue. L’ouverture et le progrès ont leurs limites!

V-De-Keyser1Le Parlement européen, Véronique De Keyser, elle, elle le connaît bien: elle vient d’y siéger pendant treize ans, y exerçant la fonction de vice-présidente du groupe socialiste sous sa dernière mandature. En mai, elle siégera pour la dernière fois dans l’assemblée européenne. Parce qu’elle ne se représentera plus aux suffrages des électeurs. À 69 ans, après trois mandats consécutifs, elle peut bien passer le témoin, me direz-vous, et sans doute peut-on adhérer à cette idée. Si ce n’est que Véronique De Keyser n’a pas été écartée sur son âge, ni non plus sur son bilan (très riche) de députée européenne, mais simplement parce qu’«il y avait trois eurodéputés socialistes liégeois (et que) le parti a souhaité proposer un candidat de Bruxelles, de Liège, et du Hainaut» a expliqué à ma collègue Pascale Serret Hugues Bayet, député wallon et bourgmestre socialiste de Farciennes. Lequel, en troisième place sur la liste européenne du PS, est assuré ou quasi d’être élu… et de pouvoir continuer à cumuler son écharpe mayorale et son nouveau mandat, cette fois d’eurodéputé.

Vous avez remarqué? Il n’est nullement question d’Europe dans la bouche de Hugues Bayet. Et, si on suit son raisonnement, le PS, comme d’ailleurs sans doute les autres partis francophones a construit sa liste européenne non en alignant les candidat(e)s les mieux au fait des enjeux européens, mais en procédant à un saupoudrage sous-régional d’autant plus stupide qu’il n’a aucune incidence au Parlement bruxello-strasbourgeois. Et voilà comment Véronique De Keyser, qui avait déjà sauvé de toute justesse sa place sur la liste européenne du PS, mise en cause pour la même raison il y a cinq ans, passe aujourd’hui à la trappe.

Une nouvelle fois, comme cela avait été le cas pour Isabelle Durant, on constate donc que les partis se soucient comme un poisson d’une pomme du travail qu’effectuent leurs représentants à l’Europe. Les cimetières sont certes remplis de personnes irremplaçables, mais il y a là quelque chose de choquant. Surtout dans la manière, car offrir une avant-dernière, voire une dernière suppléance à l’eurodéputée sortante était tout simplement insultant. Cela revenait à capter les voix qui se porteraient sur son nom, tout s’assurant qu’elle ne pourrait plus siéger. Recueillir le beurre et l’argent du beurre, en clair…

«Se faire jeter comme un chien est révoltant, mais n’a rien de honteux pour le chien. C’est le maître dont on se méfie» a lancé, rageuse, Véronique De Keyser, au risque de paraître ainsi s’accrocher à un mandat rémunérateur. Les questions que l’élue liégeoise a posées sur «le centralisme démocratique croissant de l’appareil (du PS), et la paranoïa qui s’est développée autour de la défense de la personne du Premier Ministre» risquent pourtant de rebondir autour de la campagne électorale régionale, fédérale, et européenne. Dont le PS risque de payer l’addition. Pour ne prononcer que des mots, qui n’engagent que celles et ceux qui y croient.

 

Vérité au Kosovo, au Québec, en Écosse, en Catalogne ou en Flandre, et mensonge en Crimée?


Quel que soit son résultat, et le plus probable est sans doute un «Oui» à la proposition de rattachement de la péninsule à la Russie, le référendum qui se déroule ce dimanche en Crimée ne sera donc pas reconnu par la communauté internationale.

Referendum-KosovoJ’entends bien que cette consultation populaire se déroule dans des conditions qui ne rassurent personne sur les droits de la minorité à s’exprimer, et rien que cela, sans aucun doute, justifie les réserves annoncées par avance. Il n’en reste pas moins difficile de justifier pourquoi, dans le cas de la Crimée, le vœu exprimé dans ces conditions par la population sera considéré comme nul et non avenu, alors que la déclaration d’indépendance unilatéralement proclamée par le Kosovo, le 17 février 2008, a, elle, été reconnue par un certain nombre de pays. En dépit du fait que les Serbes du Kosovo n’avaient pas participé au vote de l’assemblée de Pristina. Pour les Russes, il y a là deux poids, deux mesures. On peut en tout cas se demander pourquoi, dans un cas, la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes (ou à s’indisposer eux-mêmes s’ils le souhaitent) est reconnue, et pas dans l’autre. Et qu’on ne nous ressorte pas là la distinction jésuitique entre la volonté d’autonomie d’un peuple qui souhaite obtenir son indépendance, qu’on opposerait à la volonté de sécession qui habiterait les habitants de la Crimée. En oubliant au passage que le rattachement arbitraire de la Crimée à l’Ukraine, par Nikita Krouchtchev, il y a six décennies, ne répondait, lui, à nulle demande populaire.

La communauté internationale, en tout cas, fait preuve d’une inconséquence certaine en la matière. Elle a été soulagée, quand les consultations populaires menées dans le passé au Québec, ont abouti à deux reprises à des victoires de justesse du «Non» à l’indépendance de la «Belle Province». La campagne électorale en cours au Québec, dont les «Péquistes» pourraient sortir à nouveau vainqueurs, et à la tête, cette fois, d’un gouvernement majoritaire, risque bien de remettre le problème à l’ordre du jour. Mais avant cela, il y aura les consultations annoncées en Écosse, cette année; puis en Catalogne, en attendant peut-être, demain, ou après-demain, en Flandre: les indépendance éventuellement réclamées à ces occasions seront-elles reconnues ou rejetées? Et sur quelle base? Il n’est décidément pas aussi simple de nier la volonté, exprimée ce dimanche, en Crimée, de retour à la Russie…