Le football belge scie la branche sur laquelle il est mal assis


La plainte de l’Excelsior Virton contre la licence accordée au SKLommel ébranlera-t-elle le football européen, voire mondial, à l’instar de l’action entreprise, il y a plus de trois décennies, par un joueur belge inconnu sur le plan international, Jean-Marc Bosman, qui a mis par terre l’enchaînement des footballeurs à leur club? Bien malin qui pourrait le dire, car le bras-de-fer engagé par le club gaumais est gigantesque, en ceci qu’il vise des clubs européens de premier plan comme le Paris Saint-Germain, ou Manchester City? Et puis, dans une affaire qui oppose un club wallon à un club flamand, il ne faut pas être grand clerc pour deviner dans quel sens pencheront et l’Union belge et la Ligue professionnelle, dont le directeur, faut-il encore le rappeler, est l’ancien président de la N-VA…

Il n’empêche, les Virtonais ont de quoi faire réfléchir les juges, sinon belges, du moins européens puisqu’ils annoncent déjà, s’ils étaient déboutés, qu’ils s’adresseraient à la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui a son siège à Luxembourg. Au moins, si leur dossier y aboutit, ne seront-ils pas astreints à un très long déplacement.

C’est là que le parallèle avec le dossier Bosman prend toute sa dimension, car à l’époque, c’est à la fois à la non-conformité du système de transferts en vigueur avec les règles européennes sur la libre circulation des travailleurs et à la pseudo-autonomie juridique des fédérations sportives que les avocats du joueur liégeois s’étaient attaqués. Avec, en apparence, aussi peu de chances de s’imposer que l’Excelsior Virton aujourd’hui.

Nous avons déjà eu l’occasion, dans ce bloc, d’épingler la main-mise sur le football mondial, sur le football européen, et donc sur le football belge, par des pouvoir qui n’ont rien de sportifs, et qui pèsent sur des décisions sportives.

C’est ainsi que le Paris-Saint-Germain est passé sous pavillon qatari, pas pour le pire mais pas non plus pour le meilleur, dans la foulée du soutien de la France à l’attribution au Qatar du récent Mondial qui a couronné l’Argentine.

L’émirat n’est certainement pas le seul à pratiquer de la sorte: ce sont les Émirats Arabes Unis qui contrôlent Manchester City, et l’Arabie Saoudite Newscastle. L’oligarque russe Roman Abramovich avait acquis Chelsea avant de le céder au groupe du milliardaire américain Todd Boelhy, par suite de la guerre en Ukraine.

La situation en Belgique n’est pas plus rose: si le Club Brugeois, Anderlecht, le Sporting de Charleroi, Malins, le RC Genk, ou La Gantoise et l’Antwerp restent contrôlés par des propriétaires belges plus ou moins fortunés, l’AS Eupen est toujours financée, elle aussi, par le Qatar (qui semble toutefois se retirer progressivement du club); le Standard de Liège est aux mains d’un consortium international, 777 Partners, qui achète des équipes de football dans le monde entier; le Cercle de Bruges est un satellite de l’AS Monaco. Courtrai est propriété d’un milliardaire malaisien qui possède déjà Cardiff City et le FK Sarajevo; et Saint-Trond est aux mains d’une entreprise japonaise d’e-commerce.

Westerlo, pour sa part, est sous la coupe d’un entrepreneur turc, dont l’usine, installée au Soudan, produit du matériel militaire. Le KV Ostende, relégué à l’issue de la présente saison, est toujours, mais pour combien de temps encore, dans le giron du Pacific Media Club, lui aussi spécialisé dans l’achat de clubs de football. Le partenariat entre le FC Seraing et le FC Metz n’a pas empêché le club liégeois, lui aussi, de basculer en seconde division.

Pour l’Union Saint-Gilloise, le partenariat avec Brighton & Hove-Albion est, depuis quelques années, marqué du sceau de la réussite, mais là aussi, il y a le risque qu’un jour, le propriétaire du club britannique change d’humeur.

Visé par la plainte de l’Excelsior Virton, leSK Lommel, lui, fait patrie du City Football Gropup,et reçoit donc des fonds d’Abu Dhabi. De quoi violer les règles en matière de concurrence, souligne le club gaumais, avec une pertinence apparente.

Les Allemands, eux, ont depuis longtemps réglé le problème: leurs clubs doivent avoir des propriétaires majoritairement allemands. Cela n’empêche pas le Bayern de Munich d’être champion pratiquement avant que le championnat ne débute. Mais au moins, cela évite-t-il, en principe, des écroulement sspectactulaires.

Retour au football dans notre petite terre d’héroïsme. Un football pas très ragoutant, si on se rappelle les magouilles mises au jour par notre ancien confrère Thierry Luthers, qui avouait n’avoir pu les dévoiler que parce qu’il arrivait en fin de carrière.

Les dossiers de corruption ainsi établis, et confirmés par les aveux d’un repenti n’ont rien changé: la plupart d’entre eux se sont terminés par des transactions financières (ben, tiens), et on peut supposer qu’en coulisses, bien peu de choses ont changé. Une preuve? La finale de la coupe de Belgique se joue toujours avant la fin du championnat. Manière de favoriser tous les arrangements pour la distribution des tickets européens…

Cette année, le nombre de clubs plus haut niveau de notre football va se réduire, et la deuxième division, que je me refuse à baptiser du nom publicitaire qu’on lui donne, sera renforcée.

De quoi renforcer nos clubs? Soyons sérieux, là n’est pas le propos! Nous ne serions que moyennement étonnés si les «play-offs», qui étonne tous les observateurs étrangers, résistaient encore longtemps à l’absence, cette année, du Standard et d’Anderlecht dans le dernier carré.

Surtout, il faudrait se rendre compte que le nombre de clubs professionnels est trop élevé en Belgique, et que la manière dont le football professionnel étouffe le football amateur ne fera qu’amplifier le marasme.

Passons rapidement sur la désaffection du public autour des terrains de toutes les séries provinciales: qui voudrait aller voir se disputer une rencontre sous la pluie et dans le froid, un dimanche après-midi, alors que la télévision payante offre deux rencontres de la pseudo-élite de notre football, tranquilles, au coin du feu?

Et puis il y a ces règles absurdes pour empêcher des clubs amateurs de damer le pion à des clubs professionnels.

Encore un champion qui ne peut pas monter: le FC Warnant en division II amateur. Le cinquième ou le sixième classé le remplacera. En dépit de toute logique sportive!

Pas question, par exemple, d’obliger, dans le cadre de la coupe de Belgique, le club le plus haut classé d’aller disputer un match éliminatoire sur le terrain du club le plus modeste. La formule marche bien en Franche, mais chez nous, pas question d’autoriser un club amateur à atteindre le stade des quarts, voire des demi-finales!

Et puis il y a cette règle absurde qui empêche un club amateur de monter, même s’il est champion, et respecte les règles éthiques.

Il y a un an, j’épinglais le cas du RFC Liégeois, champion de sa série, mais empêché de monter dans un absurde tour final à quatre, avec trois équipes flamandes dont deux n’avaient pas le sésame indispensable pour atteindre la division Ib.

Cette année, le club de Warnant a été sacré largement champion de division II amateur, devant des clubs nettement plus huppés, qui n’ont pas manqué de dénigrer et ses installations et ses «paysans» de joueurs, car en Hesbaye évidemment, il n’y a que des bouseux.

Tout cela n’a pas empêché les «Verts» de s’emparer du titre, pour le plus grand plaisir de leur président-mécène depuis plus de 30 ans, mais ils ne monteront pas. À la fois parce que ce président ne peut se permettre d’engager un nombre requis de footballeurs professionnels. Et aussi parce que le terrain du club pourrait être trop étroit de quelques mètres.

Les joueurs du FC Warnant garderont en mémoire ce titre gagné de haute lutte, mais le promu sera un club classé… en cinquième ou sixième position. Plus professionnel, sur papier du moins.

À force de continuer à scier la branche sur laquelle il est assis, en étouffant le football amateur, le football professionnel belge ne se ménage pas un bel avenir.

Une génération dorée comme celle qui passe la main au niveau national ne sera plus là pour masquer cette vérité.

La jacquerie néerlandaise s’est traduite dans les urnes


Les Français avaient connu les «Bonnets rouges» avant les «Gilets jaunes» sans pouvoir traduire cette colère populaire dans les urnes: les Néerlandais ont transformé l’essai, en faisant du BoerBurgerbeweging (le Mouvement Paysans-Citoyens) le grand vainqueur des élections provinciales cette semaine. Ce qui leur a valu les félicitations du Premier ministre libéral, Mark Rutte, même si le nouveau-venu a pris des voix à son parti, à son partenaire de coalition démocrate-chrétien (CDA), et surtout au parti d’extrême-droite, Forum voor Democratie, de Thierry Baudet.

Le succès de l’ancien «Parti des fermiers» n’est pas tout à fait inattendu: aux Pays-Bas comme en Flandre récemment, les agriculteurs ont massivement manifesté pour rejeter les dispositions d’un plan de réduction des rejets d’azote que, comme chez nous, ils estimaient trop massivement dirigé contre le secteur agricole.

Caroline Van der Plas illustre l’adage selon lequel le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir…

Les électeurs néerlandais sont par ailleurs coutumiers du vote en faveur de partis nouveaux, qui ne se sont pas encore frottés à l’exercice du pouvoir. Dans les années 60-70, c’est le parti D66, libertaire à ses débuts, qui a recueilli les voix des mécontents. Trente ans plus tard, c’est un leader d’extrême-droite décomplexé, Pim Fortuyn, qui a opéré une percée spectaculaire, avec un anti-islamisme forcené, qui a conduit à son assassinat. Sa succession a été prise avec un succès certain par Geert Wilders, le chef aux cheveux peroxydés d’un parti hypocritement baptisé « de la Liberté» (PVV). Avant que Thierry Baudet, et son Forum pour la démocratie, ne prenne le relais au cours des derniers scrutins. Jusqu’à cette semaine, où, victime d’une dissidence, il a surtout vu le BBB, conduit par une ancienne journaliste, Caroline Van der Plas (soucieuse de confirmer l’adage selon lequel le journalisme mène à tout à condition d’en sortir?), lui damer le pion.

Au vu des exemples ci-dessus, le Mouvement Paysans-Citoyens est-il appelé à… ne pas durer?

Dans la foulée de ce succès électoral inattendu, les Néerlandais veulent y croire. «Il leur suffit qu’ils placent des gens compétents aux postes à responsabilités pour qu’ils s’installent dans la durée» confiait un de ses électeurs au micro de la télé flamande, partie à la découverte de ce phénomène politique nouveau.

La chance du BoerBurgerBeweging pourrait venir d’une invitation à se joindre à la coalition gouvernementale, peut-être à la place d’un des partenaires affaiblis, le CDA (dont Caroline Van der Plas a fait partie naguère), ou la Christen Unie, le petit parti confessionnel cramponné sur des positions assez rétrogrades.

Le BBB, nous dit-on, ne se contente pas d’une seul problématique, les règles en matière de rejet d’azote, ou d’un seul secteur, le secteur agricole. Son programme est plus large que cela, et il présente à la fois des aspects de gauche, en matière sociale, et de droite, en matière d’immigration notamment, susceptibles de balayer large.

Un coup d’œil sur son programme laisse tout d’abord apparaître des propositions plutôt.. écolos: un sol sain, des plantations saines, des animaux sains, des paysans, des jeunes et des citoyens sains. Tout comme l’économie, l’enseignement, et la société. Des Pays-Bas en pleine santé, en quelque sorte!

Tout de même, si le parti rejette toute forme de discrimination, et veut des Pays-Bas ouverts à une immigration en provenance de pays en guerre, pour tous les autres migrants, il exige qu’ils puissent prouver qu’ils ont un métier pour pouvoir rester chez nos voisins. Ce qui revient à dire, en fait, qu’ils ne seront guère à obtenir un titre de séjour!

Le BBB propose aussi notamment un Fonds, alimenté par les supermarchés, pour récompenser les agriculteurs soucieux du bien-être animal. Au vu de l’attitude de l’actionnaire néerlandais du groupe Delhaize, ce n’est pas gagné d’avance! Il veut également renforcer le droit qui protège l’agriculture, et notamment la transmission agricole. Une loi doit prévoir des compensations, qui empêcheront les frais de transmission de se répercuter sur le consommateur, explique-t-il. Et ils entendent assouplir le plan de réduction des rejets d’azote…

La multiplicité des partis politiques aux Pays-Bas rendant la négociation de chaque coalition gouvernementale fort longue entre partenaires obligés de signer des compromis, le BBB, s’il s’installe dans la durée, risquera de se trouver un jour associé aux partis au pouvoir… que les électeurs néerlandais sanctionnent ensuite, en accordant leurs voix à un nouveau-venu.

On est impatient de connaître la suite…

Qatargate: tu quoque, amice ?


Depuis vendredi dernier, le député européen et bourgmestre d’Anthisnes, Marc Tarabella, est incarcéré à la prison de Saint-Gilles. Il doit répondre de faits de corruption publique, blanchiment, et appartenance à une organisation criminelle, dans l’affaire connue sous le nom de Qatargate, qui ébranle le Parlement européen.

Comme tout inculpé, Marc Tarabella bénéficie de la présomption d’innocence. Et tant à la fédération de Huy-Waremme du Parti socialiste, dont il est suspendu, qu’à Anthisnes même, ses amis, nombreux, affichent toujours leur conviction qu’il est effectivement innocent des faits mis à sa charge.

Son avocat, Me Toller, partage cette conviction, et a dénoncé le fait qu’il n’avait pas encore eu accès au dossier. Ce jeudi, cette lacune a été comblée quand il a plaidé la remise en liberté du bourgmestre anthisnois devant la chambre du conseil, et a, par surcroît, déposé une requête en suspicion légitime contre le juge d’instruction Michel Claise. En vain, puisque Marc Tarabella a été maintenu en détention.

A priori, on a des difficultés à imaginer que le juge d’instruction bruxellois, vétéran de la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale, s’abaisse à incarcérer une personne pour faire pression sur elle, afin d’obtenir des aveux…

Nous aussi, nous l’avons dit, nous serions à la fois stupéfait et cruellement déçu si, au bout du compte, il apparaissait que Marc Tarabella, un député européen très engagé qui a toujours communiqué beaucoup sur son activité, se serait laissé acheter par l’émirat. Ce serait en contradiction totale avec toute son action politique, mais aussi avec sa personnalité. Car l’élu est resté l’homme qu’il était, il y a bien longtemps, quand il travaillait à Liège pour la Caisse Générale d’Épargne et de Retraite, l’antique CGER, disparue depuis longtemps dans la double vague de rationalisation et de privatisation du secteur bancaire.

Mais, en nous rappelant ce passé professionnel, nous avons été assez interloqué d’apprendre que les enquêteurs, vendredi dernier, n’ont pas seulement perquisitionné (en vain) les locaux de l’Administration communale d’Anthisnes, mais se sont aussi intéressés à un compte bancaire ouvert de manière anonyme, sous ses initiales, par le mayeur antisnois dans une banque liégeoise.

La pratique, il faut l’avouer, ne manque pas d’interpeller, car à quoi sert un compte anonyme, si ce n’est à des transactions discrètes ?

L’autre élément interpellant est une archive des débats au Parlement européen, où un ministre qatari plaidait la cause de son émirat, ava t le dernier championnat du monde de football. Alerté par un de ses anciens collègues députés, plongé jusqu’au cou dans le Qatargate, Marc Tarabella avait demandé et obtenu la parole, alors qu’il n’était pas inscrit au rôle. Et il s’était lancé dans un plaidoyer anti-boycott basé sur le fait que de telles objections n’avaient pas précédé le Mondial russe de 2018. Cela nous a laissé la pénible impression d’une intervention « aux ordres »…

La présomption d’innocence de Marc Tarabella reste entière, répétons-le. Mais on attend que sa situation se clarifie surtout au plus vite, dans un sens comme dans l’autre. Mais pour l’instant, nous serions tenté de paraphraser Jules César, le jour de son assassinat, et de lancer « Tu quoque, amice? ». « Toi aussi, ami?»

L’exclusion de Marc Tarabella démontre l’inconséquence du PS


Le député européen et bourgmestre socialiste d’Anthisnes, Marc Tarabella, est désormais écarté de l’Alliance Progressiste des Socialiste et Démocrates au Parlement européen, où il siège depuis 2004, et il est, par surcroît, exclu du Parti Socialiste. Une exclusion temporaire, a-t-on expliqué au Boulevard de l’Empereur, jusqu’au moment où l’enquête sur la corruption au Parlement européen aura conduit soit à son inculpation, soit à son innocence.

Les «révélations», ou pseudo-révélations du «repenti» italien, Pier Antonio Panzeri, l’ont, il est vrai, gravement mis en cause ces derniers jours: à en croire certaines fuites, son ancien collègue au Parlement européen l’accuserait d’avoir perçu 120000 euros en provenance du Qatar. Et Panzeri, dans le même temps, a complètement innocenté Marie Arena, compromise elle aussi par un voyage dans l’émirat qu’elle avait opportunément omis de déclarer.

Marc Tarabella s’est-il laissé acheter? L’enquête devra le démontrer. La perquisition menée tambour battant à son domicile n’a en tout cas pas laissé apparaître le moindre pactole. Et ses concitoyens d’Anthisnes ont peine à croire que leur bourgmestre, resté très proche d’eux, ait ainsi cédé à une offre sonnante et trébuchante.

Pour l’heure, Marc Tarabella, mis en cause par des «fuites», n’est pas inculpé…

Pour ma part, pour bien connaître Marc Tarabella depuis de très nombreuses années, j’avoue que je serais à la fois très surpris et très cruellement déçu si l’enquête, au bout du compte, démontrait que s’il a changé d’opinion sur l’organisation du dernier championnat du Monde de football au Qatar, c’est après s’être laissé convaincre par une valise de billet. Jusqu’à preuve du contraire, je m’accroche à la présomption d’innocence dont bénéficie chaque inculpé. Et je rappelle qu’à l’heure présente, le bourgmestre d’Anthisnes, qui a déjà réclamé à plusieurs reprises d’être entendu par Michel Claisse, le juge d’instruction en charge du dossier, n’est toujours pas inculpé.

La précipitation avec laquelle le Parti Socialiste l’a exclu, fût-ce de manière temporaire, n’en est dès lors que plus choquante. Et pose question sur la manière dont le PS exclut ou non ses membres. Une manière en apparence très arbitraire, qui semble essentiellement relever du bon vouloir du prince, entendez, du président du parti, Paul Magnette.

Comme le rappelait avec beaucoup de pertinence Bertrand Henne, ce matin, sur La Première, le Parti Socialiste ne respecte en rien les règles qu’il avait édictées, il y a plusieurs années, quand avaient éclaté les affaires dites de Charleroi. Celles qui avaient conduit le président du parti de l’époque, Elio Di Rupo, à jeter qu’il en avait «marre des parvenus» (sic)!

En principe, selon ces règles, tout mandataire inculpé devait être exclu du PS. Mais rapidement, il est apparu qu’une inculpation pouvait déboucher sur un non-lieu, voire un acquittement. Dès lors, la règle a été illico vidée de sens.

Il arrive néanmoins que des inculpés finissent par être condamnés. Ce fut le cas, récemment, de M. Jean-Charles Luperto, définitivement condamné dans une affaire de mœurs. Oui, mais hum, Jean-Charles Luperto est un gros faiseur de voix à Sambreville, et l’exclure risquait de le voir conduire, en 2024, une liste du bourgmestre qui aurait privé le PS du mayorat dans une ville importante de la province de Namur. On a donc inventé une excuse selon laquelle cette condamnation n’est en rien liée à l’exercice d’un mandat politique (!), et on a oublié la «blague» qu’il avait faite auparavant à son collègue de Jemeppe-sur Sambre, qu’il avait menacé de mort, en estimant que cette plaisanterie lui avait coûté un mandat ministériel. Le camarade reste donc un camarade. «Je suis le champion de l’éthique» a expliqué le président du PS, ce jeudi soir, au JT de La Une, juste avant la séance des vœux de son parti. On doit donc en conclure que, pour lui, se poster dans les toilettes d’une station d’autoroute, en quête d’une relation homosexuelle furtive est un acte parfaitement éhique…

Stéphane Moreau, ancien bourgmestre d’Ans et ex-patron de Nethys, a, lui, été exclu du PS en avril 2017, en pleine révélation des manœuvres financières et d’une fraude à l’assurance qui lui avaient bénéficié. L’ancien député provincial sérésien André Gilles, ex-président du conseil d’administration de l’intercommunale Publifin, aujourd’hui Tecteo, dont dépendait Nethys, a été lui aussi exclu en même temps du parti: la règle vide de sens a été appliquée à leur endroit, sans que personne la remette en cause. Pour rappel, à nouveau, à l’heure présente, Marc Tarabella n’est pas inculpé dans le «Qatargate».

Il y a un an Alain Mathot, l’ancien député-bourgmestre de Seraing, condamné pour corruption, a préféré, lui, se retirer du PS, avant de subir une exclusion qui lui semblait devenue inévitable.

Et puis il y a eu les exclusions pour cause de divergence politique avec certains mandataires. Emir Kir, le populaire député-bourgmestre de Saint-Josse a été «dégommé» pour son refus de reconnaître le génocide arménien et pour sa proximité avec des «Loups gris», la milice d’extrême-droite turque. Son exclusion temporaire, largement approuvée, va bientôt prendre fin… sans qu’on sache si, sur le génocide arménien, sa position ait évolué. Lui aussi est une «machine à voix»…

La bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, et son échevin des Finances, Alexandre Loffet, ont, eux été exclus, en violation des règles internes du PS soit dit au passage, parce qu’ils n’étaient pas revenus sur leur signature au bas d’une motion reniée, sous pression, par certain(e)s de leurs ancien(ne)s colistier(e)s, demandant le retrait du mandat d’un président du CPAS, lui aussi PS, dont le comportement politique posait problème à la gestion de l’ancienne cité lainière. La tentative de mettre un autre bourgmestre de consensus, feu Jean-François Istasse, à la place de Muriel Targnion, ayant échoué, le-dit président du CPAS a tout de même été écarté. Et dernier épisode en date, Alexandre Loffet, ancien président de la fédération verviétoise du PS, qui devait démissionner en ce début d’année pour faire place à un(e) socialiste «orthodoxe»…. a été réintégré au parti. Manière de lui éviter de nouveaux déchirements.

La jurisprudence du Parti Socialiste, on le voit, est à géométrie (très) variable, et le tort principal de Marc Tarabella est sans doute d’être le bourgmestre d’une… petite commune condruzienne, et de ne pas peser suffisamment lourd. Comme l’écrivait déjà Jean de la Fontaine, selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous feront blanc ou noir…

Les masques sont tombés au Qatar


«Humour qatari»

Les «humoristes» qataris ont fait dans la «groβe» dentelle, après l’élimination de l’équipe allemande de football du Mondial dans leur pays. En parodiant le geste des joueurs de la Mannschaft, ils ont surtout fait la démonstration de leur stupidité : le «onze» allemand, en se mettant la main devant la bouche, lors de la photo d’équipe précédant son tout premier match, ne voulait pas dénoncer en premier l’absence de droits humains dans le pays organisateur de la compétition, mais la lâcheté de la FIFA.

Un geste symbolique fort des joueurs allemands

La Fédération Internationale de Football Association avait en effet accepté au départ que les capitaines sept nations européens (Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Pays-Bas, Pays de Galles, et Suisse) arborent un brassard rappelant les droits des personnes LGBTI. Puis, à la dernière minute, son président italo-suisse, Gianni Infantino, résidant au… Qatar, a menacé d’un carton jaune les joueurs qui oseraient ainsi se faire les porte-parole d’une minorité oppressée dans son pays d’adoption.

Les fédérations concernées ont obtempéré, tout en dénonçant l’initiative. Les joueurs allemands, eux, ont jugé que la coupe était pleine.

Gianni Infantino seul candidat à sa propre succession…

Les absents ont toujours tort: Allemands, Belges, Danois, Gallois, et Suisses rentrés prématurément dans leur pays, il ne reste donc plus que les Anglais et les Néerlandais pour éventuellement faire preuve de la même audace que les footballeurs d’Outre-Rhin. On craint toutefois qu’ils n’osent pas affronter le courroux du président par accident de la FIFA, seul candidat, par ailleurs à sa prochaine réélection (où les «achats de votes» du passé se répéteront-ils?).

L’excellent européduté socialiste belge Marc Tarabella se prononçait contre tout boycott de ce Mondial, avant le début de la compétition, au motif que les progrès insuffisants en matière de droits humains ne seraient ainsi pas encouragés. Et que donc, cet exemple ne pourrait faire ensuite tache d’huile. Cet optimisme raisonné est aujourd’hui battu en brèche: avec la complicité active de la FIFA, ce championnat du monde de football au Qatar ne changera rien à la situation des femmes, des homosexuels, et des travailleuses et travailleurs immigrés qui ont été nombreux à payer de leur vie la construction des stades où se produisent les vedettes du ballon rond.

Mutatis mutandis, la FIFA fait ainsi moins bien que la Comité International Olympique, qui avait obtenu de l’Allemagne nazie, en 1936, qu’elle suspende, au moins durant la durée des Jeux de Berlin, la persécution des Juifs, qui allait hélas reprendre, et de quelle manière dégueulasse, par la suite!

Futur meilleur buteur et futur champion du Monde?

Entre-temps, la France, avec son joueur-vedette Kylian Mbappé, semble bien partie pour renouveler son bail. À moins que les Anglais, en quarts-de-finale, ou les Brésiliens, voire les Néerlandais, à un stade ultérieur, ramènent les Coqs à la raison?

La perspective paraît peu vraisemblable, tant l’attaquant-vedette du Paris-Saint-Germain éclabousse les terrains de sa classe. Son ambition proclamée, est de conquérir un titre mondial. Avant, au prochain mercato hivernal, de monnayer encore plus son immense talent, soit en partant pour le Real Madrid, pour troquer les millions qataris contres des millions émiratis, soit en obtenant une sérieuse augmentation, et en renforçant encore sa position au sein du club parisien, où il décide apparemment déjà de tout ou quasi.

Kylian Mbappé, actuellement en tête du classement des buteurs de ce Mondial, continuera sûrement à affoler les défenses, pour se parer, au moins, du titre de capo canoniere au terme de la compétition.

Le record de Just Fontaine tiendra sans doute toujours

Cette performance, un autre joueurs français, largement oublié aujourd’hui, l’avait réalisée en 1958 en Suède, au cours d’un Mondial nettement moins critiqué, qui avait vu éclore une autre star mondiale, le Brésilien Pelé.

Il est douteux que Kylian Mbappé égale, en 2022, le record de treize buts inscrits par Just Fontaine sous les latitudes scandinaves. À une époque où les équipes qualifiées étaient nettement moins nombreuses, et par conséquent le nombre de rencontres disputées également.

En conquérant sa troisième étoile, l’équipe française pourrait hériter des dividendes du honteux arrangement de 2010, conclu sous les lambris du Palais de l’Élysée, dont le locataire de l’époque, recevant l’émir du Qatar, avait fait convoquer le président français de l’UEFA, Michel Platini, pas encore emporté par l’affaire financière qui lui a coûté son mandat.

L’objet de la rencontre était de monnayer le soutien de l’UEFA à l’octroi à l’émirat de l’édition 2022 du Mondial de football, et d’obtenir en contrepartie le rachat du Paris-Saint-Germain, alors à la dérive, par des fonds qataris, et des investissements substantiels de l’émirat en France.

C’est finalement ce qui arrivera, au terme d’un congrès où, pour rappel, Belgique et Pays-Bas avaient déposé une candidature commune qui tenait la route… mais n’avait aucune chance face aux manœuvres de coulisse de ce type.

Les engagements qataris pris ce jour-là ont été parfaitement remplis, une fois l’attribution du Mondial 2022 conclue. Emmanuel Macron, le successeur lointain de Nicolas Sarkozy, y a ajouté récemment l’odieux, en recevant le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, commanditaire présumé du massacre et du démembrement du journaliste contestataire Jamal Kashogghi, et en lui octroyant la Légion d’honneur. Le geste a choqué un certain nombre de récipiendaires, qui ont dans la foulée retourné leur décoration au Palais de l’Élysée.

On comprend, dans ces conditions, que la Fédération française de football, mouillée jusqu’au cou dans ce marchandage peu glorieux, ne s’est pas associée aux sept fédérations européennes sus-nommées, et n’ait pas osé afficher le moindre geste de contestation du régime!

Ne reste plus aux Bleus qu’à apposer le paraphe final sur ce dossier. S’ils y arrivent, leur troisième étoile sera teintée du sang des travailleurs qui ont construit les stades où se sera construit leur triomphe. Cela n’ébranlera sans doute pas ces joueurs aux talents immenses, mais au cœur apparemment de pierre et aux convictions politiques et sociales qui paraissent inversement proportionnelles à leurs qualités footballistiques.

Une fois cette consécration sportive acquise, on espère, sans trop y croire, que les autorités françaises, président de la République en tête, mettront un bémol à leurs discours en faveur des droits humains et pour la propagation de la «laïcité à la française». Car ce qui se passe au Qatar montre que, dans leur chef, ce ne sont que des paroles creuses!

Ne cachez pas ces seins que nous voulons voir!

Si la FIFA a eu soin d’empêcher des fédérations européennes de manifester un simple geste de contestation à l’égard du régime qatari, que ce soit à l’égard des femmes, des travailleurs immigrés, ou de la communauté LBGTI, les amateurs qataris de football n’en sont pas moins des hommes. Et à chaque apparition dans les tribunes d’une «influence» croate, ils n’ont pas assez de leurs yeux pour la croquer des yeux. La cocotte, elle, se réjouit de faire le buzz sur les réseaux sociaux, et d’accroître sans cesse le nombre de ces «followers». Ce serait sans doute trop lui demander de faire preuve d’un minimum de réserve, par solidarité avec les femmes de l’émirat. On ne peut pas passer des journées à préparer ses toilettes les plus sexys, et en même temps réfléchir!

L’Europe s’est-elle résignée à l’extrême-droite?


Les sondages l’avaient annoncé: Fratelli d’Italia, la formation d’extrême-droite présidée par Giorgia Meloni, est sortie en tête des suffrages en Italie, ce dernier week-end. Forte de sa coalition avec la Lega, de Matteo Salvini qu’on sent impatient de rejeter à nouveau à la mer, et à une mort probable, les migrants qui abordent dans les ports italiens; et avec Forza Italia, le parti créé par un Silvio Berlusconi qui, à 85 ans, prend de plus en plus des airs de momie de cire, elle va donc devenir la première femme à présider un gouvernement en Italie. Pour le meilleur… et pour le pire?

Pour la première fois depuis l’éviction du Duce en 1943, et malgré sa Constitution qui proscrit le fascisme, l’Italie va ainsi être dirigée par une authentique facho!

Certes, Giorgia Meloni a lissé son discours au cours de la récente campagne électorale. Mais France 3 a opportunément ressorti l’interview d’une jeune militante d’extrême-droite de 19 ans, qui avait été réalisée à Rome, en 1996. La jeune Giorgia Meloni, parce c’était bien d’elle qu’il s’agissait, pas encore teinte en blonde peroxydée, y professait son admiration pour Benito Mussolini, «un bon politicien, parce que tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour l’Italie», clamait la militante de l’Alianza Nazionale.

La jeune militante d’Alianza Nazionale Giorgia Meloni ne cachait pas son admiration pour Benito Mussolini

On ne sait à quoi elle faisait allusion. À l’assassinat de Giacomo Matteoti? Bon pour l’Italie? Aux crimes de guerre commis par l’Italie fasciste en Éthiopie, avec l’utilisation massive de gaz de combat? Profitables à l’Italie? Aux lois anti-juives? Positives pour l’Italie? Au soutien au coup d’État militaire du général Franco en Espagne? Bénéfique pour l’Italie? Ou à l’alliance avec l’Allemagne hitlérienne? La ruine de l’Italie, en 1944, oppose le démenti le plus formel à cette opinion.

Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, m’objectera-t-on. Sur ce plan, Giorgia Meloni doit être une dirigeante géniale, car, entre ses récents discours, et ses prises de position lors de la campagne électorale, hors son hostilité à l’invasion de la Russie par l’Ukraine, elle a singulièrement changé de caps!

Reste à savoir dans quelle mesure, ses dernières prises de position sont sincères. Au Parlement européen, les élu(e)s de son parti se sont surtout distingué(e)s par leur opposition aux textes pénalisant les discriminations basées sur le sexe, l’orientation sexuelle ou le genre, mais aussi à un texte prônant… l’égalité salariale entre hommes et femmes. Et en matière d’immigration, elle ne le cède en rien à Matteo Salvini, dont le recul a été proportionnel à la progression de Fratelli d’Italia: c’est peut-être la seule bonne nouvelle (relative) de ce scrutin.

Sa récente profession de foi européenne procède, elle, sans doute surtout de la crainte de voir l’Italie perdre les larges subsides européens qui lui sont promis, pour renflouer une économie lourdement frappée par la pandémie de Covid-19.

Stigmatiser l’Italie n’aurait toutefois guère de sens dans une Europe où le Rassemblement National, en France, a été présent au deuxième tour de l’élection présidentielle en 2017 comme en 2019, et surtout, à l’occasion des récentes élections législatives, a envoyé un nombre record de députés au Palais Bourbon.

L’alliance nouée par les démocrates-chrétiens avec le parti du défunt Jörg Haider en Autriche avait scandalisé l’Europe en 1999

L’Europe ne stigmatisera pas l’Italie comme elle l’avait fait de l’Autriche, en 1999, quand pour la première fois, l’extrême-droite avait été associée au pouvoir lorsque le chancelier Wolfgang Schüssel (ÖVP) avait fait alliance avec le défunt leader du FPÖ, Jörg Haider, poussant notamment le commissaire européen belge, Louis Michel, à proposer le boycott de l’Autriche comme lieu de vacances. Le pays, alors, avait été placé «sous surveillance» européenne. Et lorsque, en 2002, Jean-Marie Le Pen, leader du Front National, s’était qualifié à la surprise générale pour affronter Jacques Chirac au second tour de l’élection présidentielle française, les foules étaient descendues dans la rue, et la gauche avait sans équivoque donné un mot d’ordre pour lui barrer la route.

Mais depuis lors, le Fidesz de Viktor Orban s’est imposé à Budapest, et y a systématiquement rogné les libertés publiques. La Pologne s’est ingéniée à museler l’indépendance de son pouvoir judiciaire. Les Pays-Bas ont connu la percée de Pim Fortuyn et aujourd’hui de Thierry Baudet. Au Danemark, le Parti populaire a soutenu des gouvernements de 1997 à 2011 et de 2015 à 2019, et a surtout réussi à faire partager ses idées nauséabondes en matière d’immigration. Et dernièrement, en Suède, les mal-nommés Démocrates de Suède ont fait un triomphe électoral et se préparent à gouverner avec la droite classique.

Comment comprendre cette banalisation de l’extrême-droite en Europe? C’est sans doute en partie parce que les repères politiques se sont largement estompés, spécialement dans des démocraties comme la nôtre où les gouvernements doivent se reposer sur des coalitions.

La conception «utilitaire» de la politique de nombre d’électrices et d’électeurs qui ne votent plus en fonction d’une vision de la société, mais pour que les élu(e)s solutionnent «leurs» problèmes, et les sanctionnent donc d’office d’un scrutin à l’autre, parce que cette tâche est hors de leur portée, peut également intervenir.

Mais ce qui était vrai en Autriche en 1999, et l’est toujours dans l’Italie de 2022, ce qui banalise aussi l’extrême-droite, c’est la complaisance d’une droite classique (Wolfgang Schüssel à l’époque, Silvio Berlusconi aujourd’hui; ou des élus LR en France, qui courent derrière le Rassemblement National dans l’espoir de lui ravir ses électeurs), qui réchauffe elle-même «le ventre fécond d’où est sorti la bête immonde», comme l’écrivait Bertolt Brecht.

À l’inverse, depuis le «dimanche noir» de 1991, en Flandre, le «cordon sanitaire» tendu au tour du Vlaams Blok puis du Vlaams Belang par les formations démocratiques, a réussi jusqu’ici à empêcher l’extrême-droite flamande de venir polluer à l’excès le paysage politique belge. Mais il y a lieu de rester vigilant. Après les dernières élections, Bart De Wever, le président à vie (?) de la N-VA, a courtisé son rival d’extrême-droite avant de se raviser. Et les sondages donnent la première place au Vlaams Belang en Flandre, si les élections étaient pour demain. Même s’il sort en tête des urnes, en 2026, le cordon sanitaire s’imposera pourtant plus que jamais!





Rien de tel que le pétrole pour effacer toute trace de sang


Un hôte particulier est reçu à dîner à l’Élysée, ce jeudi soir, par le président de la République française, Emmanuel Macron: avec le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, la conversation roulera sans doute sur la demande des pays occidentaux, États-Unis en tête, formulée à ce pays gros exportateur de pétrole, pour qu’il augmente la production, et contribue ainsi à faire chuter les prix du baril de brut. Manière de faire baisser les prix de l’essence, du gaz, et du pétrole à la pompe, qui contribuent lourdement à la hausse des prix et à l’envol de l’inflation actuels.

Emmanuel Macron avait été l’hôte de Mohammed ben Salmane en décembre; il lui rend la «politesse» ce jeudi soir à l’Élysée

Ce n’est pas la première rencontre entre le chef de l’État français et le prince héritier saoudien: en décembre dernier, le locataire de l’Élysée s’était rendu à Djeddah, où il avait déjà chaleureusement serré la main de son hôte, encore dégoulinante du sang du journaliste saoudien dissident Jamal Khashoggi, assassiné et dépecé dans le bâtiment du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, le 2 octobre 2018.

À l’issue de cette rencontre tout de même interpellante, Emmanuel Macron avait déclaré que «tous les sujets (avaient été) abordés, y compris le respect des droits de l’Homme». Ben voyons… et aussi peut-être l’impunité scandaleuse dont bénéficient les assassins de journalistes?

Entre-temps, cinq personnes ont été condamnées à mort pour cet horrible assassinat en Arabie Saoudite, mais la sentence a ensuite été commuée en une peine de vingt ans de prison, là où la perpétuité s’impose généralement. L’un des membres du commando de tueurs est par ailleurs décédé, officiellement dans un accident de voiture.

Des lampistes, une fois de plus, ont été châtiés pour l’assassinat d’un journaliste, tandis que les commanditaires, ou plutôt le commanditaire, restaient, eux, impunis.

L’Arabie Saoudite a, il est vrai, refusé la demande d’enquête internationale sur l’assassinat de Jamal Kashoggi. Et il y avait sans doute une raison à cela: la CIA a démontré que dans les heures qui ont précédé et qui ont suivi le massacre du journaliste saoudien, le prince héritier Mohamed ben Salmane avait adressé au moins onze messages à à son proche conseiller Saoud al-Qahtani, qui supervisait «l’opération». Même si le contenu de ces messages est resté inconnu, ils trahissent l’implication directe plus que probable du prince héritier dans l’assassinat de Jamal Kashoggi, critique de ses initiatives de modernisation cosmétiques de son pays ainsi que de la guerre meurtrière que mène l’Arabie Saoudite au Yémen, dans l’indifférence générale.

En juin 2019, l’Organisation des Nations-Unies (ONU) a, elle, indiqué avoir «des preuves crédibles» de l’implication de Mohammed ben Salmane dans le forfait.

À l’époque, l’héritier du trône saoudien avait été placé au ban des nations. Mais depuis lors, bien de l’eau a coulé sous les ponts, et le pétrole ne coule plus suffisamment dans les pipelines.

Alors, toute honte bue, les chefs d’État de nos belles démocraties oublient leurs grands principes, et s’en vont, les unes après les autres, serrer la main princière, couverte du sang du journaliste. Emmanuel Macron s’y était exercé en décembre de l’année dernière; le président états-unien, Joe Biden, vient de lui emboîter le pas lors de sa récente tournée au Proche-Orient, dont le but avéré était de persuader les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) d’ouvrir plus larges les vannes.

Mais la réception de ce soir à l’Élysée est une «première»: c’est la toute première fois que le commanditaire (fortement) présumé de l’assassinat de Jamal Kashoggi est l’hôte d’un pays européen.

Sans doute, «tous les sujets y compris le respect des droits de l’homme» y seront-ils à nouveau brièvement abordés, entre la poire et le fromage?

Il en est un autre qui pourrait aussi être envisagé: le pouvoir de nettoyage du sang des produits pétroliers!

Une journaliste à la tête de la diplomatie belge: un pari plus que risqué


Hadja Lahbib, l’ancienne présentatrice du JT de la RTBF, n’aura pas vraiment eu le temps de se préparer à sa nouvelle fonction de ministre des Affaires étrangères : quelques jours à peine après l’annonce décoiffante de sa nomination au poste prestigieux de ministre des Affaires étrangères du royaume de Belgique, elle a participé ce lundi à un conseil européen des ministres des Affaires étrangères, où les sujets cruciaux, à commencer par la guerre en Ukraine, ne manquaient pas.

Un week-end studieux pour la nouvelle ministre

Elle s’y est préparée tout le week-end, a-t-elle expliqué à ses ex-collègues qu’elle a autorisés à l’accompagner ce lundi matin, un peu comme pour se faire pardonner d’avoir décliné leur invitation à venir s’expliquer sur le plateau, qu’elle connaît bien, du journal télévisé de la chaîne publique, le soir de sa désignation-surprise.

Elle s’y est préparée comme une étudiante préparant un examen délicat à l’université: la réflexion nous est venue lorsque nous l’avons vue parmi ses homologues des Vingt-Sept, un peu comme une candidate face à un jury central.

On imagine qu’elle ne sera pas sortie des clous qui lui avaient été tracés au cours de ce conseil des ministres européens des Affaires étrangères.

Un apprentissage nécessaire pour la «bleue» du conseil européen des ministres des Affaires étrangères

Si, sur la guerre en Ukraine, une relative discrétion de la nouvelle cheffe de la diplomatie belge peut se concevoir sous forme d’un alignement strict sur les positions de l’Union Européenne, ce pourrait se révéler beaucoup plus gênant sur le dossier congolais, dont il devait aussi être question lors de ce Sommet. Car, en République Démocratique du Congo, c’est la Belgique qui est censée donner le la à l’Europe. Or, dans toutes les qualités invoquées par le président du MR, Georges-Louis Bouchez, pour justifier son choix détonant, il n’a pas été question du Congo, sauf erreur…

Selon un vieux proverbe wallon, un nouveau balai balaie toujours mieux qu’un ancien. On ne risquera pas la comparaison : celle dont la biographie ne rappelle pas ses débuts de stagiaire au siège liégeois de RTL-TVI, devra faire ses preuves d’ici à la fin de la législature, pour démontrer qu’elle est à sa place à la tête d’une département qui a connu, dans le temps, des figures comme Paul-Henri Spaak, Pierre Harmel, Louis Michel, et Didier Reynders, et, à l’échelle européenne, un Jean Rey, éminent président de la Commission, avant Herman van Rompuy et Charles Michel, présidents du Conseil. Sans oublier Guy Verhofstadt: l’ancien Premier ministre libéral flamand est une des figures de proue du Parlement.

C’est ce qu’on lui souhaite et pour elle et pour le pays. Il serait dramatique que l’erreur de casting du tonitruant président du Mouvement Réformateur soit aussi désastreuse que quand il avait préféré Jacqueline Galant aux Communications, ignorant l’expertise d’un François Bellot, rappelé ensuite d’urgence pour réparer les erreurs de la bourgmestre de Jurbise…

Peut-être l’alors député-bourgmestre de Rochefort payai-il sa méconnaissance totale du néerlandais?

Sur ce plan, Hadja Lahbib, complètement inconnue au nord du pays, n’est guère plus performante. Si, lors de la conférence de presse qui a dévoilé son nom, elle a prononcé quelques mots d’introduction dans la langue de Vondel, en interview, après deux ou trois phrases hésitantes en néerlandais, elle a poursuivi en français, en avouant, au micro de la VRT, qu’elle devrait s’améliorer sur ce plan. Et l’interview qu’elle a donnée à la même chaîne publique flamande, après le conseil des ministres européens, elle l’a prononcée… en français.

Bien sûr, son mentor, Georges-Louis Bouchez, est moins performant qu’elle en la matière, mais quand on est à la tête de la diplomatie belge, c’est là une lacune impardonnable. Les récents prédécesseurs libéraux de Hadja Lahbib parlaient parfaitement le néerlandais (Didier Reynders) ou en avaient une connaissance approfondie (Louis Michel). Philippe Goffin et Sophie Wilmès, eux, tiraient plus ou moins bien leur plan…

L’autre aspect de cet enrôlement-surprise au MR, c’est évidemment pour les libéraux d’aligner une figure de proue issue de l’immigration à Bruxelles, lors des prochaines élections législatives fédérales.

Ce sera l’occasion pour Hadja Lahbib d’acquérir la légitimité démocratique qui lui manque, puisque comme Mathieu Michel au fédéral , et Adrien Dolimont à la Région, l’ancienne journaliste de la RTBF ne dispose d’aucun mandat électif. En France, à l’inverse, le président de cette République couronnée, Emmanuel Macron, avait expliqué avant les dernières législatives que les ministres non-réélu(e)s devaient se retirer. Et des têtes sont tombées…

Bien sûr, selon le prescrit constitutionnel, « le Roi nomme et révoque les ministres », et rien n’est dit à propos de la nécessité pour les ministres d’être des élu(e)s du peuple. Mais en l’occurrence, le président du MR se substitue au Roi, et le pli qui est le sien de choisir des ministres en dehors des assemblées élues fait désordre à l’heure où les partis éprouvent de plus en plus de difficultés à dénicher des candidat(e)s, surtout au niveau local. Il fut un temps où on faisait ses dents au niveau communal avant de siéger au Parlement pour devenir ensuite ministre. Georges-Louis Bouchez préfère renverser la table. L’exercice peut être périlleux…

Du côté de Hadja Lahbib, qui se disait « ni de droite ni de gauche » (mais bien au contraire?), il faudra rapidement aussi sortir de l’ambiguïté voire de l’hypocrisie, car on ne doute pas que sa désignation ne se double d’une promesse d’adhésion au MR. Ce qu’elle a déjà amorcé ce lundi en parlant de « libéralisme du centre » une notion assez neuve en politique. On verra si elle fera florès…

La ministre se rappellera-t-elle la journaliste?

Observateurs de la vie politique, les journalistes ont depuis toujours l’envie de passer de l’autre côté de la barrière. Si la Constitution belge, depuis l’origine, a érigé la liberté de la Presse comme un de ses principes fondamentaux, c’est tout simplement parce que… de nombreux journalistes, qui avaient souffert de la censure hollandaise, siégeaient dans la Constituante de 1830-1831. Cette proximité a subsisté longtemps, mais, depuis le début des années 1960, et la création légale en Belgique du titre de journaliste professionnel(le), elle avait progressivement disparu. Mais pas complètement: lors des débuts dans le journalisme de l’auteur de ce blog, il s’est retrouvé, à Huy-Waremme face à un sénateur, puis un député appelé Frédéric François. Non pas le chanteur, mais, à l’époque, le défunt ancien grand reporter et commentateur de la RTB qui n’était pas encore RTBF, venu défier sur ses terres, sous les couleurs du PSC, qui n’avait pas encore cédé le témoin au cdH et encore moins aux Engagés, le tout puissant bourgmestre socialiste de Waremme, Edmond Leburton, qui n’avait pas encore été victime du régionalisme qui a prévalu au sein du PS. Ces derniers temps, de plus en plus de journalistes ont été tentés par la politique… ce qui postulait dans leur chef l’abandon de leur profession, sauf à la RTBF, où certain(e)s peuvent toujours bénéficier de congés politiques. Josy Dubié, au Parlement fédéral, et son frère, Jean-Claude Defossé, au Parlement bruxellois se sont engagés chez Ecolo, mais sont sortis, surtout le second, assez déçus de leurs expériences parlementaires respectives. Jean-Paul Procureur et Anne Delvaux ont connu des fortunes diverses au cdH, et particulièrement l’ancienne présentatrice, elle aussi, du JT, débarquée à Liège dans des circonstances douloureuses pour elle.

Le MR,lui, a surtout recruté des ancien(ne)s journalistes, tant du côté de la chaîne privée, et avec un certain bonheur, puisque Frédérique Ries s’est imposée comme un députée européenne active, tandis que Florence Reuter a fini par hériter, à Waterloo, du mandat mayoral délaissé par Serge Kubla, empêtré dans une affaire judiciaire. Michel De Maegd, dernière recrue en date de RTL-TVI, siège, lui, au Parlement fédéral. Mais, alors que la RTB, pas encore F, passait pour un repaire de journalistes d’extrême-gauche dans les années 70, c’est là que les libéraux francophones ont réussi à convaincre Olivier Maroy, à la Région, et désormais Hadja Lahbib, de s’engager sous leur bannière. Élu, puis réélu, Olivier Maroy n’a jamais oublié ses débuts journalistiques: dans le long conflit qui l’a opposée à son ancien actionnaire Nethys, la rédaction de «L’Avenir» a toujours trouvé en lui une oreille très attentive. On espère que la nouvelle ministre des Affaires étrangères imitera cet exemple, et qu’au contraire de ses deux plus récents prédécesseurs, elle accordera toute son attention au projet de la Fédération Internationale des Journaliste (FIJ) de Déclaration à soumettre à l’assemblée générale des Nations-Unies pour lutter contre l’impunité scandaleuse dont bénéficient toujours neuf assassins de journalistes sur dix dans le monde…

Un premier faux-pas qu’il sera difficile d’effacer

Bien sûr, la toute nouvelle ministre belge des Affaires étrangères a fait part à son homologue ukrainien, Dmytro Kouleba, de l’«indéfectible solidarité» de la Belgique avec son pays agressé par la Russie de Vladimir Poutine. Et elle a exprimé le souhait de se rendre «bientôt» à Kiev, où, expliquait ce jeudi soir la VRT, elle ne sera accueillie que si elle présente des excuses complètes pour l’impair qu’elle a commis en se rendant de manière «illégale» pour les autorités ukrainiennes, en Crimée, annexée par la Russie en 2014.

Ce voyage, l’ancienne journaliste puis réalisatrice de la RTBF, l’a effectué en 2021. Et, néophyte en politique, elle a été prise de court par l’attaque du chef de groupe de la N-VA au Parlement fédéral, Peter De Roover, qui a rapidement accumulé les éléments accablants sur ce périple. Hadja Lhabib est en effet passée par Moscou pour se rendre en Crimée, dont l’annexion, non reconnue par la communauté internationale, a valu à la Russie ses premières sanctions, il y a huit ans. Ce déplacement, a-t-il ajouté, était destiné à prendre part à un festival culturel dont l’une des sociétés organisatrices est présidée par Katerina Tikhonova, l’une des filles du président russe Vladimir Poutine. Et il aurait été financé, en partie du moins, par Gazprom, la société étatique gazière russe, que le locataire du Kremlin utilise comme arme économique contre l’Union Européenne, pour son soutien à l’Ukraine, a ajouté Georges Dallemagne, député des «Engagés».

La RTBF a finalement décidé de ne pas pousser le projet plus avant, parce que la nécessaire indépendance journalistique n’était pas garantie. Cela n’avait pas empêché Hadja Lahbib de se répandre sur la Première, dans une interview radio, où il ressortait de ses propos que la Crimée est bien russe. (https://www.facebook.com/100003668988302/videos/572743527225033/). Ce sont ces propos, tout autant que le caractère «illégal» de son voyage qui valent aujourd’hui à la ministre des Affaires étrangères l’irritation des autorités ukrainiennes.

«En faisant le tour de mes réseaux sociaux, vous avez visiblement raté le fait que j’étais journaliste avant de devenir ministre» a répliqué Hadja Lahbib à Peter De Roover. Étrange défense que celle-là: une journaliste de qualité -et on peut supposer que l’ancienne présentatrice du JT de la RTBF est une journaliste de qualité- pouvait-elle ignorer l’annexion de la Crimée par la Russie, le fait que cette annexion ne soit pas reconnue par la communauté internationale, et que l’Union européenne, et donc la Belgique, a pris dès 2014 des sanctions contre la Russie en réplique à ce coup de force! Ignorait-elle donc qu’un état de guerre de fait existait déjà entre l’Ukraine et la Russie? Que les associations de journalistes, et notamment la Fédération Européenne des Journalistes, menaient des actions, soutenues par l’Europe, afin de faire se rapprocher des journalistes russe et ukrainien(ne)s pour les encourager à adopter une démarche professionnelle et respectueuse de la déontologie de la profession, plutôt que de céder aux trompettes de la propagande? Sans doute, la réalisatrice de la RTBF n’était-elle pas attentive à ces efforts? Son voyage, en tout cas, témoignait, même pour une journaliste ou une réalisatrice en charge de l’actualité culturelle, d’une singulière légèreté, qui démontre combien hasardeux était le choix du président du MR, Georges-Louis Bouchez, pour en faire une ministre des Affaires étrangères! Au fait, en octobre 1938, se serait-elle rendue à Vienne, pour y faire l’éloge de la culture allemande?

Ni le sport en général, le football en particulier, ne sont apolitiques


Est-il cohérent d’exclure la Russie de la prochaine coupe du Monde, et les clubs russes des compétitions européennes, en raison de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes? La décision conjointe de la FIFA et de l’UEFA, confrontées au refus de la Suède, de la Pologne et de la République tchèque de rencontrer l’équipe russe pour tenter de décrocher les derniers tickets pour le Qatar, leur a sans doute forcé la main. Mais un large consensus existe à ce sujet.

Certains pourtant, à l’image d’un des chroniqueurs de l’émission télévisée de la RTBF «La Tribune», continuent à penser que pareille exclusion est inique à l’égard de sportifs qui se sont préparés ou qui se préparent pour de grandes épreuves. Sous-entendant, sans doute, par là, que le sport en général, et le football en particulier, sont complètement apolitiques. Vague réminiscence, peut-être, des Jeux Olympiques de l’Antiquité, où les cités qui y participaient mettaient leurs conflits entre parenthèses pour la durée des compétitions, et satisfaire les dieux qui les protégeaient.

L’époque moderne a pourtant balayé cette théorie: plus personnes aujourd’hui ne mettrait en doute le fait que, pour l’Allemagne nazie, les Jeux Olympiques de 1936 constituaient une occasion rêvée de mettre le régime en lumière. Il était pourtant déjà question de boycott à l’époque: afin de les prévenir, les pontes du régime avaient notamment donné pour instruction de faire disparaître, le temps d’un été, toutes les inscriptions antisémites qu’ils avaient largement contribué à faire proliférer.

Il y a un demi-siècle, les performances gymniques exceptionnelles de la toute jeune Nadia Comaneci, aux Jeux Olympiques de Montréal, en 1976, lui ont valu la lourde protection du couple présidentiel roumain, Nicolae et Elena Ceaucescu. Un joug qui, à mesure que la jeune prodige prendra de l’âge, et ne pourra plus reproduire ses performances uniques, lui pèsera tellement qu’elle finira par prendre le chemin de l’exil.

Quatre ans plus tard, de nombreux pays occidentaux et musulmans, les États-Unis en tête, boycottent les Jeux Olympiques de Moscou, pour dénoncer l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques. En retour, les pays communistes refuseront, en 1984, de participer aux Jeux de Los Angeles.

La coupe du Monde de football, en Argentine, en 1978, avait provoqué les mêmes débats, chez les Neerlandais notamment, dont le chef de file, Johan Cruyff, avait snobé la compétition. En raison d’une blessure, ou, avait-on dit à l’époque, parce qu’il refusait de cautionner la dictature argentine, qui a au bout du compte bénéficié du regain de popularité que lui a valu la victoire finale des Argentins…

Kamila Valieva n’a pas servi la gloire de la Russie poutinienne

Cette instrumentalisation du sport se poursuit de nos jours, parfois de manière éhontée: la jeune patineuse russe Kamila Valieva, 15 ans, a été convaincue de dopage, quelques jours avant les récents Jeux Olympiques de Beijing. Personne ne se fait d’illusion à ce sujet: l’adolescente n’a pas trouvé seule des produits dopants, destinés à l’amener à des niveaux de performance supérieures; et son explication qu’elle les avait ingurgités en buvant une boisson destinée à son grand-père n’a abusé que les crédules.

En compétition, la pression sur elle était tellement grande, que Kamila Valieva a chuté deux fois. La manière dont son entraîneuse l’a apostrophée à sa sortie de patinoire a choqué le monde du patinage et les responsables du comité olympique lui-même. La gamine avait fauté, car elle n’avait pas servi la plus grande gloire de la Russie poutinienne!

D’autres sportives et sportives avant elles ont subi une pression similaire. Et certains l’ont payé de leur vie, tel le magnifique footballeur autrichien Mathias Sindelaar, dans les années 30.

Le meneur de jeu de la Wunderteam («L’équipe magique») autrichienne, qui n’a subi que trois défaites entre 1930 et 1934, restait une vedette au moment de l’Anschluss entre son pays et l’Allemagne hitlérienne.

Mathias Sindelaar n’a pas voulu servir l’Allemagne nazie

Un match entre les deux équipes nationales, organisé pour célébrer l’événement, devait se clôturer, sur ordre des nazis, par un match nul fraternel. Mais Mathias Sindelaar ne l’entendait pas de cette oreille: sous son impulsion, l’équipe autrichienne, qui allait disparaître, battit l’équipe allemande (2-0).

Quelques semaines plus tard, l’Allemagne prenait part au championnat du Monde de football qui se jouait en France, et comptait bien aligner Sindelaar dans ses rangs. Mais le chef d’orchestre autrichien fera défaut à la Mannschaft, invoquant une blessure.

Le 23 janvier 1939, on le retrouvait asphyxié, avec sa maîtresse, dans son appartement de Vienne. Suicide dira-t-on à l’époque: l’hypothèse de l’assassinat a pris consistance de nos jours.

Quinze mille personnes assisteront à ses obsèques. Pour rendre hommage à l’artiste et manifester leur attachement à l’Autriche disparue.

Sur de nombreux terrains de football d’Europe, ce dernier week-end, le drapeau ukrainien a été exhibé. Et les joueurs ukrainiens (Sobol au Club Brugeois, Yaremchuk à Benfica) ont été ovationnés. Le public, lui, l’a bien compris: le football ne vit pas sous cloche dans le monde qui nous entoure.

L’exclusion de la Russie du Mondial au Qatar, et des clubs russes des compétitions européennes de football sanctionnent justement l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et répondent à l’attente du public.

On ne peut jamais prédire la fin d’une guerre…


Le président russe, Vladimir Poutine, a donc choisi la fuite en avant. D’abord en piégeant les pays occidentaux, qui en condamnant sa reconnaissance des districts sécessionnistes d’Ukraine, comme il l’avait fait de ceux de Géorgie, a placé les pays occidentaux devant leurs contradictions, eux qui avaient reconnu, à l’époque, l’indépendance autoproclamée du Kosovo. Même si l’hôte du Kremlin oubliait de son côté que, à l’époque, la Russie s’était opposée à l’indépendance du Kosovo, preuve qu’en politique, la constance n’est pas toujours de mise.

Mais sa décision, aujourd’hui, de mener des opérations militaires en Ukraine (pour s’adjuger tout le Donbass?), et les frappes aériennes menées prétendument exclusivement contre des objectifs militaires est nettement plus aléatoire.

Vladimir Poutine «tord» l’Histoire pour les besoins de sa propagande en évoquant un «génocide» des russophones d’Ukraine par le pouvoir de Kiyv, en déniant la qualité d’État à ce pays reconnu au plan international qui fait partie de l’Organisation des Nations-Unies, et en le qualifiant de «nazi». Une référence aux troupes ukrainiennes qui ont combattu aux côtés des nazis durant la Seconde guerre mondiale, au même titre que d’autres, dont la Légion Wallonie, les combattants flamands du front de l’est: cela ne suffit évidemment pas pour faire des dirigeants actuels de ces différents pays ou régions des adhérents au racisme nazi.

Le président russe et les «faucons» qui l’entourent ont surtout une mémoire fort sélective. Ils devraient se souvenir que, quand on déclenche un conflit armé, on ignore par nature la manière dont il se terminera. Et que l’Union Soviétique, dont Vladimir Poutine a affirmé plus d’une fois sa nostalgie, avait signé avec l’Allemagne hitlérienne, en août 1939, un pacte de non-agression auquel Staline a cru jusqu’au jour du déclenchement de l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941. Donnant ainsi à Adolf Hitler les mains libres pour envahir la Pologne, et concourir à cette conquête. Et laisser se déclencher le second conflit mondial, dont sa population aura tellement à souffrir.

Après la fin du conflit, la Russie n’a jamais restitué à la Pologne les territoires qu’elle lui avait pris. Le territoire polonais s’est déplacé vers l’ouest, et sa frontière occidentale a été fixée sur une ligne Oder-Neisse que l’Allemagne n’a reconnue qu’à la faveur de l’Ostpolitik du chancelier Willy Brandt, au début des années 1970.

Hasard ou non, c’est dans ces anciens territoires polonais incorporés à l’Ukraine que le mouvement démocratique s’est le plus fort développé, et que le désir d’adhésion à l’Union européenne, voire à l’Otan, s’est le plus fortement exprimé. Alors que dans le Donbass, majoritairement peuplé de russophones, qui s’étaient pourtant eux aussi prononcés pour l’indépendance de l’Ukraine, après la fin de l’Union Soviétique, les yeux sont toujours restés tournés vers la Russie.

L’affrontement entre ces deux parties de l’Ukraine s’est concrétisé, plus tard, dans la lutte entre Viktor Iouchtchenko, le président pro-occidental, et Viktor Ianoukovytch, le président pro-russe chassé en 2014 après son refus de ratifier l’accord d’association passé par son prédécesseur avec l’Union européenne.

C’est cet épisode que Vladimir Poutine qualifie de coup d’État… comme l’était la révolution d’Octobre, en 1917, qui a installé Lénine au pouvoir. Le locataire (permanent) du Kremlin oublie qu’ensuite des élections libres ont eu lieu en Ukraine. Et si le pouvoir de Kyiv n’a pas nécessairement fait preuve de la plus grande habileté en retirant au russe, du moins de manière temporaire, son caractère de langue officielle, aux côtés de l’ukrainien, tout cela ne justifie en rien les opérations guerrières déclenchées aujourd’hui. Dont on ne connaît pas encore toutes les conséquences pour le monde, y compris pour la population russe. Et dont on ignore nécessairement la manière dont elles se clôtureront. Et l’ampleur du bain de sang qu’elles déclencheront.