Crise ukrainienne: avoir de la mémoire


Bien sûr, Vladimir Poutine n’a rien d’un enfant de chœur. On sait la manière dont le président russe a étouffé toute contestation intérieure et a manipulé les esprits et les textes pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2036. On n’ignore pas la manière dont un de ses affidés finance des mercenaires qui se répandent en Afrique, plus pour servir les intérêts russes que pour réellement lutter contre le terrorisme islamiste par exemple. La manière dont la Russie a annexé la Crimée, aussi légitimes soient les liens entre la péninsule et la mère-patrie, est difficilement acceptable, même si, comme expliqué précédemment, les pays occidentaux qui se sont précipités pour reconnaître l’autonomie autoproclamée du Kosovo n’ont sûrement pas de leçons à donner à Moscou en la matière.

Mais dans la crise ukrainienne qui se prolonge, il faut bien avouer que les États-Unis d’une part, l’Otan d’autre part, remettent de l’huile sur le feu, au point d’ailleurs que le président ukrainien, Volodimir Zelensky, pourtant confronté aux grandes manœuvres de l’armée russe à ses frontières et à l’activité des séparatistes du Donbass à l’intérieur, les a invités au calme ce week-end.

Comme déjà rappelé sur ce blog, les Américains et le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, ont la mémoire courte dans ce dossier, et ils s’essuient allègrement les pieds sur la promesse faite, en 1989, par le secrétaire d’État James Baker que l’Otan ne s’implanterait jamais aux frontières de la Russie. C’était, alors, le prix à payer pour que l’URSS de Mikhaïl Gorbatchev marque son accord sur la réunification allemande et l’intégration de l’Allemagne réunifiée à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.

Cette promesse, on le sait, a déjà été trahie depuis lors, avec l’intégration des pays baltes, devenus indépendants, dans l’alliance atlantique. Mais avec l’Ukraine, on se trouve devant un autre état des lieux.

La géographie est en effet têtue, et indépendante ou non, l’Ukraine est incontestablement dans le périmètre proche de la Russie. Sur le plan historique aussi, il ne faut pas oublier que l’histoire russe a débuté… à Kiev. Et si on ne doit pas sacraliser le passé, on ne peut perdre de vue cette donnée qui fait que, vu de Moscou, l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan, ou dans l’Union européenne, est inacceptable. Voire contre nature.

Et puis les États-Uniens, eux aussi, feraient bien d’avoir un peu de mémoire.

En 1962, quand l’Union soviétique de Nikita Khrouchtchev installe des missiles à Cuba, les États-Unis réagissent violemment, car ils ne peuvent accepter que la Floride soit à portée des missiles russes. Le président John Kennedy, annonce un blocus de l’île, où Fidel Castro a renversé la dictature de Batista, entièrement inféodée au grand voisin américain. Et du 14 au 28 octobre, la tension monte, au point que la perspective d’un conflit nucléaire pousse de nombreux citoyens, en Belgique et ailleurs, à faire des stocks de provisions, et notamment de sucre et de farine, que leurs héritiers découvriront, des décennies plus tard, avec beaucoup de surprise dans des caves ou dans des armoires oubliées.

Les rampes de lancement soviétiques à proximité de la Floride: les États-Unis n’en voulaient pas…

Finalement, les Soviétiques feront marche arrière et démonteront les installations de lancement qu’ils avaient commencé à construire à Cuba. Les États-Unis, pour faire bonne mesure, retireront des missiles de Turquie.

Le réalisme avait prévalu: il était trop délicat d’installer des missiles dans le périmètre proche des USA. Aujourd’hui, le contexte est inverse. L’Otan et les États-Unis doivent admettre que la Russie ne peut admettre que l’alliance, qui n’a pas forcément un aspect défensif, prenne pied dans son jardin. Cela ne menace pas forcément l’indépendance de l’Ukraine, mais cela appelle à sa «finlandisation». Quand on voit comment la Finlande s’est développée, dans pareil contexte, ce n’est pas forcément une perspective négative…

Une mise en perspective


J’avoue que je m’attendais au pire, en entamant la vision du documentaire diffusé, il y a peu, sur RTL-TVI, et décliné en deux épisode sur la VRT, qui constituait essentiellement en une très longue interview de la princesse Delphine de Saxe-Cobourg-Gotha,(nouvelle) princesse de Belgique.

Je craignais une nouvelle fois le ton sirupeux qui caractérise ce genre d’interviewes, tant sur la chaîne publique que sur la chaîne privée, et j’avais tort: l’entretien, sans se départir d’une certaine forme de distance, n’a éludé aucune question, et a surtout permis de comprendre le parcours de la demi-sœur, désormais, du roi Philippe, de la princesse Astrid, et du prince Laurent.

La conversation est ainsi revenue sur certains points qui paraissaient choquants, de prime abord, dans sa démarche judiciaire. À commencer par la procédure de désaveu en paternité qu’elle avait initialement lancée contre son père légal, Jacques Boël, dont on a appris le décès ce samedi, avec lequel elle n’a jamais vécu, et qui semble ne pas vraiment s’être comporté comme un père à son égard.

Une authentique artiste est aussi apparue, dénigrée par certains lors du lancement de son action publique, saluée par ses pairs, et dont l’œuvre, pendant longtemps, a constitué un cri pour se faire reconnaître par son père biologique, avec un surréalisme qui n’a échappé à personne.

Une autre figure positive a été dévoilée: celle d’un mari extrêmement discret, soucieux de tenir la famille à l’écart des remous médiatiques de l’affaire, mais dont on a deviné le soutien précieux tout au long de ces années

Delphine de Saxe-Cobourg-Gotha, nom ancestral qui sera porté à l’avenir par tous les enfants princiers nés ni du roi ni de l’héritier(e), a aussi évoqué les messages de haine dont elle a fait l’objet, pour avoir osé s’en prendre au roi des Belges; l’ostracisme qui a continué à la frapper une fois sa filiation établie en justice; d’où sa demande de changement de nom, qui a eu pour effet de voir les hypocrites qui la conspuaient lui faire désormais des risettes. La haute société belge, on imagine…

En matière d’hypocrisie, on rangera le subterfuge dévoilé par sa mère, par lequel elle a fait croire à celui qui était alors son époux légitime qu’il était le père biologique de sa fille. Cette dame semble surtout, sauf lors de leur départ pour Londres, et avant son remariage, avoir eu surtout la préoccupation de la tenir isolée, par peur d’une indiscrétion, puis de s’en débarrasser en l’envoyant dans des pensions huppées…

On a saisi aussi, lors de cette émission, qu’il aurait suffi d’un geste d’Albert II pour mettre fin à cette bataille judiciaire sans fin dont il est sorti grand perdant. Pourquoi cette obstination? L’influence d’un entourage mauvais conseilleur?

Toujours est-il qu’au bout du compte, il a été le premier roi des Belges à devoir reconnaître une paternité hors mariage. Ni son père, Léopold III, très «actif» sur ce plan; ni son grand-père, Albert Ier, qui aurait eu lui aussi une descendance hors mariage, n’ont été contraints de la même manière, à d’autres époques, il est vrai.

Quant à Léopold II, sont arrière-grand-oncle, il avait in extremis reconnu sa relation avec Blanche Delacroix, qu’il a épousée morganatiquement juste avant de mourir, et anoblie dans le dessein de la mettre, elle et ses deux fils, à l’abri du besoin. Ce que le premier roi des Belges, Léopold Ier, n’aurait, lui, pas imaginé un seul instant. Pas très noble, tout cela….