La légitime indignation qui a saisi l’opinion, à la suite de la révélation des abus au sein de la nébuleuse Nethys-Publifin, a déclenché au sein de la classe politico-médiatique une réaction de «football panique» qui, au-delà des mesures d’assainissement nécessaires, dont certaines restent à prendre, ont conduit à sanctionner des mandataires qui vont être pénalisés dans l’exercice de fonctions, dans lesquelles ils ont strictement respecté les limites légales ou réglementaires qui leur ont été imposées. Je pense par exemple aux députés-bourgmestres ou députés-échevins socialistes dont l’indemnité cumulée ne pourra plus dépasser le montant de leur indemnité parlementaire, alors que jusqu’ici, le cumul ne pouvait dépasser 150% de l’indemnité parlementaire. Ces bourgmestres et échevins qui sont en même temps députés devront dès lors exercer leur fonction mayorale ou scabinale à titre purement gratuit: est-ce normal? Ne serait-il pas plus cohérent, dès lors, d’interdire purement et simplement le cumul de mandats, ce qui, au niveau du gouvernement wallon, n’irait pas sans poser quelque problème à M. Magnette ou à M. Prévost…
Le souci de clarification de la gestion de Nethys n’est pas nouveau: il y a plusieurs années déjà, Bernard Wesphael, alors chef de groupe Ecolo au Parlement wallon, avait déposé en vain des propositions de décrets en la matière. Il est temps que le contrôle public s’exerce efficacement sur l’intercommunale, puisqu’elle gère de l’argent public, et que de l’ordre soit mis dans les structures privées qui s’y sont multipliées. Et qu’il soit mis fin à cette fiction des mandats privés exercés par des mandataires publics: il y a là fraude manifeste pour contourner des règlements existants.
Faut-il pour autant démanteler Nethys, et notamment l’obliger à céder le groupe de presse qui (air connu) m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût?
Une phrase prononcée à la tribune du conseil provincial de Liège par le député provincial André Gilles, par ailleurs président du conseil d’administration de Nethys, a relancé le fantasme, qu’on a vu rebondir de tweet en tweet, jusque sous la plume de consœurs et confrères en principe bien informés.
L’alternative à Nethys en Belgique -un rachat du groupe «L’Avenir» par le groupe Rossel – n’est pas neuve: elle avait déjà été envisagée quand le groupe flamand Corelio, devenu Mediahuis, a décidé de se séparer de son aile wallonne. C’est à ce moment-là que l’intercommunale liégeoise a décidé, en quelques jours semble-t-il, de dépasser sur le fil le groupe éditeur du Soir et des journaux du groupe Sud-Presse.
Quoi qu’on pense de la gestion de Nethys, que je n’ai pas été le dernier à critiquer, cette solution était de loin préférable à une opération qui aurait eu pour effet de rendre un groupe de presse propriétaire de plus de 85% des titres de presse en Belgique francophone. Outre que l’opération aurait à terme conduit à une fusion entre des journaux aussi différents dans leur manière de couvrir l’actualité que les quotidiens du groupe «L’Avenir» que ceux du groupe Sud-Presse, ou à un bain de sang social provoqué par la fermeture d’éditions aujourd’hui concurrentes dans les zones où elles ne sont pas dominantes.
Les réflexions qui prévalaient à l’époque sont toujours d’actualité aujourd’hui. Et un des volets importants du combat que mènent depuis longtemps l’Association des Journalistes Professionnels en Belgique francophone, la Fédération Européenne des Journalistes et la Fédérations Internationale des Journalistes est précisément la lutte contre la concentration des médias, qui conduit à chaque fois à une désertification du paysage médiatique. J’ose espérer qu’au-delà des différences d’opinion qui les séparent, et au-delà des liens professionnels qu’ils ont, tous les journalistes peuvent se rejoindre sur ce principe.