Grande «surprise», hier: le ministre flamand des Affaires intérieures, Geert Bourgeois, a décidé de ne pas nommer trois candidats-bourgmestres francophones de la périphérie bruxelloise.
Une surprise, vraiment? Il fallait vraiment faire preuve de naïveté, il y a quelques semaines, en développant une théorie selon laquelle l’ancien président de la N-VA, craignant de subir un désaveu des chambres bilingues du Conseil d’État qui auront désormais à traiter ces dossiers, allait faire le mort, et laisser s’écouler le délai de soixante jours, au terme desquels les candidats-bourgmestres seraient nommés, sans décision formelle du ministre.
C’était tout d’abord oublier que Geert Bourgeois avait de longue date annoncé qu’il ne nommerait jamais des candidats-bourgmestres qu’il avait précédemment refusés, prétendument pour non-respect des lois linguistiques, en pratique pour non-respect des circulaires Martens et Peeters, toutes contestables qu’elles sont, qui obligent les francophones des communes à facilités de réclamer la version française de chaque document officiel qui doit obligatoirement leur être transmis en néerlandais. On voyait mal le ministre flam(ing)ant des Affaires intérieures faire marche arrière sur ce dossier tout aussi symbolique au nord du pays qu’au sud.
On ne peut perdre de vue, ensuite, l’ambiance d’ores et déjà préélectorale au sein de la majorité en Flandre, où le ministre-président, Kris Peeters (CD&V), a déjà pratiquement donné le coup d’envoi de la prochaine campagne électorale en déclarant que son parti ne réclamerait pas de nouvelle réforme de l’État après les prochains scrutins fédéral et régionaux de juin 2014, et en se laissant présenter comme possible candidat Premier ministre de son parti. Dans ces conditions, la N-VA, toujours portée par les sondages, ne pouvait rester en retrait.
Et de toute manière que risque Geert Bourgeois à renvoyer ces dossiers devant une chambre bilingue du Conseil d’État, alternativement présidée par un magistrat francophone ou néerlandophone? Même si les candidats-mayeurs évincés transmettent leur plainte simultanément, on peut d’ores et déjà prendre les paris: tout sera fait pour que les trois dossiers soient examinés par une chambre bilingue de la plus haute instance administrative et judiciaire du pays présidée par un magistrat néerlandophone. Et si ce n’est pas le cas, et que Geert Bourgeois est désavoué? Comptez bien sur la N-VA pour faire alors remarquer que la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde telle qu’acceptée par les partis flamands de la majorité fédérale était un compromis néfaste pour les Flamands, sur lequel il faudra nécessairement revenir, après l’échéance électorale de 2014.
La surprise de certain(e)s de mes consœurs et confrères, ce matin, est dès lors assez confondante. C’est le moment de leur rappeler cette réflexion maintes fois répétée de José Happart, qui sait de quoi il parle quand il évoque le duel avec l’opinion, le monde politique, et l’administration du nord du pays: il ne faut pas voir les Flamands comme on voudrait qu’ils soient, mais comme ils sont….