Un coin limbourgeois dans le «canon flamand»


Quand il n’oublie pas la commune de Fourons, le Belang van Limburg joue le rôle de porte-parole de sa province. Et en vertu du principe selon lequel «qui aime bien châtie bien», il n’hésite pas à fustiger l’autorité flamande quand elle ne respecte pas, à ses yeux, la spécificité du Limbourg.

Nous avons déjà évoqué dans ce blog, la critique du «canon flamand», ce récit historique à visée nationaliste, voulu par le ministre-président flamand, Jan Jambon, et son ministre de l’Enseignement, Ben Weyts, lui aussi N-VA.

Des historiens flamands réputés ont fait part de leur désaccord avec cette manière d’écrire, ou de réécrire l’Histoire.

Le Belang van Limburg, lui, a dénoncé le fait que ce «canon flamand» résumait trop à ses yeux l’histoire du comté de Flandre, et un peu du duché de Brabant et du marquisat d’Anvers. Un peu à la manière dont Henri Pirenne, à la fin du XIXeme siècle, avait écrit l’histoire de… Belgique, négligeant la Wallonie. D’où le cri de Jules Destrée, dans sa Lettre au Roi, de 1912, «Ils nous ont volé notre histoire».

Le quotidien de Hasselt dénonçait le même oubli pour la province de Limbourg, dont il rappelait qu’à l’époque, les territoires qui le composent, essentiellement le comté de Looz, faisait partie de la principauté de Liège.

Le Belang van Limburg en remet une couche pour l’instant, en publiant une série d’été sur l’histoire du Limbourg.

Ce vendredi, il rappelait ainsi que Louis-Erasme Surlet de Chockier a été le premier chef d’État de la Belgique, avant le choix de Léopold Ier.

Surlet de Chockier est largement tombé dans l’oubli depuis lors. Sauf à Gingelom, une petite commune du sud de la province, non loin de Saint-Trond, dont il était châtelain, et où son buste décore toujours la Maison communale.

La série est sur le point de prendre fin. Elle enfonce un coin dans le «canon flamand». Elle rappelle surtout que les faits sont têtus. Et que vouloir les plier à une humeur politique du moment est une démarche condamnée d’avance.

Le recours de la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, contre le Liege Aiport: un coup dans l’eau!


Le recours de Zuhal Demir contre le développement du Liege Airport est contredit par un étude… commanditée par l’autorité flamande!

Que la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir, soit dévorée d’ambitions est une chose bien connue depuis longtemps: on lui a prêté, à tort ou à raison, le projet de reprendre un jour la présidence de la N-VA à son éternel titulaire, Bart De Wever. Vrai ou faux, l’avenir nous le dira. Mais ce qui est clair, c’est que Zuhal Demir entend avoir toujours raison, comme l’a encore démontré son attitude dans le récent mélodrame sur les rejets d’azote par l’agriculture, qui a plongé le gouvernement flamand dans une crise profonde, il y a quelques semaines encore. Le CD&V, par le truchement du ministre flamand de l’Agriculture, Jo Brouns, en a profité pour se profiler comme le défenseur des agriculteurs flamands. Mais ce qui s’est passé depuis lors, de l’autre côté de la frontière avec les Pays-Bas, laisse craindre aux divers partis flamands qu’un «parti paysan» se présente aux électeurs, en 2024, avec le même succès qu’outre-Moerdijk.

Ce que Zuhal Demir n’avait probablement pas prévu, c’est que le Belang van Limburg, le quotidien de référence en province de Limbourg, lui vole dans les plumes ce dernier mercredi, en révélant qu’une étude, commanditée par l’autorité flamande sur les effets environnementaux de l’aéroport du Liege Airport révèle que… le développement futur de l’aéroport liégeois sera… positif pour la Flandre!

La ministre (limbourgeoise) de l’Environnement, les douze communes qui ont formé un recours au conseil d’État contre le feu vert donné par le gouvernement wallon à l’essor futur du Liege Airport ont désormais l’air malin!

L’étude démontre, sans grande surprise, que ce sont les voisins liégeois de l’aéroport principautaire qui subissent le plus de dommages de l’activité aéroportuaire, essentiellement nocturne. C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il y a bien longtemps déjà, mais avec retard, le gouvernement wallon avait défini autour de l’aéroport un plan d’exposition au bruit, qui prévoyait diverses mesures d’accompagnement, dont l’insonorisation sonore des maisons les plus proches des pistes.

Pour l’instant, selon les cartes d’exposition au bruit publiées par le Belang van Limburg, le seuil maximal d’exposition au bruit pour les communes limbourgeoises se situe entre 45 et 50 décibels, soit, selon les normes internationales, celui qui va d’un restaurant tranquille à un bureau paisible.

Toujours selon cette carte, le dommage à 50 décibels se limite, en province de Limbourg, à «une petite partie de Tongres».

Mais l’étude se veut prospective: le développement de l’aéroport, tel qu’autorisé par le gouvernement wallon, autorise une croissance limitée du nombre de vols, d’ici à 2043, mais avec des normes de bruit plus strictes relatives aux avions eux-mêmes. Et alors, selon les projections de l’étude commandée par l’autorité flamande, il ne subsisterait en province de Limbourg que… 300 habitants exposés à un bruit supérieur à 45 décibels, soit celui d’un restaurant tranquille.

Le bruit des camions qui circulent au départ du Liege Airport a été également pris en compte: actuellement, 44 poids lourds circuleraient de nuit des Pays-Bas vers les hauteurs liégeois. «Mais là aussi, le dommage est plus sensible en région liégeoise» commente le quotidien limbourgeois.

En regard de ces normes environnementales, l’étude a aussi calculé les effets sociaux de l’aéroport de Liège sur l’économie limbourgeoise: elle les chiffre à 760 emplois bruts. Et pour les entreprises, des frais de transports moindres que si elle devait se tourner vers un autre pôle logistique. En termes financiers, cela représente de 16 à 27 millions d’euros pour 2021, mais ce chiffre «évoluera à la hausse d’ici à 2043» conclut le Belang van Limburg.

En face de ces éléments, Mark Vos, le bourgmestre de Riemst, une des communes qui a formulé un recours contre le feu vert wallon au développement du Liege Airport, a avoué au quotidien limbourgeois qu’il a allait étudier le rapport, commandé par l’autorité flamande, on le rappelle, et qu’il le transmettrait aux avocats de la commune.

Zuhal Demir, elle n’en a cure: elle persiste et signe. L’étude n’a pas été menée de façon suffisamment approfondie sur le territoire de la Région flamande, affirme-t-elle. La limitation du nombre de vols, décidée par l’autorité wallonne ne serait pas non plus correctement formulée. Zuhal Demir prétend toujours avoir raison, rappelons-le!

La position de la ministre flamingante est assez paradoxale: la N-VA dénonce les transferts, injustes à ses yeux, de la Flandre vers la Wallonie… mais elle n’a de cesse de mettre des bâtons dans les roues des projets de développement économique wallons. Pour pouvoir poursuivre son discours nationaliste, sans doute.

On ne sait si Zuhal Demir a suivi des humanités classiques. Si oui, elle devait s’y repencher. Si non, il serait urgent qu’elle s’y intéressse. Elle apprendrait que la Roche Tarpéienne est proche du Capitole. Que si «errare humanum est» (l’erreur est humaine), «perseverare diabolicum» (s’entêter dans l’erreur est diabolique). Et, pour paraphraser une expression latine célèbre, «Ius dementat quas vult perdere», Jupiter rend folles celles qu’il veut perdre. Toujours d’actualité!

Le Limbourg vent debout contre «Het Verhaal van Vlaanderen»


Est-ce la lettre d’un lecteur, évoquée dans l’article précédent de ce blog… ou la lecture de ce billet qui a suscité une réaction du Belang van Limburg? Toujours est-il que le quotidien limbourgeois est revenu, dans son édition de ce samedi, sur la saga historique de la Flandre, Het Verhaal van Vlaanderen. Pour en regretter l’absence du Limbourg. Et en dénoncer le centrage sur la Flandre-Occidentale et la Flandre-Orientale, qui formaient le cœur du comté de Flandre, mis en exergue par cette série, commanditée par le gouvernement flamand.

«On est bien d’accord, on ne peut pas tout raconter», s’indigne Frank Decat, un historien trudonnaire interrogé par le journal. «Mais tout cela n’est pas équilibré».

Et de préciser: «je n’ai ainsi rien entendu sur la ville romaine de Tongres (…) la seule ville qui existait à l’époque dans ce qui est aujourd’hui la Flandre. Rien non plus sur le Saint Empire romain (de la nation germanique) dont le Brabant et le Limbourg faisaient partie au Moyen Âge».

«C’est un retour de l’Histoire de la « Belgique à papa ». Appelez-la plutôt l’Histoire du comté de Flandre», assène l’historien trudonnaire.

L’homme connaît bien le passé de sa province. «À l’époque, il s’agissait du comté de Looz», rappelle-t-il. Avant de revenir sur le tour de passe-passe historique opéré en 1815, quand la Belgique et les Pays-Bas ont été réunis sous le sceptre de Guillaume Ier, qui voulait conserver le titre de duc de Limbourg. Celui d’un duché, incorporé, comme le comté de Looz, à la principauté de Liège, et dont le titulaire résidait «dans la petite ville de Limbourg, sur la Vesdre, dans ce qui est aujourd’hui la province de Liège. Le problème est qu’à part un village des Fourons, notre province actuelle n’a jamais fait partie de ce duché», relate Frank Dekat. De quoi souligner que… les Fourons ne sont pas limbourgeois?

Les présentateurs du Verhaal van Vlaanderen sont ainsi tombés dans le piège, en rappelant que le duc de Bourgogne, Philippe le Bon «a hérité des duchés du Brabant et du Limbourg», explique-t-il.

L’affirmation est justifiée sur le plan historique, se défendent les producteurs de la série. L’homme en convient. Mais il précise que cela peut créer la confusion chez les téléspectateurs actuels, qui pensent, à tort, que les provinces belge et néerlandaise du Limbourg faisaient partie de ce duché. La projection d’une carte de géographie d’époque aurait peut-être pu dissiper le malentendu…

Des historiens ont pourtant été associés à la conception de la série. «Exact», a confirmé Jelle Haemers, professeur à la KUL, l’université catholique flamande de Leuven. «Mais ils n’ont pas participé à la rédaction du scénario. Cela a été le travail de la maison de production. Les historiens ont du simplement répondre à des questions spécifiques».

Jan Dumolyn, qui enseigne à l’université de Gand, opine: «les critiques venues du Limbourg, dont on parle fort peu, sont justifiées. Il en va de même pour le Brabant d’ailleurs». L’historien gantois, comme nous l’avons fait dans notre précédent billet, renvoie à Henri Pirenne, dont l’histoire médiévale «s’est réduite à celle du comté de Flandre (…). Les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège» ont ainsi été réduites pratiquement à néant.

L’ennui, c’est que ce flop historique a un coût: 2,4 millions d’euros, financés par le gouvernement flamand!

«Et ce qui est regrettable, c’est que jusqu’à présent, on n’a considéré que ce qui s’est passé sur le territoire de la Flandre d’alors, pas sur ce qui est aujourd’hui la Flandre. Peut-être parce que les auteurs voulaient éviter toute forme d’anachronisme», a ajouté Jelle Haemers au Belang van Limburg.

Or, dans le cahier des charges de cette série, il est prévu qu’elle doit promouvoir l’identité de la Flandre. «Ce contre quoi les historiens ont protesté», rappelle l’historien de la KUL. «Et nous constatons aujourd’hui que cette vision sert surtout à diviser»...

La langue joue aussi un rôle, déplore Jelle Haemers: «dans les université flamandes, les histoires (du comté) de Looz et (de la principauté) de Liège ont beaucoup moins étudiées. Tandis qu’il en va tout autrement à l’université de Liège. Mais, là, il y a la barrière de la langue, même si les collègues liégeois prennent parfois la peine de faire traduire leurs recherches, ou tout au moins une partie d’entre elles». Un aveu tout de même étonnant dans le chef d’un professeur d’université, incapable, apparemment, de lire ou de se faire traduire des travaux scientifiques rédigés en français.

Le Belang van Limburg a donné aussi la parole aux réalisateurs du Verhaal van Vlaanderen.

«Notre propos était de présenter un récit clair. Là où c’était possible, nous avons nuancé. Jusqu’ici, nous nous sommes effectivement centrés sur Bruges, qui était alors la plus grande ville commerciale d’Europe de l’Ouest», plaident-ils.

«Il y a eu énormément de recherches avant cette série», poursuivent-ils, «et nous avons eu beaucoup trop de documentation. Il nous a fallu élaguer, élaguer et encore élaguer. Pour une série qui dure dix fois cinquante minutes, il faut faire des choix. Tout ce que nous disons est historiquement correct (…) Mais voyez le résultat: il y a maintenant un intérêt immense pour l’Histoire»...

Le problème, c’est que cet intérêt pour l’Histoire, dans certaines régions de Flandre, et notamment en province de Limbourg, suscite surtout une critique justifiée. Sur le fond, et donc sur la démarche.

Janvier crucial pour les Éditions de l’Avenir et pour le pluralisme de la presse quotidienne francophone belge


La fin de janvier marquera le début d’un nouvel épisode dans l’histoire tourmentée, depuis quelques années, des Éditions de l’Avenir: ainsi que son administrateur-délégué ad interim, Renaud Witmeur, l’a déclaré à la fois dans une interview et devant les administrateurs d’Enodia, à la fin décembre, Nethys va les mettre en vente.

Les Editions de l'AvenirCette opération rencontrera à la fois une demande mainte fois répétée du personnel du journal, et les exigences des parlementaires wallons: après s’être dégagée des quotidiens du sud de la France, dans des conditions qui demandent toujours à être éclaircies, et après avoir mis fin à l’expérience calamiteuse d’Ilico, un site d’info en ligne dont la finalité n’a jamais été clairement définie, la filiale de l’intercommunale Enodia, l’ex-Publifin, va se dégager de ses activités de presse en Belgique en remettant sur le marché non seulement les Éditions de l’Avenir, mais aussi L’Avenir Advertising, la société éditrice du toutes-boîtes publicitaire Proximag, et la société L’Avenir Hebdo, éditrice de Moustique et de Tele Pocket. La question qui reste en suspens est de savoir si cette vente sera globale, ou si elle se fera par appartements.

Pour autant, l’opération demande à être menée avec beaucoup de doigté, à la fois pour éviter de nouvelles pertes massives d’emplois, pour maintenir le pluralisme de la presse écrite quotidienne en Belgique francophone, et pour donner aux Éditions de l’Avenir des perspectives de développement dans un marché entamé méchamment par l’emprise publicitaire des GAFAM (Google, Amazone, Facebook, Microsoft) que le pouvoir politique européen devra tôt ou tard, et idéalement plus tôt que tard, frapper au portefeuille, en réaction à leur politique scandaleuse d’évasion fiscale.

Une vente d’entreprise s’accompagne en effet souvent de mesures de «rationalisation», comme on le dit pudiquement pour éviter la brutalité du terme «licenciements».

Le rude plan social dont les Éditions de l’Avenir viennent de sortir a durement frappé la rédaction, et sa finalité, comme nous l’avons déjà expliqué ici, n’était pas uniquement économique. Bien sûr, il s’agissait de ramener les finances de l’entreprise dans le vert, mais les licenciements ciblés auxquels l’opération a donné lieu, en dépité des démentis hypocrites exprimés par un management désormais déconsidéré, montraient bien que l’indépendance journalistique était également ciblée.

Ce plan social exécuté, d’autres rationalisations étaient envisagées, qui allaient frapper les secteurs administratif et commercial: des regroupements à Liège, siège de Nethys, étaient planifiés, et des emplois, inévitablement, allaient être sacrifiés dans l’opération.

Une vente des Éditions de l’Avenir, à quelque repreneur que ce soit, s’il s’agit d’un des deux autres groupes de presse quotidienne en Belgique francophone, débouchera inévitablement sur de tels doubles emplois. Ce n’est pas forcément le seul scénario envisageable: il y a cinq ans, personne n’attendait Tecteo dans un secteur, auquel d’autres investisseurs, belges ou étrangers, pourraient s’intéresser.

Mais restons dans l’hypothèse de reprise belgo-belge, sous forme de regroupement au sein du paysage médiatique francophone. Et  si c’est un repreneur plutôt que l’autre qui décroche la timbale, c’est sans doute à un bain de sang social qu’il faut s’attendre, dont non seulement les services administratif et commercial feront les frais, mais également la rédaction, à nouveau. Car la reprise postulera la fermeture immédiate ou à court terme de certaines des éditions régionales du groupe.

Un autre scénario de reprise se traduirait par des pertes d’emplois plus limitées, qui ne nécessiteraient pas nécessairement un plan social en tant que tel, et sur le papier, il présente l’avantage d’ancrer le pluralisme de la presse quotidienne francophone en Belgique, en favorisant sa recomposition en deux groupes de force plus ou moins égale. Mais le tableau n’est pas aussi idyllique qu’il en a l’air.

Il pose tout d’abord la question de la pérennité financière du nouvel ensemble ainsi créé, par l’adjonction au repreneur de partenaires financiers privés, qui en attendront peut-être un retour sur investissement rapide. Et il pose, malgré tout aussi, mais en termes différents, la question du pluralisme de la presse. Car la pratique qui existe déjà en son sein est celle d’un partage large d’informations, politiques économiques ou sportives, qui fait que deux quotidiens que tout séparait au départ ne s’expriment désormais plus que d’une seule voix.

CorelioUn parallèle vécu personnellement illustre le propos. Il y a quelques années, pour traiter de la politique aéroportuaire et du transport aérien, il y avait quelques journalistes spécialisés en Flandre, dont l’un travaillait pour le Nieuwsblad, au sein du groupe Corelio, dont faisaient partie à l’époque les Éditions de l’Avenir.

De l’eau a depuis lors passé sous les ponts de l’Escaut et de la Meuse. Corelio a revendu les Éditions de l’Avenir à Tecteo en 2013, et s’est mué en Mediahuis, qui regroupe le Standaard, le Nieuwsblad, la Gazet van Antwerpen, et le Belang van Limburg. Le confrère est resté, d’autres ont été sacrifiés dans l’opération. Et par la suite, ses articles ont non seulement été publiés dans les quotidiens jumelés, le Standaard et le Nieuwsblad, mais aussi dans les quotidiens anversois et limbourgeois. Selon son inspiration, ses préférences, ou ses convictions, son opinion sur quelque problème que ce soit, a ainsi prévalu dans la moitié de la presse néerlandophone. Sans que plus aucun débat ne s’y ouvre, par exemple sur le survol de la zone du canal à Bruxelles, sur le développement de Ryanair à Bruxelles-National, ou sur l’intégration de Brussels Airlines dans la Lufthansa.

Voilà les risques liés à la vente des Éditions de l’Avenir à la fin de ce mois. Une vente qu’il faudra donc entourer de garde-fous, pour limiter les impacts à la fois sur l’emploi, et sur le pluralisme de la presse.

Un contrefeu classique, dans le cas d’un rapprochement entre journaux complémentaires, pourrait être dans la conception de rédactions transversales, sportive, économique, culturelle, politique, sociale, etc. Des sujets pourraient être plus richement couverts par des rédactions ainsi renforcées, avec, selon le cas, des articles différents selon les titres qui s’adressent à des publics différents, ou, dans un nombre limité de cas, des articles identiques déclinés dans différents journaux. L’objection à pareille mise en place sera vraisemblablement économique, mais la résistance la plus importante sera plus probablement psychologique: elle obligera à faire travailler ensemble des journalistes qui ne sont pas jusqu’ici vraiment concurrents, mais qui travaillent dans des quotidiens à la personnalité marquée, et à qui il faudra apprendre à vivre et à penser en commun.

Une autre recette plus ancienne consiste en la création d’une Fondation, chargée de défendre l’esprit d’un quotidien.

La référence classique, en Belgique, est la Fondation Hoste, côté flamand, qui veille à ce que les développements du Laatste Nieuws respectent les idéaux libéraux des fondateurs. Pareille tâche est évidemment plus aisée dans un contexte d’expansion, où le quotidien qu’elle protège, joue un rôle moteur. Dans un contexte défensif, où des impératifs économiques seront opposés à toute velléité de défendre un périmètre maximal, elle risque très vite de faire long feu.

L’étude McKinsey, commandée en son temps par l’ancien ministre wallon de l’Économie et communautaire des Médias Jean-Claude Marcourt, aujourd’hui président malgré lui du Parlement wallon, ne peut non plus être ignorée. Le document recommandait une mutualisation des moyens pour l’ensemble des quotidiens francophones de Belgique. Le centre d’impression de Rossel à Nivelles, où sont déjà imprimés les quotidiens du groupe L’Avenir, pourrait jouer ce rôle… pourvu qu’il puisse assurer l’ensemble des tirages, alors qu’il est déjà au bord de la saturation. Et surtout qu’il sorte du giron du groupe de presse actuellement dominant en Belgique francophone.

Reste la solution originale, à laquelle le personnel des Éditions de l’Avenir s’est attelé depuis plusieurs mois: celle d’une coopérative associant ce personnel aux lecteurs du quotidien, à des investisseurs locaux ou régionaux, et à des spécialistes des médias.

Les administrateurs d’Enodia et de Nethys ont déjà convenu de donner un rôle crucial à cette coopérative dans un processus de vente qui, par là même, sortira des schémas classiques. Le personnel politique lui-même, et notamment la nouvelle ministre communautaire des Médias, a manifesté son intérêt pour une initiative qui, pour ancienne qu’elle soit par sa forme, ouvre peut-être une voie nouvelle pour assurer l’avenir de la presse écrite quotidienne en Belgique francophone. Et surtout pour lui permettre d’explorer de nouvelles pistes de développement.

Pour la découvrir: https://www.notreavenir.coop/devenir-cooperateur/ Tous les soutiens sont utiles. Dès la part de base, à 50 euros. La contribution requiert un effort, certes. Mais, au regard d’autres dépenses, elle reste bien modeste, non?

Un centre d’impression de journaux rentablisé… au détriment de l’info et de l’environnement


Depuis quelques mois, les journaux du groupe qui (air connu) m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût sont donc imprimés sur les rotatives du centre d’impression du groupe Rossel à Nivelles. Situation paradoxale qui voit ainsi des journaux concurrents imprimés au même endroit, mais jusqu’à présent, les craintes que la rédaction de «L’Avenir» avait exprimées, de voir cet accord technique, après des accords publicitaires, préfigurer des échanges rédactionnels ne se sont heureusement pas (encore?) matérialisées.

Journaux belges francophones

Mieux, le choix du format berlinois qui avait été annoncé par la direction a finalement été abandonné au profit du demi-berlinois, plébiscité par les lecteurs, qui se sont tous montrés satisfaits de ce revirement (dont de nombreux intervenants s’attribuent la paternité, avec une certaine suffisance…) et c’est tant mieux.

Mais, comment dire, le partage de ce centre d’impression, qui était déjà au bord de la saturation avant qu’il accueille la production des journaux des Éditions de l’Avenir, ne va pas sans inconvénients que n’avait nullement prévu le rapport McKinsey réclamé par Jean-Claude Marcourt, ministre PS communautaire des Médias, au début de son mandat. De quoi, soit dit au passage, démontrer une fois de plus que l’omniscience des consultants n’est qu’un mythe.

Ce regroupement a en effet eu effet de réduire singulièrement les heures de bouclage (entendez: les heures ultimes où on peut rentrer les toutes dernières informations) non seulement des journaux du groupe «L’Avenir», mais aussi de ceux du groupe Sud-Presse et du «Soir», où, en tout cas pour certaines éditions, l’heure limite a ainsi été «rabotée», nous dit-on, d’une heure à une heure et demie. En clair, donc, c’est l’offre d’informations de toute une série de journaux francophones qui est réduite chaque matin, afin de permettre à chaque lecteur de recevoir son quotidien dans sa boîte à lettres, ce qui n’est pas évident pour tous, ainsi qu’on va le voir.

La seule exception, relative, se produit lors de soirée sportives, où la compétition belge permet un tirage légèrement plus tardif, mais au prix, en tout cas pour les journaux du groupe «L’Avenir» d’un regroupement d’éditions, très diversement accepté par les lecteurs.

Tous les lecteurs des journaux imprimés à Nivelles ne sont par ailleurs pas logés à la même enseigne: depuis la mi-décembre, les abonnés fouronnais de l’édition de la Basse-Meuse de «La Meuse» ne se voient plus servir chaque jour leur quotidien favori dès potron-minet. Et leurs récriminations n’arrivent pas vraiment à faire changer les choses.

C’est que, transfert (toujours contesté) des Fourons dans la province de Limbourg en 1962 n’aidant en l’occurrence pas, les quotidiens des groupes Sud-Presse et Rossel destinés à ces irréductibles Francophones doivent en effet être transportés par la route de Nivelles à Paal (Beringen), où les quotidiens du groupe Mediahuis, dont fait partie le groupe Concentra, éditeur du Belang van Limburg, est prié de les joindre aux colis de journaux du quotidien phare de la province de Limbourg destiné à la vallée du Foron ou de la Voer, selon le clan linguistique auquel on appartient. Alors, arrivée régulièrement tardive du coursier nivellois, ou relative mauvaise volonté du distributeur? Les lecteurs de l’édition de la Basse-Meuse de «La Meuse» font en tout cas régulièrement l’amère expérience d’un service déficient. L’arrivée à… la fin de cette année d’une plieuse supplémentaire au centre d’impression de Nivelles résoudra-t-elle leur problème ? Personnellement je ne crois hélas plus au père Noël. Et le transit des journaux par Paal restera d’actualité.

Offre d’informations réduite, quotidiens non servis: le regroupement à Nivelles de l’impression des quotidiens des Éditions de l’Avenir, de Sud-Presse et du groupe Rossel a aussi des retombées écologiques négatives. Car pour faire place aux journaux du groupe «L’Avenir» dans un centre d’impression déjà au bord de la saturation, les dirigeants du groupe Rossel ont pris, au début décembre, la décision de leur faire place, en transférant l’impression de L’Echo, et du Grenz Echo, quotidiens dont Rossel est l’actionnaire à 50% du premier, et unique du second, à… Lokeren. Ce qui veut dire que, chaque jour, l’impression du seul quotidien germanophone se fait cinquante kilomètres plus loin, encore, de la capitale de la Communauté du même nom, qu’auparavant!

On avouera qu’en termes d’efficacité, mais aussi en termes de lutte contre le réchauffement climatique, à l’heure où des jeunes manifestent de semaine en semaine pour exprimer leur inquiétude à ce propos, il y a là un très mauvais exemple!

Décidément, la rédaction des Éditions de l’Avenir avait tout juste, quand elle réclamait l’impression des quotidiens du groupe à Charleroi, à un jet de journal de Namur. Là comme ailleurs, son actionnaire, décidément bien souvent mal embouché, aurait eu intérêt à écouter ses journalistes…