La flibuste sociale lourdement sanctionnée


La lecture du dernier numéro du mensuel de l’AJP, « Journalistes », m’a été particulièrement agréable, ce matin: le jugement rendu le 20 juin dernier par le tribunal du travail de Bruxelles, dans l’affaire qui opposait trois anciennes journalistes, ainsi que l’ancienne rédactrice en chef du «Vif-L’Express» y est beaucoup plus largement détaillé que dans la dépêche d’agence qui, à l’époque, avait communiqué la nouvelle essentielle: le groupe Roularta, dont le site Web affiche l’orgueilleuse façade, a été condamné à verser plus de 250000 euros d’indemnités aux plaignantes.

La manière brutale dont les journalistes avaient été licenciées avait déjà été évoquée ici (voir nos billets du 24 janvier et du 16 février 2009). Leur ton avait peut-être choqué certains visiteurs? Le tribunal du travail de Bruxelles a dénoncé, dans le chef de Roularta, un « exercice du droit de licenciement (…) qui dépasse manifestement les limites de l’exercice normal que ferait de ce droit un employeur prudent et diligent ». La direction du « Vif » a agi, a dit le tribunal bruxellois, « avec une légèreté coupable et un manque de considération » à l’égard de journalistes « qui n’avaient jamais démérité ».

Qui mieux est, le tribunal du travail dénonce une carte blanche publiée à l’époque par Amid Faljaoui, directeur des publications de Roularta, en réponse à une carte blanche rédigée par l’AJP et par sept professeurs de journalisme sous le titre « Un journalisme mis au pas ». Celui que nous avons qualifié à l’époque de « contremaître appliqué en matière de déni du dialogue social » a, dénonce le jugement, « en accusant publiquement les personnes licenciées notamment de prise d’otage éditoriale, de problèmes en interne de gestion, (de détérioration) de l’ambiance de travail et (de problèmes) d’éthique, (…) porté atteinte de manière incontestable », par ces « propos superflus (…) et inutilement blessants »  à « l’honorabilité professionnelle » des journalistes licenciées. D’autant, relève le juge, que « les reproches énoncés ne sont étayés par aucune pièce du dossier du Vif ».

Dans le style direct du gauche, direct du droit, et KO, on a rarement vu un jugement aussi cinglant! De quoi conforter la position prise, à l’époque, par l’Association des Journalistes Professionnels et par toutes celles et tous ceux qui s’étaient rangés aux côtés des journalistes licenciées. De quoi aussi tacher de manière indélébile la façade clinquante du groupe Roularta, et écorner sérieusement la réputation professionelle sans mesure avec son talent réel de M. Amid Faljaoui qui, pour rappel, ne gère les rédactions que derrière le paravent fiscalement avantageux d’une société.

Les lecteurs du « Vif », eux, n’auront pas vraiment été informés de ce jugement. S’en étonnera-t-on vraiment? Depuis l’éviction des journalistes concernées, et les départs qui ont suivi (hasard ou non? Tou(te)s les lauréat(e)s des prix Dexia de presse ont été exfiltrés de cette rédaction, qui n’a récupéré dans l’autre sens que deux signatures crédibles) le ton de l’hebdomadaire s’est singulièrement affadi. L’affaire lui avait déjà coûté un sérieux recul de ses ventes; la facture, désormais, s’est alourdie de plus de 250000 euros. Bravo M. De Nolf, bravo M. Faljaoui: les actionnaires de Roularta apprécieront la rigueur de votre gestion sociale!