C’était le temps où tout le monde pouvait aller admirer Beckenbauer, Maier, Müller et les autres


Le décès de Franz Beckenbauer, le 7 janvier dernier, a été largement commenté dans la presse. On a tout dit du «Kaiser», de sa performance comme joueur de club puis comme entraîneur vainqueurs tous deux de la Coupe d’Europe des clubs champions, comme on disait à l’époque. De son élégance dans son rôle de libero du Bayern de Munich et de l’équipe nationale allemande, championne du monde chez elle, et à Munich par surcroît, en 1974, face à l’armade hollandaise apparemment invincible emmenée par Johan Cruyff, lui aussi disparu.

Personnellement, cela m’a rappelé la soirée du 15 mai 1974, au stade du Heysel, qui ne s’appelait pas alors encore le stade Roi Baudouin. C’est là que se retrouvaient face à face le Bayern, qui paraissait irrésistible avec notamment son «Bomber», Gerd Müller, la terreur des défenses, face à l’Atletico Madrid, qui atteignait, sauf erreur de ma part, pour la première fois la finale de la coupe «aux grandes oreilles» que son rival madrilène, le Real, avait déjà ramenée quelques fois dans la capitale espagnole.

Pourquoi ce souvenir? Parce que, jeune étudiant, j’étais dans une tribune où supporters bavarois et madrilènes se côtoyaient, se chambraient, mais où nulle agressivité ne transpirait.

Si j’avais pu assister à cette rencontre, et enfin voir de mes yeux les vedettes bavaroises que je n’avais jamais suivie jusque-là que sur le petit écran, c’est forcément parce que le prix des places, pour cette finale, était accessible même pour l’étudiant désargenté que j’étais alors. Peut-être avais-je dû épargner quelque temps pour m’offrir le ticket d’entrée, mais l’épreuve, manifestement, n’avait pas été trop dure à digérer.

Autre circonstance, inimaginable aujourd’hui: j’avais pu acheter mon billet aux guichets du Heysel, sans devoir déclarer si j’étais un supporter du Bayern ou de l’Atletico. Quand bien même j’avais bricolé un petit blason, attaché à mon blouson, dans lequel le supporter du RFC Liégeois que je suis toujours, saluait le Bayern de Munich…

Comme d’autres, j’attendais le rouleau compresseur bavarois… qui ne s’est pas mis en marche ce soir-là. Pire, au terme d’un 0-0 enregistré à la fin des 90 minutes (sans que je ne pense à dire à l’époque qu’«un score inverse eût mieux reflété la physionomie de la partie» comme aime à le répéter un de mes vieux potes), et une première prolongation terminée sur le même score nul et vierge, un but de Luis Aragonès, le futur sélectionneur de la «Roja», inscrit à la 114eme minute, provoquait l’effondrement des supporters bavarois, tandis que les aficionados de l’Atletico sortaient leur gourde de vin et le faisaient couler de manière à la fois typique et abondante.

Le rush final des Bavarois semblait vain, tant la défense des Madrilènes tenait le coup. L’arbitre de la rencontre se préparait déjà à siffler les trois coups fatidiques, pour mettre fin à la partie, quand Hans-Georg Schwarzenbeck, alias Katsche, le stoppeur de l’équipe du Bayern, franchissait la ligne médiane, s’avançait, et, des 25 mètres, frappait comme un bœuf le ballon… qui pénétrait dans le but adverse au ras du montant.

J’ignore si Schwarzenbeck, soldat de l’ombre par excellence, dont la rigueur extrême a notamment aidé Franz Beckenbauer à jouer son rôle de libero offensif, a inscrit beaucoup de buts dans sa carrière. Mais celui-là, inscrit à Bruxelles, le 15 mai 1974, a sauvé son club de l’humiliaton!

Aujourd’hui, on s’en remettrait à la loterie des coups de réparation. Mais alors, le nombre de rencontres imposées aux grandes vedettes du ballon rond était beaucoup moins important qu’aujourd’hui. Et la finale… s’est rejouée le surlendemain.

Celle-là, hélas, je ne l’ai pas suivie dans les tribunes du stade, mais devant l’écran de la télévision. Et là, le Bayern s’est retrouvé pour écraser l’Atletico Madrid (4-0) et conquérir la première de ses trois coupes d’Europe des clubs champions.

Dans l’équipe du Bayern, championne d’Europe lors de son «replay» bruxellois, une majorité très large de joueurs allemands, et même bavarois…

Bien sûr, déjà à l’époque, les clubs les plus riches dominaient déjà la scène européenne. Mais il n’empêche, dans cette équipe du Bayern championne d’Europe, l’immense majorité des joueurs étaient allemands et même bavarois.

Aujourd’hui, la finance folle domine et corrompt le football européen et le football mondial. Il n’est plus possible au spectateur lambda d’acquérir un billet pour une finale de coupe d’Europe, encore moins d’aller acheter son ticket d’entrée aux guichets du stade. Et la condition sine qua non pour obtenir ce précieux sésame, c’est de déclarer quel club on soutient.

Par le principe même du ruissellement, les mêmes règles valent pour les compétitions belges, que ce soit en première, en seconde divisions (désolé d’utiliser ces termes vieillots, je me refuse à nommer les «parrains» de ces compétitions) et même dans les divisions inférieures.

Quant aux journalistes sportifs, un genre journalistique auquel j’ai goûté, il y a une quarantaine d’années, leur rôle se réduit de plus en faire-valoir, dès lors que le choix des joueurs qu’ils peuvent interviewer après les rencontres leur est désormais dicté par les clubs.

On a beau dire que la République est toujours plus belle sous l’Empire, on ne m’empêchera pas de penser que la dérive du football au plus haut niveau finira par tuer le football lui-même…

Le football belge scie la branche sur laquelle il est mal assis


La plainte de l’Excelsior Virton contre la licence accordée au SKLommel ébranlera-t-elle le football européen, voire mondial, à l’instar de l’action entreprise, il y a plus de trois décennies, par un joueur belge inconnu sur le plan international, Jean-Marc Bosman, qui a mis par terre l’enchaînement des footballeurs à leur club? Bien malin qui pourrait le dire, car le bras-de-fer engagé par le club gaumais est gigantesque, en ceci qu’il vise des clubs européens de premier plan comme le Paris Saint-Germain, ou Manchester City? Et puis, dans une affaire qui oppose un club wallon à un club flamand, il ne faut pas être grand clerc pour deviner dans quel sens pencheront et l’Union belge et la Ligue professionnelle, dont le directeur, faut-il encore le rappeler, est l’ancien président de la N-VA…

Il n’empêche, les Virtonais ont de quoi faire réfléchir les juges, sinon belges, du moins européens puisqu’ils annoncent déjà, s’ils étaient déboutés, qu’ils s’adresseraient à la Cour de Justice de l’Union Européenne, qui a son siège à Luxembourg. Au moins, si leur dossier y aboutit, ne seront-ils pas astreints à un très long déplacement.

C’est là que le parallèle avec le dossier Bosman prend toute sa dimension, car à l’époque, c’est à la fois à la non-conformité du système de transferts en vigueur avec les règles européennes sur la libre circulation des travailleurs et à la pseudo-autonomie juridique des fédérations sportives que les avocats du joueur liégeois s’étaient attaqués. Avec, en apparence, aussi peu de chances de s’imposer que l’Excelsior Virton aujourd’hui.

Nous avons déjà eu l’occasion, dans ce bloc, d’épingler la main-mise sur le football mondial, sur le football européen, et donc sur le football belge, par des pouvoir qui n’ont rien de sportifs, et qui pèsent sur des décisions sportives.

C’est ainsi que le Paris-Saint-Germain est passé sous pavillon qatari, pas pour le pire mais pas non plus pour le meilleur, dans la foulée du soutien de la France à l’attribution au Qatar du récent Mondial qui a couronné l’Argentine.

L’émirat n’est certainement pas le seul à pratiquer de la sorte: ce sont les Émirats Arabes Unis qui contrôlent Manchester City, et l’Arabie Saoudite Newscastle. L’oligarque russe Roman Abramovich avait acquis Chelsea avant de le céder au groupe du milliardaire américain Todd Boelhy, par suite de la guerre en Ukraine.

La situation en Belgique n’est pas plus rose: si le Club Brugeois, Anderlecht, le Sporting de Charleroi, Malins, le RC Genk, ou La Gantoise et l’Antwerp restent contrôlés par des propriétaires belges plus ou moins fortunés, l’AS Eupen est toujours financée, elle aussi, par le Qatar (qui semble toutefois se retirer progressivement du club); le Standard de Liège est aux mains d’un consortium international, 777 Partners, qui achète des équipes de football dans le monde entier; le Cercle de Bruges est un satellite de l’AS Monaco. Courtrai est propriété d’un milliardaire malaisien qui possède déjà Cardiff City et le FK Sarajevo; et Saint-Trond est aux mains d’une entreprise japonaise d’e-commerce.

Westerlo, pour sa part, est sous la coupe d’un entrepreneur turc, dont l’usine, installée au Soudan, produit du matériel militaire. Le KV Ostende, relégué à l’issue de la présente saison, est toujours, mais pour combien de temps encore, dans le giron du Pacific Media Club, lui aussi spécialisé dans l’achat de clubs de football. Le partenariat entre le FC Seraing et le FC Metz n’a pas empêché le club liégeois, lui aussi, de basculer en seconde division.

Pour l’Union Saint-Gilloise, le partenariat avec Brighton & Hove-Albion est, depuis quelques années, marqué du sceau de la réussite, mais là aussi, il y a le risque qu’un jour, le propriétaire du club britannique change d’humeur.

Visé par la plainte de l’Excelsior Virton, leSK Lommel, lui, fait patrie du City Football Gropup,et reçoit donc des fonds d’Abu Dhabi. De quoi violer les règles en matière de concurrence, souligne le club gaumais, avec une pertinence apparente.

Les Allemands, eux, ont depuis longtemps réglé le problème: leurs clubs doivent avoir des propriétaires majoritairement allemands. Cela n’empêche pas le Bayern de Munich d’être champion pratiquement avant que le championnat ne débute. Mais au moins, cela évite-t-il, en principe, des écroulement sspectactulaires.

Retour au football dans notre petite terre d’héroïsme. Un football pas très ragoutant, si on se rappelle les magouilles mises au jour par notre ancien confrère Thierry Luthers, qui avouait n’avoir pu les dévoiler que parce qu’il arrivait en fin de carrière.

Les dossiers de corruption ainsi établis, et confirmés par les aveux d’un repenti n’ont rien changé: la plupart d’entre eux se sont terminés par des transactions financières (ben, tiens), et on peut supposer qu’en coulisses, bien peu de choses ont changé. Une preuve? La finale de la coupe de Belgique se joue toujours avant la fin du championnat. Manière de favoriser tous les arrangements pour la distribution des tickets européens…

Cette année, le nombre de clubs plus haut niveau de notre football va se réduire, et la deuxième division, que je me refuse à baptiser du nom publicitaire qu’on lui donne, sera renforcée.

De quoi renforcer nos clubs? Soyons sérieux, là n’est pas le propos! Nous ne serions que moyennement étonnés si les «play-offs», qui étonne tous les observateurs étrangers, résistaient encore longtemps à l’absence, cette année, du Standard et d’Anderlecht dans le dernier carré.

Surtout, il faudrait se rendre compte que le nombre de clubs professionnels est trop élevé en Belgique, et que la manière dont le football professionnel étouffe le football amateur ne fera qu’amplifier le marasme.

Passons rapidement sur la désaffection du public autour des terrains de toutes les séries provinciales: qui voudrait aller voir se disputer une rencontre sous la pluie et dans le froid, un dimanche après-midi, alors que la télévision payante offre deux rencontres de la pseudo-élite de notre football, tranquilles, au coin du feu?

Et puis il y a ces règles absurdes pour empêcher des clubs amateurs de damer le pion à des clubs professionnels.

Encore un champion qui ne peut pas monter: le FC Warnant en division II amateur. Le cinquième ou le sixième classé le remplacera. En dépit de toute logique sportive!

Pas question, par exemple, d’obliger, dans le cadre de la coupe de Belgique, le club le plus haut classé d’aller disputer un match éliminatoire sur le terrain du club le plus modeste. La formule marche bien en Franche, mais chez nous, pas question d’autoriser un club amateur à atteindre le stade des quarts, voire des demi-finales!

Et puis il y a cette règle absurde qui empêche un club amateur de monter, même s’il est champion, et respecte les règles éthiques.

Il y a un an, j’épinglais le cas du RFC Liégeois, champion de sa série, mais empêché de monter dans un absurde tour final à quatre, avec trois équipes flamandes dont deux n’avaient pas le sésame indispensable pour atteindre la division Ib.

Cette année, le club de Warnant a été sacré largement champion de division II amateur, devant des clubs nettement plus huppés, qui n’ont pas manqué de dénigrer et ses installations et ses «paysans» de joueurs, car en Hesbaye évidemment, il n’y a que des bouseux.

Tout cela n’a pas empêché les «Verts» de s’emparer du titre, pour le plus grand plaisir de leur président-mécène depuis plus de 30 ans, mais ils ne monteront pas. À la fois parce que ce président ne peut se permettre d’engager un nombre requis de footballeurs professionnels. Et aussi parce que le terrain du club pourrait être trop étroit de quelques mètres.

Les joueurs du FC Warnant garderont en mémoire ce titre gagné de haute lutte, mais le promu sera un club classé… en cinquième ou sixième position. Plus professionnel, sur papier du moins.

À force de continuer à scier la branche sur laquelle il est assis, en étouffant le football amateur, le football professionnel belge ne se ménage pas un bel avenir.

Une génération dorée comme celle qui passe la main au niveau national ne sera plus là pour masquer cette vérité.

Le PSG et le Bayern sacrés sans gloire le même jour


Les «ultras» du PSG sont sortis du Parc des Princes pour fêter leur titre, tout en critiquant leurs joueurs et les dirigeants du club

Deux championnats européens de football ont connu leur épilogue le même jour, ce samedi: en Allemagne, le Bayern de Munich, en disposant de son dernier rival, le Borussia Dortmund (3-1) a assuré son trente-deuxième titre, et son dixième sacre d’affilée, tandis qu’au Parc des Princes, à Paris, le Paris Saint-Germain conquérait son dixième titre, égalant ainsi le record établi en 1981 par l’AS Saint-Étienne, l’équipe mythique des «Verts».

Si les supporters bavarois ont fêté l’événement dans l’«Allianz Arena» – rebaptisée en Allemagne «Arroganz Arena» par toutes celles et tous deux qu’insupporte cette domination sans partage du club munichois – à Paris, c’est par un petit nul médiocre contre le RC Lens que les protégés de Maurizio Pocchetino se sont mis à l’abri de tout retour d’un adversaire. Et au moment du but égalisateur des Nordistes, les «ultras» du PSG avaient déjà déserté le stade, pour aller saluer le sacre en-dehors du Parc des Princes. Une manière pour eux d’exprimer leur mécontentement tant à l’égard des joueurs que de la direction qatarie du club de la capitale française.

Un de leurs attaquants vedettes (???), Neymar, les a critiqués pour leur réaction. Et pourtant, même si les membres des clubs «ultras» des différents clubs de la planète foot ne brillent pas nécessairement par leur intelligence, on doit dire que, là, une fois de plus, la vox populi a eu raison.

D’abord parce que fêter un titre après un petit match nul contre une formation montant de Ligue II, même si elle reste sur une remarquable saison, n’a rien de très glorieux. Surtout pour un club aux moyens tellement disproportionnés face à la concurrence, que, hors accident l’une ou l’autre année, comme l’AS Monaco en 2017 ou le LOSC (Lille), l’an dernier, personne, en France, ne peut plus rêver du titre.

Champions d’Allemagne, oui, mais balayés en Ligue des Champions

Et puis parce que le Paris Saint-Germain avait construit une équipe pour, pensaient ses dirigeants, enfin décrocher la Ligue des Champions. Et les supporters, dont les «ultras» y croyaient. Et patatras, une fois de plus, le rêve parisien s’est fracassé en huitièmes de finale de l’épreuve, à la faveur de la remontada du Real Madrid au stade Santiago Bernabeu.

Unay Emery, viré à Paris, victorieux à Villareal

Les sympathisants du Bayern feraient bien d’y réfléchir en Bavière. Car si leurs favoris ont à nouveau écrasé la concurrence pour coiffer les lauriers pour la dixième fois d’affilée, là aussi, ils n’ont aucun mérite, puisque les moyens du club sont nettement supérieurs à ceux de tous leurs concurrents. Mais là aussi, la Ligue des Champions s’est conclue sur un flop, avec une élimination sans gloire, à Munich même, face aux Espagnols de Villareal, entraînés par Unay Emery, un ancien entraîneur du PSG, limogé il y a quelques années pour… n’avoir pas remporté la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Ces éliminations précoces de deux clubs qui règnent sans partage sur leur compétition nationale n’est peut-être par le fruit du hasard. Car à force de disputer chez eux des rencontres qu’ils finissent toujours par l’emporter, sans devoir nécessairement forcer leur talent, leurs joueurs finissent forcément par «coincer» lorsqu’ils doivent aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, lors de confrontations avec des adversaires de haut niveau.

Il y a des exceptions, bien sûr. Comme quand le Bayern de Munich a battu… le PSG en finale de la Ligue des Champions. Mais globalement, c’est l’émulation qui amène dans le dernier carré des compétitions européennes des clubs qui, dans leur championnat national, font face à la plus rude concurrence.

En tout cas, cette année, la compétition continentale se résume à des duels hispano-britanniques. Car tant en Espagne qu’au Royaume-Uni, le championnat national continue à faire l’objet d’une lutte acharnée. Entre clubs hyper-friqués, là aussi. Car l’argent, qu’ils viennent des oligarques russes ou des pétromonarchies, se porte toujours là où il peut rapporter le plus.

Chelsea subit les sanctions infligées à Roman Abramovitch et aux autres oligarques russes

À la longue, le modèle va forcément s’user et la bulle risque d’éclater. Car quel intérêt représente encore une compétition nationale dont le vainqueur est déjà connu au coup d’envoi?

Tôt ou tard, les télévisions vont se détourner de ces compétitions dévaluées. Et la manne financière se réduira, précipitant peut-être sans les abîmes certains des clubs-stars de notre époque. Peut-être pas en Allemagne, où le règlement impose une présence majoritaire de propriétaires allemands dans les clubs. Mais les problèmes qui attendent Chelsea, par exemple, dont le propriétaire actuel, Roman Abramovitch, subit les sanctions mondiales qui frappent les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont là pour montrer la base mouvante sur laquelle ces clubs reposent.

Thomas Tuchel, viré au PSG, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea…

Chelsea qui, soit dit au passage, a remporté la Ligue des Champions l’an dernier sous la conduite de Thomas Tuchel, un entraîneur viré par le PSG parce qu’il n’avait pas réussi à lui faire conquérir la coupe aux longues oreilles…

Cette dérive illustre parfaitement la déchéance d’un football gangrené par le fric, comme l’ont démontré les enquêtes réalisées en Belgique dans des dossiers de corruption et de fraude fiscale à grande échelle, décelés dans le monde du football professionnel. Ou les procès à venir qui attendent, en Suisse, Sepp Blatter, ancien président de la FIFA et Michel Platini, ex-président de l’UEFA, qui tous deux, bénéficient de la présomption d’innocence, mais qui n’en devront pas moins s’expliquer sur des transferts d’argent suspects.

On attend, maintenant que la Justice fasse son œuvre à tous les niveaux, ce qui est loin d’être gagné d’avance, tant les dossiers financiers sont complexes à dénouer, et tant les magistrats spécialisés sont peu nombreux dans les divers pays européens.

Certes, l’argent domine le football depuis longtemps. Au début des années 1960, le Real Madrid, avec l’appui du pouvoir franquiste, dominait le football espagnol et le football européen. Et la tendance à idéaliser le passé ne date pas d’hier: comme disaient déjà les Romains, la République n’était jamais aussi belle que sous l’Empire.

Il n’empêche, les écarts, à l’époque, n’étaient pas aussi flagrants qu’aujourd’hui. Et les clubs se succédaient à la tête du football européen: après le Real, il y eut l’Ajax Amsterdam magique du début des années 1970, avec… une quasi-exclusivité de joueurs néerlandais de grand talent (Johan Cruyff; Ruud Krol, Johan Neeskens, Arie Haan, etc.). Puis le Bayern de Munich qui alignait presque exclusivement des joueurs bavarois (Sepp Mayer; Franz Beckenbauer; Georg Schwarzenbeck; Paul Breitner; Gerd Müller etc..).

Les «Verts» ont marqué leur décennie

L’AS Saint-Étienne, qui a échoué d’un rien dans la conquête de la coupe d’Europe des clubs champions, a fait alors chanter «Allez les Verts» par toute l’Europe. Et si cette équipe mythique, entraînée par Robert Herbin alignait Curkovic dans le but, et Piazza en arrière central, elle y ajoutait les Gérard Janvion, Jean-Michel Larqué, Dominique Rocheteau («L’ange vert»), et autres Hervé et Patrick Revelli, le goléador à la moustache gauloise.

Conduite par Guy Roux, l’AJ Auxerre a fait la nique aux grosses cylindrées françaises

Et, de temps à autre, des petits Poucet venaient bousculer les hiérarchies les mieux établies.

En France, l’AJ Auxerre, en 1996, sous la conduite de son mentor bourguignon, Guy Roux, coiffait les lauriers, à la surprise générale.

Chez nous, on se souvient de l’élimination, en 1983, du Paris Saint-Germain par un Waterschei THOR qui allait peu après être la victime principale de l’affaire de corruption entourant le match entre le Standard de Liège de Roger Petit et de Raymond Goethals, face à la même équipe limbourgeoise. Ou, en 1972, celle du grand Leeds par le Lierse, net vainqueur, à Elland Road (0-4) face à… l’équipe réserve du club anglais, trop confiant après sa victoire à l’aller à la chaussée du Lisp.

On se rappelle aussi l’élimination, en 1979, du grand Inter de Milan par le SK Beveren, en quarts de finale de la coupe des vainqueurs de coupe: arrivant sur place, les joueurs italiens avaient cru que le Freethiel, où il allaient connaître leur Bérézina, était le… stade d’entraînement de leur adversaire. Au tour suivant, en demi-finales, les coéquipiers du jeune Jean-Marie Pfaff ne pourront rien face au FC Barcelone, futur vainqueur de l’épreuve.

On n’oubliera pas la finale de la coupe des vainqueurs de coupe, perdue en 1981 par le Standard de Liège au Camp Nou, face à… Barcelone, dans des circonstances qui suscitent toujours la controverse. Ni la victoire du Club Brugeois contre Liverpool, en finale de la coupe de l’UEFA en 1976, puis sa défaite, en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, contre le même club, en 1978. Et les victoires du Sporting d’Anderlecht en finales de la coupe des coupes, en 1975, face à West Ham, et en 1978, devant l’Austria de Vienne, et de la coupe de l’UEFA, en 1983, face à Benfica.

Aujourd’hui, plus aucun club belge ne peut envisager une victoire européenne. Ni aucun club néerlandais, polonais, tchèque, slovaque, autrichien, suisse, croate, serbe, suédois, norvégien etc…. Tout est prévu pour empêcher un petit Poucet de venir perturber l’harmonieuse distribution de pognon entre les principaux clubs continentaux.

Au fait, oui, la République footballistique apparaît bien belle, sous l’Empire…

La défaite de la suffisance et de l’insuffisance


Caramba, encore raté pour le PSG: miraculés en quart de finale de la Ligue des champions face à l’Atalanta Bergame, tandis que le Bayern de Munich faisait exploser la baudruche barcelonaise, les stars de Thomas Tuchel n’ont pu venir à bout de l’efficacité, de l’organisation et du talent bavarois. Et comble de l’humiliation, c’est un de leurs anciens joueurs qui les a privés d’un sacre que Kylian Mbappé avait pourtant annoncé à la veille de cette finale inédite et insolite en fonction des circonstances.

La défaite des Parisiens a été fêtée à Marseille, et a donné lieu, dans la capitale française, à des scènes d’émeute qui font à la fois tache sur le club, sur la capitale française, et sur un pays où la violence semble désormais faire partie d’un mode normal d’expression sociale. À titre de comparaison, on rappellera l’énorme fiesta qui avait marqué le retour des Diables rouges après leur troisième place au Mondial de 2018, où ils n’avaient été battus que par les Coqs, futurs champions du monde, au sein desquels le même Kylian Mbappé s’etait déjà signalé à la fois par son immense talent et son incommensurable suffisance

Tout à été dit, avant cette finale, de la différence entre la gestion sportive du PSG, à coups de centaines de millions d’euros, et celle du Bayern de Munich, dont le grand public ignorait sans doute la plupart des noms des joueurs avant le match, hors ceux de Neuer, Lewandoski, ou Thomas Müller.

C’est sans doute une raison pour laquelle, hors Hexagone, le succès des Bavarois a été si largement plébiscité. Car il s’est bâti sur les vertus d’abnégation et d’engagement, qui, tout autant qu’un talent indéniable, leur ont permis d’émerger très logiquement de cette finale. C’est cela qui explique leur victoire, et pas seulement la valeur de leur gardien de but, quoi qu’en aient dit certains commentateurs sportifs français. Car au bout du compte, si Neuer a fait preuve d’une grande vigilance, il n’a dû effectuer aucun arrêt du type de celui que Courtois avait réussi sur un tir de Neymar lors du succès historique des Belges face aux Brésil lors du Mondial russe.

La victoire du Bayern: le succès d’une démarche autant que celui du « football -pognon »

C’est donc bien une approche qui a fait la différence entre le PSG et le Bayern, ou peut-être la faillite d’une démarche qui suppose qu’accumuler les vedettes suffit à s’assurer des succès. C’est oublier que les joueurs sont aussi des hommes. Et que quand un clan fait la loi dans un vestiaire, et impose à un entraîneur, quel qu’il soit, des choix au détriment d’éléments comme Kingsley Coman, Adrien Rabiot, ou, ces deux dernières années Thomas Meunier, selon des critères non sportifs, l’échec est inévitable.

Le succès du Bayern ne peut pourtant occulter qu’avec lui, c’est aussi le foot-fric qui l’a emporté. Car il y a plusieurs années déjà que le club munichois étouffe la concurrence Outre-Rhin et y suscite une répulsion traduite par le surnom donné à son stade: l’ « Allianz Arena » -significatif, le nom du stade célèbre un commanditaire et plus une figure du club- est rebaptisée l’« Arroganz Aréna ». Traduction superflue…

Il n’en reste pas moins que le même Bayern doit respecter des règles qui empêchent par exemple la prise de contrôle des formations allemandes par des financiers étrangers : on constate chez nous les dérives de pareille pratique. Et si le club a été condamné naguère pour fraude fiscale dans le chef de son président de l’époque, Uli Hoeness, qui ne s’est pas dérobé à la peine de prison ferme qui lui a été infligée, c’est un autre ancien Karl-Heinz « Kalle » Rumenigge, ancienne gloire du club dans les années 1990, qui tient aujourd’hui la barre. Au-delà des personnes, c’est ainsi une mentalité, un esprit de club qui est préservé. Et les joueurs qui y sont engagés le sont notamment en raison de leur compatibilité avec cet esprit. On voit mal le PSG, qui va devoir se reconstruire en partie, s’inspirer de la démarche, mais plutôt ressortir la planche à billets. Barcelone, confronté à un chantier bien plus vaste, s’inscrit plus dans cet esprit. Bavière et Catalogne sont, est-ce u. Hasard, toutes deux marquées par un particularisme exacerbé.

Si les intérêts du football-pognon n’ont pas été compromis par le succès final du Bayern, la formule d’élimination directe, imposé at les circonstances, a néanmoins permis à des acteurs inattendus à ce stade, comme l’Atalanta Bergame où l’Olympique lyonnais de faire la nique aux abonnés habituels du dernier carré comme le Real Madrid ou la Juventus de Turin. Au point que le président de l’UEFA envisagerait, di-on, de la pérenniser. L’idée n’atterrira sûrement pas: vous imaginez la catastrophe pour le football européen, si un (relatif) sans-grade en profitait pour s’adjuger la coupe aux grandes oreilles?