Les journalistes sportifs sous garde rapprochée ?


Une enquête qui a fait beaucoup jaser

Le documentaire « Le milieu du terrain » a rappelé les « affaires » en cours au niveau du football professionnel belge (et auxquelles l’inculpation de l’agent de joueurs Primi Zahavi a ajouté un chapitre sulfureux ce vendredi) et il a permis d’en soupçonner d’autres, comme la falsification apparente de la fin de championnat 2013-2014, qui a vu le Sporting d’Anderlecht coiffer in extremis le Standard de Liège sur la ligne d’arrivée, ou la manière étrange dont le RC Genk a arbitré un sprint final entre le même Sporting et le Club Brugeois. Au point que Michel Preud’Homme, alors entraîneur des Blauw en Zwart n’avait pas adopté son ton habituel de Calimero, après la défaite fatale de son équipe au stade de Genk, mais maniait une ironie féroce en disant qu’il demanderait à Emilio Ferrera, qui coachait l’équipe limbourgeois, sa recette pour ressusciter une équipe fantomatique face aux Mauves, huit jours plus tôt, et leur faire célébrer comme un succès majeur une victoire qui ne les décollait pas de la sixième et dernière place des playoffs.

Mais ce qui a été le plus frappant, dans les interviews de mise sur orbite de l’émission, ou dans celles qui ont suivi, c’est cet aveu de Thierry Luthers, auteur du documentaire avec Patrick Remacle, que la proximité de sa retraite avait sans doute facilité sa démarche. « Il y a dix ans, je ne l’aurais sans doute pas faite. Ou alors, j’aurais ensuite abandonné le sport » a-t-il précisé.

La question se pose donc: des journalistes sportifs, notamment en télévision, ne sont-ils pas en mesure de sortir d’un rôle de faire-valoir pour creuser des coulisses pas toujours ragoûtantes du sport en général et du football en particulier, dont ils et elles sont en charge?

Le journaliste de locale que j’ai été en début de carrière se souvient de cet ouvrage intitulé « Le journaliste local en liberté surveillée » qui décrivait les pressions exercées sur les journalistes locaux par toutes celles et tous ceux, détentrices et détenteurs d’un pouvoir politique, économique, syndical, policier ou autre, ou tout simplement par des acteurs de l’actualité locale, d’exercer des pressions ou des représailles contre celles et ceux qui parlent d’elles et d’eux, et les croisent tous les jours dans la rue.

Mais la question doit désormais être posée : les journalistes sportives et sportifs ne travaillent-ils et elles pas, eux, sous garde rapprochée permanente?

Ne pas mordre la main…

Première difficulté, qui frappe essentiellement les journalistes sportifs de télévision : la commercialisation du sport professionnel fait que les grandes compétitions font l’objet de mises aux enchères de plus en plus élevées pour les chaînes.

Des rencontres au déroulement… insolite

Difficile, dans ces conditions, pour les journalistes qui travaillent pour ces chaînes, de s’appesantir sur les à-côtés peu ragoûtants voire illégaux de ces compétitions, voire même de souligner la médiocrité du spectacle ainsi proposé : la sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit?´La limite a sans doute été atteinte lors de ces rencontres suspectes évoquées ci-dessus quand les journalistes sur antenne s’étonnaient de la facilité une équipe empilait des buts, ou sur l’aveuglement d’un arbitre qui semblait frappé de cécité devant des coups de réparation évidents…

Ces journalistes sportif(ve)s sont d’autant plus mal armé(e)s qu’ils (elles) ne sont pas soutenu(e)s en interne: il y a de nombreuses années, quand s’était instaurée la pratique d’interviewer des entraîneurs ou des joueurs de football devant des panneaux couverts de publicités pour les « parrains » des divers championnats, des cameramen avaient réagi en cadrant leur image sur le visage de la personne interviewée. Le rappel à l’ordre leur a rapidement été signifié par… leur propre hiérarchie. Il n’y a plus jamais eu personne pour regimber…

Un chauvinisme de mauvais aloi

Le sport est (aussi) affaire de passions. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler la foule acclamant les Diables Rouges au retour de Russie,ou, pour les plus anciens, celle qui fêtait leurs prédécesseurs revenant du Mexique en 1986, ou qui s’enthousiasmaient pour les exploits d’Eddy Merckx sur les routes du Tour de France.

L’exercice, pour les journalistes sportif(ve)s tient alors, où devrait tenir de l’équilibrisme: montrer à leur public qu’ils participent à cette émotion collective, tout en gardant suffisamment de recul pour ne pas y céder et garder les deux yeux bien ouverts.

Là aussi, certain(e)s oublient très vite leur devoir critique de journalistes. Lors du Mondial en Afrique du Sud, j’avais épinglé sur ce blog l’attitude des journalistes de la télé publique espagnole qui avaient commenté la finale victorieuse de l’Espagne revêtus du maillot de la Roja. Et parmi ces « journalistes » figurait la compagne de l’époque (qui l’est peut-être toujours par ailleurs) du gardien espagnol, Iker Casillas. Le baiser qu’ils avaient échangé devant les caméras avant qu’elle l’interviewe avait tué la crédibilité journalistique, avais-je écrit à l’époque.

La défaite historique du Brésil contre l’Allemagne avait laissé des traces à Rio de Janeiro….

Sans aller dans de tels excès, notre presse sportive d’héroïsme tombe un peu dans les mêmes travers quand un commentateur parle de « nos Diables rouges » parlant des joueurs de l’équipe nationale de football. J’ai déjà évoqué la sobriété, en recul elle aussi, des journalistes de la télé publique allemande qui, en pleine victoire historique contre le Brésil en 2016 (1-7), se montraient pour leur part heureux de ce résultat historique, mais s’interrogeaient déjà encours de match sur l’ampleur tout à fait extravagante du score.

Les journalistes télés ne sont pas seuls à céder à ce travers: un chef de service sportif se serait plaint, il y a un certain temps, d’un journaliste qui n’était pas suffisamment « supporter » dans le suivi d’un club….

Autre situation particulièrement délicate pour certain(e)s journalistes sportif(ve)s, les « pantouflages » avec des clubs sportifs, par exemple sous forme de participation voire de prise en charge de leur bulletin ou magazine: de quelle autonomie bénéficient-ils (elles) encore à l’égard de ces clubs?

Un journalisme déprécié

À leur décharge, les journalistes sportif(ve)s ne se sentent pas toujours soutenu(e)s à l’intérieur de leurs rédactions : combien de rédactrices et de rédacteurs en chef ou de responsables de rédaction ne sont-ils (elles) pas totalement ignorant(e)s du contenu des pages sportives de leur publication?

Étonnez-vous après cela que les rédactions sportives constituent des espèces d’États dans l’État, qui fonctionnent de manière quasi-autonome?

Des directions de médias elles-mêmes ont une vision singulièrement tronquée de l’information sportive qu’elles considèrent de manière aseptisée, comme une pure information de délassement, qui requiert dès lors plus une animation qu’une véritable couverture journalistique. Comme si le sport, et notamment le sport professionnel, et en particulier les grandes compétitions internationales, n’avaient pas des aspects éminemment politiques, économiques, judiciaires ou sanitaires ?

Faut-il rappeler que la reconnaissance de la Chine populaire par les États-Unis, il y a un demi-siècle, a été amorcée par… un match de tennis de table entre pongistes des deux pays. Et que dire de l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, dont on sait dans quelles conditions elles se sont déroulées, et qui bouleversera le football mondial, jusque dans ses sphères les plus populaires, parce qu’il se déroulera exceptionnellement en janvier et en février?

Uniformisation

Les journalistes sportif(ve)s donnent, il est vrai, parfois eux-mêmes et elles-mêmes les verges pour se faire battre. En concédant par exemple que des enquêtes dans les coulisses d’un sport comme « Le milieu du football » sont nécessaires, mais… qu’elles n’enlèvent rien à leur amour du sport, comme si un sport parfaitement vierge de toute dérive était toujours la règle, et les magouilles l’exception!

Il leur arrive aussi souvent de… se refuser à aller visiter ces coulisses, préférant laisser à des collègues spécialisés en judiciaire, économie, ou politique le privilège de s’y aventurer. Histoire de ne pas se retrouver en marge de dirigeants qui leur distillent périodiquement une information orientée et qui s’y entendent pour créer une solidarité factice? Au prologue de « l’affaire Bosman » qui allait mettre par terre l’organisation du football européen sans la remplacer par un système moins critiquable, le président du RFC Liégeois de l’époque croyait mettre les journalistes qui suivaient son club dans sa poche en faisant appel à leur attachement au sport, avant d’annoncer qu’à la surprise générale, Jean-Marc Bosman s’adressait à la Justice pour forcer un transfert qui lui était refusé

Où les journalistes sportif(ve)s subissent par contre une évolution qui procède de la dépréciation de l’information sportive évoquée ci-dessus, c’est quand ils et elles vivent la fusion d’équipes et de pages dont le résultat, à terme, sera que dans toute la presse quotidienne belge francophone, il risque de n’y avoir plus que deux versions de l’information sportive. Un peu comme, dans la défunte Union soviétique, la « Pravda » (« La Vérité ») et les « Izvestia » (« Les Nouvelles ») tentaient de faire croire à un véritable pluralisme de l’information…

Et les Wallons qui sont des cochons ou du caca, c’est sans doute aussi du folklore…


Que le Club Brugeois ait mérité son titre de champion de Belgique de football ne se discute guère, même si les Blauw en Zwart n’ont guère été fringants au cours de ces «play offs» un peu particuliers cette année particulièrement chahutée.

Si, sur le plan sportif, l’équipe dirigée par Philippe Clément, a dominé la compétition de la tête et des épaules, en coulisses, il n’en a pas vraiment été de même, si on en juge par l’entrée en Bourse avortée d’il y a quelques semaines. Et, depuis ce jeudi, il y a l’affaire Noa Lang, avec le chant de victoire entonné par le jeune prodige néerlandais du stade Jan Breydel, qui a chambré devant des fans brugeois en folie les «supporters juifs d’Anderlecht».

Réprobation immédiate du monde du football, avec la Pro League qui «déplore» cet excès de langage, puis le parquet de l’Union belge qui déclare «se pencher» sur les faits, et enfin le scandale qui enfle, avec la presse étrangère qui commente abondamment l’incident.

Panique du Club Brugeois qui, dans un communiqué, précise que «Paysans pour les supporters de Bruges, Schtroumpfs pour ceux de Genk, cafards pour ceux de Malines, Juifs pour ceux d’Anderlecht: ce sont des surnoms souvent adoptés (…) Il n’y a pas de sous-entendu antisémite là derrière».

Pour un peu, on croirait entendre la réaction des autorités communales alostoises, après le défilé dans un cortège carnavalesque d’un char où trônaient des Juifs au nez crochu, assis sur des sacs d’or, et vêtus de manière traditionnelle.

On veut bien accorder aux dirigeants brugeois que Noa Lang n’est pas antisémite (avec un tel prénom, ce serait un comble!), mais on ne le suivra pas dans leur raisonnement. Pour eux, parce qu’on le dit souvent, il est normal, donc, de qualifier des supporters de clubs adverses de «Juifs» ou de «cafards»?

Dans une Flandre où la première place du Vlaams Belang dans les intentions de vote se confirme, l’affirmation fait frémir. D’autant que le terme «cafards» renvoie à un autre contexte, celui du génocide des Tutsis au Rwanda, préparé par une campagne de propagande relayée par la sinistre radio Mille Collines, où les futures victimes étaient quotidiennement qualifiées de «cafards».

Pour autant, la réaction du monde du football belge apparaît singulièrement hypocrite. Car on ne l’a pas connu aussi intransigeant, dans le passé, pour réprimer des chants racistes qui ciblaient des joueurs d’origine étrangère et notamment africaine. En témoigne la campagne menée actuellement par certains joueurs ou anciens joueurs, au premier rang desquels Romelu Lukaku, que la Belgique footballistique adule, mais qui a dû faire face à ses débuts d’attaques particulièrement méchantes. On se souvient aussi de la carte jaune adressée au joueur carolo Marco Ilaimaharitra, qui avait eu l’audace de faire remarquer à l’arbitre Jonathan Lardot que le public du Club Malinois -les «cafards», donc, à en croire la direction du Club Brugeois- lui adressait des cris racistes. Plus loin dans le temps, on a eu les bananes jetées sur le terrain en direction de joueurs d’origine africaine, parmi lesquels l’attaquant nigérian d’Anderlecht, Nii Lamptey…

De la même manière, jamais n’ont été sanctionnés les chants flamingants qualifiant les joueurs wallons de «cochons», ou les Wallons en général d’être «du caca»: encore du folklore, sans doute, pour la direction du Club Brugeois, qui a montré, là, que si son équipe est championne de Belgique, elle, elle est sans aucun doute championne de Belgique du mauvais goût et de la stupidité.

On savait qu’on trouve peu de prix Nobel parmi les membres des «kops» et autres clubs de supporters «enragés»; il faut bien constater qu’au niveau de ses dirigeants, le football belge a décidément aussi bien du mal à trouver des gens censés, qui s’efforceront d’éradiquer le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie des tribunes de leurs stades. On leur souhaite de connaître au plus vite des résultats sportifs à l’aune de la bassesse de ces sentiments.

Pour se maintenir ou obtenir une promotion dans le football belge, il ne faut pas briller sur le terrain


Ainsi donc, le club le plus mauvais de la saison dernière, qui avait réclamé l’arrêt de la saison pour motifs sanitaires avant de sombrer sportivement, a fait plier tout le football belge: contre toute logique sportive, Waasland-Beveren jouera toujours en première division l’an prochain, au motif que la dernière journée du défunt championnat n’avait pu être jouée, où la probabilité de le voir assurer son maintien devait être à peu près de l’ordre de un sur un million.

Cette pantalonnade n’est pas étonnante : l’an dernier, le football belge avait accepté que le KV Mechelen continue à jouer au plus haut niveau, alors que le club avait été convaincu d’avoir acheté une rencontre… face à Waasland Beveren. La tradition restait ainsi sauve: si, en Italie, la Juventus de Turin elle-même a été reléguée en deuxième division, il y a quelques années, pour des faits de corruption antérieurs -elle n’y est restée qu’une saison pour revenir régner sur le calcio- chez nous, on n’a jamais osé ne fût-ce qu’un instant imaginer le retrait au Standard de Liège de son titre de 1983, acquis après un fait de corruption avéré.

Le Beerschot-Wilrijk, qui ne doit sa survie qu’à l’abandon de son matricule et l’absorption par un club voisin, on l’oublie trop souvent, et l’OHL sont du coup exemptés de se départager pour la montée: tous deux sont promus parmi l’élite sur le tapis vert et non sur le terrain. Sauf réaction judiciaire de Westerlo, qui a eu le tort d’être la meilleure équipe de D1B l’an dernier, mais qui au départ de la saison a accepté ce règlement imbécile, où la meilleure équipe n’est pas forcément récompensée.

Ce maintien et ces promotions iniques ont des conséquences en cascade: pour compléter cette division IB croupion, le Lierse Kempenzonen, quatorzième de division I amateurs s’y retrouve sans autre forme de procès, au bénéfice d’une licence obtenue grâce à un financement étranger que les clubs flamands ne contestent pas, comme ils le font chaque année en vain pour Mouscron. Sans que la commission des licences ait jamais trouvé à redire au rôle trouble qu’y jouaient des agents de joueurs. D’où le passe-droit offert à Malines?

Ce tour de passe-passe ne suffisant pas l’équipe des moins de 23 ans du Club Brugeois est imposée dans une division dont elle… faussera le championnat. Car pour les jeunes Brugeois, il ne pourra bien sûr être question ni de montée, ni de relégation. Au fait, au passage pourquoi les jeunes du Club Brugeois? Un favoritisme de plus?

En attendant, l’Excelsior Virton qui aurait pu ou dû se trouver en lice pour atteindre la division IA, au risque de provoquer l’ire des clubs de l’élite peut-être peu alléchés par le déplacement en Gaume, a, lui, été dégradé, alors que, sur le terrain, l’équipe avait particulièrement performé. Logique?

Il y a trois-quarts de siècle, au sortir d’années bien plus éprouvantes que les mois de pandémie que nous traversons, une solution élégante avait été trouvée pour les cinq saisons et demie jouées en période de guerre: les montées étaient entérinées, et les relégations annulées. Et la saison 1945-1946 permettait de remettre les séries en ordre en augmentant le nombre de formations reléguées.

Personne, à l’époque, n’a remis le mécanisme en cause: le temps n’était pas à la judiciarisation systématique des questions sportives. Le pognon ne régnait pas non plus en maître sur notre football: ce n’est que deux ans plus tard que le transfert de Willy Saeren de Tongres au FC Liégeois qui n’était pas encore « Royal » pour un million de francs de l’époque, suscitera des cris d’orfraie.

Surtout, le football belge était sain à l’époque. Aujourd’hui, comme l’a écrit mon collègue Frédéric Bleus dans le quotidien (air connu) qui nous emploie et ne nous rémunère pas assez à notre gré, il est bien malade. Les grandes révélations sur les affaires de corruption et de commissions occultes n’ont abouti qu’à la suspension de lampistes, et puis le manteau de Noé à été jeté sur ces turpitudes.

Les performances exceptionnelles des Diables Rouges ne cacheront plus très longtemps cette décrépitude que le projet fumeux de Beneligue ne pourra guérir. Comme on sait aujourd’hui que l’hexachloroquine n’est pas la pilule Titus (celle qui guérit de tout) du Covid-19

Le dédain du foot amateur… qui ne l’est plus


Que le Club Brugeois ou le Standard décroche la coupe de Belgique n’a, dans le fond, aucune espèce d’importance: le niveau de notre football, exception faite de l’équipe nationale qui sera confrontée à un sacré défi en France, où elle se présentera comme l’une des favorites au sacre européen, rend tout à fait anecdotique le succès de l’une ou l’autre de ces équipes. Quand la compétition continentale reprendra cours, en août prochain, le détenteur de la coupe nationale sera appelé plus que vraisemblablement à y faire de la figuration.

FootballCe qui n’est pas indifférent, par contre, c’est le total mépris affiché une nouvelle fois par la Ligue professionnelle, qui a programmé cette finale de coupe un dimanche à 16 heures. On aurait voulu un peu plus encore enfoncer les clubs amateurs qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Combien de supporters, en effet, ne choisiront pas de préférer le confort douillet de leur salon, pour suivre l’affrontement entre «Gazelles» et «Rouches», plutôt que d’aller endurer froidure et pluie, dans une tribune mal protégée, pour suivre une rencontre de provinciale qui prendra essentiellement lieu de partie de pousse-ballon, et démentira par là-même la qualification d’«intelligence en mouvement» qu’avait décernée Henri de Montherlant au ballon au pied?

Les multiples bénévoles qui se démènent pour assurer la survie des clubs de football amateur récrimineront donc à juste titre, au moins autant que les amateurs de foot pour qui cette finale de coupe, disputée avant le début des fantaisistes «play-offs», que le foot belge est le seul à proposer, et dont le déroulement sera nécessairement faussé par le résultat de cette finale. Si le Standard l’emporte, les «play-offs 2» seront tout simplement vidés de leur substance, puisque les Liégeois, qualification européenne en poche, n’auront plus aucune raison de se faire violence afin de forcer une place en finale de cette compétition particulière, pour, ensuite, tenter de décrocher un ticket européen contre le troisième, le quatrième, voire le cinquième des «play-offs 1». Mais si le Club Brugeois l’emporte, conformément à la logique sportive d’avant-match, quel intérêt aura-t-il encore à se faire mal, si, d’aventure, il se retrouve contre toute attente rapidement écarté de la course au titre?

Doit-on plaindre le football amateur pour la cause? Faudrait-il d’abord que son comportement soit irréprochable. Or, depuis janvier, les colonnes sportives des quotidiens ne sont remplies que d’annonces de transferts de joueurs dans la perspective de la prochaine saison! Peut-on dès lors croire qu’ils continueront à se livrer sans réserve pour leur club actuel?

Nous ne sommes pas naïf: de tout temps, même dans le football provincial, des joueurs ont été contactés en cours de saison, en vue de la conclusion d’un futur transfert. Mais à tout le moins, rien ne pouvait-il être conclu avant la très officielle période de transferts.

La pratique actuelle rompt avec l’hypocrisie de l’époque, nous dira-t-on? On pourrait entendre le raisonnement, si la pratique de rétributions en noir, déguisée par exemple sous forme de remboursements de frais, ne se perpétuait pas, comme à cette époque passée. Car ces transferts, désormais très tôt annoncés, se doublent de primes invraisemblables accordées aux footballeurs amateurs, par des présidents-mécènes, en mal de notoriété, et qui espèrent redorer leur blason en patronnant un club susceptible de décrocher un titre, fût-ce au plus bas niveau.

À la réflexion, c’est tout le foot, professionnel et amateur, qui est aujourd’hui bien malade. Raison de plus pour se désintéresser de cette finale de coupe: que le Club Brugeois ou le Standard de Liège l’emporte ne changera, dans le fond, rien à cette double dérive….