Le PSG et le Bayern sacrés sans gloire le même jour


Les «ultras» du PSG sont sortis du Parc des Princes pour fêter leur titre, tout en critiquant leurs joueurs et les dirigeants du club

Deux championnats européens de football ont connu leur épilogue le même jour, ce samedi: en Allemagne, le Bayern de Munich, en disposant de son dernier rival, le Borussia Dortmund (3-1) a assuré son trente-deuxième titre, et son dixième sacre d’affilée, tandis qu’au Parc des Princes, à Paris, le Paris Saint-Germain conquérait son dixième titre, égalant ainsi le record établi en 1981 par l’AS Saint-Étienne, l’équipe mythique des «Verts».

Si les supporters bavarois ont fêté l’événement dans l’«Allianz Arena» – rebaptisée en Allemagne «Arroganz Arena» par toutes celles et tous deux qu’insupporte cette domination sans partage du club munichois – à Paris, c’est par un petit nul médiocre contre le RC Lens que les protégés de Maurizio Pocchetino se sont mis à l’abri de tout retour d’un adversaire. Et au moment du but égalisateur des Nordistes, les «ultras» du PSG avaient déjà déserté le stade, pour aller saluer le sacre en-dehors du Parc des Princes. Une manière pour eux d’exprimer leur mécontentement tant à l’égard des joueurs que de la direction qatarie du club de la capitale française.

Un de leurs attaquants vedettes (???), Neymar, les a critiqués pour leur réaction. Et pourtant, même si les membres des clubs «ultras» des différents clubs de la planète foot ne brillent pas nécessairement par leur intelligence, on doit dire que, là, une fois de plus, la vox populi a eu raison.

D’abord parce que fêter un titre après un petit match nul contre une formation montant de Ligue II, même si elle reste sur une remarquable saison, n’a rien de très glorieux. Surtout pour un club aux moyens tellement disproportionnés face à la concurrence, que, hors accident l’une ou l’autre année, comme l’AS Monaco en 2017 ou le LOSC (Lille), l’an dernier, personne, en France, ne peut plus rêver du titre.

Champions d’Allemagne, oui, mais balayés en Ligue des Champions

Et puis parce que le Paris Saint-Germain avait construit une équipe pour, pensaient ses dirigeants, enfin décrocher la Ligue des Champions. Et les supporters, dont les «ultras» y croyaient. Et patatras, une fois de plus, le rêve parisien s’est fracassé en huitièmes de finale de l’épreuve, à la faveur de la remontada du Real Madrid au stade Santiago Bernabeu.

Unay Emery, viré à Paris, victorieux à Villareal

Les sympathisants du Bayern feraient bien d’y réfléchir en Bavière. Car si leurs favoris ont à nouveau écrasé la concurrence pour coiffer les lauriers pour la dixième fois d’affilée, là aussi, ils n’ont aucun mérite, puisque les moyens du club sont nettement supérieurs à ceux de tous leurs concurrents. Mais là aussi, la Ligue des Champions s’est conclue sur un flop, avec une élimination sans gloire, à Munich même, face aux Espagnols de Villareal, entraînés par Unay Emery, un ancien entraîneur du PSG, limogé il y a quelques années pour… n’avoir pas remporté la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Ces éliminations précoces de deux clubs qui règnent sans partage sur leur compétition nationale n’est peut-être par le fruit du hasard. Car à force de disputer chez eux des rencontres qu’ils finissent toujours par l’emporter, sans devoir nécessairement forcer leur talent, leurs joueurs finissent forcément par «coincer» lorsqu’ils doivent aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, lors de confrontations avec des adversaires de haut niveau.

Il y a des exceptions, bien sûr. Comme quand le Bayern de Munich a battu… le PSG en finale de la Ligue des Champions. Mais globalement, c’est l’émulation qui amène dans le dernier carré des compétitions européennes des clubs qui, dans leur championnat national, font face à la plus rude concurrence.

En tout cas, cette année, la compétition continentale se résume à des duels hispano-britanniques. Car tant en Espagne qu’au Royaume-Uni, le championnat national continue à faire l’objet d’une lutte acharnée. Entre clubs hyper-friqués, là aussi. Car l’argent, qu’ils viennent des oligarques russes ou des pétromonarchies, se porte toujours là où il peut rapporter le plus.

Chelsea subit les sanctions infligées à Roman Abramovitch et aux autres oligarques russes

À la longue, le modèle va forcément s’user et la bulle risque d’éclater. Car quel intérêt représente encore une compétition nationale dont le vainqueur est déjà connu au coup d’envoi?

Tôt ou tard, les télévisions vont se détourner de ces compétitions dévaluées. Et la manne financière se réduira, précipitant peut-être sans les abîmes certains des clubs-stars de notre époque. Peut-être pas en Allemagne, où le règlement impose une présence majoritaire de propriétaires allemands dans les clubs. Mais les problèmes qui attendent Chelsea, par exemple, dont le propriétaire actuel, Roman Abramovitch, subit les sanctions mondiales qui frappent les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont là pour montrer la base mouvante sur laquelle ces clubs reposent.

Thomas Tuchel, viré au PSG, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea…

Chelsea qui, soit dit au passage, a remporté la Ligue des Champions l’an dernier sous la conduite de Thomas Tuchel, un entraîneur viré par le PSG parce qu’il n’avait pas réussi à lui faire conquérir la coupe aux longues oreilles…

Cette dérive illustre parfaitement la déchéance d’un football gangrené par le fric, comme l’ont démontré les enquêtes réalisées en Belgique dans des dossiers de corruption et de fraude fiscale à grande échelle, décelés dans le monde du football professionnel. Ou les procès à venir qui attendent, en Suisse, Sepp Blatter, ancien président de la FIFA et Michel Platini, ex-président de l’UEFA, qui tous deux, bénéficient de la présomption d’innocence, mais qui n’en devront pas moins s’expliquer sur des transferts d’argent suspects.

On attend, maintenant que la Justice fasse son œuvre à tous les niveaux, ce qui est loin d’être gagné d’avance, tant les dossiers financiers sont complexes à dénouer, et tant les magistrats spécialisés sont peu nombreux dans les divers pays européens.

Certes, l’argent domine le football depuis longtemps. Au début des années 1960, le Real Madrid, avec l’appui du pouvoir franquiste, dominait le football espagnol et le football européen. Et la tendance à idéaliser le passé ne date pas d’hier: comme disaient déjà les Romains, la République n’était jamais aussi belle que sous l’Empire.

Il n’empêche, les écarts, à l’époque, n’étaient pas aussi flagrants qu’aujourd’hui. Et les clubs se succédaient à la tête du football européen: après le Real, il y eut l’Ajax Amsterdam magique du début des années 1970, avec… une quasi-exclusivité de joueurs néerlandais de grand talent (Johan Cruyff; Ruud Krol, Johan Neeskens, Arie Haan, etc.). Puis le Bayern de Munich qui alignait presque exclusivement des joueurs bavarois (Sepp Mayer; Franz Beckenbauer; Georg Schwarzenbeck; Paul Breitner; Gerd Müller etc..).

Les «Verts» ont marqué leur décennie

L’AS Saint-Étienne, qui a échoué d’un rien dans la conquête de la coupe d’Europe des clubs champions, a fait alors chanter «Allez les Verts» par toute l’Europe. Et si cette équipe mythique, entraînée par Robert Herbin alignait Curkovic dans le but, et Piazza en arrière central, elle y ajoutait les Gérard Janvion, Jean-Michel Larqué, Dominique Rocheteau («L’ange vert»), et autres Hervé et Patrick Revelli, le goléador à la moustache gauloise.

Conduite par Guy Roux, l’AJ Auxerre a fait la nique aux grosses cylindrées françaises

Et, de temps à autre, des petits Poucet venaient bousculer les hiérarchies les mieux établies.

En France, l’AJ Auxerre, en 1996, sous la conduite de son mentor bourguignon, Guy Roux, coiffait les lauriers, à la surprise générale.

Chez nous, on se souvient de l’élimination, en 1983, du Paris Saint-Germain par un Waterschei THOR qui allait peu après être la victime principale de l’affaire de corruption entourant le match entre le Standard de Liège de Roger Petit et de Raymond Goethals, face à la même équipe limbourgeoise. Ou, en 1972, celle du grand Leeds par le Lierse, net vainqueur, à Elland Road (0-4) face à… l’équipe réserve du club anglais, trop confiant après sa victoire à l’aller à la chaussée du Lisp.

On se rappelle aussi l’élimination, en 1979, du grand Inter de Milan par le SK Beveren, en quarts de finale de la coupe des vainqueurs de coupe: arrivant sur place, les joueurs italiens avaient cru que le Freethiel, où il allaient connaître leur Bérézina, était le… stade d’entraînement de leur adversaire. Au tour suivant, en demi-finales, les coéquipiers du jeune Jean-Marie Pfaff ne pourront rien face au FC Barcelone, futur vainqueur de l’épreuve.

On n’oubliera pas la finale de la coupe des vainqueurs de coupe, perdue en 1981 par le Standard de Liège au Camp Nou, face à… Barcelone, dans des circonstances qui suscitent toujours la controverse. Ni la victoire du Club Brugeois contre Liverpool, en finale de la coupe de l’UEFA en 1976, puis sa défaite, en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, contre le même club, en 1978. Et les victoires du Sporting d’Anderlecht en finales de la coupe des coupes, en 1975, face à West Ham, et en 1978, devant l’Austria de Vienne, et de la coupe de l’UEFA, en 1983, face à Benfica.

Aujourd’hui, plus aucun club belge ne peut envisager une victoire européenne. Ni aucun club néerlandais, polonais, tchèque, slovaque, autrichien, suisse, croate, serbe, suédois, norvégien etc…. Tout est prévu pour empêcher un petit Poucet de venir perturber l’harmonieuse distribution de pognon entre les principaux clubs continentaux.

Au fait, oui, la République footballistique apparaît bien belle, sous l’Empire…

Le retour de Seraing en D1A: sympa… mais de quel Seraing parle-t-on?


L’événement footballistique du week-end, dans notre petite terre d’héroïsme, a été la dégelée infligée par le RFC Seraing au SK Waasland-Beveren, qui condamne à la relégation le club waeslandien, et ramène du coup les Sérésiens au plus haut niveau du football belge, qu’ils ont quitté il y a un quart de siècle.

Ce résultat fait que la saison prochaine commencera à nouveau avec quatre clubs wallons au sein de l’élite: le Standard, le Sporting de Charleroi, l’AS Eupen (que je qualifierais plutôt de club germanophone… ou qatari), et donc, à la place de l’Excelsior Mouscron, le RFC Seraing, ou plus exactement le FC Seraing, si l’on s’en tient à la règle qui impose qu’un titre de «société royale» ne s’obtient qu’en fonction de conditions strictes (50 ans d’existence et agrément du Palais Royal), et qu’il ne peut se transmettre au gré de cessions à l’encan, dont le club de l’ancienne cité du fer a fait plusieurs fois l’objet au cours des dernières années.

Si l’on s’en tient aux faits, le RFC Seraing, club créé en 1905, a connu une existence chahutée marquée, au cours du dernier demi-siècle, par une grève des joueurs en 1969; par l’arrivée, l’année suivante, du défunt bourgmestre de Seraing, Guy Mathot, dans le comité de direction du club, ce qui lui attirera, plus tard, divers ennuis judiciaires; par la faillite du club, le 18 juin 1984, et sa reprise, en 1990, par le défunt entrepreneur bruxellois Gérard Blaton. Lequel fera flamber le Pairay, en qualifiant notamment le club pour une coupe d’Europe, avant de jeter l’éponge: le 2 avril 1996, le RFC Seraing est absorbé dans la fusion avec le Standard de Liège, et son matricule, le 17, disparaît pour toujours.

Feu le notaire Paul Plateus, fils de François Plateus, dirigeant historique du club, ancien secrétaire général du RFC Seraing, avait lutté jusqu’au bout pour faire échec à cette fusion, qui «tuait» son club. Mais comme le nabab bruxellois disposait de la totalité des parts de la coopérative, il n’avait eu que ses mots à opposer à une fusion qui équivalait à une mise à mort.

Restait le stade du Pairay, désormais veuf: il ne restera pas longtemps inoccupé. La Royale Union Liégeoise, née de la fusion de Bressous (matricule 23) et de Jupille, sous l’impulsion de l’ancien secrétaire du CPAS de Liège, Michel Faway, vient y planter ses pénates, et, en hommage au lieu, modifie son nom: le RFC Seraing-RUL voit le jour. Le 1er juillet 1996, il adaptera son nom: le RFC Sérésien accueille au sein de son équipe dirigeante d’anciens joueurs du RFC Seraing. En troisième division, le club se reconstruite patiemment jusqu’à l’irruption de Bernard… Serin.

Bernard Serin est une personnalité hors du commun. Il est arrivé en région liégeoise dans les bagages d’Usinor, et a été placé à la tête de Cockerill-Sambre quand le groupe sidérurgique lorrain a repris la sidérurgie wallonne.Tenu à l’écart du comité de direction du géant sidérurgique Arcelor, né de la fusion, le 18 février 2002, d’Usinor, de la luxembourgeoise Arbed, et de l’espagnole Aceralia, il claque ensuite la porte et reprend, avec l’aide de capitaux liégeois, Cockerill Mechanical Industries (CMI), la filiale la plus boîteuse du bassin sidérurgique liégeois. Il la transforme rapidement en success story wallonne et internationale: le groupe, qui a pris aujourd’hui le nom de John Cockerill, rayonne dans le monde entier.

Parallèlement à cela, cet hédoniste, originaire de l’Hérault, est devenu à la fois Lorrain et liégeois, et il est passionné par le football. Entré dans le comité du FC Metz en 2006, il en devient le vice-président exécutif en 2008, puis président en 2009, succédant au mythique Carlo Molinari. Bernard Serin préside toujours le club messin, qui, sous sa conduite, a connu des fortune diverses, faites de descente en Ligue 2 puis de remontée en Ligue 1, où il figure toujours aujourd’hui.

Cet homme d’affaires avisé imagine alors rapidement un partenariat entre le club lorrain et… qui au fond?

Dans un premier temps, le 1er juillet 2013, il reprend le RFC Sérésien, mais le club évolue alors en Iere provinciale liégeoise: la mariée n’est pas assez belle pour en faire un partenaire du FC Metz.

Un an plus tard, c’est le tour de passe-passe: le 1er juillet 2014, Bernard Serin rachète le matricule du club de Boussu-Dour, club lui-même issu d’une fusion, mais à bout de souffle. Sous le numéro 167, le club, baptisé Seraing United, évolue alors en division II.

Douze mois plus tard, le 1er juillet 2015, le club change à nouveau de nom: selon le site du club, il redevient le «RFC Seraing».

Petit problème, sauf à donner à la lettre «R» une autre dénomination, il ne peut en aucun cas exciper du titre de «Royal» puisque Seraing United n’avait pas hérité de cette distinction, non plus que Boussu-Elouges et Dour, clubs passé à la trappe de cette opération, de même que Bressoux, Jupille, et la Royale Union Liégeoise, dont le souvenir ne subsiste plus que chez les historiens du football belge.

Le phénomène n’est pas unique dans le football belge: pour ne plus parler du RWDM qui unit trois clubs disparus (le Racing de Bruxelles, le White Star, et le Daring de Molenbeek) qu’on a rebaptisé abusivement «Daring» à chaque fois qu’il a rencontré l’Union Saint-Gilloise, le Beerschot, par exemple, failli lui aussi, ne s’est tiré d’affaire qu’en rachetant le matricule de Wilrijk, et n’a gardé que pour un temps le nom de Beerschot-Wilrijk qui correspondait exactement à sa situation «matriculaire»

Le partenariat entre les deux clubs peut alors s’organiser: Seraing devient la succursale du FC Metz.

Un partenariat «gagnant-gagnant»? Pas immédiatement, puisque, avec la réforme du football belge, le FC Seraing s’est retrouvé en division IA francophone, où il a figuré sans briller jusqu’à l’année dernière, quand à la faveur d’un replâtrage de bric et de broc de la division I B (avec notamment l’intégration brillamment ratée des U23 du Club Brugge), le matricule 167 a bénéficié de circonstances administrative favorables, avec le désistement de plusieurs clubs, pour acquérir, sur le tapis vert, le droit de jouer à l’étage supérieur cette saison.

On connaît la suite: les renforts heureux venus de Lorraine, avec surtout le buteur Georges Mikautatdze, 22 buts cette saison, qui va repartir pour Metz; le début de championnat tonitruant; puis la lutte pour conquérir la deuxième place dans le sillage de l’intouchable Union Saint-Gilloise, placée, elle, sous tutelle britannique.

La conclusion de cette campagne est tombée dimanche, et quelques centaines de supporters ont fêté les «Rouge et Noir» à leur retour au Pairay.

Le plus dur commence maintenant. D’abord pour reconstruire une équipe, car Metz, qui a besoin de toutes ses plumes pour voler, reprendra ses meilleurs éléments, pour en amener d’autres, inexpérimentés, sur les hauteurs sérésiennes. Le problème, c’est qu’en division IA, les débutants n’ont pas toujours l’occasion de se faire les dents. Et le récent match de coupe de Belgique entre Seraing et le Standard est là pour montrer l’écart qu’il lui reste à franchir pour éviter de faire un rapide aller et retour.

Et puis reste la quadrature du cercle que Seraing, même à la grande époque des Bocande, Oblitas, Rojas, Bertelsen, Kabongo ou Lukaku (Roger, pas Romelu…) n’a jamais pu résoudre: hors les derbies liégeois, face au Standard ou au RFC Liégeois alors toujours en division I, ou à part la visite du Sporting d’Anderlecht ou du Sporting de Charleroi, les travées du Pairay sont le plus souvent restées désespérément vides.

Si on peut être heureux de cette promotion, et féliciter le FC Seraing pour ce résultat, ce n’est pas faire preuve d’un pessimisme exagéré de dire que son avenir reste aussi sombre que les fumées qui, jadis, sortaient de ses hauts-fourneaux aujourd’hui éteints…

Pour se maintenir ou obtenir une promotion dans le football belge, il ne faut pas briller sur le terrain


Ainsi donc, le club le plus mauvais de la saison dernière, qui avait réclamé l’arrêt de la saison pour motifs sanitaires avant de sombrer sportivement, a fait plier tout le football belge: contre toute logique sportive, Waasland-Beveren jouera toujours en première division l’an prochain, au motif que la dernière journée du défunt championnat n’avait pu être jouée, où la probabilité de le voir assurer son maintien devait être à peu près de l’ordre de un sur un million.

Cette pantalonnade n’est pas étonnante : l’an dernier, le football belge avait accepté que le KV Mechelen continue à jouer au plus haut niveau, alors que le club avait été convaincu d’avoir acheté une rencontre… face à Waasland Beveren. La tradition restait ainsi sauve: si, en Italie, la Juventus de Turin elle-même a été reléguée en deuxième division, il y a quelques années, pour des faits de corruption antérieurs -elle n’y est restée qu’une saison pour revenir régner sur le calcio- chez nous, on n’a jamais osé ne fût-ce qu’un instant imaginer le retrait au Standard de Liège de son titre de 1983, acquis après un fait de corruption avéré.

Le Beerschot-Wilrijk, qui ne doit sa survie qu’à l’abandon de son matricule et l’absorption par un club voisin, on l’oublie trop souvent, et l’OHL sont du coup exemptés de se départager pour la montée: tous deux sont promus parmi l’élite sur le tapis vert et non sur le terrain. Sauf réaction judiciaire de Westerlo, qui a eu le tort d’être la meilleure équipe de D1B l’an dernier, mais qui au départ de la saison a accepté ce règlement imbécile, où la meilleure équipe n’est pas forcément récompensée.

Ce maintien et ces promotions iniques ont des conséquences en cascade: pour compléter cette division IB croupion, le Lierse Kempenzonen, quatorzième de division I amateurs s’y retrouve sans autre forme de procès, au bénéfice d’une licence obtenue grâce à un financement étranger que les clubs flamands ne contestent pas, comme ils le font chaque année en vain pour Mouscron. Sans que la commission des licences ait jamais trouvé à redire au rôle trouble qu’y jouaient des agents de joueurs. D’où le passe-droit offert à Malines?

Ce tour de passe-passe ne suffisant pas l’équipe des moins de 23 ans du Club Brugeois est imposée dans une division dont elle… faussera le championnat. Car pour les jeunes Brugeois, il ne pourra bien sûr être question ni de montée, ni de relégation. Au fait, au passage pourquoi les jeunes du Club Brugeois? Un favoritisme de plus?

En attendant, l’Excelsior Virton qui aurait pu ou dû se trouver en lice pour atteindre la division IA, au risque de provoquer l’ire des clubs de l’élite peut-être peu alléchés par le déplacement en Gaume, a, lui, été dégradé, alors que, sur le terrain, l’équipe avait particulièrement performé. Logique?

Il y a trois-quarts de siècle, au sortir d’années bien plus éprouvantes que les mois de pandémie que nous traversons, une solution élégante avait été trouvée pour les cinq saisons et demie jouées en période de guerre: les montées étaient entérinées, et les relégations annulées. Et la saison 1945-1946 permettait de remettre les séries en ordre en augmentant le nombre de formations reléguées.

Personne, à l’époque, n’a remis le mécanisme en cause: le temps n’était pas à la judiciarisation systématique des questions sportives. Le pognon ne régnait pas non plus en maître sur notre football: ce n’est que deux ans plus tard que le transfert de Willy Saeren de Tongres au FC Liégeois qui n’était pas encore « Royal » pour un million de francs de l’époque, suscitera des cris d’orfraie.

Surtout, le football belge était sain à l’époque. Aujourd’hui, comme l’a écrit mon collègue Frédéric Bleus dans le quotidien (air connu) qui nous emploie et ne nous rémunère pas assez à notre gré, il est bien malade. Les grandes révélations sur les affaires de corruption et de commissions occultes n’ont abouti qu’à la suspension de lampistes, et puis le manteau de Noé à été jeté sur ces turpitudes.

Les performances exceptionnelles des Diables Rouges ne cacheront plus très longtemps cette décrépitude que le projet fumeux de Beneligue ne pourra guérir. Comme on sait aujourd’hui que l’hexachloroquine n’est pas la pilule Titus (celle qui guérit de tout) du Covid-19

Le dédain du foot amateur… qui ne l’est plus


Que le Club Brugeois ou le Standard décroche la coupe de Belgique n’a, dans le fond, aucune espèce d’importance: le niveau de notre football, exception faite de l’équipe nationale qui sera confrontée à un sacré défi en France, où elle se présentera comme l’une des favorites au sacre européen, rend tout à fait anecdotique le succès de l’une ou l’autre de ces équipes. Quand la compétition continentale reprendra cours, en août prochain, le détenteur de la coupe nationale sera appelé plus que vraisemblablement à y faire de la figuration.

FootballCe qui n’est pas indifférent, par contre, c’est le total mépris affiché une nouvelle fois par la Ligue professionnelle, qui a programmé cette finale de coupe un dimanche à 16 heures. On aurait voulu un peu plus encore enfoncer les clubs amateurs qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Combien de supporters, en effet, ne choisiront pas de préférer le confort douillet de leur salon, pour suivre l’affrontement entre «Gazelles» et «Rouches», plutôt que d’aller endurer froidure et pluie, dans une tribune mal protégée, pour suivre une rencontre de provinciale qui prendra essentiellement lieu de partie de pousse-ballon, et démentira par là-même la qualification d’«intelligence en mouvement» qu’avait décernée Henri de Montherlant au ballon au pied?

Les multiples bénévoles qui se démènent pour assurer la survie des clubs de football amateur récrimineront donc à juste titre, au moins autant que les amateurs de foot pour qui cette finale de coupe, disputée avant le début des fantaisistes «play-offs», que le foot belge est le seul à proposer, et dont le déroulement sera nécessairement faussé par le résultat de cette finale. Si le Standard l’emporte, les «play-offs 2» seront tout simplement vidés de leur substance, puisque les Liégeois, qualification européenne en poche, n’auront plus aucune raison de se faire violence afin de forcer une place en finale de cette compétition particulière, pour, ensuite, tenter de décrocher un ticket européen contre le troisième, le quatrième, voire le cinquième des «play-offs 1». Mais si le Club Brugeois l’emporte, conformément à la logique sportive d’avant-match, quel intérêt aura-t-il encore à se faire mal, si, d’aventure, il se retrouve contre toute attente rapidement écarté de la course au titre?

Doit-on plaindre le football amateur pour la cause? Faudrait-il d’abord que son comportement soit irréprochable. Or, depuis janvier, les colonnes sportives des quotidiens ne sont remplies que d’annonces de transferts de joueurs dans la perspective de la prochaine saison! Peut-on dès lors croire qu’ils continueront à se livrer sans réserve pour leur club actuel?

Nous ne sommes pas naïf: de tout temps, même dans le football provincial, des joueurs ont été contactés en cours de saison, en vue de la conclusion d’un futur transfert. Mais à tout le moins, rien ne pouvait-il être conclu avant la très officielle période de transferts.

La pratique actuelle rompt avec l’hypocrisie de l’époque, nous dira-t-on? On pourrait entendre le raisonnement, si la pratique de rétributions en noir, déguisée par exemple sous forme de remboursements de frais, ne se perpétuait pas, comme à cette époque passée. Car ces transferts, désormais très tôt annoncés, se doublent de primes invraisemblables accordées aux footballeurs amateurs, par des présidents-mécènes, en mal de notoriété, et qui espèrent redorer leur blason en patronnant un club susceptible de décrocher un titre, fût-ce au plus bas niveau.

À la réflexion, c’est tout le foot, professionnel et amateur, qui est aujourd’hui bien malade. Raison de plus pour se désintéresser de cette finale de coupe: que le Club Brugeois ou le Standard de Liège l’emporte ne changera, dans le fond, rien à cette double dérive….