C’est maintenant que la démocratie turque doit être défendue – Now, Turkish democracy must be defended


Mustafa CambazLe nom de Mustafa Cambaz s’est ajouté, dans la nuit de vendredi à samedi, à la trop longue liste des martyrs de la liberté de la presse: ce reporter photographe du quotidien turc Yeni Safak a été tué pendant la tentative de coup d’État qui a vu les militaires rebelles occuper également la chaîne publique TRT; la chaîne privée CNN-Türk, ainsi que le journal Hurriyet.

Dans les studios d’Ankara de la TRT, la présentatrice Tijen Karas a ainsi été forcée de lire un communiqué sous la menace des armes. Plusieurs journalistes ont aussi été attaqués durant les troubles. À Istanbul, des civils qui s’opposaient au coup d’État ont molesté Selçuk Şamiloğlu, un photographe qui travaille pour Hurriyet et pour l’Associated Press. Quand la démocratie est attaquée, la presse libre est ciblée: c’est un grand classique!

La Fédération Internationale et la Fédération Européenne des Journalistes ont exprimé, une nouvelle fois, leur indignation devant l’assassinat d’un journaliste, et réclamé que ses assassins ne bénéficient d’aucune impunité (http://www.ifj.org/nc/news-single-view/backpid/51/article/photojournalist-killed-and-media-occupied-in-turkey-democracy-was-targeted/)

Le courage de la population turque a eu raison des mutins: le gouvernement et le président démocratiquement élus sont restés en place. Il leur reste maintenant à se montrer dignes de leurs concitoyens!

Depuis plusieurs années en effet, la Turquie s’est «illustrée» par sa faible performance en matière de respect des droits de l’homme, et en particulier de la liberté de la presse: à plusieurs reprises, sur ce blog et ailleurs, nous avons eu, avec nos confrères et consoeurs turcs, l’occasion de dénoncer l’incarcération de journalistes turcs qui ne faisaient qu’exercer leur devoir d’informer, et à réclamer leur libération.

Les journalistes n’ont pas été les seuls à faire les frais de cette campagne d’intimidation: des syndicalistes, des scientifiques, et des représentants de la société civile ont également été harcelés par les autorités.

Il reste à faire la lumière sur cette tentative de coup d’État: qui l’a planifié? Qui l’a inspiré? Seule une enquête impartiale permettra de le dire.

Or, les premiers bruits qui viennent de Turquie ne manquent pas d’inquiéter: il est question, notamment de rétablir la peine de mort. Et la question se pose: les autorités en place ne vont-elles pas saisir l’occasion pour régler leurs comptes avec toute l’opposition politique? Une nouvelle fois, il pourrait notamment être tentant d’assimiler à des «terroristes» et de poursuivre des journalistes qui enquêteront de leur côté sur la genèse de cette tentative de coup d’État

Les autorités turques doivent, en ces circonstances, se rendre compte que la population turque s’est précipitée dans les rues pour défendre la démocratie, plus que pour les défendre elles-mêmes. Cela devrait leur inspirer un respect plus grand que jamais pour les droits démocratiques de leur citoyens. Et en particulier, un respect plus grand que jamais pour la liberté de la presse.

 

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