Le PSG et le Bayern sacrés sans gloire le même jour


Les «ultras» du PSG sont sortis du Parc des Princes pour fêter leur titre, tout en critiquant leurs joueurs et les dirigeants du club

Deux championnats européens de football ont connu leur épilogue le même jour, ce samedi: en Allemagne, le Bayern de Munich, en disposant de son dernier rival, le Borussia Dortmund (3-1) a assuré son trente-deuxième titre, et son dixième sacre d’affilée, tandis qu’au Parc des Princes, à Paris, le Paris Saint-Germain conquérait son dixième titre, égalant ainsi le record établi en 1981 par l’AS Saint-Étienne, l’équipe mythique des «Verts».

Si les supporters bavarois ont fêté l’événement dans l’«Allianz Arena» – rebaptisée en Allemagne «Arroganz Arena» par toutes celles et tous deux qu’insupporte cette domination sans partage du club munichois – à Paris, c’est par un petit nul médiocre contre le RC Lens que les protégés de Maurizio Pocchetino se sont mis à l’abri de tout retour d’un adversaire. Et au moment du but égalisateur des Nordistes, les «ultras» du PSG avaient déjà déserté le stade, pour aller saluer le sacre en-dehors du Parc des Princes. Une manière pour eux d’exprimer leur mécontentement tant à l’égard des joueurs que de la direction qatarie du club de la capitale française.

Un de leurs attaquants vedettes (???), Neymar, les a critiqués pour leur réaction. Et pourtant, même si les membres des clubs «ultras» des différents clubs de la planète foot ne brillent pas nécessairement par leur intelligence, on doit dire que, là, une fois de plus, la vox populi a eu raison.

D’abord parce que fêter un titre après un petit match nul contre une formation montant de Ligue II, même si elle reste sur une remarquable saison, n’a rien de très glorieux. Surtout pour un club aux moyens tellement disproportionnés face à la concurrence, que, hors accident l’une ou l’autre année, comme l’AS Monaco en 2017 ou le LOSC (Lille), l’an dernier, personne, en France, ne peut plus rêver du titre.

Champions d’Allemagne, oui, mais balayés en Ligue des Champions

Et puis parce que le Paris Saint-Germain avait construit une équipe pour, pensaient ses dirigeants, enfin décrocher la Ligue des Champions. Et les supporters, dont les «ultras» y croyaient. Et patatras, une fois de plus, le rêve parisien s’est fracassé en huitièmes de finale de l’épreuve, à la faveur de la remontada du Real Madrid au stade Santiago Bernabeu.

Unay Emery, viré à Paris, victorieux à Villareal

Les sympathisants du Bayern feraient bien d’y réfléchir en Bavière. Car si leurs favoris ont à nouveau écrasé la concurrence pour coiffer les lauriers pour la dixième fois d’affilée, là aussi, ils n’ont aucun mérite, puisque les moyens du club sont nettement supérieurs à ceux de tous leurs concurrents. Mais là aussi, la Ligue des Champions s’est conclue sur un flop, avec une élimination sans gloire, à Munich même, face aux Espagnols de Villareal, entraînés par Unay Emery, un ancien entraîneur du PSG, limogé il y a quelques années pour… n’avoir pas remporté la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Ces éliminations précoces de deux clubs qui règnent sans partage sur leur compétition nationale n’est peut-être par le fruit du hasard. Car à force de disputer chez eux des rencontres qu’ils finissent toujours par l’emporter, sans devoir nécessairement forcer leur talent, leurs joueurs finissent forcément par «coincer» lorsqu’ils doivent aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, lors de confrontations avec des adversaires de haut niveau.

Il y a des exceptions, bien sûr. Comme quand le Bayern de Munich a battu… le PSG en finale de la Ligue des Champions. Mais globalement, c’est l’émulation qui amène dans le dernier carré des compétitions européennes des clubs qui, dans leur championnat national, font face à la plus rude concurrence.

En tout cas, cette année, la compétition continentale se résume à des duels hispano-britanniques. Car tant en Espagne qu’au Royaume-Uni, le championnat national continue à faire l’objet d’une lutte acharnée. Entre clubs hyper-friqués, là aussi. Car l’argent, qu’ils viennent des oligarques russes ou des pétromonarchies, se porte toujours là où il peut rapporter le plus.

Chelsea subit les sanctions infligées à Roman Abramovitch et aux autres oligarques russes

À la longue, le modèle va forcément s’user et la bulle risque d’éclater. Car quel intérêt représente encore une compétition nationale dont le vainqueur est déjà connu au coup d’envoi?

Tôt ou tard, les télévisions vont se détourner de ces compétitions dévaluées. Et la manne financière se réduira, précipitant peut-être sans les abîmes certains des clubs-stars de notre époque. Peut-être pas en Allemagne, où le règlement impose une présence majoritaire de propriétaires allemands dans les clubs. Mais les problèmes qui attendent Chelsea, par exemple, dont le propriétaire actuel, Roman Abramovitch, subit les sanctions mondiales qui frappent les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont là pour montrer la base mouvante sur laquelle ces clubs reposent.

Thomas Tuchel, viré au PSG, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea…

Chelsea qui, soit dit au passage, a remporté la Ligue des Champions l’an dernier sous la conduite de Thomas Tuchel, un entraîneur viré par le PSG parce qu’il n’avait pas réussi à lui faire conquérir la coupe aux longues oreilles…

Cette dérive illustre parfaitement la déchéance d’un football gangrené par le fric, comme l’ont démontré les enquêtes réalisées en Belgique dans des dossiers de corruption et de fraude fiscale à grande échelle, décelés dans le monde du football professionnel. Ou les procès à venir qui attendent, en Suisse, Sepp Blatter, ancien président de la FIFA et Michel Platini, ex-président de l’UEFA, qui tous deux, bénéficient de la présomption d’innocence, mais qui n’en devront pas moins s’expliquer sur des transferts d’argent suspects.

On attend, maintenant que la Justice fasse son œuvre à tous les niveaux, ce qui est loin d’être gagné d’avance, tant les dossiers financiers sont complexes à dénouer, et tant les magistrats spécialisés sont peu nombreux dans les divers pays européens.

Certes, l’argent domine le football depuis longtemps. Au début des années 1960, le Real Madrid, avec l’appui du pouvoir franquiste, dominait le football espagnol et le football européen. Et la tendance à idéaliser le passé ne date pas d’hier: comme disaient déjà les Romains, la République n’était jamais aussi belle que sous l’Empire.

Il n’empêche, les écarts, à l’époque, n’étaient pas aussi flagrants qu’aujourd’hui. Et les clubs se succédaient à la tête du football européen: après le Real, il y eut l’Ajax Amsterdam magique du début des années 1970, avec… une quasi-exclusivité de joueurs néerlandais de grand talent (Johan Cruyff; Ruud Krol, Johan Neeskens, Arie Haan, etc.). Puis le Bayern de Munich qui alignait presque exclusivement des joueurs bavarois (Sepp Mayer; Franz Beckenbauer; Georg Schwarzenbeck; Paul Breitner; Gerd Müller etc..).

Les «Verts» ont marqué leur décennie

L’AS Saint-Étienne, qui a échoué d’un rien dans la conquête de la coupe d’Europe des clubs champions, a fait alors chanter «Allez les Verts» par toute l’Europe. Et si cette équipe mythique, entraînée par Robert Herbin alignait Curkovic dans le but, et Piazza en arrière central, elle y ajoutait les Gérard Janvion, Jean-Michel Larqué, Dominique Rocheteau («L’ange vert»), et autres Hervé et Patrick Revelli, le goléador à la moustache gauloise.

Conduite par Guy Roux, l’AJ Auxerre a fait la nique aux grosses cylindrées françaises

Et, de temps à autre, des petits Poucet venaient bousculer les hiérarchies les mieux établies.

En France, l’AJ Auxerre, en 1996, sous la conduite de son mentor bourguignon, Guy Roux, coiffait les lauriers, à la surprise générale.

Chez nous, on se souvient de l’élimination, en 1983, du Paris Saint-Germain par un Waterschei THOR qui allait peu après être la victime principale de l’affaire de corruption entourant le match entre le Standard de Liège de Roger Petit et de Raymond Goethals, face à la même équipe limbourgeoise. Ou, en 1972, celle du grand Leeds par le Lierse, net vainqueur, à Elland Road (0-4) face à… l’équipe réserve du club anglais, trop confiant après sa victoire à l’aller à la chaussée du Lisp.

On se rappelle aussi l’élimination, en 1979, du grand Inter de Milan par le SK Beveren, en quarts de finale de la coupe des vainqueurs de coupe: arrivant sur place, les joueurs italiens avaient cru que le Freethiel, où il allaient connaître leur Bérézina, était le… stade d’entraînement de leur adversaire. Au tour suivant, en demi-finales, les coéquipiers du jeune Jean-Marie Pfaff ne pourront rien face au FC Barcelone, futur vainqueur de l’épreuve.

On n’oubliera pas la finale de la coupe des vainqueurs de coupe, perdue en 1981 par le Standard de Liège au Camp Nou, face à… Barcelone, dans des circonstances qui suscitent toujours la controverse. Ni la victoire du Club Brugeois contre Liverpool, en finale de la coupe de l’UEFA en 1976, puis sa défaite, en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, contre le même club, en 1978. Et les victoires du Sporting d’Anderlecht en finales de la coupe des coupes, en 1975, face à West Ham, et en 1978, devant l’Austria de Vienne, et de la coupe de l’UEFA, en 1983, face à Benfica.

Aujourd’hui, plus aucun club belge ne peut envisager une victoire européenne. Ni aucun club néerlandais, polonais, tchèque, slovaque, autrichien, suisse, croate, serbe, suédois, norvégien etc…. Tout est prévu pour empêcher un petit Poucet de venir perturber l’harmonieuse distribution de pognon entre les principaux clubs continentaux.

Au fait, oui, la République footballistique apparaît bien belle, sous l’Empire…