C’était le temps où tout le monde pouvait aller admirer Beckenbauer, Maier, Müller et les autres


Le décès de Franz Beckenbauer, le 7 janvier dernier, a été largement commenté dans la presse. On a tout dit du «Kaiser», de sa performance comme joueur de club puis comme entraîneur vainqueurs tous deux de la Coupe d’Europe des clubs champions, comme on disait à l’époque. De son élégance dans son rôle de libero du Bayern de Munich et de l’équipe nationale allemande, championne du monde chez elle, et à Munich par surcroît, en 1974, face à l’armade hollandaise apparemment invincible emmenée par Johan Cruyff, lui aussi disparu.

Personnellement, cela m’a rappelé la soirée du 15 mai 1974, au stade du Heysel, qui ne s’appelait pas alors encore le stade Roi Baudouin. C’est là que se retrouvaient face à face le Bayern, qui paraissait irrésistible avec notamment son «Bomber», Gerd Müller, la terreur des défenses, face à l’Atletico Madrid, qui atteignait, sauf erreur de ma part, pour la première fois la finale de la coupe «aux grandes oreilles» que son rival madrilène, le Real, avait déjà ramenée quelques fois dans la capitale espagnole.

Pourquoi ce souvenir? Parce que, jeune étudiant, j’étais dans une tribune où supporters bavarois et madrilènes se côtoyaient, se chambraient, mais où nulle agressivité ne transpirait.

Si j’avais pu assister à cette rencontre, et enfin voir de mes yeux les vedettes bavaroises que je n’avais jamais suivie jusque-là que sur le petit écran, c’est forcément parce que le prix des places, pour cette finale, était accessible même pour l’étudiant désargenté que j’étais alors. Peut-être avais-je dû épargner quelque temps pour m’offrir le ticket d’entrée, mais l’épreuve, manifestement, n’avait pas été trop dure à digérer.

Autre circonstance, inimaginable aujourd’hui: j’avais pu acheter mon billet aux guichets du Heysel, sans devoir déclarer si j’étais un supporter du Bayern ou de l’Atletico. Quand bien même j’avais bricolé un petit blason, attaché à mon blouson, dans lequel le supporter du RFC Liégeois que je suis toujours, saluait le Bayern de Munich…

Comme d’autres, j’attendais le rouleau compresseur bavarois… qui ne s’est pas mis en marche ce soir-là. Pire, au terme d’un 0-0 enregistré à la fin des 90 minutes (sans que je ne pense à dire à l’époque qu’«un score inverse eût mieux reflété la physionomie de la partie» comme aime à le répéter un de mes vieux potes), et une première prolongation terminée sur le même score nul et vierge, un but de Luis Aragonès, le futur sélectionneur de la «Roja», inscrit à la 114eme minute, provoquait l’effondrement des supporters bavarois, tandis que les aficionados de l’Atletico sortaient leur gourde de vin et le faisaient couler de manière à la fois typique et abondante.

Le rush final des Bavarois semblait vain, tant la défense des Madrilènes tenait le coup. L’arbitre de la rencontre se préparait déjà à siffler les trois coups fatidiques, pour mettre fin à la partie, quand Hans-Georg Schwarzenbeck, alias Katsche, le stoppeur de l’équipe du Bayern, franchissait la ligne médiane, s’avançait, et, des 25 mètres, frappait comme un bœuf le ballon… qui pénétrait dans le but adverse au ras du montant.

J’ignore si Schwarzenbeck, soldat de l’ombre par excellence, dont la rigueur extrême a notamment aidé Franz Beckenbauer à jouer son rôle de libero offensif, a inscrit beaucoup de buts dans sa carrière. Mais celui-là, inscrit à Bruxelles, le 15 mai 1974, a sauvé son club de l’humiliaton!

Aujourd’hui, on s’en remettrait à la loterie des coups de réparation. Mais alors, le nombre de rencontres imposées aux grandes vedettes du ballon rond était beaucoup moins important qu’aujourd’hui. Et la finale… s’est rejouée le surlendemain.

Celle-là, hélas, je ne l’ai pas suivie dans les tribunes du stade, mais devant l’écran de la télévision. Et là, le Bayern s’est retrouvé pour écraser l’Atletico Madrid (4-0) et conquérir la première de ses trois coupes d’Europe des clubs champions.

Dans l’équipe du Bayern, championne d’Europe lors de son «replay» bruxellois, une majorité très large de joueurs allemands, et même bavarois…

Bien sûr, déjà à l’époque, les clubs les plus riches dominaient déjà la scène européenne. Mais il n’empêche, dans cette équipe du Bayern championne d’Europe, l’immense majorité des joueurs étaient allemands et même bavarois.

Aujourd’hui, la finance folle domine et corrompt le football européen et le football mondial. Il n’est plus possible au spectateur lambda d’acquérir un billet pour une finale de coupe d’Europe, encore moins d’aller acheter son ticket d’entrée aux guichets du stade. Et la condition sine qua non pour obtenir ce précieux sésame, c’est de déclarer quel club on soutient.

Par le principe même du ruissellement, les mêmes règles valent pour les compétitions belges, que ce soit en première, en seconde divisions (désolé d’utiliser ces termes vieillots, je me refuse à nommer les «parrains» de ces compétitions) et même dans les divisions inférieures.

Quant aux journalistes sportifs, un genre journalistique auquel j’ai goûté, il y a une quarantaine d’années, leur rôle se réduit de plus en faire-valoir, dès lors que le choix des joueurs qu’ils peuvent interviewer après les rencontres leur est désormais dicté par les clubs.

On a beau dire que la République est toujours plus belle sous l’Empire, on ne m’empêchera pas de penser que la dérive du football au plus haut niveau finira par tuer le football lui-même…

L’Argentine méritoirement sacrée au terme d’un Mondial toujours contestable


La finale a sacré le meilleur joueur, Lionel Messi, qui inscrit ici son deuxième but, le troisième de l’équipe argentine

La «meilleure Coupe du monde de tous les temps» a osé Gianni Infantino, le très contestable président de la FIFA, citoyen du Qatar, après la finale à rebondissements du stade de Lusail. L’affirmation est d’autant plus à prendre avec des pincettes que, comme l’a écrit mon ancien collègue Frédéric Bleus, aujourd’hui, dans «L’Avenir», ce personnage avait déjà prononcé le même jugement après la finale de 2018, qui avait vu le sacre de la France face à la Croatie. Au moins aura-t-elle sacré, Lionel Messi, le meilleur joueur de cette fin de XXeme et de ce début de XXIeme siècle, au grand dam des Français et de Kylian Mbappé, dont le rêve de troisième étoile s’est fracassé à l’épreuve des tirs au but, que l’équipe coachée par Didier Deschamps avait, il faut bien le dire, miraculeusement atteinte.

Du côté français, on insiste sur le caractère exceptionnel de cette finale, où six buts ont été marqués, dont la moitié, il faut le dire, sur des coups de réparation justifiés.

Avant la France, les Pays-Bas avaient déjà remonté un handicap de deux buts face à l’Argentine.

Et on souligne l’invraisemblable retour de l’équipe française qui a remonté un handicap de deux buts… en oubliant un peu vite qu’en quarts-de-finale, le 9 décembre dernier, les Pays-Bas avaient réussi la même performance, après que l’entraîneur des Oranje, Louis van Gaal, eut joué le tout pour le tout, en plaçant ses grands formats devant. Et en profitant de la baisse de régime de l’Albiceleste, qui s’est peut-être à nouveau produite face à la France.

La pseudo-analyse oublie le fait que la première période s’est déroulée quasiment à sens unique, et que l’équipe française s’est fait «manger» par son adversaire. Comme elle l’avait été en deuxième période par le le Maroc, en demi-finale. Et comme elle avait souffert face à l’Angleterre, en quart-de-finale.

Le deuxième but argentin, inscrit par Angel Di Maria, au terme d’une contre-attaque modèle

À chaque fois, elle s’en était sortie miraculeusement, ou grâce au talent de son génial attaquant, Kylian Mbappé, triple buteur en finale,meilleur buteur de cette Coupe du monde, mais avec un seul petit but inscrit de plus que Leo Messi, son coéquipier du Paris-Saint-Germain, qui, lui, a marqué en quart-de-finale, en demi-finale, et en finale, à deux reprises.

Le deuxième but inscrit par Angel Di Maria, un ancien du… Paris-Saint-Germain, dont la sélection a surpris Didier Deschamps sur le plan tactique, venait concrétisait cette domination absolue de l’équipe argentine, qui aurait pu alourdir le score encore en début de reprise.

Un but de classe mondiale, à la Mbappé, n’a pas suffi à la France pour émerger

L’absence de recul de ces analyses, au lendemain de cette finale perdue, et les commentaires qui entouraient l’équipe de France avant cette finale, permettent de poser la question: les Bleus n’ont-ils pas péché par présomption, sachant que l’Argentine avait sué sang et eau pour éliminer les Pays-Bas?

Ou alors, Didier Deschamps a-t-il trop compté sur les éclairs de génie de Mbappé, tenu hors de la partie ce dimanche… jusqu’au coup de réparation providentiel (et justifié) qui lui a permis d’instiller le doute dans les esprits argentins, juste avant, la minute suivante, d’inscrire un but de classe mondiale, comme peu de joueurs, sans doute, sont capables d’en réaliser.

Une attitude qui ne respire pas forcément la modestie

Mais à nouveau, les joueurs français, et Kylian Mbappé en particulier, n’ont-ils pas alors déjà vendu la proie pour l’ombre. S’il est impossible de s’en rendre compte devant un téléviseur, l’attitude de l’attaquant du Paris-Saint-Germain laisse parfois penser qu’il ne pèche pas par un excès de modestie. Ni par un sens aigu du collectif, comme le montre son comportement dans son club.

S’ils comptaient en tout cas sur un effondrement de l‘Albiceleste, les Français avaient fait un mauvais calcul, puisque Lionel Messi, à nouveau, a frappé. Et que les Bleus ne sont revenus à la hauteur des Argentins, qu’à la faveur d’un coup de réparation aussi miraculeux qu’indiscutable, qui a parmis à Mbappé d’égaler Geoffrey Hurst, l’avant-centre anglais, auteur de trois buts, dont l’un très contesté, lors de la finale de la Coupe du monde de 1966, entre l’Angleterre et la République fédérale allemande, au stade de Wembley.

Il a donc fallu, une nouvelle fois, passer par la loterie des tirs au buts pour décider le vainqueur final d’une coupe du monde de football.

Ce n’est pas la première fois que le titre était décerné de cette manière. Et l’on se souvient de ratés des plus grands joueurs au monde, qui ont fait peser la balance en défaveur de leur équipe.

Le coup de réparation manqué par Coman a sonné le glas des espoirs français

Ce dimanche, c’est Coman qui a vu son tir arrêté par le gardien argentin. Et puis Tchouaméni qui a expédié le ballon à côté du but. Reste la question sans réponse: les Français s’étaient-ils suffisamment préparés à cette épreuve, ou avaient-ils cru qu’ils y échapperaient par leur talent?

La loterie s’est ainsi révélée équitable: elle a couronné l’équipe qui avait été la meilleure dans cette finale.

Munie de sa troisième étoile, l’Argentine va devoir maintenant rebâtir une équipe. Mais c’est aussi vrai de la France, qui ne pourra plus compter longtemps sur des joueurs de base comme Lloris; Pogba; Benzema ou Giroud, tous proches de la retraite. Avec la question en suspens: Didier Deschamps va-t-il rempiler après cet échec?

Le «show» d’Emmanuel Macron a tourné court

Indifférent aux critiques qui s’étaient abattues sur le Qatar avant le début de ce Mondial, le président français, Emmanuel Macron, a fait deux fois le voyage de Doha, pour assister à la demi-finale victorieuse des Bleus face au Maroc, en demi-finale, puis à leur défaite en finale, face à l’Argentine. On a vu ensuite le locataire de l’Élysée se précipiter sur la pelouse, pour réconforter notamment Mbappé, qui n’avait sans doute pas besoin de cette sollicitude présidentielle, puis faire irruption dans le vestiaire des battus et s’adresser à deux à la manière d’un… entraîneur. Non sans quelques approximations de langage, comme lorsqu’il a salué «celles et ceux qui vont mettre fin» à leur carrière internationale. Comme le faisait remarquer un chroniqueur, ce matin, sur une des chaînes françaises d’information (?) continue, dans un vestiaire uniquement peuplé d’homme, ces paroles étaient un peu incongrues.

Plus largement, la présence d’Emmanuel Macron à Doha a largement contredit sa thèse de séparation stricte entre le sport et la politique. Comme si l’attribution de ce Mondial à l’émirat n’avait pas été concoctée… à l’Élysée par un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, en connivence avec le président français de l’UEFA (Union européenne de football association) de l’époque, Michel Platini. Le soutien français au Qatar, on s’en souvient, devait être compensé par le rachat du Paris-Saint-Germain, alors en situation de virtuelle faillite, et par des investissements qataris en France. On ignore si la victoire finale des Bleus était également prévue, mais si c’était le cas, la glorieuse (?)  incertitude du sport s’y est opposée.

Pour le Qatar, globalement, ce Mondial se solde par un lourd échec sur le plan de l’image de marque. 

Il y avait eu, d’abord, l’interdiction de la vente d’alcool, prononcée juste avant le début de la compétition. La mesure a sans doute contribué à l’absence de troubles, mais si l’organisation de la compétition n’a souffert aucune critique, son impact environnemental a été plus d’une fois dénoncé. Et la manière dont la FIFA s’est couchée devant les autorités qataries pour interdire à sept fédérations européennes (mais pas la française, tiens, tiens..) de promouvoir les droits de la communauté LGBTI au travers du simple port d’un brassard par leur capitaine d’équipe, marquera à jamais cette édition de la compétition. Comme le geste des joueurs allemands, posant la main sur la bouche, pour une photo officielle de l’équipe, afin de dénoncer le bâillon qui leur était imposé.

Et comme si tout cela ne suffisait, c’est en pleine coupe du monde qu’une enquête des autorités belges a entraîné un scandale au Parlement européen, où des élu(e)s sont soupçonné(e)s d’avoir touché des pots-de-vin impressionnants, pour faire la promotion du… Qatar au sein de l’assemblée. Laquelle a du coup reporté aux calendes grecques une proposition de facilitation de l’octroi de visas pour les citoyens de l’émirat. En matière de communication, on ne pouvait… rêver pire!

Les masques sont tombés au Qatar


«Humour qatari»

Les «humoristes» qataris ont fait dans la «groβe» dentelle, après l’élimination de l’équipe allemande de football du Mondial dans leur pays. En parodiant le geste des joueurs de la Mannschaft, ils ont surtout fait la démonstration de leur stupidité : le «onze» allemand, en se mettant la main devant la bouche, lors de la photo d’équipe précédant son tout premier match, ne voulait pas dénoncer en premier l’absence de droits humains dans le pays organisateur de la compétition, mais la lâcheté de la FIFA.

Un geste symbolique fort des joueurs allemands

La Fédération Internationale de Football Association avait en effet accepté au départ que les capitaines sept nations européens (Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Pays-Bas, Pays de Galles, et Suisse) arborent un brassard rappelant les droits des personnes LGBTI. Puis, à la dernière minute, son président italo-suisse, Gianni Infantino, résidant au… Qatar, a menacé d’un carton jaune les joueurs qui oseraient ainsi se faire les porte-parole d’une minorité oppressée dans son pays d’adoption.

Les fédérations concernées ont obtempéré, tout en dénonçant l’initiative. Les joueurs allemands, eux, ont jugé que la coupe était pleine.

Gianni Infantino seul candidat à sa propre succession…

Les absents ont toujours tort: Allemands, Belges, Danois, Gallois, et Suisses rentrés prématurément dans leur pays, il ne reste donc plus que les Anglais et les Néerlandais pour éventuellement faire preuve de la même audace que les footballeurs d’Outre-Rhin. On craint toutefois qu’ils n’osent pas affronter le courroux du président par accident de la FIFA, seul candidat, par ailleurs à sa prochaine réélection (où les «achats de votes» du passé se répéteront-ils?).

L’excellent européduté socialiste belge Marc Tarabella se prononçait contre tout boycott de ce Mondial, avant le début de la compétition, au motif que les progrès insuffisants en matière de droits humains ne seraient ainsi pas encouragés. Et que donc, cet exemple ne pourrait faire ensuite tache d’huile. Cet optimisme raisonné est aujourd’hui battu en brèche: avec la complicité active de la FIFA, ce championnat du monde de football au Qatar ne changera rien à la situation des femmes, des homosexuels, et des travailleuses et travailleurs immigrés qui ont été nombreux à payer de leur vie la construction des stades où se produisent les vedettes du ballon rond.

Mutatis mutandis, la FIFA fait ainsi moins bien que la Comité International Olympique, qui avait obtenu de l’Allemagne nazie, en 1936, qu’elle suspende, au moins durant la durée des Jeux de Berlin, la persécution des Juifs, qui allait hélas reprendre, et de quelle manière dégueulasse, par la suite!

Futur meilleur buteur et futur champion du Monde?

Entre-temps, la France, avec son joueur-vedette Kylian Mbappé, semble bien partie pour renouveler son bail. À moins que les Anglais, en quarts-de-finale, ou les Brésiliens, voire les Néerlandais, à un stade ultérieur, ramènent les Coqs à la raison?

La perspective paraît peu vraisemblable, tant l’attaquant-vedette du Paris-Saint-Germain éclabousse les terrains de sa classe. Son ambition proclamée, est de conquérir un titre mondial. Avant, au prochain mercato hivernal, de monnayer encore plus son immense talent, soit en partant pour le Real Madrid, pour troquer les millions qataris contres des millions émiratis, soit en obtenant une sérieuse augmentation, et en renforçant encore sa position au sein du club parisien, où il décide apparemment déjà de tout ou quasi.

Kylian Mbappé, actuellement en tête du classement des buteurs de ce Mondial, continuera sûrement à affoler les défenses, pour se parer, au moins, du titre de capo canoniere au terme de la compétition.

Le record de Just Fontaine tiendra sans doute toujours

Cette performance, un autre joueurs français, largement oublié aujourd’hui, l’avait réalisée en 1958 en Suède, au cours d’un Mondial nettement moins critiqué, qui avait vu éclore une autre star mondiale, le Brésilien Pelé.

Il est douteux que Kylian Mbappé égale, en 2022, le record de treize buts inscrits par Just Fontaine sous les latitudes scandinaves. À une époque où les équipes qualifiées étaient nettement moins nombreuses, et par conséquent le nombre de rencontres disputées également.

En conquérant sa troisième étoile, l’équipe française pourrait hériter des dividendes du honteux arrangement de 2010, conclu sous les lambris du Palais de l’Élysée, dont le locataire de l’époque, recevant l’émir du Qatar, avait fait convoquer le président français de l’UEFA, Michel Platini, pas encore emporté par l’affaire financière qui lui a coûté son mandat.

L’objet de la rencontre était de monnayer le soutien de l’UEFA à l’octroi à l’émirat de l’édition 2022 du Mondial de football, et d’obtenir en contrepartie le rachat du Paris-Saint-Germain, alors à la dérive, par des fonds qataris, et des investissements substantiels de l’émirat en France.

C’est finalement ce qui arrivera, au terme d’un congrès où, pour rappel, Belgique et Pays-Bas avaient déposé une candidature commune qui tenait la route… mais n’avait aucune chance face aux manœuvres de coulisse de ce type.

Les engagements qataris pris ce jour-là ont été parfaitement remplis, une fois l’attribution du Mondial 2022 conclue. Emmanuel Macron, le successeur lointain de Nicolas Sarkozy, y a ajouté récemment l’odieux, en recevant le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, commanditaire présumé du massacre et du démembrement du journaliste contestataire Jamal Kashogghi, et en lui octroyant la Légion d’honneur. Le geste a choqué un certain nombre de récipiendaires, qui ont dans la foulée retourné leur décoration au Palais de l’Élysée.

On comprend, dans ces conditions, que la Fédération française de football, mouillée jusqu’au cou dans ce marchandage peu glorieux, ne s’est pas associée aux sept fédérations européennes sus-nommées, et n’ait pas osé afficher le moindre geste de contestation du régime!

Ne reste plus aux Bleus qu’à apposer le paraphe final sur ce dossier. S’ils y arrivent, leur troisième étoile sera teintée du sang des travailleurs qui ont construit les stades où se sera construit leur triomphe. Cela n’ébranlera sans doute pas ces joueurs aux talents immenses, mais au cœur apparemment de pierre et aux convictions politiques et sociales qui paraissent inversement proportionnelles à leurs qualités footballistiques.

Une fois cette consécration sportive acquise, on espère, sans trop y croire, que les autorités françaises, président de la République en tête, mettront un bémol à leurs discours en faveur des droits humains et pour la propagation de la «laïcité à la française». Car ce qui se passe au Qatar montre que, dans leur chef, ce ne sont que des paroles creuses!

Ne cachez pas ces seins que nous voulons voir!

Si la FIFA a eu soin d’empêcher des fédérations européennes de manifester un simple geste de contestation à l’égard du régime qatari, que ce soit à l’égard des femmes, des travailleurs immigrés, ou de la communauté LBGTI, les amateurs qataris de football n’en sont pas moins des hommes. Et à chaque apparition dans les tribunes d’une «influence» croate, ils n’ont pas assez de leurs yeux pour la croquer des yeux. La cocotte, elle, se réjouit de faire le buzz sur les réseaux sociaux, et d’accroître sans cesse le nombre de ces «followers». Ce serait sans doute trop lui demander de faire preuve d’un minimum de réserve, par solidarité avec les femmes de l’émirat. On ne peut pas passer des journées à préparer ses toilettes les plus sexys, et en même temps réfléchir!

Un ultime épisode qui ne rend pas sa crédibilité à l’Union belge de football


Le dernier acte d’un mauvais vaudeville s’est clôturé en ce début de semaine, devant les instances de l’Union belge de football, dont la crédibilité a encore pris un nouveau coup tant le coup était prévisible.

Pour rappel, ainsi qu’expliqué dans un billet précédent, le RFC Liégeois, premier champion de Belgique de l’histoire du football belge, a été, il y a quelques semaines, le seul club à terminer en tête de son championnat à ne pas accéder à l’étage supérieur. Les «Sang et Marine» ont été contraints, pour atteindre la division IB, de passer par un tour final avec Dender, Knokke et Dessel Sports, en dépit du fait que ces deux derniers clubs, faute de licence pour gagner l’étage supérieur, ne pouvaient pas monter.

Seuls, Dender et le Club Liégeois étaient donc concernés par ce tour final, et la solution sportive la plus logique aurait sans doute été de leur faire disputer deux rencontres pour se départager, voire une belle pour trancher définitivement la question. Mais c’était sans doute trop simple, et cette compétition boîteuse a quand même eu lieu. Elle a paru définitivement tourner à l’avantage du matricule 4 quand Dender, à l’avant-dernière journée, est venu se faire battre à Rocourt. Mais là aussi, il fallait un caillou dans la chaussure.

Le coup de Jarnac est venu au lendemain de ce succès en principe décisif, quand le «sportcomité» (j’utilise à dessein sa dénomination flamande) de l’Union belge a renversé une décision antérieure, et a infligé un… score de forfait aux «Rouge et Bleu» pour une erreur administrative qui, lors d’une rencontre de championnat, leur avait fait inscrire sur une feuille d’arbitre un jeune joueur de 22 ans et quelques jours, alors qu’il ne pouvait en avoir que 21. Une sanction administrative avait d’abord frappé le RFC Liégeois; le «sportcomité» renversait le classement à son détriment, juste avant la dernière journée du tour final: le procédé était cousu de câble blanc.

La direction du Club Liégeois, par la voix de son avocat de président, Jean-Paul Lacomble, annonçait immédiatement un recours, appuyé de quatorze moyens de droit, dont l’un portait sur le caractère tardif de la réclamation de… Dender contre cette erreur administrative. Devant n’importe quelle institution judiciaire, ce retard aurait suffi à repousser ce recours, mais pas au «sportcomité».

Restait un ultime espoir aux Liégeois: aller s’imposer à Knokke, lors de la dernière journée en tablant sur un très improbable échec de Dender face à Dessel Sports. Mais le moral n’y était plus: malgré une domination écrasante, les «Sang et Marine» se sont inclinés à la Côte, tandis qu’un seul petit but suffisait à Dender pour s’adjuger une promotion indue ou en tout cas bien peu sportivement acquise.

Il suffisait alors d’effacer la trace de ce forfait: c’est ce que l’Union belge a fait, en début de semaine, en donnant… raison au Club Liégeois, et en annulant d’autant plus aisément le score de forfait qu’il ne lui permettait pas de récupérer sa première place. Ayant ainsi gain de cause, les dirigeants du matricule 4 n’ont désormais plus aucune raison de s’adresser à la justice civile, pour demander compensation pour le préjudice incontestable ainsi subi…

Tout cela est évidemment cousu de câble blanc: cette dernière décision des instances de la fédération belge achève de les décrédibiliser au sud du pays, où on n’oubliera pas les accusations de corruption lancées jadis contre l’AS Eupen par le KV Mechelen et Waasland Beveren, qui avaient eux-mêmes tenté «d’arranger» leur rencontre sans subir la sanction prévue en pareil cas; la manière dont l’Excelsior Virton a été «truandé» en division II, ou IB si vous préférez, et aujourd’hui cette maladroite tentative de mettre le couvercle sur une colère qui reste vive.

On plaint le nouveau président de l’Union belge de football, qui ne vient pas du sérail, et qui a évoqué dès sa première interview les nombreux «défis» auxquels il doit faire face, du stade Roi Baudouin au football féminin, sans oublier le foot professionnel et le football amateur. Tiens, il n’a pas parlé de la corruption endémique dans le football belge, dont la fédération ne semble plus se soucier, dans l’attente de la sanction judiciaire. Ni, non plus, de cette étrangeté qui a vu un seul champion ne pas accéder à l’étage supérieur…

Le Club Liégeois victime de lui-même mais aussi de l’Union belge


Le sort en est donc jeté: battu à Knokke, le Royal Football Club Liégeois a loupé la montée en division IB, qui était son objectif avoué de cette saison.

Une nouvelle fois, les «Sang et Marine» ont été victimes de leur manque d’efficacité: à la Côte, ils ont dominé entièrement la rencontre, mais ils n’ont pu inscrire qu’un seul but, tout en fin de rencontre, insuffisant pour leur éviter la défaite, et insuffisant aussi pour leur permettre de rester dans les talons de Dender, petit vainqueur, de son côté, d’un Dessel qui n’était pas vraiment motivé pour ce tour final, décisif pour une montée qu’il ne pouvait pas plus obtenir que Knokke.

Pour les sympathisants du matricule 4, le coup est rude. Pour ses responsables, le président Jean-Paul Lacomble en tête, il est urgent de tirer toutes les leçons de ce fiasco final, dont le club porte une part de responsabilité, mais une part seulement…

La première question à se poser est de savoir s’il était opportun de se séparer de l’entraîneur, Drazen Brncic, à l’amorce du sprint final. Biens sûr, le Club Liégeois traversait alors une passe difficile, mais son expérience n’aurait-elle pas été précieuse dans ce tournoi si particulier pour la montée en division IB?

L’interrogation suivante porte sur le choix de celui qui prendra l’équipe en charge la saison prochaine. Il semble bien que Gaetan Englebert ne conservera pas ce poste. Et il s’agira de ne pas se tromper.

Il faudra aussi se pencher sur le noyau qui vient de boucler le présent championnat. Le but n’est évidemment pas de tout chambouler. Mais il y a tout de même des questions à se poser, quand on voit le nombre de rencontres où le matricule 4 a eu toutes les difficultés à s’imposer, alors que le recrutement de Jeremy Perbet était censé résoudre en large partie ses difficultés offensives. L’ancien goleador du Sporting de Charleroi a peut-être répondu à l’attente, en termes de buts inscrits, mais n’a-t-il pas fait défaut au moment le plus décisif?

Le propos n’est évidemment pas de pointer l’avant-centre du doigt. Car une rencontre, c’est bien connu, se gagne à onze, douze, treize, quatorze, quinze ou seize. Et il y a peut-être divers postes sur lesquels un renforcement serait nécessaire, pour pouvoir enfin décrocher la timbale.

L’encadrement du club doit lui aussi être passé en revue. Car aussi stupides soient les règlements de l’Union belge, l’erreur qui a fait oublier d’inscrire un joueur de moins de 21 ans sur la feuille d’arbitre d’un match crucial contre Dender a été très chèrement payée. Trop chèrement peut-être: on le saura après l’appel que le président Lacomble entend poursuivre pour le principe. Et pour éviter à d’autres de subir ce que le Club Liégeois a subi.

Et là, au-delà des moyens de droit soulevés par l’avocat qu’est Jean-Paul Lacomble (et notamment le fait que Dender n’ait pas porté plainte dans les délais, ce qui, devant n’importe quelle juridiction, l’aurait fait débouter… mais pas apparemment devant le comité sportif, ou plutôt devant le «sportcomité» comme l’a opportunément prononcé le président du Club Liégeois, de l’Union «belge» de football.

Car, si les responsabilités du club ne peuvent être éludées dans l’échec de sa course à la montée, celles de l’Union «belge» n’en sont pas moins écrasantes.

Ce n’est en effet pas un hasard si c’est au lendemain de la victoire qui apparaissait décisive, face à Dender que le «sportcomité» a infligé un score de forfait pour sanctionner une erreur administrative qui avait valu une simple amende au matricule 4.

Très peu sportif, Dender, battu 3-0 dans le match incriminé où le jeune de 22 ans installé sur le banc n’était pas monté au jeu, s’était pourvu en appel, signalant que lui-même avait été sanctionné d’un score de forfait pour la même erreur lors d’un précédent match.

Le hic, c’est que la jurisprudence de l’Union «belge» de football semble bien avoir été balbutiante sur la question: amendes et scores de forfait ont constitué une jurisprudence particulièrement changeante en la matière.

Toujours est-il que le coup de Jarnac a été parfaitement exécuté: euphorique dimanche et lundi, les joueurs liégeois ont été foudroyés par la décision lundi soir, et c’est avec un moral malgré tout dans les chaussettes qu’ils se sont présentés à Knokke, où ils ont eu la mauvaise idée de s’incliner.

Désormais, rien n’empêche les pontes de la fédération de maintenir le score de forfait, ou de l’annuler, puisque rien n’empêchera Dender d’accéder à la division I B….

Tout cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi le Club Liégeois, vainqueur de la compétition de division I A, a été le SEUL club champion de tout le football belge à ne pas accéder d’office à l’étage supérieur, et à laisser les suivants s’empoigner dans un tour final pour désigner un deuxième montant.

Pareille incongruité (le champion ne monte pas, mais bien le club… quatrième classé!) dénature complètement la compétition, mais de cela, apparemment personne ne se soucie.

Autre absurdité: ce tour final, où le Club Liégeois se retrouvait face… à trois clubs flamands, était ouvert à deux formations (Knokke et Dessel Sports) qui ne pouvaient en aucun cas monter. Quelle logique, dès lors, à organiser un tour final à quatre, susceptible de donner naissance à toutes les suspicions de collusion?

Le plus simple, dès lors qu’on accepte, en dépit de toute logique, que la meilleure équipe de la saison ne soit pas promue, aurait été de faire s’affronter le Club Liégeois et Dessel Sports soit en un test-match décisif, soit par matches-aller et retour, avec une belle éventuelle pour emporter la décision.

Tout cela, sans doute, est trop simple, pour les grands penseurs de l’Union «belge» de football, qui préfèrent faire compliqué. Et favoriser au passage les grands clubs, et tout particulier les clubs flamands, avec cette inscription, en division I B, d’équipe «U23» qu’on enverra au casse-pipes, sous prétexte d’aguerrir des jeunes footballeurs.

À tout le moins ces équipes pourront-elles descendre en fin de saison, ce qui n’était pas le cas des jeunes du Club Brugge, les seuls autorisés (tiens, tiens…) à participer au championnat de division I B, lors d’une saison précédente.

La compétition, du coup, en avait été singulièrement faussée. Celle à venir le sera également, car, selon le moment de la saison, les jeunots, même encadrés par de vieux chevaux de retour, offriront une résistance acharnée, ou se feront dézinguer dans les grands largeurs.

Bon, cette fois, la falsification de la compétition ne se fera pas à coups de montres de luxe, c’est déjà cela. Tiens, au fait, on attend toujours les mesures d’assainissement que l’Union «belge» de football devait prendre après la révélation de ce scandale. Il est vrai qu’il lui faudrait faire preuve de courage politique….

Le PSG et le Bayern sacrés sans gloire le même jour


Les «ultras» du PSG sont sortis du Parc des Princes pour fêter leur titre, tout en critiquant leurs joueurs et les dirigeants du club

Deux championnats européens de football ont connu leur épilogue le même jour, ce samedi: en Allemagne, le Bayern de Munich, en disposant de son dernier rival, le Borussia Dortmund (3-1) a assuré son trente-deuxième titre, et son dixième sacre d’affilée, tandis qu’au Parc des Princes, à Paris, le Paris Saint-Germain conquérait son dixième titre, égalant ainsi le record établi en 1981 par l’AS Saint-Étienne, l’équipe mythique des «Verts».

Si les supporters bavarois ont fêté l’événement dans l’«Allianz Arena» – rebaptisée en Allemagne «Arroganz Arena» par toutes celles et tous deux qu’insupporte cette domination sans partage du club munichois – à Paris, c’est par un petit nul médiocre contre le RC Lens que les protégés de Maurizio Pocchetino se sont mis à l’abri de tout retour d’un adversaire. Et au moment du but égalisateur des Nordistes, les «ultras» du PSG avaient déjà déserté le stade, pour aller saluer le sacre en-dehors du Parc des Princes. Une manière pour eux d’exprimer leur mécontentement tant à l’égard des joueurs que de la direction qatarie du club de la capitale française.

Un de leurs attaquants vedettes (???), Neymar, les a critiqués pour leur réaction. Et pourtant, même si les membres des clubs «ultras» des différents clubs de la planète foot ne brillent pas nécessairement par leur intelligence, on doit dire que, là, une fois de plus, la vox populi a eu raison.

D’abord parce que fêter un titre après un petit match nul contre une formation montant de Ligue II, même si elle reste sur une remarquable saison, n’a rien de très glorieux. Surtout pour un club aux moyens tellement disproportionnés face à la concurrence, que, hors accident l’une ou l’autre année, comme l’AS Monaco en 2017 ou le LOSC (Lille), l’an dernier, personne, en France, ne peut plus rêver du titre.

Champions d’Allemagne, oui, mais balayés en Ligue des Champions

Et puis parce que le Paris Saint-Germain avait construit une équipe pour, pensaient ses dirigeants, enfin décrocher la Ligue des Champions. Et les supporters, dont les «ultras» y croyaient. Et patatras, une fois de plus, le rêve parisien s’est fracassé en huitièmes de finale de l’épreuve, à la faveur de la remontada du Real Madrid au stade Santiago Bernabeu.

Unay Emery, viré à Paris, victorieux à Villareal

Les sympathisants du Bayern feraient bien d’y réfléchir en Bavière. Car si leurs favoris ont à nouveau écrasé la concurrence pour coiffer les lauriers pour la dixième fois d’affilée, là aussi, ils n’ont aucun mérite, puisque les moyens du club sont nettement supérieurs à ceux de tous leurs concurrents. Mais là aussi, la Ligue des Champions s’est conclue sur un flop, avec une élimination sans gloire, à Munich même, face aux Espagnols de Villareal, entraînés par Unay Emery, un ancien entraîneur du PSG, limogé il y a quelques années pour… n’avoir pas remporté la plus prestigieuse des compétitions européennes.

Ces éliminations précoces de deux clubs qui règnent sans partage sur leur compétition nationale n’est peut-être par le fruit du hasard. Car à force de disputer chez eux des rencontres qu’ils finissent toujours par l’emporter, sans devoir nécessairement forcer leur talent, leurs joueurs finissent forcément par «coincer» lorsqu’ils doivent aller chercher le meilleur d’eux-mêmes, lors de confrontations avec des adversaires de haut niveau.

Il y a des exceptions, bien sûr. Comme quand le Bayern de Munich a battu… le PSG en finale de la Ligue des Champions. Mais globalement, c’est l’émulation qui amène dans le dernier carré des compétitions européennes des clubs qui, dans leur championnat national, font face à la plus rude concurrence.

En tout cas, cette année, la compétition continentale se résume à des duels hispano-britanniques. Car tant en Espagne qu’au Royaume-Uni, le championnat national continue à faire l’objet d’une lutte acharnée. Entre clubs hyper-friqués, là aussi. Car l’argent, qu’ils viennent des oligarques russes ou des pétromonarchies, se porte toujours là où il peut rapporter le plus.

Chelsea subit les sanctions infligées à Roman Abramovitch et aux autres oligarques russes

À la longue, le modèle va forcément s’user et la bulle risque d’éclater. Car quel intérêt représente encore une compétition nationale dont le vainqueur est déjà connu au coup d’envoi?

Tôt ou tard, les télévisions vont se détourner de ces compétitions dévaluées. Et la manne financière se réduira, précipitant peut-être sans les abîmes certains des clubs-stars de notre époque. Peut-être pas en Allemagne, où le règlement impose une présence majoritaire de propriétaires allemands dans les clubs. Mais les problèmes qui attendent Chelsea, par exemple, dont le propriétaire actuel, Roman Abramovitch, subit les sanctions mondiales qui frappent les oligarques russes après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, sont là pour montrer la base mouvante sur laquelle ces clubs reposent.

Thomas Tuchel, viré au PSG, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea…

Chelsea qui, soit dit au passage, a remporté la Ligue des Champions l’an dernier sous la conduite de Thomas Tuchel, un entraîneur viré par le PSG parce qu’il n’avait pas réussi à lui faire conquérir la coupe aux longues oreilles…

Cette dérive illustre parfaitement la déchéance d’un football gangrené par le fric, comme l’ont démontré les enquêtes réalisées en Belgique dans des dossiers de corruption et de fraude fiscale à grande échelle, décelés dans le monde du football professionnel. Ou les procès à venir qui attendent, en Suisse, Sepp Blatter, ancien président de la FIFA et Michel Platini, ex-président de l’UEFA, qui tous deux, bénéficient de la présomption d’innocence, mais qui n’en devront pas moins s’expliquer sur des transferts d’argent suspects.

On attend, maintenant que la Justice fasse son œuvre à tous les niveaux, ce qui est loin d’être gagné d’avance, tant les dossiers financiers sont complexes à dénouer, et tant les magistrats spécialisés sont peu nombreux dans les divers pays européens.

Certes, l’argent domine le football depuis longtemps. Au début des années 1960, le Real Madrid, avec l’appui du pouvoir franquiste, dominait le football espagnol et le football européen. Et la tendance à idéaliser le passé ne date pas d’hier: comme disaient déjà les Romains, la République n’était jamais aussi belle que sous l’Empire.

Il n’empêche, les écarts, à l’époque, n’étaient pas aussi flagrants qu’aujourd’hui. Et les clubs se succédaient à la tête du football européen: après le Real, il y eut l’Ajax Amsterdam magique du début des années 1970, avec… une quasi-exclusivité de joueurs néerlandais de grand talent (Johan Cruyff; Ruud Krol, Johan Neeskens, Arie Haan, etc.). Puis le Bayern de Munich qui alignait presque exclusivement des joueurs bavarois (Sepp Mayer; Franz Beckenbauer; Georg Schwarzenbeck; Paul Breitner; Gerd Müller etc..).

Les «Verts» ont marqué leur décennie

L’AS Saint-Étienne, qui a échoué d’un rien dans la conquête de la coupe d’Europe des clubs champions, a fait alors chanter «Allez les Verts» par toute l’Europe. Et si cette équipe mythique, entraînée par Robert Herbin alignait Curkovic dans le but, et Piazza en arrière central, elle y ajoutait les Gérard Janvion, Jean-Michel Larqué, Dominique Rocheteau («L’ange vert»), et autres Hervé et Patrick Revelli, le goléador à la moustache gauloise.

Conduite par Guy Roux, l’AJ Auxerre a fait la nique aux grosses cylindrées françaises

Et, de temps à autre, des petits Poucet venaient bousculer les hiérarchies les mieux établies.

En France, l’AJ Auxerre, en 1996, sous la conduite de son mentor bourguignon, Guy Roux, coiffait les lauriers, à la surprise générale.

Chez nous, on se souvient de l’élimination, en 1983, du Paris Saint-Germain par un Waterschei THOR qui allait peu après être la victime principale de l’affaire de corruption entourant le match entre le Standard de Liège de Roger Petit et de Raymond Goethals, face à la même équipe limbourgeoise. Ou, en 1972, celle du grand Leeds par le Lierse, net vainqueur, à Elland Road (0-4) face à… l’équipe réserve du club anglais, trop confiant après sa victoire à l’aller à la chaussée du Lisp.

On se rappelle aussi l’élimination, en 1979, du grand Inter de Milan par le SK Beveren, en quarts de finale de la coupe des vainqueurs de coupe: arrivant sur place, les joueurs italiens avaient cru que le Freethiel, où il allaient connaître leur Bérézina, était le… stade d’entraînement de leur adversaire. Au tour suivant, en demi-finales, les coéquipiers du jeune Jean-Marie Pfaff ne pourront rien face au FC Barcelone, futur vainqueur de l’épreuve.

On n’oubliera pas la finale de la coupe des vainqueurs de coupe, perdue en 1981 par le Standard de Liège au Camp Nou, face à… Barcelone, dans des circonstances qui suscitent toujours la controverse. Ni la victoire du Club Brugeois contre Liverpool, en finale de la coupe de l’UEFA en 1976, puis sa défaite, en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, contre le même club, en 1978. Et les victoires du Sporting d’Anderlecht en finales de la coupe des coupes, en 1975, face à West Ham, et en 1978, devant l’Austria de Vienne, et de la coupe de l’UEFA, en 1983, face à Benfica.

Aujourd’hui, plus aucun club belge ne peut envisager une victoire européenne. Ni aucun club néerlandais, polonais, tchèque, slovaque, autrichien, suisse, croate, serbe, suédois, norvégien etc…. Tout est prévu pour empêcher un petit Poucet de venir perturber l’harmonieuse distribution de pognon entre les principaux clubs continentaux.

Au fait, oui, la République footballistique apparaît bien belle, sous l’Empire…

Ni le sport en général, le football en particulier, ne sont apolitiques


Est-il cohérent d’exclure la Russie de la prochaine coupe du Monde, et les clubs russes des compétitions européennes, en raison de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes? La décision conjointe de la FIFA et de l’UEFA, confrontées au refus de la Suède, de la Pologne et de la République tchèque de rencontrer l’équipe russe pour tenter de décrocher les derniers tickets pour le Qatar, leur a sans doute forcé la main. Mais un large consensus existe à ce sujet.

Certains pourtant, à l’image d’un des chroniqueurs de l’émission télévisée de la RTBF «La Tribune», continuent à penser que pareille exclusion est inique à l’égard de sportifs qui se sont préparés ou qui se préparent pour de grandes épreuves. Sous-entendant, sans doute, par là, que le sport en général, et le football en particulier, sont complètement apolitiques. Vague réminiscence, peut-être, des Jeux Olympiques de l’Antiquité, où les cités qui y participaient mettaient leurs conflits entre parenthèses pour la durée des compétitions, et satisfaire les dieux qui les protégeaient.

L’époque moderne a pourtant balayé cette théorie: plus personnes aujourd’hui ne mettrait en doute le fait que, pour l’Allemagne nazie, les Jeux Olympiques de 1936 constituaient une occasion rêvée de mettre le régime en lumière. Il était pourtant déjà question de boycott à l’époque: afin de les prévenir, les pontes du régime avaient notamment donné pour instruction de faire disparaître, le temps d’un été, toutes les inscriptions antisémites qu’ils avaient largement contribué à faire proliférer.

Il y a un demi-siècle, les performances gymniques exceptionnelles de la toute jeune Nadia Comaneci, aux Jeux Olympiques de Montréal, en 1976, lui ont valu la lourde protection du couple présidentiel roumain, Nicolae et Elena Ceaucescu. Un joug qui, à mesure que la jeune prodige prendra de l’âge, et ne pourra plus reproduire ses performances uniques, lui pèsera tellement qu’elle finira par prendre le chemin de l’exil.

Quatre ans plus tard, de nombreux pays occidentaux et musulmans, les États-Unis en tête, boycottent les Jeux Olympiques de Moscou, pour dénoncer l’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques. En retour, les pays communistes refuseront, en 1984, de participer aux Jeux de Los Angeles.

La coupe du Monde de football, en Argentine, en 1978, avait provoqué les mêmes débats, chez les Neerlandais notamment, dont le chef de file, Johan Cruyff, avait snobé la compétition. En raison d’une blessure, ou, avait-on dit à l’époque, parce qu’il refusait de cautionner la dictature argentine, qui a au bout du compte bénéficié du regain de popularité que lui a valu la victoire finale des Argentins…

Kamila Valieva n’a pas servi la gloire de la Russie poutinienne

Cette instrumentalisation du sport se poursuit de nos jours, parfois de manière éhontée: la jeune patineuse russe Kamila Valieva, 15 ans, a été convaincue de dopage, quelques jours avant les récents Jeux Olympiques de Beijing. Personne ne se fait d’illusion à ce sujet: l’adolescente n’a pas trouvé seule des produits dopants, destinés à l’amener à des niveaux de performance supérieures; et son explication qu’elle les avait ingurgités en buvant une boisson destinée à son grand-père n’a abusé que les crédules.

En compétition, la pression sur elle était tellement grande, que Kamila Valieva a chuté deux fois. La manière dont son entraîneuse l’a apostrophée à sa sortie de patinoire a choqué le monde du patinage et les responsables du comité olympique lui-même. La gamine avait fauté, car elle n’avait pas servi la plus grande gloire de la Russie poutinienne!

D’autres sportives et sportives avant elles ont subi une pression similaire. Et certains l’ont payé de leur vie, tel le magnifique footballeur autrichien Mathias Sindelaar, dans les années 30.

Le meneur de jeu de la Wunderteam («L’équipe magique») autrichienne, qui n’a subi que trois défaites entre 1930 et 1934, restait une vedette au moment de l’Anschluss entre son pays et l’Allemagne hitlérienne.

Mathias Sindelaar n’a pas voulu servir l’Allemagne nazie

Un match entre les deux équipes nationales, organisé pour célébrer l’événement, devait se clôturer, sur ordre des nazis, par un match nul fraternel. Mais Mathias Sindelaar ne l’entendait pas de cette oreille: sous son impulsion, l’équipe autrichienne, qui allait disparaître, battit l’équipe allemande (2-0).

Quelques semaines plus tard, l’Allemagne prenait part au championnat du Monde de football qui se jouait en France, et comptait bien aligner Sindelaar dans ses rangs. Mais le chef d’orchestre autrichien fera défaut à la Mannschaft, invoquant une blessure.

Le 23 janvier 1939, on le retrouvait asphyxié, avec sa maîtresse, dans son appartement de Vienne. Suicide dira-t-on à l’époque: l’hypothèse de l’assassinat a pris consistance de nos jours.

Quinze mille personnes assisteront à ses obsèques. Pour rendre hommage à l’artiste et manifester leur attachement à l’Autriche disparue.

Sur de nombreux terrains de football d’Europe, ce dernier week-end, le drapeau ukrainien a été exhibé. Et les joueurs ukrainiens (Sobol au Club Brugeois, Yaremchuk à Benfica) ont été ovationnés. Le public, lui, l’a bien compris: le football ne vit pas sous cloche dans le monde qui nous entoure.

L’exclusion de la Russie du Mondial au Qatar, et des clubs russes des compétitions européennes de football sanctionnent justement l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et répondent à l’attente du public.

Un Euro mitigé… qui s’annonce pire encore


Le rideau est tombé ce dimanche sur l’Euro et le sacre tardif de l’Italie, à la loterie des tirs au but, a suscité des commentaires dithyrambiques des pseudo-spécialistes, qui auraient adressé… les mêmes compliments à l’équipe anglaise, si d’aventure la pièce était tombée de l’autre côté.

Il convient de rendre hommage au travail de reconstruction de la Squadra Azzura entamé il y a trois ans par son entraîneur, Roberto Mancini, et constater qu’au cours de la phase éliminatoire, l’Italie a proposé le football le plus attractif, aux antipodes, disait-on alors, de la manière traditionnelle de jouer des Azzuri.

Mais il faut se souvenir aussi qu’elle a sué ensuite sang et eau pour émerger face à l’Autriche; qu’elle a éliminé méritoirement la Belgique privée de son meilleur joueur et où deux de ses trois médians étaient boiteux; qu’elle a été balayée par une équipe espagnole où Oyarzabal doit toujours voir dans ses cauchemars le coup de tête inratable qu’il a loupé à un moment décisif, et qu’en finale, elle n’a pratiquement pas franchi le milieu de terrain avant la pause, atteinte après avoir échappé à un coup de réparation évident qui aurait pu lui donner le coup de grâce.

L’instant décisif: l’Angleterre va louper son troisième tir au but!

En face, l’Angleterre a séduit également lors de son parcours vers la finale, mais, comme face à la Croatie en 2018 et devant l’Italie ce dimanche, elle a loupé la dernière marche. Et, après le repos, quoique menant au score, elle a été incapable de répliquer au changement tactique opéré par son adversaire, et elle a à son tour été effacée du terrain. On relèvera aussi qu’elle a pratiquement joué tous ses matches à Wembley, ce qui lui a conféré un avantage incontestable sur ses adversaires, dont elle a été incapable de profiter jusqu’au bout.

On ne peut donc parler de grande finale en l’occurrence, et on doit remarquer que les attaquants ou joueurs offensifs alignés des deux côtés ont été incapables de marquer le moindre but. Que le défenseur italien Leonardo Bonucci ait été proclamé homme du match est d’ailleurs plus qu’éloquent…

Cet Euro a été aussi marqué par l’usage intensif de la vidéo-assistance. Avec succès, quand les décisions arbitrales ont été rapidement confirmées ou infirmées. De manière moins heureuse quand des buts ont été annulés pour des hors-jeux de quelques millimètres : pour le Mondial au Qatar, il sera urgent de revoir les directives, afin de rendre une priorité aux attaquants, et en revenir à l’esprit de cette règle du hors-jeu.

La demi-finale entre l’Angleterre et le Danemark et la finale entre l’Angleterre et l’Italie a toutefois consacré la faillite de ce système, avec le coup de réparation indûment accordé à Sterling contre le Danemark, et celui, bien plus clair, qui lui a été dénié ce dimanche.

Si une forme de sanction de l’attaquant anglais a été ainsi pratiquée, elle est détestable. Sinon, il faudra tout de même une explication publique à ces fiascos.

Le bilan belge est décevant : écrasés par le Danemark en première période, malmenés par les Portugais en seconde mi-temps, largement dominés par les Italiens, les Diables Rouges peuvent bien sûr invoquer les blessures d’Eden Hazard et de De Bruyne, ou le manque de rythme de Witsel pour masquer leur échec.

Mais les lacunes défensives observées chez des joueurs sur le déclin; l’absence de jeunes, hors Doku, dans le noyau, là où l’Angleterre, l’Italie, ou l’Espagne n’ont pas hésité à titulariser de tout jeunes joueurs; un jeu par trop prévisible pour l’adversaire, et un esprit d’équipe qui a paru faire défaut face au mental collectif sans faille des Azzuri ont pavé la voie vers l’élimination.

Cette génération dorée nous offrira sans doute encore des moments de grâce. Mais pour un grand succès international, la chance, manifestement, est passée…

Se rassurer en se remémorant l’élimination précoce de la France ou de l’Allemagne n’aurait aucun sens: au Qatar, l’an prochain, elles reviendront plus fortes.

Se réfugier derrière le fait que la Belgique n’a été vaincue que par le futur champion d’Europe est puéril : c’est pourtant ce qu’on a entendu sur la Une ce dimanche..

L’art est difficile et la critique aisée. Mais avoir entendu au cours du parcours des Diables que les frères Hazard jouaient pour la seizième fois ensemble lors d’une rencontre et pour la dix-septième lors du match suivant où qu’ils combinaient « comme à Tubize » était assez vain. Entendre différents joueurs qualifiés d’ « aspirateur à ballons » au cours de rencontres successives est devenu lassant. Considérer que les joueurs anglais allaient « donner leur corps pour l’Angleterre » avait des relents impériaux surannés. Quant aux considérations sur l’avantage qu’aurait eu l’équipe de Graeme Southgate sur celle de Roberto Mancini parce que cette dernière avait déjà dû disputer deux rencontres avec prolongations pour une seule à son adversaire, on a fait la charité à leur auteur de les oublier au moment du dernier coup de réparation loupé par les Anglais.

On espère que d’ici au Mondial du Qatar, la vision de rencontres retransmises par la BBC ou par la télé allemande aidera les commentateurs attitrés à trouver une forme de sobriété. Ou alors qu’un «vieux de la vieille» liégeois qui, lui, commente toujours avec un regard décalé qui accroche, se verra donner plus d’espace

Retour à la compétition : après deux Euro à 24 équipes, l’UEFA songe à un Euro à… 32 équipes, soit le double du nombre de participants entre 1992 et 2016.

Le but de la manœuvre est clair: multiplier les rencontres télévisées et générer encore plus de fric.

En pratique, cela va surcharger encore un peu plus un calendrier international déjà saturé : les déchirures de tendons d’Achille ou de ligaments, croisés ou non, vont devenir légions.

Quant à l’intérêt d’une compétition qui qualifiera 32 équipes sur 55, il se rapproche du pourcentage de risques pour une formation moyenne de se faire éliminer.

Après un Mondial qatari qui fleure la corruption et l’exploitation des êtres humains et qui désorganisera les championnats nationaux jusqu’au niveau le plus modeste dans le monde entier, le football européen se tirera une nouvelle balle dans le pied. Tant va la cruche à l’eau…

Et les Wallons qui sont des cochons ou du caca, c’est sans doute aussi du folklore…


Que le Club Brugeois ait mérité son titre de champion de Belgique de football ne se discute guère, même si les Blauw en Zwart n’ont guère été fringants au cours de ces «play offs» un peu particuliers cette année particulièrement chahutée.

Si, sur le plan sportif, l’équipe dirigée par Philippe Clément, a dominé la compétition de la tête et des épaules, en coulisses, il n’en a pas vraiment été de même, si on en juge par l’entrée en Bourse avortée d’il y a quelques semaines. Et, depuis ce jeudi, il y a l’affaire Noa Lang, avec le chant de victoire entonné par le jeune prodige néerlandais du stade Jan Breydel, qui a chambré devant des fans brugeois en folie les «supporters juifs d’Anderlecht».

Réprobation immédiate du monde du football, avec la Pro League qui «déplore» cet excès de langage, puis le parquet de l’Union belge qui déclare «se pencher» sur les faits, et enfin le scandale qui enfle, avec la presse étrangère qui commente abondamment l’incident.

Panique du Club Brugeois qui, dans un communiqué, précise que «Paysans pour les supporters de Bruges, Schtroumpfs pour ceux de Genk, cafards pour ceux de Malines, Juifs pour ceux d’Anderlecht: ce sont des surnoms souvent adoptés (…) Il n’y a pas de sous-entendu antisémite là derrière».

Pour un peu, on croirait entendre la réaction des autorités communales alostoises, après le défilé dans un cortège carnavalesque d’un char où trônaient des Juifs au nez crochu, assis sur des sacs d’or, et vêtus de manière traditionnelle.

On veut bien accorder aux dirigeants brugeois que Noa Lang n’est pas antisémite (avec un tel prénom, ce serait un comble!), mais on ne le suivra pas dans leur raisonnement. Pour eux, parce qu’on le dit souvent, il est normal, donc, de qualifier des supporters de clubs adverses de «Juifs» ou de «cafards»?

Dans une Flandre où la première place du Vlaams Belang dans les intentions de vote se confirme, l’affirmation fait frémir. D’autant que le terme «cafards» renvoie à un autre contexte, celui du génocide des Tutsis au Rwanda, préparé par une campagne de propagande relayée par la sinistre radio Mille Collines, où les futures victimes étaient quotidiennement qualifiées de «cafards».

Pour autant, la réaction du monde du football belge apparaît singulièrement hypocrite. Car on ne l’a pas connu aussi intransigeant, dans le passé, pour réprimer des chants racistes qui ciblaient des joueurs d’origine étrangère et notamment africaine. En témoigne la campagne menée actuellement par certains joueurs ou anciens joueurs, au premier rang desquels Romelu Lukaku, que la Belgique footballistique adule, mais qui a dû faire face à ses débuts d’attaques particulièrement méchantes. On se souvient aussi de la carte jaune adressée au joueur carolo Marco Ilaimaharitra, qui avait eu l’audace de faire remarquer à l’arbitre Jonathan Lardot que le public du Club Malinois -les «cafards», donc, à en croire la direction du Club Brugeois- lui adressait des cris racistes. Plus loin dans le temps, on a eu les bananes jetées sur le terrain en direction de joueurs d’origine africaine, parmi lesquels l’attaquant nigérian d’Anderlecht, Nii Lamptey…

De la même manière, jamais n’ont été sanctionnés les chants flamingants qualifiant les joueurs wallons de «cochons», ou les Wallons en général d’être «du caca»: encore du folklore, sans doute, pour la direction du Club Brugeois, qui a montré, là, que si son équipe est championne de Belgique, elle, elle est sans aucun doute championne de Belgique du mauvais goût et de la stupidité.

On savait qu’on trouve peu de prix Nobel parmi les membres des «kops» et autres clubs de supporters «enragés»; il faut bien constater qu’au niveau de ses dirigeants, le football belge a décidément aussi bien du mal à trouver des gens censés, qui s’efforceront d’éradiquer le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie des tribunes de leurs stades. On leur souhaite de connaître au plus vite des résultats sportifs à l’aune de la bassesse de ces sentiments.

Le retour de Seraing en D1A: sympa… mais de quel Seraing parle-t-on?


L’événement footballistique du week-end, dans notre petite terre d’héroïsme, a été la dégelée infligée par le RFC Seraing au SK Waasland-Beveren, qui condamne à la relégation le club waeslandien, et ramène du coup les Sérésiens au plus haut niveau du football belge, qu’ils ont quitté il y a un quart de siècle.

Ce résultat fait que la saison prochaine commencera à nouveau avec quatre clubs wallons au sein de l’élite: le Standard, le Sporting de Charleroi, l’AS Eupen (que je qualifierais plutôt de club germanophone… ou qatari), et donc, à la place de l’Excelsior Mouscron, le RFC Seraing, ou plus exactement le FC Seraing, si l’on s’en tient à la règle qui impose qu’un titre de «société royale» ne s’obtient qu’en fonction de conditions strictes (50 ans d’existence et agrément du Palais Royal), et qu’il ne peut se transmettre au gré de cessions à l’encan, dont le club de l’ancienne cité du fer a fait plusieurs fois l’objet au cours des dernières années.

Si l’on s’en tient aux faits, le RFC Seraing, club créé en 1905, a connu une existence chahutée marquée, au cours du dernier demi-siècle, par une grève des joueurs en 1969; par l’arrivée, l’année suivante, du défunt bourgmestre de Seraing, Guy Mathot, dans le comité de direction du club, ce qui lui attirera, plus tard, divers ennuis judiciaires; par la faillite du club, le 18 juin 1984, et sa reprise, en 1990, par le défunt entrepreneur bruxellois Gérard Blaton. Lequel fera flamber le Pairay, en qualifiant notamment le club pour une coupe d’Europe, avant de jeter l’éponge: le 2 avril 1996, le RFC Seraing est absorbé dans la fusion avec le Standard de Liège, et son matricule, le 17, disparaît pour toujours.

Feu le notaire Paul Plateus, fils de François Plateus, dirigeant historique du club, ancien secrétaire général du RFC Seraing, avait lutté jusqu’au bout pour faire échec à cette fusion, qui «tuait» son club. Mais comme le nabab bruxellois disposait de la totalité des parts de la coopérative, il n’avait eu que ses mots à opposer à une fusion qui équivalait à une mise à mort.

Restait le stade du Pairay, désormais veuf: il ne restera pas longtemps inoccupé. La Royale Union Liégeoise, née de la fusion de Bressous (matricule 23) et de Jupille, sous l’impulsion de l’ancien secrétaire du CPAS de Liège, Michel Faway, vient y planter ses pénates, et, en hommage au lieu, modifie son nom: le RFC Seraing-RUL voit le jour. Le 1er juillet 1996, il adaptera son nom: le RFC Sérésien accueille au sein de son équipe dirigeante d’anciens joueurs du RFC Seraing. En troisième division, le club se reconstruite patiemment jusqu’à l’irruption de Bernard… Serin.

Bernard Serin est une personnalité hors du commun. Il est arrivé en région liégeoise dans les bagages d’Usinor, et a été placé à la tête de Cockerill-Sambre quand le groupe sidérurgique lorrain a repris la sidérurgie wallonne.Tenu à l’écart du comité de direction du géant sidérurgique Arcelor, né de la fusion, le 18 février 2002, d’Usinor, de la luxembourgeoise Arbed, et de l’espagnole Aceralia, il claque ensuite la porte et reprend, avec l’aide de capitaux liégeois, Cockerill Mechanical Industries (CMI), la filiale la plus boîteuse du bassin sidérurgique liégeois. Il la transforme rapidement en success story wallonne et internationale: le groupe, qui a pris aujourd’hui le nom de John Cockerill, rayonne dans le monde entier.

Parallèlement à cela, cet hédoniste, originaire de l’Hérault, est devenu à la fois Lorrain et liégeois, et il est passionné par le football. Entré dans le comité du FC Metz en 2006, il en devient le vice-président exécutif en 2008, puis président en 2009, succédant au mythique Carlo Molinari. Bernard Serin préside toujours le club messin, qui, sous sa conduite, a connu des fortune diverses, faites de descente en Ligue 2 puis de remontée en Ligue 1, où il figure toujours aujourd’hui.

Cet homme d’affaires avisé imagine alors rapidement un partenariat entre le club lorrain et… qui au fond?

Dans un premier temps, le 1er juillet 2013, il reprend le RFC Sérésien, mais le club évolue alors en Iere provinciale liégeoise: la mariée n’est pas assez belle pour en faire un partenaire du FC Metz.

Un an plus tard, c’est le tour de passe-passe: le 1er juillet 2014, Bernard Serin rachète le matricule du club de Boussu-Dour, club lui-même issu d’une fusion, mais à bout de souffle. Sous le numéro 167, le club, baptisé Seraing United, évolue alors en division II.

Douze mois plus tard, le 1er juillet 2015, le club change à nouveau de nom: selon le site du club, il redevient le «RFC Seraing».

Petit problème, sauf à donner à la lettre «R» une autre dénomination, il ne peut en aucun cas exciper du titre de «Royal» puisque Seraing United n’avait pas hérité de cette distinction, non plus que Boussu-Elouges et Dour, clubs passé à la trappe de cette opération, de même que Bressoux, Jupille, et la Royale Union Liégeoise, dont le souvenir ne subsiste plus que chez les historiens du football belge.

Le phénomène n’est pas unique dans le football belge: pour ne plus parler du RWDM qui unit trois clubs disparus (le Racing de Bruxelles, le White Star, et le Daring de Molenbeek) qu’on a rebaptisé abusivement «Daring» à chaque fois qu’il a rencontré l’Union Saint-Gilloise, le Beerschot, par exemple, failli lui aussi, ne s’est tiré d’affaire qu’en rachetant le matricule de Wilrijk, et n’a gardé que pour un temps le nom de Beerschot-Wilrijk qui correspondait exactement à sa situation «matriculaire»

Le partenariat entre les deux clubs peut alors s’organiser: Seraing devient la succursale du FC Metz.

Un partenariat «gagnant-gagnant»? Pas immédiatement, puisque, avec la réforme du football belge, le FC Seraing s’est retrouvé en division IA francophone, où il a figuré sans briller jusqu’à l’année dernière, quand à la faveur d’un replâtrage de bric et de broc de la division I B (avec notamment l’intégration brillamment ratée des U23 du Club Brugge), le matricule 167 a bénéficié de circonstances administrative favorables, avec le désistement de plusieurs clubs, pour acquérir, sur le tapis vert, le droit de jouer à l’étage supérieur cette saison.

On connaît la suite: les renforts heureux venus de Lorraine, avec surtout le buteur Georges Mikautatdze, 22 buts cette saison, qui va repartir pour Metz; le début de championnat tonitruant; puis la lutte pour conquérir la deuxième place dans le sillage de l’intouchable Union Saint-Gilloise, placée, elle, sous tutelle britannique.

La conclusion de cette campagne est tombée dimanche, et quelques centaines de supporters ont fêté les «Rouge et Noir» à leur retour au Pairay.

Le plus dur commence maintenant. D’abord pour reconstruire une équipe, car Metz, qui a besoin de toutes ses plumes pour voler, reprendra ses meilleurs éléments, pour en amener d’autres, inexpérimentés, sur les hauteurs sérésiennes. Le problème, c’est qu’en division IA, les débutants n’ont pas toujours l’occasion de se faire les dents. Et le récent match de coupe de Belgique entre Seraing et le Standard est là pour montrer l’écart qu’il lui reste à franchir pour éviter de faire un rapide aller et retour.

Et puis reste la quadrature du cercle que Seraing, même à la grande époque des Bocande, Oblitas, Rojas, Bertelsen, Kabongo ou Lukaku (Roger, pas Romelu…) n’a jamais pu résoudre: hors les derbies liégeois, face au Standard ou au RFC Liégeois alors toujours en division I, ou à part la visite du Sporting d’Anderlecht ou du Sporting de Charleroi, les travées du Pairay sont le plus souvent restées désespérément vides.

Si on peut être heureux de cette promotion, et féliciter le FC Seraing pour ce résultat, ce n’est pas faire preuve d’un pessimisme exagéré de dire que son avenir reste aussi sombre que les fumées qui, jadis, sortaient de ses hauts-fourneaux aujourd’hui éteints…