Un Euro mitigé… qui s’annonce pire encore


Le rideau est tombé ce dimanche sur l’Euro et le sacre tardif de l’Italie, à la loterie des tirs au but, a suscité des commentaires dithyrambiques des pseudo-spécialistes, qui auraient adressé… les mêmes compliments à l’équipe anglaise, si d’aventure la pièce était tombée de l’autre côté.

Il convient de rendre hommage au travail de reconstruction de la Squadra Azzura entamé il y a trois ans par son entraîneur, Roberto Mancini, et constater qu’au cours de la phase éliminatoire, l’Italie a proposé le football le plus attractif, aux antipodes, disait-on alors, de la manière traditionnelle de jouer des Azzuri.

Mais il faut se souvenir aussi qu’elle a sué ensuite sang et eau pour émerger face à l’Autriche; qu’elle a éliminé méritoirement la Belgique privée de son meilleur joueur et où deux de ses trois médians étaient boiteux; qu’elle a été balayée par une équipe espagnole où Oyarzabal doit toujours voir dans ses cauchemars le coup de tête inratable qu’il a loupé à un moment décisif, et qu’en finale, elle n’a pratiquement pas franchi le milieu de terrain avant la pause, atteinte après avoir échappé à un coup de réparation évident qui aurait pu lui donner le coup de grâce.

L’instant décisif: l’Angleterre va louper son troisième tir au but!

En face, l’Angleterre a séduit également lors de son parcours vers la finale, mais, comme face à la Croatie en 2018 et devant l’Italie ce dimanche, elle a loupé la dernière marche. Et, après le repos, quoique menant au score, elle a été incapable de répliquer au changement tactique opéré par son adversaire, et elle a à son tour été effacée du terrain. On relèvera aussi qu’elle a pratiquement joué tous ses matches à Wembley, ce qui lui a conféré un avantage incontestable sur ses adversaires, dont elle a été incapable de profiter jusqu’au bout.

On ne peut donc parler de grande finale en l’occurrence, et on doit remarquer que les attaquants ou joueurs offensifs alignés des deux côtés ont été incapables de marquer le moindre but. Que le défenseur italien Leonardo Bonucci ait été proclamé homme du match est d’ailleurs plus qu’éloquent…

Cet Euro a été aussi marqué par l’usage intensif de la vidéo-assistance. Avec succès, quand les décisions arbitrales ont été rapidement confirmées ou infirmées. De manière moins heureuse quand des buts ont été annulés pour des hors-jeux de quelques millimètres : pour le Mondial au Qatar, il sera urgent de revoir les directives, afin de rendre une priorité aux attaquants, et en revenir à l’esprit de cette règle du hors-jeu.

La demi-finale entre l’Angleterre et le Danemark et la finale entre l’Angleterre et l’Italie a toutefois consacré la faillite de ce système, avec le coup de réparation indûment accordé à Sterling contre le Danemark, et celui, bien plus clair, qui lui a été dénié ce dimanche.

Si une forme de sanction de l’attaquant anglais a été ainsi pratiquée, elle est détestable. Sinon, il faudra tout de même une explication publique à ces fiascos.

Le bilan belge est décevant : écrasés par le Danemark en première période, malmenés par les Portugais en seconde mi-temps, largement dominés par les Italiens, les Diables Rouges peuvent bien sûr invoquer les blessures d’Eden Hazard et de De Bruyne, ou le manque de rythme de Witsel pour masquer leur échec.

Mais les lacunes défensives observées chez des joueurs sur le déclin; l’absence de jeunes, hors Doku, dans le noyau, là où l’Angleterre, l’Italie, ou l’Espagne n’ont pas hésité à titulariser de tout jeunes joueurs; un jeu par trop prévisible pour l’adversaire, et un esprit d’équipe qui a paru faire défaut face au mental collectif sans faille des Azzuri ont pavé la voie vers l’élimination.

Cette génération dorée nous offrira sans doute encore des moments de grâce. Mais pour un grand succès international, la chance, manifestement, est passée…

Se rassurer en se remémorant l’élimination précoce de la France ou de l’Allemagne n’aurait aucun sens: au Qatar, l’an prochain, elles reviendront plus fortes.

Se réfugier derrière le fait que la Belgique n’a été vaincue que par le futur champion d’Europe est puéril : c’est pourtant ce qu’on a entendu sur la Une ce dimanche..

L’art est difficile et la critique aisée. Mais avoir entendu au cours du parcours des Diables que les frères Hazard jouaient pour la seizième fois ensemble lors d’une rencontre et pour la dix-septième lors du match suivant où qu’ils combinaient « comme à Tubize » était assez vain. Entendre différents joueurs qualifiés d’ « aspirateur à ballons » au cours de rencontres successives est devenu lassant. Considérer que les joueurs anglais allaient « donner leur corps pour l’Angleterre » avait des relents impériaux surannés. Quant aux considérations sur l’avantage qu’aurait eu l’équipe de Graeme Southgate sur celle de Roberto Mancini parce que cette dernière avait déjà dû disputer deux rencontres avec prolongations pour une seule à son adversaire, on a fait la charité à leur auteur de les oublier au moment du dernier coup de réparation loupé par les Anglais.

On espère que d’ici au Mondial du Qatar, la vision de rencontres retransmises par la BBC ou par la télé allemande aidera les commentateurs attitrés à trouver une forme de sobriété. Ou alors qu’un «vieux de la vieille» liégeois qui, lui, commente toujours avec un regard décalé qui accroche, se verra donner plus d’espace

Retour à la compétition : après deux Euro à 24 équipes, l’UEFA songe à un Euro à… 32 équipes, soit le double du nombre de participants entre 1992 et 2016.

Le but de la manœuvre est clair: multiplier les rencontres télévisées et générer encore plus de fric.

En pratique, cela va surcharger encore un peu plus un calendrier international déjà saturé : les déchirures de tendons d’Achille ou de ligaments, croisés ou non, vont devenir légions.

Quant à l’intérêt d’une compétition qui qualifiera 32 équipes sur 55, il se rapproche du pourcentage de risques pour une formation moyenne de se faire éliminer.

Après un Mondial qatari qui fleure la corruption et l’exploitation des êtres humains et qui désorganisera les championnats nationaux jusqu’au niveau le plus modeste dans le monde entier, le football européen se tirera une nouvelle balle dans le pied. Tant va la cruche à l’eau…