Tous pour la liberté de la presse? Toujours et partout, alors…


L’Europe a rendez-vous à Paris, ce dimanche, pour exprimer sa solidarité à toutes les victimes, cette semaine, des assassins nazislamistes, et surtout pour clamer son refus de l’obscurantisme et son attachement à la liberté d’expression, à la liberté de la presse, et à la démocratie. Les polémiques politicardes qui avaient démarré en France alors même que les tueurs étaient toujours en cavale passent désormais à l’arrière-plan, et c’est très bien comme cela: elles n’ont pas leur place en ce moment.

L’initiative du mouvement est venue du président du Parlement européen, Martin Schulz, qui devait rencontrer François Hollande, le président français, et Angela Merkel, la chancelière allemande ce dimanche, et qui, en annulant le rendez-vous, a proposé que tous trois participent à la manifestation parisienne. Le mouvement était lancé, et l’Europe entière va s’y exprimer à travers ses représentants. Dans le même temps, dans de nombreuses villes européennes, des rassemblements, petits ou grands, se dérouleront dans le même esprit. Ce sera peut-être là la plus grande défaite des nazislamistes, qui ont finalement renforcé la conviction et la détermination démocratiques de tous les Européens et même, au-delà, de nombreux citoyens dans le monde

On a déjà noté le paradoxe qu’il y a à voir des personnalités et des institutions qui constituaient les cibles habituelles de Charlie Hebdo rendre ainsi hommage à Cabu, Wolinski, Charb, et Tignous. Comme les quatre compères n’étaient toujours pas inhumés, ils n’ont pu se retourner dans leur tombe en entendant sonner le glas de Notre-Dame, ou les hommages du pape, de Sarko, de la police, etc. Et même de Philippe et Mathilde, pas rancuniers du tout, qui ont pardonné au magazine qui, à la mort de Baudouin, avait titré dans son n° 58, du 4 août 1993, sur la mort du «roi des cons» (on était en pleine époque des histoires belges en France). Le magazine avait à l’époque, été bloqué à la frontière, dans une parfaite illustration du principe de la responsabilité en cascade, prévu par le constituant de 1831 pour garantir la liberté de la presse.

À l’inverse, on peut saluer un sursaut démocratique dans une société où même ceux dont «Charlie Hebdo» faisait son menu habituel placent la défense de la liberté de la presse et de la liberté d’expression par-dessus tout, et notamment par-dessus leurs différends avec l’hebdomadaire. Avec des nuances regrettables parfois: un évêque français, ancien porte-parole de la conférence des évêques de l’Hexagone, revenait, un jour de cette semaine, avec la notion du souci de «ne pas blesser les convictions intimes» des lecteurs dans une caricature. Cette limitation même n’est pas tolérable, car avec la variété des convictions, il deviendrait impossible aux caricaturistes de se moquer de qui que ce soit, s’ils et elles devaient avoir constamment cette préoccupation à l’esprit. Les dessinateurs de «Charlie Hebdo» n’ont pas toujours été des mieux inspirés: en voulant être à la fois bêtes et méchants, ils ont été à plus d’une reprise plus bêtes que méchants, voire plus méchants que bêtes. Mais personne n’a jamais été tenu de les acheter. Personne n’a jamais été empêché de penser que, décidément, ils étaient à côté de la plaque. Et il n’a jamais été interdit à qui que ce soit de dire tout le mal qu’il ou elle en pensait.

Journalistes tunisiens assassinésEn honorant Cabu, Wolinski, Charb et Tignous, c’est donc la liberté de la presse que les manifestants défendront ce dimanche. Et en honorant également Sofiane Chourabi et Nadhir Guetari?

«Sofiane qui? Nadhir qui?» vous demandez-vous sans doute. C’est vrai, notre grande presse d’héroïsme n’en a pas beaucoup parlé cette semaine, mais tandis que les courageux combattants d’al-Qaïda au Yemen abattaient des dessinateurs armés de leur seul crayon, des flics pris au dépourvus, des employés et des visiteurs qui avaient simplement le tort d’être là où il ne fallait pas être, et tandis que leur petit camarade tirait dans le dos d’une policière puis, ce vendredi, abattait avec un courage remarquable des clients d’une épicerie kasher, d’autres assassins, se réclamant, eux, de l’État islamique en Libye, qui détenaient ces deux journalistes tunisiens, les exécutaient après plus de 120 jours de détention. Leur crime? Travailler pour des médias «ennemis de l’EI». Entendez, des médias prônant des valeurs démocratiques: Sofiane Chourabi était, en 2011, du nombre des «blogueurs de la révolution». Une révolution que la population tunisienne n’avait pas menée pour substituer une tyrannie islamiste à la dictature en place depuis l’indépendance.

Le nom de Sofiane Chourabi et de Nadhir Guetari n’a guère été cité dans la presse européenne cette semaine. Et pour cause, nous dira-t-on: les événements de Paris occultaient ce qui se passaient dans le reste du monde. Objection non recevable: les deux journalistes tunisiens, comme les dessinateurs de «Charlie Hebdo» sont morts pour la liberté d’informer. Comme l’ont été, il y a une vingtaine d’années, des dizaines de journalistes algériens, égorgés par les tueurs du FIS (Front Islamique du Salut) puis du GIA (Groupe Islamique Armé). Comme le sont, chaque mois, des journalistes pakistanais, victimes des talibans, quand ils échappent aux foudres de leur gouvernement. Même quand rien de tel ne se passe chez nous, de tels assassinats ne font plus l’objet d’une brève, ni dans un JT, ni dans un JP, ni dans le moindre média écrit…

La fameuse règle du «mort-kilomètre», alors, qui veut qu’un mort au coin de votre rue «pèse» plus qu’un millier de morts à mille kilomètres? Possible. Mais, même si la polémique n’avait peut-être pas lieu d’être, dans le contexte dramatique des jours derniers, entendre le ministre turc de l’Information s’indigner de l’attentat contre la liberté de la presse à Paris avait quelque chose d’assez choquant. Et la présence d’un représentant du gouvernement turc (le Premier ministre?) à la manifestation de ce dimanche m’apparaît incongrue. Car il y a très peu de temps, en Turquie, une quarantaine de journalistes, à l’œuvre cette fois dans les médias islamistes, et notamment le quotidien «Zaman» ont été arrêtés. Comme l’ont été, ces dernières années, des journalistes kurdes, des journalistes d’extrême-gauche, des journalistes «kemalistes», et des journalistes d’investigation… (http://www.spiegel.de/politik/ausland/pressefreiheit-in-der-tuerkei-festnahmen-verhoere-einschuechterungen-a-1011724.html)

Sur ce blog, et à travers diverses initiatives, menées par la Fédération Européenne des Journalistes, j’ai à plus d’une reprise dénoncé cette situation. Et cette dénonciation a été relayée au plan politique, notamment par Jean-Claude Defossé, André du Bus, et Fatoumata Sidibé, à la Fédération Wallonie-Bruxelles. On sait comment la proposition de résolution à ce propos qu’ils avaient déposée au Parlement communautaire, a été «émasculée» pour d’obscure raisons politiciennes. On sait aussi, et notre ancien confrère de la RTBF s’en est plus d’une fois étonné, combien ce problème a été largement ignoré par les médias belges, francophones et flamands…

Alors, si je me réjouis, comme tant d’autre, du sursaut politique et citoyen autour de la liberté d’expression et de la liberté de la presse de ce dimanche, à Paris, j’aimerais qu’il soit aussi dédié à Sofiane Chourabi et Nadhir Guetari. Et surtout, qu’une fois l’émotion retombée, il ne se relâche pas. Car la liberté de la presse doit se défendre toujours. Et partout.

Monarchie: et si on remettait la balle au centre?


La frénésie médiatique qui s’est emparée des médias, ces derniers jours,est de nature à provoquer l’indigestion chez de nombreux utilisateurs des médias, dont je suis. Point trop n’en faut, et dans la concurrence «monarcholâre» effrénée que se livrent la RTBF et RTL-TVI d’une part, les quotidiens de l’autre, l’information authentique va être noyée. Dans le même temps, les opinions qui naviguent à contre-courant n’échappent pas non plus à la généralisation, et aux approximations pas toujours innocentes. Il serait urgent de remettre la balle au centre, et de ne tomber ni dans la sacralisation, ni dans l’approximation. Même si, ce dimanche, les torrents de platitudes qui déferleront sur nos ondes empêcheront toute réflexion à ce propos.

Que l’abdication d’Albert II fasse l’objet d’une large couverture médiatique, en soi, n’est pas anormal. Un changement à la tête de l’État, que ce soit en République ou dans une monarchie, capte toujours l’attention des médias. Et après tout, contrairement à leurs collègues néerlandais, les souverains belges n’ont pas pris pour habitude de quitter leurs fonctions avant leur décès. La seule exception historique que nous avons connue jusqu’ici est l’abdication de Léopold III, en 1950. Une abdication contre laquelle le quatrième roi des Belges s’est insurgé jusqu’à la dernière minute, tentant de former un gouvernement personnel qui le maintiendrait sur le trône, mais à laquelle il a fini par consentir sous la pression populaire.

1386127_3_f935_le-roi-albert-ii-de-belgique-et-la-reine-paolaRien de tel ici: le roi Albert II prend sa retraite, tout simplement. Et il passe le témoin en toute sérénité, du moins on le suppose, à son héritier. Lequel, à 53 ans, va devoir prouver qu’il est bien à même d’occuper la fonction de chef de l’État.On sait que les polémiques ont été nombreuses, surtout en Flandre, à ce propos. La question, aujourd’hui, n’est plus tellement de savoir si le futur roi Philippe est suffisamment formé pour le poste: le temps lui a été largement donné de s’y préparer. Mais elle est de connaître la conception qu’il aura de son rôle. Plus d’un interlocuteur a émis les craintes qu’il se sente investi d’une «mission», la lutte contre le séparatisme flamingant, à l’image de son défunt oncle le roi Baudouin. La composition de son entourage, à cet égard, sera cruciale…

Ces réflexions ne doivent pas occulter l’offensive médiatique qui s’est déclenchée il y a un peu plus de deux ans pour redresser l’image de Philippe dans l’opinion publique, et qui culmine en ces jours-ci par les portraits à l’eau de rose qui sont dressés de lui. Il devient urgent de le prendre en considération  avec la pondération voulue.

Dans l’autre camp, les tenants d’une forme républicaine d’exercice du pouvoir, incontestablement plus démocratique que sa transmission héréditaire, n’évaluent pas non plus toujours la monarchie belge dans ses limites réelles. Dans un éditorial récent, Bart Sturtewagen, éditorialiste au très flamand «Standaard» – ce quotidien même qui, naguère, se précipitait à Laeken se faire congratuler par Albert II pour une initiative journalistique prétendument unique dans la presse belge avec «Le Soir» –  juge ainsi, de manière un peu lapidaire, que la monarchie belge ne doit son existence qu’à notre «particratie». Le terme, soit dit au passage, étonne un peu sous sa plume, car même si le «Standaard» n’est pas précisément progressiste, il n’utilise pas souvent  ce vocable, plutôt réservé aux tenants d’une droite dure voire extrême. Et l’éditorialiste lui-même côtoie quotidiennement ceux qu’il stigmatise ainsi sous ce terme méprisant…

220px-Leopold_I_by_Franz_WinterhalterCette mainmise des partis sur la monarchie, Bart Sturtewagen la situe dès l’origine, puisque les révolutionnaires de 1830, rappelle-t-il, souhaitaient créer une République belge. Le fait est incontestable, mais il est tout aussi notoire que les grandes puissances de l’époque (la Russie, l’Autriche-Hongrie, et surtout le Royaume-Uni) ne voulaient pas, quarante-et-un an après la Révolution française, voir renaître une République sur le sol européen. Et c’est le réalisme politique, plus que la particratie (et d’ailleurs, les partis politiques n’existaient pas en tant que tels) à l’époque, qui a imposé au gouvernement provisoire de l’époque le choix d’une forme monarchique pour le futur État. Mais comme ils avaient une maturité certaine, et Bart Sturtewagen ne le rappelle, pas, ils ont donné une forme… républicaine à cette monarchie, dont le titulaire, n’avait pas de pouvoir réel. La Constitution belge de 1831 a été à juste titre considérée comme la plus libérale du monde à son époque; et elle a été par la suite transposée dans de nombreux pays. Le premier roi des Belges -et pas «roi de Belgique», tout est dans l’appellation! – n’aura de cesse de tenter de s’arroger plus de pouvoirs que le texte ne lui en reconnaissait. «Vous avez bien mal traité la monarchie» dira-t-il, dépité, à ses ministres…

Ses successeurs, eux aussi, ont voulu dépasser les bornes de leurs responsabilités. Léopold II a régné sans partage sur le Congo; Albert Ier a violé la Constitution, mais pour la bonne cause, en imposant le suffrage universel (masculin) au sortir de la Première guerre mondiale; et Léopold III a, dans l’air du temps, rêvé de créer une forme de «dictature royale».

dyn003_original_250_284_gif_2522062_de217d57735f0504552ec83a35ee067fL’action du quatrième roi des Belges aurait dû conduire à la disparition de la monarchie, poursuit Bart Sturtewagen: elle n’a été sauvée, une nouvelle fois, que par la particratie. C’est oublier que l’effacement de Léopold III au profit de Baudouin, en 1950, a certes fait l’objet d’un compromis politique (mais n’oublions pas le rôle des anciens prisonniers politiques, rescapés des camps de concentration nazis, pour le forcer), mais a surtout préservé la Belgique d’une guerre civile entre la Wallonie républicaine et la Flandre monarchiste d’alors.

La démonstration de Bart Sturtewagen se poursuit avec le rappel du refus de feu le roi Baudouin de signer la loi sur l’avortement. L’impossibilité temporaire de régner qui lui a alors été reconnue a nourri bien des discussions. Mais dans la Belgique largement fédéralisée d’alors, quelle alternative crédible aurait-elle été possible, sinon une… abdication?

Depuis les années 50, par un de ces renversements curieux dont l’Histoire a le secret, les tendances se sont inversées: la Wallonie est aujourd’hui beaucoup plus monarchiste que la Flandre. Et même si on s’accorde sur le fait que la forme républicaine d’exercice du pouvoir est la plus démocratique, son application, dans la Belgique d’aujourd’hui, se heurterait de front à la majorité flamande en place au niveau national. Car pareil scrutin ne pourrait se dérouler qu’à l’échelle nationale. Et, en cela, la démonstration de Bart Sturtewagen peine à atterrir. Car aussi favorable qu’on puisse être, en Wallonie, à l’élection d’un(e) président(e) de la République au suffrage universel, très peu d’électeurs, sans doute, souhaiteraient se retrouver avec un Bart De Wever à la tête de l’État fédéral!

Comme notre confrère le souligne en outre lui-même, la fonction royale a évolué au fil du temps. Dans le sens, d’ailleurs, d’une constante réduction de ses pouvoirs, qu’ils soient ceux que les premiers rois s’étaient arrogés au fil du temps, ou qu’ils soient constitutionnels, par le jeu des réformes successives de notre texte fondamental. Cette évolution devra se poursuivre avec le roi Philippe. Quels que soient les lauriers que lui tresseront sans mesure, demain et dans les jours à suivre, tous les médias confondus…

Et la liberté de la presse en Turquie, bordel?


Ahmet Davutoğlu, Sadullah Ergin, et Idris Naim Şahin ont de la chance: les ministres turcs des Affaires étrangères, de la Justice et de l’Intérieur seront à Bruxelles ce mardi, et ils seront repartis deux jours plus tard. Ils n’auront donc pas le temps de prendre connaissance de la résolution sur la liberté de la presse en Turquie, qui figure à l’ordre du jour de la séance plénière du Sénat, ce prochain jeudi.

C’est bien regrettable, car le texte, malgré les nouvelles manœuvres de retardement et tentatives d’étouffement du PS (surtout) et du cdH, qu’on a déjà connus mieux inspirés, cible clairement la Turquie pour ses atteintes à la liberté de la presse, contrairement à la résolution sur le même sujet que le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a récemment édulcorée sous la pression des mêmes partis.

Certes, la résolution qui sera soumise au vote des sénateurs, ce jeudi, s’intitule « Proposition de résolution visant au respect de la liberté de la presse en Turquie, ainsi que dans les autres pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne, l’Ancienne République yougoslave Macédoine (ARYM), Monténégro, Bosnie-Herzégovine et Serbie». Mais c’est de toute évidence la Turquie que le texte vise. Le premier considérant rappelle en effet que, sur une échelle de 1 à 5, Reporters Sans Frontières a classé le Monténégro et les pays de l’ex-Yougoslavie au niveau 3 (problème sensible), et la Turquie au niveau 4 (situation difficile). Le considérant D rappelle «la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est prononcée dans de nombreuses affaires concernant diverses mesures prises par les autorités turques à l’encontre de journalistes, rédacteurs en chef et éditeurs, qui a souligné « qu’il incombe à la presse de communiquer des informations et des idées sur des questions politiques, y compris sur celles qui divisent l’opinion » et qui a considéré « les ingérences dans le droit à la liberté d’expression disproportionnées au but poursuivi et constitutives d’une violation de l’article dix de la Convention » ». Le considérant J évoque «les appels du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et de la représentante de l’OSCE pour la liberté de la presse et la garantie de la liberté d’expression et de la presse auprès des autorités turques». Le considérant K fait explicitement référence à «la campagne de la Fédération européenne des journalistes qui, depuis plus d’un an, vise à soutenir les journalistes turcs emprisonnés du simple fait de l’exercice de leur profession». Le considérant O rappelle «que la Commission européenne a reconnu une amélioration de la situation de la liberté de presse et de la liberté d’expression dans les pays candidats à l’adhésion à l’Union Européenne en octobre 2012 à l’exception de la Turquie où la situation semble empirer (communication de la Commission européenne au Parlement Européen et au Conseil  intitulée « Stratégie d’élargissement et principaux défis 2012-2013 » (COM (2012) 600) du 10 octobre 2012)». Et le considérant Q signale «l’ouverture d’un procès important le 4 février dans l’enceinte de la prison de Silivri et dès lors l’urgence qu’il ya à se prononcer sur les problèmes de liberté de la presse et à adopter la présente résolution». Et si les trois premières mesures réclamées du gouvernement par la motion soumise au vote du Sénat mentionnent… la Turquie et les autres pays candidats à l’adhésion à l’Union Européenne, la quatrième, dans son dernier alinéa, y fait clairement référence: nos ministres sont invités à «faire pression sur les autorités turques afin que les journalistes incarcérés soient libérés dans les plus brefs délais». DSC_5050

Les ministres turcs ont donc de la chance: ils échapperont… peut-être aux questions des journalistes sur les atteintes répétées à la liberté de la presse dans leur pays. Les défenseurs belges des journalistes turcs emprisonnés, eux, ont moins de chance: ils ne pourront inviter leurs homologues Didier Reynders, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères; Joëlle Milquet, vice-Première ministre et ministre de l’Intérieur; Annemie Turtelboom, ministre de la Justice, et Maggie De Block, secrétaire d’État à l’Asile et à l’Immigration comment ils peuvent concilier le «Memorandum of understanding» qu’ils s’apprêtent à signer avec leurs invités avec cette invitation pressante à exiger d’eux une liberté de la presse reconnue dans notre pays depuis sa création, en 1830. Nos ministres auraient en effet trop beau jeu de s’abriter derrière un texte qui doit toujours être débattu au Sénat, et pourrait donc, ce qui est peu probable, encore être amendé.

Il n’empêche, Didier Reynders avait répondu sans équivoque, il y a quelques semaines, à un courrier que la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ) et l’Association Générale des Journalistes Professionnels de Belgique (AGJPB) lui avaient adressé il y a quelques semaines, pour leur dire qu’il partageait leurs inquiétudes pour la liberté de la presse en Turquie, qu’une délégation du MR allait ensuite visiter pour en revenir avec les mêmes conclusions. Nous ne pouvons donc qu’être inquiets quand le but déclaré de la rencontre de ce mardi est de «nouer un dialogue entre les autorités politiques des deux pays sur des sujets d’intérêt commun, tels que la lutte contre le terrorisme, la coopération policière et judiciaire, la coopération consulaire, et les dossiers d’asile et de l’immigration».

Doit-on entendre par là que la répression visant les journalistes turcs d’origine kurde, déjà lourdement réprimés en Turquie, va s’étendre à la Belgique? Et les journalistes belges qui dénoncent les multiples atteintes à la liberté de la presse en Turquie seront-ils invités à modérer leur propos? En ce qui nous concerne, en tout cas, nous ne relâcherons pas la pression. Et tant pis pour la diplomatie! Il est des principes avec lesquels on ne peut transiger! Encore heureux que le Parlement européen, lui, l’a bien compris…