Pour les Congolais(e)s, l’avenir reste aussi sombre


La Commission électorale nationale indépendante (Céni) l’a proclamé: Félix Tshisekedi est reconduit dans sa fonction de président de la République Démocratique du Congo (RDC) sur un score sans appel de 73,34% des voix. Et comme par le passé, la communauté internationale entérinera ce résultat, malgré tous les questionnements qu’on doit se poser sur la régularité de ce scrutin. Trop heureuse de voir la transition du pouvoir s’efforcer pacifiquement dans le plus grand pays d’Afrique, un continent où, dans bien des pays, des coups d’État militaires, dont certains sont orientés par le groupe de mercenaires russes Wagner et par la Russie de Vladimir Poutine, ont interrompu le cycle démocratique.

Faut-il pour autant se satisfaire de ce scrutin chahuté?

La réponse est venue de la mission d’observation des Églises catholique et protestantes, qui a dit avoir «documenté de nombreux cas d’irrégularités, susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats de différents scrutins en certains endroits».

Pour rappel, le 20 décembre dernier, les Congolaises et les Congolais étaient invité(e)s à élire leur président, leurs députés nationaux et provinciaux, et leurs conseillers locaux. En principe, le scrutin n’était prévu que ce jour-là, mais les nombreux problèmes qui ont surgi – comme ceux de bureaux de vote censés ouvrir leurs portes à 9 heures mais qui n’ont été accessibles qu’à 13 ou 14 heures, le temps d’installer des isoloirs et/ou des «machines à voter»- ont fait que les opérations de vote ont été étendues au 21 par la Céni, et ont duré plusieurs jours dans certaines régions. Faisant naître le soupçon de manipulations, comme celles qui ont permis à Félix Tshisekedi d’être élu à la présidence en décembre 2018, au détriment de Martin Fayulu, considéré par de nombreux observateurs comme le véritable vainqueur du scrutin présidentiel.

Un succès électoral incontestable, pour Félix Tshisekedi?

Martin Fayulu était à nouveau en piste cette année, et il est crédité de 5,33% des suffrages, derrière Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, qui aurait bénéficié de 18,08% des voix. L’ancien Premier ministre, Adophe Muzito, aurait obtenu, lui 1,12%, et la vingtaine d’autres candidats, dont le Prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, n’aurait pas franchi le seuil de 1% des suffrages.

Selon la Céni, 43% des inscrits auraient pris part au scrutin.

Ce dernier chiffre, et le système d’élection présidentielle à un seul tour, qui couronne le candidat arrivé en tête, suffiraient pas, dans de nombreux pays, pour invalider ce mode de scrutin et à postuler, au moins, un deuxième tour opposant les deux candidat(e)s arrivé(e)s en tête au premier tour.

Et l’exigence d’une participation d’au moins 50% des citoyen(ne)s à l’élection.

Au-delà de ces considérations politiques, la question qui se pose est de savoir si la réélection de Félix Tshisekedi pour son second mandat présidentiel, va améliorer un tant soit peu la situation des Congolaises et des Congolais, dont l’état de pauvreté dans un pays aussi riche de son sol et de son sous-sol est un authentique scandale.

Si point n’est nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer, comme l’aurait décrété Guillaume le Taciturne, il faut bien constater que sur base de son bilan de président sortant, on ne peut guère attendre de résultat de Félix Tshisekedi.

Pour la population congolaise, l’urgence règne depuis longtemps…

On inscrira à son crédit l’effort pour amener tous les enfants gratuitement à l’école primaire. Mais pour le reste, sa lutte contre la corruption, matérialisée par la condamnation de son allié de 2018, Vital Kamerhe, réhabilité ensuite, n’a débouché sur rien de concret. Et la promesse de rétablir la paix dans l’est de la RDC est démentie chaque jour par les morts qui s’y accumulent, et la persistance de groupes de guérillas armés qui font peser leur dictature sur des populations affamées.

Quant à l’exploitation, essentiellement chinoise et rwandaise, des ressources minières du pays, elle se poursuit de manière éhontée.

Si Félix Tshisekedi avait suscité de grands espoirs, il y a cinq ans, tant en raison du nom qu’il portait que de sa réputation d’opposant à la dictature de Mobutu puis au règne sans partage de Joseph Kabila, le désenchantement est survenu. Il s’est notamment matérialisé par la très faible participation au scrutin du 20 décembre, et des jours suivants.

On n’ose espérer que les choses changent fondamentalement. À moins que dans certaines administrations locales ou provinciales se retrouvent des élu(e)s pénétré(e)s du bien public, et qui, d’ici à quelques années, pourraient accéder à des fonctions plus importantes. Pour construire une vraie démocratie à partir de la base.

Le drame, pour la population congolaise, c’est que l’urgence se fait sentir depuis longtemps…

Desmond Tutu, un géant à la petite taille


Le monde entier rend hommage à Mgr Desmond Tutu, le premier archevêque noir d’Afrique du Sud, porte-parole inlassable de la population noire durant la période de l’apartheid, et artisan majeur de la réconciliation après la promulgation de la nouvelle Constitution et l’élection à la présidence de Nelson Mandela, décédé ce dimanche à l’âge de 90 ans

Le propos, icî, n’est pas d’ajouter quoi que ce soit qui ajoute à son aura, mais simplement de rappeler un souvenir, qui témoigne de l’extraordinaire charisme de cet homme petit par la taille, immense par sa personnalité.

Passage de témoin

C’était en 2005 ou en 2006. Louis Michel, alors commissaire européen chargé du Développement et de l’Aide humanitaire, avait organisé à Bruxelles un sommet -le premier du genre?- entre l’Union européenne (UE) et l’Union Africaine (UA).

Cette initiative n’est, soit dit au passage, pas restée sans lendemain puisque, il y a quelques jours, la présidence du Conseil européen, occupée on le sait par Charles Michel qui reprend ainsi le témoin de son père, a annoncé pour les 17 et 18 février prochains l’organisation, à Bruxelles à nouveau, du sixième sommet entre l’UE et l’UA, avec l’ambition de renouveler le lien entre les deux institutions.

Un homme petit par la taille, grand par son message…

Retour au sommet de 2005 ou 2006. Sa conclusion était prévue un vendredi matin, avec une intervention de conclusion de Mgr Desmond Tutu, programmée vers 13 heures

Les palabres, toutefois, avaient pris beaucoup plus de temps que prévu, et au moment où l’archevêque du Cap aurait dû s’exprimer, on commençait seulement à présenter les conclusions du sommet. Et les minutes s’égrenaient pour un aréopage où les chefs d’État et de gouvernements africains et les responsables européens, Louis Michel en tête, étaient très nombreux. Et on se prenait à penser que leurs estomacs s’étiraient en même temps que le nôtre dans l’attente de l’intervention du porte-parole de la lutte anti-apartheid.

Desmond Tutu a enfin pu s’exprimer, avec, de mémoire, une heure de retard. Il n’a pas abrégé son intervention, qui s’il m’en souvient bien, a duré de 30 à 45 minutes… durant lesquelles, après le brouhaha précédent, on aurait entendu une mouche voler.

M’est restée l’impression de la puissance d’un verbe, qui n’avait pas besoin d’être hurlé pour être entendu. Cet homme, dont la petite taille m’avait surpris, était un géant humaniste…

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