Il est loin le temps où le PS(B) était «fort et uni, sterk en eensgezind»


C’est un temps dont seuls les plus de… soixante ans peuvent se souvenir: les plus jeunes doivent consulter les livres d’histoire politique de la Belgique. Afin de remonter au temps où le Parti Socialiste Belge (PSB) et son pendant flamand le BSP s’affichaient «fort et uni, sterk en eensgezind» comme le proclamait un slogan bien connu à l’époque.

Edmond Leburton et Jos Van Eynde, les coprésidents d’un PSB-BSP qui s’affichait alors «fort et uni». La photo est en noir et blanc, signe d’une solidarité lointaine…

Porté par des hommes comme Edmond Leburton et Jos Van Eynde, notamment, issus de l’après-Deuxième Guerre mondiale et encore pétris de l’idée de l’internationalisme de la solidarité socialiste, le PS qui était toujours B, a été, parmi les partis traditionnels de l’époque, celui qui a le plus longtemps résisté à la scission linguistique. PS et SP, puis sp-a puis Vooruit, ont suivi alors une évolution de plus en plus divergente. On se rappelle par exemple combien la gestion de certains ministres socialistes flamands de l’Intérieur, dont notamment Louis Tobback, a été contestée, côté francophone, dans le contentieux fouronnais.

Aujourd’hui, la solidarité que le président actuel du PS, Paul Magnette, avait semblé vouloir recréer avec son jeune alter ego flamand, Conner Rousseau, s’est complètement étiolée. Les dernières propositions du président de Vooruit, à propos de la limitation dans le temps des allocations de chômage ont ainsi été saluées par les… libéraux flamands, tout en s’attirant les foudres du PS francophone.

Cela dit, l’évolution du PS francophone n’a guère été plus brillante avec les «affaires» qui se sont succédé au fil du temps, de Liège à Charleroi, de Charleroi à Bruxelles et de Bruxelles à Liège, et dans des cités diverses, sans que, apparemment, il ne soit possible d’y mettre un terme définitif. Et avec des décisions à géométrie variable, comme il en a déjà été question sur ce blog.

Le PS verviétois a ainsi connu des remous graves, qui ont entraîné la paralysie de la gestion de la ville, et dont on n’est pas sûr qu’ils appartiennent désormais au passé: la lutte pour les places utiles, et peut-être le mayorat, risque à nouveau d’y être féroce l’an prochain.

Jean-Michel Delaval avait été mis en cause par ses «camarades» dès le lendemain du dernier scrutin communal

Dans la commune voisine de Dison, les duels sont plus feutrés. Mais, mine de rien, avec la menace de motion de défiance, venant de son propre parti, qui plane sur l’échevin des Finances, Jean-Michel Delaval, c’est la troisième défenestration qui risque de secouer ainsi l’équipe dirigée (?) par la bourgmestre, Véronique Bonni, qui a hérité de l’écharpe mayorale détenue pendant plusieurs décennies par Yvan Ylieff.

Le motif invoqué à l’appui de cette future (?) motion de méfiance est la réaction d’humeur de l’échevin Delaval, face à une citoyenne qui, selon lui, l’a accusé publiquement de faits de corruption. Mais on rappellera que l’échevin avait été sanctionné une première fois après qu’il se fut porté candidat à l’écharpe mayorale contre Véronique Bonni, avant la dernière élection communale. Pour le «récompenser» de l’avoir poussée dans ses derniers retranchements, on l’avait alors renvoyé, sur la liste du PS, à une place théoriquement non-éligible. Cela ne l’a pas empêché de faire sa rentrée au conseil communal: le reproche lui a alors été fait d’avoir mené une campagne… personnelle, et non de parti.

Repris dans le collège communal, il a hérité des Finances en 2020, après la démission de l’échevin titulaire, Benoît Dantinne dont les paroles, à l’époque, prennent un aspect quasi prémonitoire aujourd’hui. «Je me suis retrouvé dans un système qui avait beaucoup changé au fil des années, et où l’intérêt général et le bien commun ne sont plus à l’ordre du jour» expliquait-il à l’époque.

La réaction de Véronique Bonni à la démission de l’échevin Benoît Dantinne avait été assez lapidaire

«J’ai une autre manière de travailler; l’électeur a choisi, et je pense qu’il faut pouvoir s’adapter» répondait la bourgmestre à l’époque. Une bourgmestre qui, un an auparavant, avait exigé… et obtenu la démission de la présidente du CPAS, Dany Werisse, dans des circonstances qui n’ont jamais vraiment été explicitées. De simples imprécisions comptables, comme on l’a dit à l’époque? Son successeur à la présidence de l’instance sociale, Regis Decerf, s’est depuis lors illustré par une réplique peu appropriée à des victimes des inondations catastrophiques de juillet 2021. «S’il n’y a pas de questions, il n’y a pas de réponses» avait-il répondu à une personne qui l’interrogeait sur des démarches à suivre. Preuve, sans doute, qu’il n’y avait pas eu de démarche proactive, ou pas suffisamment proactive, du CPAS disonais?

Nous avons eu l’occasion de le vérifier récemment, quand l’échevin des Travaux, Stéphan Mullender, s’est retrouvé bien seul pour faire face à l’objection d’un riverain compétent d’une rue qui allait être en travaux, et qui lui expliquait que comme ces travaux étaient commandités par la Commune, c’est bien le collège communal, et lui en particulier, qui en assumait la responsabilité, et pas seulement l’entreprise chargée des opérations.

Les ennuis suscités aujourd’hui à l’échevin Delaval, qui conteste la légalité de la procédure, semblent le montrer: la quête des mandats est lancée au sein du PS disonais. Mais si Jean de la Fontaine a bien écrit que rien ne sert de courir, et qu’il faut partir à point, là, la course démarre peut-être un peu tôt. Car le scrutin communal n’est que pour octobre 2024. Et un PS divisé risque bien d’affronter, sur sa gauche, une liste PTB offensive à Dison. Les lendemains pourraient apporter quelques surprises…

La fédération verviétoise du PS désavouée par le comité de vigilance du parti!
Nouveaux rebondissements à Dison, où le comité de l'USC (Union Socialiste Communale) a anticipativement désigné le successeur de l'échevin Jean-Michel Delaval, qu'une motion de défiance attendait au prochain conseil communal. Le futur (?) échevin a pour particularité de n'avoir jamais pu décrocher une élection directe au sein de l'assemblée, au sein de laquelle il a remplacé le défunt Marc Tasquin au cours de la législature précédente, et, lors de la mandature actuelle, où il n'a fait sa rentrée qu'à la faveur de la démission de l'échevin Benoît Dantinne. Il serait donc sur le point de bénéficier d'une deuxième défenestration d'échevin... si ce n'est que la procédure lancée contre l'échevin des Finances disonais a été déclarée contraire aux statuts du PS par le comité de vigilance de l'ex-parti à la rose. 
C'était la thèse immédiatement défendue par l'échevin Delaval, qui s'était adressé à la fédération verviétoise du PS, dont on se demande à quoi elle sert, puisqu'elle n'a pas vu malice dans la manœuvre, se réfugiant derrière le Code wallon de la démocratie locale. Obstiné, le plaignant s'est adressé alors au comité de vigilance du PS, qui a décrété qu'il y avait un vice de forme: ce n'est pas le comité de l'USC qui pouvait prendre la décision; elle est du ressort de son assemblée générale. Et le vote ne peut s'y dérouler à mains levées (ce qui inhibe beaucoup de contestataires en puissance) mais doit s'exprimer par bulletins secrets. Autant dire que la majorité requise des deux-tiers de l'assemblée générale des socialistes disonais risque d'être fort agitée. Comme pour mieux souligner que, décidément, le temps où ce parti était «fort et uni, sterk en eensgezind» appartient désormais... à la préhistoire!

Sans crédibilité, pas de confiance dans la démocratie


Si la déontologie journalistique interdit de traiter des sujets dans lesquels on est personnellement impliqué(e), dès lors que le problème est résolu, la réserve peut, à mon sens être levée. Surtout si le propos n’est pas de défendre une thèse, mais d’en tirer des leçons.

L’affaire, en soi, est simple: des riverains d’une rue où des égouts ont été implantés et où des trottoirs ont été aménagés en 2013-2014, ont contesté des taxes sur l’implantation de l’égout, sur le raccordement à l’égout, et sur la construction des trottoirs, dont le montant leur a été réclamé en décembre 2020, soit plus de six ans après la fin des travaux. Et ils ont obtenu gain de cause: les taxes ont été annulées par le collège communal, de Dison en l’occurrence, après audition de l’avocate en charge du dossier, qui n’a donc jamais atterri en Justice. Et elles leur seront remboursées.

L’affaire a été évoquée par le quotidien qui m’a employé pendant de nombreuses années et qui (air connu) m’a rétribué pour ce faire insuffisamment à mes yeux. Et les responsables communaux, invités à expliquer leur revirement, ont soigneusement botté en touche.

«L’avocat des riverains a mis en valeur que le règlement n’a pas été publié aux valves communales, ce qui l’a rendu caduc», a ainsi balayé l’échevin des Finances.

Le problème est que cet argument… ne figurait nullement dans la requête de la plaideuse. Laquelle soulignait une pratique douteuse, sinon inadmissible: la mise en œuvre, pour l’enrôlement de ces taxes, de règlements communaux à… caractère rétroactif.

La manœuvre était mal ficelée: la référence renvoyait à deux règlements différents, l’un du 17 septembre 2018, l’autre du 17 novembre 2014, tous deux postérieurs à l’exécution des travaux. Dans l’un et l’autre cas, une règle fondamentale était ainsi violée: «selon la Cour de cassation, la non-rétroactivité doit être considérée comme un principe général de droit dont le respect s’impose notamment aux administrations locales de manière contraignante», rappelait le recours introduit par l’avocate au nom des riverains.

La manœuvre était aussi sournoise: le règlement qui s’appliquait pour l’enrôlement de cette taxe précisait que cet enrôlement devait s’effectuer dans les trois ans suivant l’achèvement des travaux. Le délai d’enrôlement était donc prescrit. On peut mieux comprendre pourquoi ces taxes ont été annulées avant d’être soumises à l’examen d’un juge!

Des travaux qui donnent de avantages privés ou qui relèvent de la mission de service public?

Les règlement visés n’étaient pas motivés, «mais l’objectif de ces taxes semble certainement être le suivant: permettre à la Commune de récupérer tout ou partie des dépenses effectuées par elle pour créer, améliorer les voiries, car ces travaux sont censés apporter une plus-value aux propriétaires, bénéficiant ainsi aux contribuables», ajoutait le recours.

«En ce qui concerne spécifiquement les trottoirs, cette dépense a été réalisée par la Commune dans l’intérêt général, en vue de profiter éventuellement à la communauté, alors que seul un groupe limité de redevables est soumis à la taxe. Il est donc manifestement déraisonnable et contraire aux principes d’égalité et de proportionnalité d’appliquer la taxe lorsque le propriétaire ne tire pas d’avantage de l’égout placé ou des trottoirs réalisés» poursuivait le texte.

La Commune ne respecte pas non plus le principe d’égalité lorsqu‘«elle fait supporter par une partie des contribuables (…) des travaux de voirie (revêtement et égouttage) visant à faciliter la sécurité et le flux des véhicules dans la localité, c’est-à-dire lorsqu’elle assure sa mission de service public» ajoutait l’avocate.

On pourrait ajouter que l’égouttage et l’épuration sont des objectifs imposés par l’Union européenne à ses États-membres, et, partant, à la Région et aux différentes communes: n’envisager les travaux que sous l’angle d’hypothétiques plus-value privées est en soi suffisamment spécieux.

Cette argumentation détaillée montre surtout que l’échevin des Finances, interrogé par une de mes ex-collègues, ne connaissait pas du tout son dossier, ou s’est payé la tête de son interlocutrice.

La bourgmestre, qui s’exprimait elle aussi, a renvoyé la patate chaude à son prédécesseur, en place au moment de la réalisation des travaux, oubliant qu’elle avait eu deux ans pour tenter de sauver les meubles. Et elle a incriminé les services communaux, en assurant que les procédures avaient été redéfinies, depuis lors, pour éviter que pareille méprise se reproduise dans le futur. Évitant ainsi toute réponse sur les objections soulevées au principe même de ces taxes.

Les explications semble traduire à tout le moins un malaise au sein même de l’administration communale, à la fois au sein du groupe majoritaire et entre le collège communal et son personnel.

Elles interrogent surtout sur la désaffection constatée, notamment des jeunes électrice et des jeunes électeurs, à l’égard de la démocratie. Ce n’est pas en se défaussant de ses responsabilités, à quelque niveau que ce soit, qu’on pourra les inciter à revoir leur opinion…

Et on voudrait que la politique intéresse quelqu’un?


Édifiante histoire que celle racontée, ce jour, dans «L’Avenir Verviers» par mes anciens collègues: un agriculteur, à qui, à la suite de travaux routiers, s’est vu exproprier une bande de 13 mètres de long sur 1,3 de large, pour conduire les eaux de pluie à un bassin d’orage de quelque 3000 mètres carrés, attend depuis neuf ans d’être indemnisé! (https://www.lavenir.net/cnt/dmf20210712_01596950/neuf-ans-qu-il-attend-d-etre-indemnise)

Retard normal de l’administration? Le délai paraît fort long, et pour cause, à l’intéressé, qui s’est adressé à l’ancien bourgmestre de sa commune. Lequel, à l’en croire lui a d’abord expliqué qu’il fallait attendre le versement de subsides, puis a incriminé une notaire, qui n’aurait pas fait mesurer précisément ce fameux bassin d’orage. N’étant pas tombé de la dernière… pluie, l’agriculture a contacté cette notaire, qui lui a expliqué que pour faire mesurer ce bassin, il fallait que la commune lui fasse parvenir de l’argent pour payer le géomètre, et que cette somme devait donc être provisionnée. Ce qui n’a jamais été fait.

Le temps passant, l’agriculteur, qui n’est pas seul dans le cas, s’est à nouveau inquiété. Il s’est alors entendu dire qu’il ne toucherait… rien. Ce qui reviendrait à dire qu’un pouvoir public peut s’approprier gratuitement un bien privé?

Un changement de titulaire au fauteuil mayoral aidant, l’homme est revenu à la charge. Et la nouvelle détentrice de l’écharpe mayorale lui a expliqué… n’être au courant de rien.

Être bourgmestre ne se limite pas à ceindre une écharpe lors de cérémonies…

On veut bien la croire sur parole. Mais dans sa fonction, n’aurait-on pu attendre d’elle qu’elle consulte le dossier, ou interroge le service concerné, pour donner une réponse plus précise au contribuable qui l’avait interpellée? Car entre-temps, comme il le précise, l’agriculteur reçoit chaque année de l’administration fiscale une taxe foncière sur un bien dont il a perdu une partie de la jouissance…

Les politiques se plaignent régulièrement du désintérêt des citoyen(ne)s et notamment des jeunes pour la politique et pour la chose publique. Ce qui n’empêche pas nombre d’entre eux de s’accrocher à des mandats, dont l’augmentation sérieuse des rémunérations, il y a quelques années, était censée leur permettre de s’attacher à la chose publique. Elle semble au contraire, pour un certain nombre d’entre elles et eux, s’apparenter à une rente de situation.

Le vote obligatoire en Belgique évite de connaître la désaffection catastrophique dans les urnes qu’a encore connue la France à l’occasion du dernier scrutin régional. Avec pour résultat que les décisions prises par des mandataires aussi mal élu(e)s sont de plus en plus contestées par des citoyen(ne)s qui n’ont plus envie d’exprimer leur suffrage. Mais le taux d’abstention va croissant chez nous aussi. Et même s’il faudra bien se traîner jusqu’aux isoloirs, pour les moins concerné(e)s d’entre eux, comment voudrait-on que les électrices et les électeurs s’intéressent encore à la chose politique, quand les élu(e)s manifestent pareille indifférence à leur endroit?