Pourquoi en faire autant sur le sacre de Charles III?


Le monde va s’arrêter, ce samedi, pour visionner le couronnement du roi du Royaume-Uni, Charles III. Le monde et en tout cas la Belgique, puisque la chaîne publique a d’ores et déjà annoncé que son journal télévisé de la mi-journée sera décalé de deux heures et demie, pour se dérouler en milieu d’après-midi!

Et tout ça pour quoi? Pour une cérémonie protocolaire et fastueuse qui ne nous concerne absolument pas, et qui, surtout, relève d’un autre temps, voire de temps anciens. Sans compter que les sommes dépensées pour ce couronnement, le plus cher de tous les temps, apparaissent singulièrement indécentes dans le contexte de crise internationale qui frappe le monde entier en général, et le Royaume-Uni en particulier.

La monarchie, en soi, apparaît de nos jours comme une forme de régime politique de plus en plus incongrue: la démocratie ne peut se satisfaire d’une transmission du pouvoir par simple hérédité, indépendante des qualités ou des défauts de la personne appelée à exercer la fonction suprême de chef(fe) de l’État, aussi symbolique soit-elle.

Ces défauts, quand ils existent, sont d’ailleurs rarement détaillés. Ils sont toujours noyés sous un torrent de propos sirupeux, largement répandus, et dont, cette semaine, on a déjà eu un aperçu notamment sur VivaCité où sévit un ersatz du défunt Léon Zitrone. On pensait pourtant que ce dernier était inégalable dans le genre. Et non, il est toujours possible de faire pire!

Pourtant, un certain nombre de pays européens ont conservé une forme monarchique. Alors que d’autres, républicains en principe, ont plutôt une forme de monarchie élective, aux pouvoirs nettement plus étendus que ceux des monarchies traditionnelles: il n’est nul besoin de voyager très loin pour en trouver une.

Cela n’efface pourtant pas les défauts inhérents à la forme monarchique du pouvoir. Car rares sont les monarchies à échapper aux critiques fondées. Comme celles qui visent l’ex-roi d’Espagne, Juan-Carlos, un temps célébré pour avoir sauvé une démocratie chancelante dans son pays, aujourd’hui exilé en Arabie Saoudite pour oublier ses turpitudes privées et échapper à d’éventuelles poursuites financières. On se souvient aussi de la condamnation du beau-frère (roturier) du roi actuel, Felipe, pour corruption.

En Norvège, c’est une princesse, Märtha-Louise, la sœur aînée du roi actuel, qui s’est entichée d’un pseudo-shaman états-unien, avant d’émigrer Outre-Atlantique avec ses enfants. Au Danemark, il était patent que le défunt prince consort d’origine française a connu une triste fin de vie, tant son existence lui était devenue insupportable. Et si, aux Pays-Bas, la famille royale semble plus ou moins vivre dans une certaine normalité, dans la mesure où celles et ceux qui ne sont pas appelés à régner trouvent normal de travailler, chez nous, les dernières révélations sur l’enfance et l’adolescence du prince Laurent ont rappelé, après l’épisode de Delphine de Saxe-Cobourg, ex-Boël, combien les relations au sein de la famille royale n’ont rien d’idyllique

Un couronnement d’un autre âge pour Charles III

Retour au Royaume-Uni d’où partiront ce samedi des tonnes de lieux communs: entre les fils de Charles III, la rupture est consommée. L’absence de l’épouse et des enfants de Harry (dont l’aîné fête son anniversaire ce samedi même) le démontrera de manière éclatante. On imagine qu’elle ne sera qu’à peine évoquée. Tandis que des couronnes de lauriers seront tressées autour de la « reine consort », jadis vilipendée…

On ne parle pas non plus d’Andrew, un des frères cadets de Charles III, qui n’a évité un procès pour viol de mineure aux États-Unis qu’au prix d’un coûteux accord financier. Il a été exclu de toute fonction officielle, à la suite de cet épisode fort peu glorieux. Mais il sera quand même de la fête…

Reste la question qui interroge ; pourquoi le monde entier s’arrêtera-t-il ce samedi? Pourquoi la chaîne publique belge reportera-t-elle son journal de la mi-journée de quelque deux heures et demie, quoi qu’il se passe chez nous ou dans le monde ? Parce que nous serions tous des Britanniques? Allons donc, c’était peut-être vrai en 1953, dans l’immédiat après-guerre, au moment du couronnement d’Elizabeth II.

Aujourd’hui, après le Brexit, avec des Écossais qui continuent à rêver d’indépendance, ce n’est plus du tout le cas. La course à l’audimat ne peut tout justifier!

Charles III n’a pas la cote au Québec


Des élus québécois ont refusé de prêter serment de fidélité à Charles III

Largement ignorées par les médias de notre petite terre d’héroïsme, les récentes élections législatives au Québec ont vu la majorité du Premier ministre François Legault (CAQ-Coalition Avenir Québec) largement reconduite à la faveur d’un système de représentation particulièrement favorable et largement contesté. Mais l’événement de cette rentrée parlementaire a été constitué par le refus des élus du Parti Québécois et aussi de Québec Solidaire refuser de prêter le serment de fidélité à Charles III.

Le nouveau roi du Royaume-Uni est en effet toujours le chef d’État nominal d’une série d’anciennes colonies britanniques, dont le Canada. Une situation qui reste en travers de la gorge des indépendantistes québécois, mais aussi, c’est intéressant à noter, des représentant(e)s de Québec Solidaire, conduits par l’ancien leader étudiant Gabriel Nadeau-Dubois.

Gabriel Nadeau-Dubois et les élu(e)s de Québec Solidaire vont-ils ajouter un serment à celui qu’ils ont prêté?

Ces députés « rebelles » ne sont que partiellement installés. Certains mandataires de Québec Solidaire seraient, à en croire la presse québécoise, prêts à ajouter le serment de fidélité au souverain britannique à leur serment initial lors d’une prochaine séance.

Ce ne sera en tout cas pas le cas des élus indépendantistes, héritiers de celles et ceux qui ont commémoré le passage sous le joug anglophone, qui ont acclamé le général de Gaulle venir saluer « Le Québec libre » et puis qui ont pris en matière linguistique des mesures de protection… largement semblables à celles qu’a prises la Flandre en la matière.

La balle sera alors dans le camp de la CAQ, qui vient elle-même de faire passer une loi de défense supplémentaire de la langue de Voltaire, et qui risque de se trouver confrontée à un dilemme: refuser des élus du peuple, ou accepter un serment qui fasse l’impasse sur la fidélité au roi du Royaume-Uni!

Le Parti Québécois de Paul St-Pierre Plamondon n’en démordra pas

Globalement, on ne peut que saluer la cohérence des élus du Parti Québécois, conduits par leur jeune leader Paul Saint-Pierre Plamondon.

Il est sûrement temps,pour le Canada de mettre fin à ce lien de dépendance qui date d’un autre âge, et dont d’autres anciennes colonies britanniques se sont déjà débarrassées ou semblent prêtes à le faire, comme l’Australie.

Ce combat est d’autant plus vivace au Québec où la cession de la « Belle province » par la France au Royaume-Uni par la France, au XVIIIeme siècle a pris des allures d’asservissement.

Et puis, globalement, quoi qu’en disent les thuriféraires des monarchies, notamment sur la chaîne télévisée publique francophone, le régime monarchique, par nature, est profondément non-démocratique, et donc particulièrement suranné…

Ceux qui s’en prennent à Churchill devraient avoir honte


 

Image consternante, ce matin, sur les chaînes d’information continue: le socle d’une statue de Churchill à Londres doit être protégé, à la demande du maire Sadiq Khan, qu’on ne peut soupçonner de racisme, des tags qui le dénoncent dans le chef du grand homme, en attendant peut-être de demander le retrait de toutes ses statues de l’espace public.

Churchill raciste? Oui, il l’a été. Son jugement sur Gandhi, par exemple, qu’il voyait comme un paysan indien en guenilles montre que ce défenseur acharné du British Empire n’avait rien, mais absolument rien compris à la valeur du père de l’indépendance indienne et encore moins de la pertinence de la lutte non armée qu’il avait entamée à cette fin. Lui-même avait participé à des expéditions militaires en Inde au début du XXe siècle, après son expérience de la guerre des Boers dont le but n’était évidemment pas la libération de la population noire.

On peut encore charger la barque de Churchill en rappelant qu’au début des années 1930, il a eu une sympathie marquée pour le régime fasciste de Benito Mussolini, qu’il a par la suite traité à de multiples reprises de  » laquais » d’Adolf Hitler.

On peut donc en conclure qu’il ne défilerait pas aujourd’hui aux côtés de « gauchistes antiracistes » qui bousculent l’ordre établi et on rappellera que sa consommation quotidienne d’alcool défiait les lois de la diététique et de la santé.

Mais l’essentiel de Churchill n’est pas là. Il est dans sa prescience qu’Adolf Hitler, à peine arrivé au pouvoir, allait déclencher le conflit le plus meurtrier de l’Histoire. Il est dans son obstination à refuser tout accommodement avec une Allemagne nazie victorieuse en Europe, malgré des moments de doute évoqués dans le remarquable film « Les heures sombres » diffusé dernièrement en télévision. Il est dans sa volonté de poursuivre la lutte contre le nazisme alors que le Royaume-Uni était seul en lice pendant près d’un an et demi, et qu’à côté de lui, d’autres pensaient non sans lucidité qu’il serait plus raisonnable de sortir du conflit. Il est enfin dans sa conviction après la Seconde guerre mondiale que seule une Europe unie permettra d’éviter la répétition de tels malheurs.

Winston Churchill a puissamment aidé à sauver le monde libre dans lequel nous vivons. Oui, il avait été raciste auparavant; oui, il avait eu des sympathies pour le fascisme, mais il ne s’est pas arrêté là. Celles et ceux qui le vilipendent aujourd’hui pour cette partie de sa vie, en relisant une fois de plus avec les lunettes du présent une Histoire qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils ignorent, seraient peut-être bien inspirés de se dire que si Churchill avait accepté de composer avec Hitler, ils n’auraient pas le loisir aujourd’hui de défiler dans les rues. Sauf peut-être en rangs et au pas de l’oie?

Le moment de relancer le projet européen


Passer le cap des soixante ans, cela se célèbre d’habitude dans la joie, je l’ai expérimenté moi-même. L’Europe, qui commémore ce week-end la signature du traité de Rome, il y a tout juste six décennies, a choisi plutôt de procéder dans la discrétion, et c’est très regrettable. Si les Britanniques ont décidé de prendre la porte de sortie, ils étaient tout de même près de 80000, hier, à défiler à Londres pour redire leur opposition à une décision obtenue, rappelons-le, à l’issue d’une campagne où les partisans du «Brexit» n’ont pas hésité à dire ce qui n’est pas, pour m’exprimer en termes diplomatiques. Les Néerlandais, aux dernières législatives, se sont mobilisés en masse, comme les Autrichiens à leur élection présidentielle, pour faire barrage à l’hurluberlu de Geert Wilders et ses thèses à la fois europhobes et xénophobes. Des thèses que Marine Le Pen utilise également en France, et si cette barjo est apparemment en voie de figurer au deuxième tour du scrutin présidentiel, c’est pour s’y faire battre.

UE 1Bref, contrairement à ce que pourrait croire l’europessimisme ambiant, l’idée européenne est toujours bien ancrée dans la mentalité des peuples européens, soixante ans après le départ de la folle aventure initiée par les Schuman, De Gasperi, Adenauer, Spaak et consorts.

En France, pour revenir à elle, malgré les campagnes négatives non seulement de Marine Le Pen, mais aussi de Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau, ou Jean-Luc Mélenchon, une très large majorité continue à soutenir l’euro, et à ne pas vouloir d’un retour au franc. Ce qui, soit dit au passage, témoigne d’un réalisme économique élémentaire. Faut-il encore que cet euro joue le rôle qu’on est en droit d’attendre d’une monnaie commune: à contre-courant des économistes chantres de la sortie de l’euro, qui rêvent de réutiliser les outils surannés de la dévaluation et de la concurrence fiscale entre pays concurrents, Patrick Artus et Marie-Paule Virard, dans un livre vivifiant, suggèrent une réouverture de la libre circulation du capital, qui permettrait aux épargnants des pays où les montants en dépôt atteignent des sommets historiques d’investir dans les pays en manque de capital. Ou la création d’un «Fonds de stabilisation» autofinancé, susceptible d’intervenir temporairement en faveur d’États-membres en difficultés.

Cette vitalité de l’idée européenne n’autorise  en effet pas les dirigeants européens de l’Union à se contenter de «s’agiter comme des cabris en criant « Europe, Europe, Europe »» comme le disait, dans son style inimitable, un général de Gaulle qui s’était laissé convaincre de parler de cabris plutôt que «d’enfants de choeur qui ont abusé du vin de messe» pour ne pas choquer son électorat catholique. Car très nombreux sont ceux, en Europe, qui veulent l’Union Européenne, mais qui ne veulent pas de «cette Europe-là».

UE 2Les chefs d’États et de gouvernements des Vingt-sept ont d’abord pour tâche de mener à bien les négociations de divorce d’avec le Royaume-Uni, dont la sortie de l’Union, j’en reste convaincu, est plutôt bénéfique pour le projet européen en soi. Mais au-delà, ils doivent surtout redonner consistance au projet européen.

Comment? Les pistes de réflexion ne manquent pas. Idéalement, un fédéralisme plus poussé sans doute, mais, manifestement les esprits ne sont pas mûrs pour une Europe politiquement plus intégrée. Il reste donc à travailler dans les domaines du possible.

La voie des «coopérations renforcées» existe déjà: l’euro, ou l’espace Schengen en sont des exemples. D’autres secteurs peuvent ainsi voir les pays les plus engagés dans le projet européen -et les Six d’origine ont peut-être une responsabilité particulière en la matière- définir de nouveaux champs d’action.

En matière de Défense, par exemple, pour renouer, soit dit au passage, avec un des projets initiaux des pères de l’Europe. Alors que les États-Unis de Donald Trump manifestent leur volonté de se désengager financièrement de l’Otan, le moment est peut-être venu de remettre l’ouvrage sur le métier. Pour créer une armée européenne? Sans aller aussi loin, on peut envisager une intégration plus poussée des armées des différents États-membres, un peu sur le modèle bénéluxien de coopération militaire. Un des avantages de pareille intégration, avec éventuellement des spécialisations nationales -des pays comme l’Autriche, la République tchèque ou l’Australie qui n’ont nul besoin de flotte de guerre pourraient se concentrer sur des tâches spécifiques; des petits pays pourraient investir en commun dans le renforcement de leur capacité aérienne; d’autres s’engager dans la défense cybernétique au profit de tous – serait de limiter les investissements requis par chacun des États-membres. Et de ne pas laisser à la seule France le poids de la sécurité européenne dans certaines régions du monde, en Afrique notamment.

Un des problèmes urgents à gérer ensemble est aussi celui des migrants, dont il reste scandaleux de laisser le poids aux seuls pays méditerranéens, et en particulier à la Grèce et à l’Italie. L’impuissance de l’Union Européenne à faire respecter le programme de répartition a minima qu’elle avait défini est consternant: elle a les moyens de faire respecter ses décisions, par exemple en privant les pays réticents des programmes de solidarité entre États-membres auxquels ils ont actuellement accès.

Le manque de démocratie dont souffre l’Europe devrait être rencontré par une augmentation du poids du Parlement dans la prise de décision, ce qui postule une réduction des pouvoirs de la Commission et du Conseil européen, du moins dans certains domaines spécifiques. L’instauration d’un référendum européen, sur le modèle défini dans le défunt projet de Constitution européenne renforcerait également le caractère démocratique de l’Union.

Les pistes de réflexion ne manquent pas; il est urgent de les agiter. Car c’est de l’avenir des jeunes Européens qu’il est question.  Et ces jeunes Européens, nés avec l’euro, participants aux divers programmes d’échange Erasmus, n’ont que faire des solutions passéistes proposées par les souverainistes et autres europhobes de tous acabits. On se souvient, après le vote en faveur du Brexit, de la colère des jeunes Britanniques, accusant leurs aînés de leur avoir volé l’espoir…

L’Union Européenne a soixante ans, et ce n’est pas pour elle le début d’une retraite anticipée. C’est au contraire l’âge de la maturité. Et l’occasion de se redonner une nouvelle jeunesse!

Winston, reviens: tes successeurs sont devenus fous!


Une carte qui va redevenir actuelle?Sauf très invraisemblable revirement de la Chambre des communes, qui pourrait rappeler le caractère purement consultatif du référendum de jeudi dernier sur le Brexit, le Royaume-Uni va donc s’embarquer pour un voyage en arrière dans le temps proprement surréaliste. Car il ne va pas revenir à un «âge d’or qui n’a jamais existé», comme me le disait un militant travailliste la semaine dernière: par la folie d’un apprenti-sorcier nommé David Cameron, ou d’histrions comme Boris Johnson ou Nigel Farage, nos compatriotes d’Outre-Manche risquent, dans les années à venir, de reculer de quatre siècles . C’est-à-dire de revenir avant le traité d’union du 12 mai 1707, qui a soudé l’Écosse et l’Angleterre.

Le vieux lionWinston Churchill, mort il y a 51 ans en se désolant d’avoir perdu l’Empire britannique, doit se retourner dans sa tombe! Car désormais, c’est de la dissolution du Royaume-Uni qu’il est question: le deuxième référendum sur l’indépendance de l’Écosse est déjà sur rails. En Irlande du Nord, favorable à l’Europe également, le Sinn Fein mène déjà campagne pour l’abolition de la frontière avec la République d’Irlande et donc pour une réunification de fait de l’île. Et même Gibraltar, où 96% des 33000 habitants du Rocher ont voté le maintien dans l’Union Européenne, pourrait, in fine, revenir à l’Espagne, moyennant un accord négocié!

Faut-il «craindre» cette évolution comme le demandait une journaliste de France 2 hier matin? Pourquoi faudrait-il donc éprouver ce sentiment? Comme toutes les constructions humaines, les États ne sont pas éternels. Et comme le répète régulièrement un confrère préretraité, si les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes, ils ont par corollaire le droit de s’indisposer eux-mêmes…

Il n’empêche, le scénario qui s’annonce m’attriste pour les jeunes Britanniques que j’ai rencontrés la semaine dernière, pour compte du journal qui (air connu) m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût. Aucun d’entre eux n’était en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne; et tous voulaient non de l’Europe mitonnée par David Cameron, qui aura en vain joué au défenseur d’une Union qu’il n’avait cessé de vilipender depuis son arrivée au pouvoir: comme nombre de jeunes de leur âge, passés notamment par le programme Erasmus qui leur permet d’étudier à l’étranger, ils rêvaient plutôt d’une Europe plus intégrée. Les sondages d’opinion réalisés avant le scrutin, et à l’entrée des bureaux de vote, l’ont d’ailleurs confirmé: les jeunes plébiscitaient l’Europe; ils se sont vu imposer le Brexit par leurs aînés!

À qui la faute? À David Cameron, d’abord, qui a joué au poker pour sauver un parti conservateur divisé… et qui a perdu. À Boris Johnson et à Nigel Farage, ensuite, les histrions qui ont mené la campagne en faveur du Brexit.
On sNigel Farageavait que le mirliflore qui préside l’UKIP était un grossier personnage: on sait depuis le lendemain du référendum qu’il est aussi un menteur: les 350 millions de livre qu’il avait promis pour la sécurité sociale au Royaume-Uni? Et bien, heu, comment dire, il est vraiment désolé: c’était une erreur de communication de sa campagne.

Ce monsieur pratiquerait-il de la sorte dans le secteur de la vente, il serait poursuivi pour
escroquerie. Mais dans le domaine politique, apparemment, le principe selon lequel les promesses n’engagent que ceux qui y croient semble avoir la vie dure.

Boris JohnsonBoris Johnson, lui, ne rêvait que de se voir calife à la place du calife: entendez supplanter David Cameron au 10 Downing Street. Et il croyait bien avoir course gagnée, vendredi aux aurores. La conduite de Grenoble que lui ont réservée des Londoniens, dès potron-minet, lui a probablement déjà enlevé certaines de ses illusions. Si même il devait parvenir à ses fins, il ne restera sans doute pas longtemps en place: les conservateurs pro-européens ne lui pardonneront pas sa campagne délirante. Et la chute de la livre sterling, combinée aux pertes d’emploi qui s’annoncent au Royaume-Uni achèveront de lui retirer le soutien factice dont il paraît bénéficier aujourd’hui.

Il ne faudrait pas pour la cause éluder la responsabilité des adversaires du Brexit, qui ont mené une campagne des plus mièvres, et n’ont jamais osé opposer la vérité aux énormités proférées par leurs adversaires.

Il en a encore  été ainsi lors du grand débat mis sur pied par la BBC à l’avant-veille du référendum. Quand les partisans du Brexit répétaient leur argumentation xénophobe sur le nécessaire contrôle des frontières, pour juguler l’immigration, pourquoi ne leur a-t-on pas rappelé que le Royaume-Uni, qui ne fait pas partie de l’espace Schengen, contrôle déjà ses frontières? Et que s’il sort de l’Union Européenne, comme il en a l’intention, on voit mal pourquoi la France continuerait à bloquer des candidats à la traversée de la Manche, dans des conditions par ailleurs scandaleuses.

Un des participants à cette soirée-débat a lancé qu’il ne voulait pas des «États-Unis d’Europe» vers laquelle, selon lui, l’Union Européenne se dirige (que n’a-t-il raison?): trop timorés, sans doute, pour lui répliquer, ou, pire, trop ignorants, les adversaires du Brexit ne lui ont pas rappelé le nom du créateur de cette expression:  un certain… Winston Churchill, dans un discours prononcé à l’université de Zurich, le 19 septembre 1946, qu’on peut toujours réécouter à l’envi:

Winston, reviens, tes successeurs sont devenus fous!