De la qualité de l’enseignement, il n’a pas été question!


Ainsi donc, une majorité de rechange s’est formée, en commission du Parlement de la Communauté française de Belgique (désolé, je conserve l’appellation officielle), pour rendre aux étudiant(e)s universitaires la possibilité de reporter, éventuellement jusqu’en fin de Masters, des cours dont ils (elles) n’auraient pas présenté l’examen au cours de leurs années de baccalauréat.

Je ne reviendrai pas sur les accusations politiciennes qui se sont échangées de gauche à droite, si ce n’est pour noter que la fièvre électorale s’est déjà emparée des partis associés, ou plutôt dissociés désormais, dans la majorité politique qui a constitué un gouvernement communautaire français.

Il y a toutefois des affirmations trompeuses qu’il appartient de démentir. Ainsi, quand Ecolo et le PS disent qu’ils n’avaient pas besoin du PTB pour faire passer cette réforme en commission, ils mentent par omission. Car en séance plénière, ils auront effectivement besoin des voix du parti populiste d’extrême-gauche pour faire passer cette réforme. Et qu’on le veuille ou non, ainsi que l’a démontré le journal qui, jadis, m’employait et ne me rémunérait pas assez à mon goût (expression humoristique et éculée), c’est bien le PTB qui avait été le premier à introduire une proposition de réforme du fameux «Décret Paysage», aiguillonné par la Fédération des Étudiants Francophones (FEF), dont les chiffres apocalyptiques sur le nombre d’étudiant(e)s qui risqu(ai)ent de perdre leur financement n’avaient aucune base sérieuse.

Ce qui est frappant, au cours de tout ce débat, c’est que la voix des autorités académiques a été ignorées, et surtout, qu’à aucun moment, le problème de la qualité de l’enseignement ne s’est posé!

À qui doit aller le bonnet d’âne dans cet épisode?

Et là, qu’on le veuille ou non, la situation de l’enseignement francophone est de plus en plus préoccupante, puisque, au fil des années, sa place se dégrade dans les classements internationaux, dont on peut contester les critères, mais qui fixent néanmoins un point de comparaison intéressant.

La réforme que la majorité de rechange au Parlement de la Communauté française se prépare à adopter ne va pas améliorer les choses. D’autant qu’elle succède à une série de mesure, comme l’interdiction du redoublement au niveau primaire, qui contribuent déjà à une forme de nivellement par le bas!

À tout le moins doit-on reconnaître chez le coprésident d’Ecolo, Jean-Marc Nollet, une forme de cohérence: quand il était jadis ministre de l’Enseignement fondamental, il s’était montré partisan acharné de l’interdiction des devoirs à domicile pour les chères petites têtes blondes…

Le résultat de tout cela: il y a plus de deux décennies, déjà, le recteur de l’université de Liège tirait la sonnette d’alarme, en signalant que, même dans les filières scientifiques, des étudiant(e)s ne comprenaient pas le contenu de questions d’examen, pourtant rédigées dans un français très clair.

Jadis, alors que l’obligation scolaire ne portait que jusqu’à 14 ans, l’honneur des institutrices et des instituteurs était de faire sortir du cycle primaire un maximum d’élèves capables de lire, d’écrire sans fautes, et de calculer correctement.

Naguère, des étudiant(e)s universitaires, bénéficiaires de bourses d’étude, ne pouvaient répéter une année qu’une seule fois, au risque de perdre ce soutien financier indispensable pour des familles d’origine modeste, ouvrière et paysanne. La réussite de ces étudiant(e)s a fait le bonheur de nombreux parents, heureux de voir que leurs rejetons auraient ainsi une vie plus aisée que la leur…

Le système précédant le décret paysage permettait aussi à des étudiant(e)s dont le parcours universitaires s’achevait au bout de deux ans, de passer par une haute école, et, à la sortie de ce cursus, d’éventuellement reprendre avec un succès un Master universitaire, fort(e)s de deux années de maturité supplémentaire.

Aujourd’hui, tout semble fait pour écarter toute difficulté du parcours des élèves, des ados et des étudiant(e)s. On craint déjà pour le prochain classement international de nos université!

Le franssai simplifier, je n’ême pa


Or donc, la dernière idée à la mode est de supprimer l’accord du participe passé avec «avoir», au motif que la règle est désuète, ou plutôt, trop compliquée à comprendre. Trop compliquée, vraiment? Il ne me paraît pourtant pas d’une complexité effroyable de se souvenir que le participe passé conjugué avec «avoir» s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct qui le précède. Mieux, la simple application de ce principe unique permet, dans la foulée, de conjuguer sans faute les verbes pronominaux, et d’écrire ainsi correctement «elle s’est dit» ou «elle s’est rendu compte», mais «elle s’est regardée dans le miroir».

Bien sûr, une langue vivante n’est par définition pas figée: les cruciverbistes, en particulier, s’en rendent bien compte, qui se voient proposer des mots disparus depuis longtemps de notre vocabulaire: céans, oncques, etc.

Cette évolution ne se limite pas à la suppression ou à l’apparition de mots; elle passe aussi par des réformes périodiques de la grammaire. Faut-il encore que ces réformes ne portent pas atteinte au génie de la langue: «les oiseaux que j’ai vus manger» ne subissent pas le sort funeste des «oiseaux que j’ai vu manger».  Que la réforme évoquée ces derniers jours voie le jour, et le français perdra une part de sa finesse. Or on sait qu’avec l’apprentissage d’une langue, vient l’apprentissage d’un mode de pensée.

Et puis quoi? Parce qu’une règle semble trop difficile à apprendre, il faudrait la supprimer? Mutatis mutandis, on pourrait donc décider que, puisque le trafic automobile génère des accidents, il suffit d’imposer le… 0 kilomètre à l’heure pour réduire une fois pour toutes à néant le nombre de tués sur nos routes. D’autant que, dans la foulée, on voit mal pourquoi il faudrait conserver la distinction entre l’infinitif et le participe passé: pourquoi devrait-on plus avant distinguer «chanté» de «chanter». Pourquoi demain ne pas célébrer le «chanteur qui a bien chanter» pour «boire à sa santé (ou sa santer»? Et dans la foulée, pourquoi ne pas faire un sort à ces conjugaisons compliquées des auxiliaires «être» et «avoir»? Pour se coller encore plus sur l’anglais, on pourrait se contenter de deux formes des deux auxiliaires pour toutes les personnes. Voire faire mieux encore que les anglophones, et n’en conserver qu’une seule? «J’être», «tu être», «il ou elle être», «nous être», «vous être» et «ils être» par exemple? Encore quelques évolutions de ce style, est on en reviendra au b.a-ba, la langue des «barbares» comme disaient les Grecs antiques, pour se gausser…

L’illogisme d’un défenseur de la logique

J’apporte un petit complément à ce texte, à la suite de l’appui total à la suppression de l’accord du participe passé employé avec «avoir»  apporté ce week-end par le linguiste Jean-Marie Klinkenberg, président du Conseil de la langue française et de la politique linguistique, dans le journal qui, air connu, m’emploie et ne me rémunère pas assez à mon goût. Parce que «à l’oral, plus personne ne fait cet accord, et à l’écrit, on constate que cela se fait aussi de moins en moins» affirme, péremptoirement, ce brillant linguiste. Ah bon ? Le postulat ainsi démontré peut nous entraîner fort loin: si le vol à la tire se multiplie, deviendra-t-il légal pour la cause?

«Nous avons un enseignement fondé sur le dressage, poursuit-il. On pourrait l »axer davantage sur la réflexion et dégager du temps pour mieux comprendre la grammaire et l’étymologie. Quand un carrefour est dangereux, on y fait des aménagements. On ne dit pas aux gens : « Entraînez-vous à passer en faisant des sauts périlleux! »»

Passons sur l’ironie: quand un carrefour est dangereux, on y installe aussi des panneaux de signalisation pour y rappeler les règles élémentaires du code de la route qui y prévalent; on y place parfois des caméras pour repérer les contrevenants, et des policiers s’y postent aussi pour verbaliser.

Revenons au sujet. L’enseignement de Jean-Marie Klinkenberg, j’en suis sûr, n’a pas été fondé sur le «dressage». Et il a parfaitement raison de plaider une meilleure compréhension de la grammaire: c’est la façon la plus simple de faire comprendre cette règle simple qui est l’accord du participe passé employé avec «avoir». «Erreur d’un moine copiste du Moyen Age?», comme l’affirment les détracteurs de la règle. Argument ô combien spécieux: si cette erreur, à supposer qu’elle soit à l’origine de cet accord, n’avait pas correspondu à une logique, elle n’aurait pas traversé le temps. Et quand Jean-Marie Klinkenberg plaide la logique, qu’il m’explique donc comme je devrai interpréter la phrase « les oiseaux que j’ai vu manger», si l’accord du participe passé employé avec «avoir» avec le complément d’objet direct qui le précède disparaît: les oiseaux dont il me parlera mangeaient-ils… ou étaient-ils mangés? La nuance apportée par l’accord du participe passé est d’importance, on en conviendra. Encore plus  si on évoque les «manifestants que j’ai vu matraquer».

Autre exemple, bien plus significatif encore, cité sur Facebook par mon confrère et ami Luc Brunclair, chroniqueur (je n’utilise pas la qualification ironique qu’il se donne lui-même) judiciaire verviétois plein d’expérience, «la mort de cet homme que j’ai tant désirée» n’a pas du tout la même signification que «la mort de cet homme que j’ai tant désiré». Une démonstration limpide de la logique, chère à Jean-Marie Klinkenberg, qui soutient la règle de l’accord du participe passé utilisé avec avoir. Qu’on supprime cet accord, et il sera impossible de distinguer une proposition de l’autre. Sauf à… réinventer une règle?

Apprendre en s’amusant

Grammapire impertinenteOui, l’enseignement ne doit pas être un dressage. Oui, l’apprentissage de la grammaire peut être amusant. Pas convaincu(e)s? Je vous renvoie à la  «La grammaire impertinente» de ce cher Jean-Louis Fournier un ouvrage à la fois hilarant et sérieux, qui aide à retenir les règles les plus biscornues de notre langue. Une fois que vous en aurez terminé, il vous restera à parcourir «L’arithmétique impertinente», et dans la foulée, vous deviendrez un redoutable calculateur, ou une redoutable calculeuse, pardon, calculatrice.

Une fois que vous tiendrez ces ouvrages en mains, vous ne pourrez plus les laisser tomber. Et vous le verrez, même des exercices de grammaire deviennent très amusants. Le défi est bien plus passionnant que de supprimer des règles, au motif qu’elles sont difficiles à apprendre!

Et s’il reste malgré tout des rétifs, peut-être peuvent-ils espérer retrouver des enseignantes de grande qualité, prêtes à payer de leur personne, comme par le passé!

Interdiction de parler sa langue à l’école: les Wallons ont connu cela!


La presse flamande s’est faite l’écho, aujourd’hui, d’une étude universitaire menée au niveau de l’enseignement néerlandophone, où, a-t-on appris, les écoliers d’origine turque ou marocaine sont punis, s’ils parlent leur langue quand ils sont en récréation. Et certaines associations de s’en émouvoir, pour évoquer le spectre du racisme.

Première observation: pareille interdiction doit être faite, ou  a été faite, aux jeunes francophones fréquentant l’enseignement en langue néerlandaise à Bruxelles. Sans nécessairement susciter pareilles objections, côté flamand. Mais en provoquant sans doute de plus vives protestations, côté francophone.

ProvinciaWalloniaeDans la mémoire wallonne, la mesure devrait trouver un écho. Car, si cette époque s’éloigne dans le passé, il fut  un temps où les jeunes élèves, qui parlaient wallon dans leur famille, se voyaient interdire eux aussi de s’exprimer dans leur langue en cour de récréation. Moyennant punition également.

L’idée, derrière cette chasse au wallon, était d’élever globalement le niveau des élèves, en leur faisant pratiquer une langue de culture universelle, qui, pour être cousine du wallon, n’était pourtant pas la leur, à l’origine. Le résultat, quelques décennies plus tard, est que la pratique du wallon s’est largement réduite en Wallonie. Mais il n’en a pas disparu pour autant.

Dans le cas des jeunes élèves «allochtones» de Flandre (pardon Mme Milquet!), le propos est sans doute légèrement différent: il s’agit de les intégrer plus rapidement à la société dont ils font partie. Accessoirement, peut-être, l’interdiction vise-t-elle à les empêcher de s’en prendre à leurs enseignants dans une langue que ceux-ci ne pratiquent pas. Alors, parler de racisme, dans pareil contexte, c’est peut-être taper à côté de la cible. En plein.