Inondations catastrophiques dans la vallée de la Vesdre: revoir le passé pour baliser l’avenir


Alors que les vallées de la Vesdre, de la Hoegne ou de l’Ourthe portent encore, pour un temps encore assez long, les stigmates des inondations catastrophiques de la mi-juillet, une enquête judiciaire vise à désigner des responsabilités humaines dans ce désastre, et une commission d’enquête parlementaire est réclamée pour analyser les failles éventuelles du système d’alerte, de la gestion des barrages, et de l’orgàisation des secours.

Souvent, le barrage d’Eupen est pointé du doigt, pour n’avoir pas suffisamment délesté avant le début des pluies diluviennes qui ont fait rage sur l’ensemble du bassin, quand bien même pareil délestage préalable aurait sans doute déjà gonflé le flot. Il appartiendra aux analystes de s’exprimer à ce propos.

Inondations périodiques

Mais face à pareille catastrophe, il est aussi utile de se repencher sur le passé, notamment pour voir si le déchaînement des éléments que nous avons connus le mois dernier était inédit, et si les barrages, à partir du moment où ils ont été construits, ont été utilisés à bon escient pour réduire l’impact des inondations.

C’est ce qu’a fait l’excellent historien Paul Delforge, sur le site de l’institut Jules Destrée, et cr texte (http://www.institut-destree.eu/wa_files/2021-08-10_paul-delforge_barrage-vesdre.pdf?fbclid=IwAR3y2vDMwWjKX2gZ_27FhJIVKLTwcNMubVoBJytCLU0vlz9eD1fAYlLvolw) mérite à coup sûr l’examen.

On y apprend, notamment, que les inondations de la vallée de la Vesdre, pour n’être peut-être pas aussi dévastatrices que celles de cet été, ne sont absolument pas exceptionnelles.

« De la vaste documentation qu’il a rassemblée sur les périodes les plus anciennes, Remacle J. Detrooz remarquait déjà en 1856 combien les crues avaient été nombreuses dans l’Histoire, celle du 15 janvier 1643 ayant particulièrement marqué les esprits » écrit notamment Paul Delforge.

« Le 10 août 1498, précise-t-il, le pont en bois de Hodimont fut entraîné par les eaux. Il fut alors remplacé par un pont en pierre (pont des Récollets). Le 2 juillet 1723, la Vesdre qui s’est gonflée d’un coup fond avec tant de violence sur la digue du moulin qu’elle parvient à l’entraîner. La manufacture de la laine cesse toute activité faute d’eau dans le canal ; la même catastrophe se reproduit deux ans plus tard, rapporte un autre chroniqueur. Les 11, 12, 13 décembre 1740, des crues extraordinaires font déborder les rivières. Il y a plusieurs morts. Au début du XIXe siècle, la Vesdre se déchaîne encore à plusieurs reprises, par exemple en 1826, provoquant de forts dégâts sur la route de la Vesdre en construction. Le souvenir des débordements de 1803 (montée des eaux de trois mètres en une demi-heure à Dolhain) reste vivace quand se succèdent trois inondations majeures (montée du niveau d’un mètre et demi en quatre à cinq heures) le 2 mars 1843, le 15 août 1844 et surtout le 31 janvier 1850 », poursuit l’historien. La rapidité de la montée du flot en 1803 notamment n’est pas sans évoquer les événements récents.

Un but précis de régulation!

Surtout, rappelle Paul Delforge, les barrages, et plus particulièrement celui de la Gileppe (photo), n’ont pas été construits dans un souci de maîtrise des inondations , ni non plus de distribution d’eau potable, qui est aujourd’hui leur fonction essentielle, mais dans un souci de régulation du débit, afin d’assurer en été un niveau d’eau suffisant à la florissante industrie lainière verviétoise, établie le long de la Vesdre.

Plus tard, en l’une ou l’autre occasion, il a ensuite été constaté que le stockage de millions de mètres cubes permettait d’éviter ou d’atténuer l’impact d’inondations, mais ce n’était nullement le but premier des ouvrages d’art, insiste l’historien.

Autre élément à noter: des écologistes avant l’heure ont incriminé, au XIXeme siècle, l’assèchement des marais de l’Hertogenwald, qui ne jouaient plus ainsi leur rôle « d’éponge naturelle » et un procès sera même intenté à l’État belge par une commune de la vallée, après une inondation. En vain d’ailleurs…

Paul Delforge rappelle aussi qu’un système de pompage a permis de maîtriser les crues de la Meuse, après l’inondation historique de 1926, dont des bâtiments du centre de la Cité Ardente portent encore la trace. Rien de tel n’a été prévu pour la vallée de la Vesdre, et dans celle de l’Ourthe, comme nous l’avons noté, le projet de barrages écrêteurs n’a jamais été concrétisé. Trop cher estimait-on à l’époque. Le coût des indemnisations à assumer aujourd’hui forcera peut-être à revoir certaines positions…